La journée a été longue. Jill a passé un long moment dans son lit à écouter les bébés babiller dans leur chambre. Elle les entend mais elle ne bouge pas, elle préfère rester dans son lit. Bailey fait toujours tout mieux qu’elle, et elle essaie de moins en moins. Elle ne comprend pas les pleurs ni les regards. Elle les prend de temps en temps dans ses bras, quand Bailey n’est pas capable de s’occuper des deux en même temps. Mais elle n’arrive toujours pas à les apprivoiser. Elle a l’impression de les faire pleurer tout le temps. Alors elle préfère rester en retrait, elle sort dès qu’elle le peut. Elle a recommencé à fréquenter les bars avec Pete ou Scarlett. Il lui arrive de faire comme si toute cette nouvelle vie n’existait pas, comme si elle n’avait pas besoin de changer sa façon d’être et sa façon de vivre. Elle devrait tout changer, elle devrait elle-même avoir changé. Et pourtant, elle a l’impression de revenir à quand elle n’était pas encore enceinte, pas encore mariée, un retour en arrière terrifiant.

Elle rentre après avoir reçu un texto étrange de Bailey. Elle lui dit quand elle part, c’est tout ce qu’il a demandé, un texto. Mais en échange elle revient quand il le lui demande même si c’est pour repartir quelques heures plus tard. Elle rentre et dépose ses affaires dans l’entrée avant de le chercher dans la cuisine et dehors sans faire trop de bruit. Les petits ne pleurent pas donc elle en déduit qu’ils doivent dormi, et elle n’a vraiment pas envie de les réveiller. Elle monte calmement les escaliers et elle se retrouve dans la chambre des jumeaux qui ne sont pas dans leur berceau. Ils ne sont pas dans le lit avec Bailey non plus et elle fronce les sourcils, où est ce qu’ils peuvent bien être ?

La règle est devenue tacite entre nous. Contrat éphémère qui nous donne le faux semblant de pleinement gérer la situation. Un message lorsqu’elle ressent le besoin de partir, de s’éloigner. Un autre pour lui demander de rentrer. Jamais forcé, toujours, lorsque je me retrouve à court de solution, lorsque la fatigue est trop intense et que j’ai besoin de son soutien. En rien, cela n’est pas parfait, je refuse tout simplement de l’admettre. Pourquoi devrions nous faire tel monsieur et madame tout le monde. Cela n’a jamais été le leitmotiv de notre couple. Il faut croire que l’on tente, désespérément, de créer notre propre modèle familial. Ce n’est en rien idéal, mais jamais mon esprit ne prend pleinement conscience que je ne fais que me voiler la face. Elle a besoin de temps ma femme, je lui donnerais l’année si cela est nécessaire, plus encore tant que la dynamique reste, tant qu’un nous persiste au milieu de l’enfer.

C’est exactement ce que je voudrais mettre en avant lorsque je lui envoie un message pour lui demander de me rejoindre à la maison. En aucun cas, je n’ai pas eu besoin de négocier longtemps lorsque j’ai demandé aux parrains et marraines s’ils pouvaient garder les jumeaux pour la soirée, voir même la nuit. Ils se sont chacun presque battu pour l’honneur. À force d’argument en tout genre, c’est Matt qui a fini par l’emporter. Heureux comme un prince, il est venu les chercher un peu plus tôt en compagnie de Lily. Ils sont repartis avec deux bébés et une liste énorme de recommandation avec la promesse de m’envoyer un message toutes les heures, sans faute, pour me rassurer. Ce soir, les enfants sont loin. Ce soir, je m’occupe de ma femme.

J’ai fait une sieste, ce qui ne m’était pas arriver depuis des semaines. J’ai préparé un bon repas et non pas un truc déjà tout fait et dégueulasse. J’ai pris une longue douche, je me suis rasé. J’enfile la chemise que Jill préfère et ferme lentement les boutons lorsque j’entends des bruits de pas à l’étage. La brunette est en train de nous chercher de partout et cela me fait sourire, malgré tout. « Hey… » J’ose à peine l’approcher, me contente de quelques pas pour fermer la distance. Mon regard la remercie d’être rentrée lorsque mes lèvres s’étirent dans un sourire. « Pas d’enfants ce soir. C’est juste toi et moi. » Un souffle retenu. « Si tu veux bien ? » Elle aura toujours le choix, qu’importent mes attentes.

Elle a le réflexe de chercher toute la petite troupe dans la maison. Les bébés ne sont pas là et tout est très calme. C’est bizarre. C’est qu’elle s’inquiéterait presque la jeune femme. S’il est parti avec les jumeaux pourquoi est ce qu’il aurait envoyé un message à Jill ? Elle se pose des questions mais elle tombe sur Bailey qui est debout dans leur chambre. Elle fronce les sourcils. Il a l’air reposé, rasé et il s’est habillé. “Qu’est ce qu’il se passe ?” Il s’en va ? Peut-être qu’il sort et qu’il lui a demandé de revenir à la maison pour garder les deux petits. Il le sait qu’elle n’est pas capable de les gérer toute seule tous les deux. Elle n’est même pas capable d’en gérer un seul. Elle panique et regarde tout autour d’elle avant que Bailey ne se rapproche d’elle. Elle ne bouge pas et l’observe une seconde. Attendant qu’il s’explique enfin sur ce qu’il se passe dans cette maison.

Pas d’enfants ce soir, et Jill sourit. Une soirée comme avant, comme quand ils n’étaient que eux deux contre le reste du monde. Elle souffle, tout va bien se passer ce soir. Elle se rapproche de Bailey qui garde la distance de sécurité qu’elle impose depuis quelques semaines déjà. Elle va d’elle même poser un baiser sur ses lèvres. Elle va essayer ce soir, elle va faire des efforts. Tout n’est pas perdu pas vrai ? Tout n’est pas complètement brisé. “Je dois mettre quelque chose de spécial ?” Un sourire en coin étire ses lèvres et elle s’assoit sur le lit. Elle ne sait pas ce qu’il a prévu mais elle compte bien suivre. Ils ont une soirée tranquille, sans biberons et sans pleurs, alors elle compte bien en profiter au maximum. “Ils sont pas là jusqu’à quand ? T’as prévu quoi ?” Des tas de questions qui se bousculent un peu trop vite.

Elle semble plus surprise que jamais, Jill, lorsqu’elle me trouve enfin dans notre chambre. Je vois dans son regard qu’elle cherche encore les enfants. Cela apparaît tel un véritable soulagement, qu’importe les raisons. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » Elle questionne et je ne peux m’empêcher de sourire. La sensation renouvelée de pouvoir passer un vrai moment en sa compagnie. Les jumeaux n’ont que quelques semaines de vie et pourtant j’ai l’impression que notre dernier moment en tête à tête remonte à des années. Il est peut-être là le problème dans tout cela et ce soir nous allons tenter d’y remédier. « Ils sont chez Matt et Lily. » que je lui annonce, tout de même, pour la rassurer. J’en reste persuadé, qu’au fond malgré la douleur, elle s’en préoccupe. Je veux encore y croire plus que tout.

Et c’est moi qu’elle surprend lorsqu’elle se rapproche a pas feutré. Sourire grandissant, mon cœur semble avoir quelques ratés lorsque ses lèvres retrouve les miennes. Première fois depuis ce qui semble être une éternité. J’aimerais la retenir, mais la laisser s’éloigner à nouveau. Un pas après l’autre, sans se presser. C’est ce dont on a besoin. « Je dois mettre quelque chose de spécial ? » Un haussement d’épaule alors que mon regard se perd sur sa silhouette. « Non, c’est comme tu veux. » Les signes de la grossesse sont encore présents sur son corps. Tout ce que je souhaite, c’est qu’elle soit à l’aise, en accord avec elle-même. Je me fiche bien si elle porte une robe, un jean ou même un bas de jogging. Tant que ma femme accepte de passer la soirée en ma compagnie.

« Ils sont pas là jusqu’à quand ? T’as prévu quoi ? » Son empressement me fait sourire. Je me cache derrière l’idée que ce soit la perspective d’un moment à deux qu’il la fasse autant sourire et non le fait que nos enfants soient loin de nous. « Matt a proposé de les garder cette nuit. » que j’annonce « Je lui ai dit de m’appeler s’ils s’en sortaient pas. » que j’ajoute bien plus timidement. Je connais les jumeaux quand ils s’y mettent cela peut parfois durer des heures, ce n’est pas à Matt et Lily de s’arracher les cheveux pour nos bébés. « Mais ça va bien se passer. » Etonnamment, j’ai confiance en ma belle-sœur par alliance. Je suis persuadé que l’on aura juste a aller les récupérer demain matin. « Et j’ai rien prévu de très spécial. » Je n’ai pas vraiment eu le temps pour cela. « J’ai pas vraiment envie d’aller dans un restaurant ou quoi. Je veux juste que ce soit toi et moi. » En aucun cas, je ne souhaite la partager alors que notre temps à deux est déjà si précieux. « Le dîner est prêt, on peut manger ici ou à la plage. » Le temps est bon ce soir et l’air a peine trop frais. On pourrait en profiter pour aller voir l’Océan, juste un peu. « Ou manger d’abord puis aller se balader après. » que j’énonce en souriant à nouveau. « Ce qui te fera plaisir. »

Elle ne s'attendait pas à ce que Bailey puisse prévoir quelque chose comme ça. Il est tellement obnubilé par les bébés qu’elle avait à peine l’impression d’exister. Il les couve trop, elle n’est pas assez présente, et le fossé se creuse petit à petit entre Bailey et Jill. Ils ont peut-être besoin de ça pour se retrouver, pour sauver ce qu’il existe de ce couple qu’ils ont commencé à former officiellement il n’y a que quelques mois finalement. “Tu les as laissé partir comme ça ?” Elle fronce les sourcils avec un sourire en coin. Il a envie qu’ils se retrouvent tous les deux, et elle va faire des efforts ce soir. Elle va faire comme si tout allait mieux, parce qu’ils méritent leur chance. Elle n’a pas le droit de tout gâcher aussi rapidement.

Elle se lève pour regarder dans ses placards. “T’aurais jamais dû dire ça.” Parce qu’elle pourrait passer des heures à chercher une tenue idéale. Elle ne peut plus mettre tous ses vêtements, elle a encore une partie de son ventre de grossesse et ça la complexe. Elle fouille, soupire en regardant quelques robes qu’elle adorait mettre. Il faut qu’elle récupère son corps d’avant, et elle va essayer de faire tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre ses objectifs. “Je sais pas quoi mettre.” Elle a beaucoup perdu de confiance en elle depuis quelques mois, elle essaie de le cacher mais c’est dans ce genre de moments que ça se voit bien plus que ce qu’elle ne veut bien le croire. Elle pose plusieurs questions à la suite et elle regarde Bailey qui commence à sourire.

“Il va s’en sortir.” Ils ont besoin de cette soirée et de profiter comme s’il n’y avait jamais eu d’enfant. Il a fait à manger, et elle se demande comment il peut faire autant de choses en une seule journée. “Je m’habille et on choisit !” Elle va vraiment essayer de trouver quelque chose dans son placard pour ne pas se balader en jogging pour leur rendez-vous. Elle sourit Jill, un vrai sourire qui n’avait pas fait son apparition depuis un long moment.
 

« Tu les as laissé partir comme ça ? » Elle semble plaisanter, mais je ne sais plus réellement comment prendre sa remarque. Depuis notre retour de la maternité, je suis constamment auprès des jumeaux. Elle me voit comme un papa poule, Jill. Probablement qu’elle me le reproche aussi. Ce n’est pas le genre de conversation que l’on a envie d’engager depuis leur naissance. Elle est si souvent absente que je me dois de palier au manque. Je ne vis que pour eux et elle est peut-être là mon erreur à ses yeux. « J’ai demandé à Matt de m’envoyer un message toutes les heures. » que j’avoue sans réellement croiser son regard. Si une chose n’a pas réellement changé entre nous, c’est que l’on ne cherche pas à mentir à l’autre. Je m’inquiète pour mes enfants, j’ai dû mal à les laisser. Son frère a dû user de tout un stratagème pour que j’accepte que les jumeaux passent la nuit chez lui alors qu’à la base, je demandais juste un babysitting de quelques heures. J’aurais aimé qu’elle s’inquiète autant que moi, que l’on en plaisante tous les deux en se traitant de parents gâteaux. Il n’en est rien. Le cœur serré, je préfère me concentrer sur l’instant présent. Jill est là, son sourire est de retour avec elle. C’est tout ce qui compte.

Déjà, elle fouille dans notre armoire pour se trouver une tenue. Elle n’a pas encore la possibilité de remettre ses vêtements d’avant. Son corps à changer, et même si elle ne me laisse plus rien voir, j’aimerais lui prouver qu’à mes yeux, elle est toujours aussi magnifique. Je me fiche que l’on voit encore son ventre légèrement arrondi, qu’elle est des cernes sous les yeux et quelques kilos en trop. Elle vient de donner la vie, c’est normal que cela prenne du temps. « Je sais pas quoi mettre. » Et elle continue à fouiller. Si je la laisse faire dans cinq minutes, elle aura retourné toute la chambre. Et quand elle se tourne vers moi, son plus beau sourire aux lèvres, je laisse tomber la distance. Je ne devrais pas calculer mes moindres faits et gestes à ses côtés. On a besoin de se rapprocher. Un baiser sur sa joue alors que je me glisse dans son dos. « Attends… » Je cherche un peu avec elle, puis finis par trouver quelque chose. La robe blanche qu’elle portait sur cette plage à Bali. Elle est un peu cintrée à la poitrine, mais assez ample par la suite. « Celle-ci ? » que je propose un peu timidement. « Et je te prête mon gilet. » Celui en laine qu’elle me pique tout le temps. Ce serait parfait.

Bailey est un vrai papa poule. Et c’est certainement en partie de la faute de Jill. Si elle était plus présente avec eux, il ne se sentirait pas obligé de tout gérer tout seul et de les surprotéger. Elle hoche la tête, ils auront donc un message toutes les heures mais elle le laissera gérer ça. Comme tout, comme toujours. Elle se tourne et regarde sa penderie. Elle ne sait pas quoi mettre avec ce ventre qui dépasse. Alors elle demande conseil à Bailey. Ils ont dit qu’ils arrêteraient de parler des enfants, pas ce soir. Elle a besoin de faire comme s’ils n’existaient pas le temps d’une seule et unique soirée.

Il se glisse derrière elle et elle se laisse faire ce soir. Elle ne frissonne pas, elle ne s’éloigne pas non plus et elle regarde où vont ses mains et ce qu’il peut bien sélectionner. Il sort la robe blanche qu’elle avait mise pour son anniversaire et lui propose de mettre son gilet. Elle sourit et hoche la tête, une bonne chose de faite. Ils vont enfin pouvoir profiter de cette longue soirée en amoureux. Elle attrape la robe et une paire de talons avant de filer vers la salle de bain. Elle ne s’est plus changé devant lui depuis des semaines. Beaucoup de choses ont changé chez Jill depuis quelque temps.

Quelques minutes plus tard elle ressort habillée et coiffée. Elle descend et rejoint Bailey dans la cuisine. “Je meurs de faim.” Ca aussi ça a changé depuis qu’elle a accouché, son appétit fluctue, et elle a du mal à reprendre de bonnes habitudes. Les chips lui donnent la nausée et elle mange beaucoup moins de glaces. Elle s’assoit en mettant le gilet que Bailey lui a donné et elle attend qu’il lui dise où partir. “Alors ? Maison ou plage ?”

Je lui ai promis que ce soir, on n’évoquerait pas les enfants. Cela n’empêche que j’aie demandé à Matt de me donner des nouvelles régulièrement. C’est bel et bien la première fois que je laisse les enfants sur une durée aussi longue. C’est déjà arriver un ou deux fois, mais à chaque fois Jill était présente avec un autre membre de la famille. Cette fois, nous sommes rien que tous les deux et les jumeaux se retrouvent sans leurs parents. J’ai simplement besoin de savoir que tout se déroule bien. J’angoisse déjà assez à l’idée que mes enfants se sentent abandonner. Mais j’ai promis et je veux réellement passer un bon moment avec ma femme. Alors, je me contenterai de surveiller mon portable de temps en temps. Qui sait, je finirais peut-être par l’oublier dans un coin et me prêter totalement au jeu.

On semble être sur la même longueur d’onde, lorsqu’elle retourne le placard pour tenter de trouver une tenue qui lui plaise. Elle semble vouloir s’apprêter, vouloir me séduire en quelque sorte. Alors, je l’aide, tente de lui montrer ce qui me plairait le plus. Mon cœur se serre lorsqu’elle file se changer dans la salle de bain. Auparavant, elle n’aurait pas hésité une seconde avant d’enlever son tee-shirt sous mes yeux. Elle aurait même joué de la situation, avec un regard et son sourire qui m’aurait laissé sous-entendre que l’on n’avait pas le temps de se perdre dans les draps. Ce n’est en aucun cas ce que je cherche ce soir, mais sa fuite est bien le synonyme d’un certain malaise. On passera au-dessus de cela, j’en suis certain.

Sa robe lui va à merveille et le sourire qu’il l’accompagne me rassure pleinement pour le reste de la soirée. Tout va bien se passer. J’en suis tellement persuadé alors qu’elle enfile mon gilet et que mon regard se perds sur son visage. « Tu es magnifique. » que je murmure doucement. Le compliment est tout ce qu’il y a de plus sincère, j’espère qu’elle l’entendra ainsi. « Alors ? Maison ou plage ? » « J’ai eu une idée pendant que tu te préparais. » Et j’attrape sa main pour l’entraîner dans le salon. « Prends tous les coussins et les plaids que tu peux. » On en possède un nombre exubérant tant, Ginny est venu s’étaler avec sa passion par chez nous. Coussins de toute forme et de toutes couleurs. Plaids épais, bariolés et moelleux. La benjamine McGrath avait rapporté tout son matériel lorsque Jill, c’est retrouver aliter. Ce soir, on embarque tout cela au fond du jardin. Là où le terrain est plat. Là où on entend les vagues au loin. On dispose, on arrange. Je vais chercher quelques bougies, une lampe. Et finalement, le repas simple que j’avais préparé. « On est bien là. » Au calme, sans le bruit des enfants, sans l’image de leur biberon qui s’aligne sur le comptoir de la cuisine. Je m’affale au milieu des coussins, observe le ciel aux couleurs changeantes du coucher de soleil. « On pourra observer les étoiles. » C’est un bon endroit pour cela. « Et tu feras semblant de me croire quand je te raconterais tout un tas de légende sur les constellations ? » que je demande en riant légèrement.

Elle s’assoit quelques secondes pour le regarder se mouvoir dans la cuisine. Elle se fiche de ce qu’ils vont bien pouvoir manger et où, elle a juste envie de profiter de Bailey et de ce moment qu’ils vont partager tous les deux. Quand les enfants ne sont pas là, elle a l’impression de pouvoir profiter de lui comme avant. Comme s’il n’y avait plus ce fossé qui les sépare depuis quelques semaines déjà. Elle souffle, elle oublie tout et elle fronce les sourcils quand il donne son idée pour la soirée. La main de Bailey glisse sur la joue de Jill quand il lui dit qu’elle est magnifique. “J’ai même pas eu le temps de me maquiller.” Elle pouffe de rire avant de se lever pour le suivre. Elle n’a plus l’impression d’être aussi désirable qu’avant, même si Bailey fait tout pour lui montrer à quel point il continue de l’aimer malgré tout ce qu’elle peut bien leur faire subir.

Elle attrape le plus de coussins et de plaids possibles. Elle va en haut pour en récupérer à côté du lit, récupère ceux qui traînent sur le canapé. Elle est chargée et elle se dirige vers le jardin, exactement là où Bailey lui a dit de se rendre. Le soleil se couche et elle s’étale au milieu des coussins, juste à côté de Bailey. Elle regarde le plateau repas avant de lever les yeux vers le ciel pour observer le changement des couleurs. “Tu vas me sortir toutes les légendes les plus improbables et tu sais très bien que je vais me moquer.” Oh que oui elle va se moquer et essayer de trouver des choses à rajouter encore plus farfelues. C’est comme ça qu’elle aime leurs moments, comme ça qu’elle l’aime lui. Elle ne réfléchit pas plus, elle ne veut pas se poser des questions pour l’instant. “Tu prévois ça depuis quand ?” Parce que, cette soirée, elle ne l’avait pas vu venir.

« J’ai même pas eu le temps de me maquiller. » Il est vrai qu’on aperçoit encore ses cernes, malgré son sourire. Les miennes doivent être horribles. Mais c’est normal, non ? Deux jeunes parents avec des jumeaux, le sommeil est devenu un luxe. « Tu en a pas besoin. » que j’affirme même si elle ne me croit probablement pas. Elle impose la distance malgré tout, même si elle ne recule pas lorsque je viens toucher sa joue. C’est un début comme un autre. On se réapprivoise petit à petit, c’est tout le projet de cette soirée. Rien d’autre.

***

Tel des enfants, on s’est construit un campement de fortune au fond du jardin. Depuis qu’elle a emménagé dans la maison, on n’a jamais pris le temps de faire un truc comme cela. On se faisait des dîner dans la cuisine, mais jamais quelque chose d’un peu plus fou. Devenir parents ne devrait pas retirer le fun. C’est sans prise de tête que l’on a jeter tous nos plaids et coussins dans l’herbe. On s’installe l’un à côté de l’autre. Ni trop loin, ni trop près. Juste ce qu’il faut pour moi de tendre le bras, pour que mes doigts viennent frôler les siens. Je voudrais que le temps s’arrête, que l’on prenne le temps de respirer, tous les deux. « Tu vas me sortir toutes les légendes les plus improbables et tu sais très bien que je vais me moquer. » Je fronce le nez en riant. Tourne la tête de son côté pour croiser son regard moqueur. « Tout pour te séduire. » que je plaisante alors que je laisse ma tête retomber entre les coussins. « Et je te ferais dire que je connais pleiiiins d’histoire trop cool sur les étoiles. » C’est des choses que je voudrais transmettre à mes enfants. Tout ce que mon père n’a jamais fait avec moi. Je liste ce genre de chose depuis le jour de leur naissance. Le carnet que leur maman m’a offert est déjà empli sur plusieurs pages.

« Tu prévois ça depuis quand ? » En rien, cela n’était prévu depuis des semaines. « Hier matin. » que je lui avoue en fuyant son regard. On s'est toujours promis la vérité. « Quand je me suis levé et que tu étais pas là. » Le silence s’allonge alors que je cherche le contact de sa main sans lâcher le ciel du regard. « On en avait besoin Jill. »

Ils sont dans une bulle entourée de coussins et de plaids. Comme sur un nuage loin de tout. Ils ne peuvent pas rester là pour toujours ? Elle glisse sa tête non loin de son épaule “T’as prévu toute une liste de ce que tu dois faire pour me séduire ce soir ?” Elle retrouve un air espiègle, un ton joueur. Tout ce qu’elle avait déjà perdu depuis quelques semaines. Est ce que c’est Bailey ? La soirée ? L’absence des bébés ? Peut-être le mélange de tous ces évènements. Elle ne sait pas mais elle se sent un peu plus légère. Elle soupire d’aise, un poid qui s’enlève de ses épaules le temps d’une seule soirée. “J’espère qu’elles seront cool sinon je vais finir par m’endormir entre les coussins.” Et ce n’est pas le but. Elle veut rester entre les coussins, pour la nuit sans s’endormir même s’ils ont besoin de sommeil tous les deux. C’est leur soirée, leur nuit, et elle ne veut pas que ça se termine. Elle ne peut pas s’empêcher de se dire que ce sera la dernière, qu’après tout leur quotidien reviendra la hanter.

Elle lui demande quand est ce qu’il a prévu ça. Et elle s’en veut de lui faire subir tout ça. Il ne mérite pas cette vie, il ne mérite rien de tout ça. Elle aurait dû partir et ne plus revenir, il aurait fini par la détester mais par s’en remettre. Ils auraient tous fini par s’en remettre. Ils en avaient besoin, elle ne peut pas le nier. “Je suis désolée…” Ce n’est pas la première fois qu’elle s’excuse dans le vide. Parce qu’il le sait Bailey qu’elle ne changera absolument rien. Pas maintenant alors qu’elle ne se sent toujours pas prête pour cette vie là. “Je veux pas devenir folle.” Et elle deviendra folle si elle reste dans cette maison toute la journée. “On est bien là.” Elle enlace ses doigts à ceux de Bailey, elle n’a toujours pas envie de parler de ce qu’il se passe dans sa tête.

« T’as prévu toute une liste de ce que tu dois faire pour me séduire ce soir ? » « Peut-être bien. » que je renchéris pour rentrer dans son jeu. C’est si simple de retomber dans la complicité qui est la nôtre. Cela me donne bon espoir pour la suite, malgré la difficulté avec les enfants. Malgré tout. J’ai bon espoir. C’est mon côté optimiste. C’est ma croyance en notre couple, notre histoire. « Parais que je suis un peu rouillé. » que je la taquine à nouveau. Je me suis jeté à corps perdu dans mon rôle de père, j’en ai conscience désormais. Ce n’est pas simple de trouver un juste milieu, il faut du temps, il faut des disputes pour prendre pleinement conscience de tout. « J’espère qu’elles seront cool sinon je vais finir par m’endormir entre les coussins. » Ce ne serait pas un problème en soit. Elle a besoin de repos Jill, une vraie nuit complète non entrecouper par les pleurs. C’est ce qui va probablement nous sauver cette nuit alors que l’on laisse la charge des crises à Matt et sa femme. « Elles sont toujours cool mes histoires. » C’est bien faux ça, elle le sait tout aussi bien que moi. Parfois, je raconte n’importe quoi, c’est chiant et ça donne envie de lever les yeux au ciel. Au moins, ça possède le mérite de la faire sourire. « Pis peut-être que ça fait parti du plan de séduction. » Ce serait si cliché de parler des étoiles et de son sourire. « C’est trop cliché, hein ? » que je pouffe en me tournant de son côté.

Elle me demande quand j’ai prévu cette petite soirée à dos. Je ne lui cache pas la vérité. « Je suis désolée… » « Arrête de t’excuser Jill. » Surtout lorsqu’elle ne le pense pas vraiment. Surtout quand je ne lui en veux pas. C’est le plus important. Jamais je ne la tiendrais responsable. Elle a besoin de se retrouver, elle a du mal à trouver sa place. Qui suis-je pour lui en vouloir ? Ils ont transformé nos vies, nos enfants. Il nous faut du temps. « Je veux pas devenir folle. » « Je sais. » Un simple murmure. On n’ira pas plus loin. C’est l’accord de la soirée et c’est important de le respecter. On en a bien trop besoin. « On est bien là. » Et sa main qui rejoint la mienne. Mes doigts qui se resserrent autour des siens. « C’est tout ce que je voulais. » que je lui affirme en me tournant pleinement de son côté. Un baiser déposé contre sa tempe, mon corps qui se rapproche un peu plus du sien. Juste un peu. On ne parlera pas de ce qui fâche, pas ce soir. On se l’est promis. « T’entends les vagues ? » que je demande en fixant à nouveau le ciel. « Tu veux un peu de tomates ? Avant qu’on s’endorme comme des idiots. » que je plaisante à nouveau. Un ton léger, toujours.

”Va falloir que tu réapprennes à draguer.” Elle hausse les épaules avant de recommencer à sourire. Ils s’amusent, ils jouent tous les deux et Jill aime ces moments là. Ca lui avait manqué tout ça. Leur relation lui avait manqué. Elle lève les yeux au ciel, il est con quand il s’y met mais ça l’amuse Jill. Elle aime le voir enfantin comme ça, joueur. Ces étincelles avaient disparu de leurs yeux depuis quelque temps. Ils avaient vraiment besoin de cette longue soirée, de toute cette nuit rien qu’à deux. Elle s’est faufilée entre les coussin et a glissé ses jambes sous un des plaid. La nuit est claire et belle, elle profite elle aussi de pouvoir lever la tête pour regarder les étoiles qui commencent à apparaître. “Seulement si tu me dis qu’on a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans mes yeux. Là ce serait trop cliché.” S’il sortait une telle phrase elle saurait qu’il est irrécupérable et qu’il ne serait plus capable de draguer personne jusqu’à la fin de sa vie.

Ils ne parleront pas plus des problèmes de Jill, elle ne lui expliquera pas ce qu’il se passe dans sa tête, et elle ne s’excusera plus. Ils ont besoin de ce temps là pour se concentrer sur le positif. Ce qu’il y a d’encore beau est solide entre eux. Il reste quelque chose à sauver, tout n’est pas mort. Loin de là. Elle le sait Jill, c’est toujours ancré en eux. Elle n’a pas arrêté de l’aimer, bien au contraire. “J’ai toujours aimé qu’on vive au bord de la mer.” Elle a toujours aimé cet environnement la McGrath, et la maison de Bailey était parfaite pour elle. Elle entend l’eau qui roule sur le sable et elle sourit. Elle vole une tomate avant de grogner. “Tu comptes déjà dormir ?” Il a sûrement besoin de beaucoup de sommeil, mais elle espère qu’ils pourront encore profiter un peu de ce temps libre.

« Va falloir que tu réapprennes à draguer. » Je pouffe de rire, lève les yeux au ciel. Comme si c’était nécessaire. C’est une autre vie tout ça. Je ne veux draguer personne si ce n’est la brunette face à moi. Elle est la seule personne que je cherche encore à séduire. Le jeu ne devrait jamais cesser entre nous, qu’importe les soucis que l’on rencontre en dehors de cette bulle que l’on se crée aux fils des minutes. La complicité est toujours autant présente dans nos plaisanteries et cette façon qu’on nos corps de se rapprocher sans que notre esprit l’es réellement décider. « Seulement si tu me dis qu’on a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans mes yeux. Là ce serait trop cliché. » « Merde… » que je soupire en exagérant milles fois l’intention. « T’as ruiné toute ma stratégie. » Jamais je n’avais osé lui dire des phrases aussi stupides, ce n’est en aucun cas ce soir que j’allais commencer. Elle a tendu le bâton et je tombe dans la facilité pour une chose seulement. Ce sourire en coin qu’elle m’offre tout aussi rapidement que ses yeux se lève au ciel. « Pour ça… » que je murmure, mes doigts frôlant sa joue, la commissure de ses lèvres. « Rien que pour ça, je pourrais te raconter toutes les conneries du monde s’il le fallait. » Je pourrais devenir un roi de la blague beauf si c’est la dernière chose qui me permettrait d’obtenir un sourire de sa part.

« J’ai toujours aimé qu’on vive au bord de la mer. » On n’aperçoit pas réellement les rouleaux d’écume depuis le jardin, mais on entend parfaitement ce bruit si apaisant. C’est tout ce qui m’avait séduit dans cette maison à l’époque. Aujourd’hui, on est réellement bien ici. Couper du monde, entouré par la nature. « Tu comptes déjà dormir ? » « Non. » que j’annonce en retenant un bâillement. J’ai déjà une vie de sommeil à rattraper. Avant, c’étaient les insomnies, désormais, ce sont les nuits blanches en compagnie des jumeaux. Je me redresse malgré tout, pour m’asseoir en tailleur en face d’elle. Pioche parmi les crudités et me fais tirer un morceau de carotte par Logan qui s’enfuit en courant de l’autre côté du jardin. « Une terreur celui-là. » Mes jambes s’étirent devant moi, viennent se mêler à celle de Jill. Je frotte mes yeux tel un enfant. « Tu partages le hummus ? » parce que la flemme est intense à cet instant.

Elle est toujours assise et proche de lui. Elle a laissé sa main glisser dans celle de Bailey et ses doigts s’enrouler autour des siens. La sensation lui avait manqué, et ce soir elle ne frissonne pas Jill. Elle laisse son corps faire ce qu’il a envie de faire. Elle risque de se rapprocher de Bailey plusieurs fois et il la laissera faire à son rythme. Elle sourit après avoir sorti la pire phrase de tous les temps. Mais elle sait que Bailey n’a jamais été un mauvais dragueur, bien au contraire. Elle ne veut jamais perdre ce jeu de séduction qui est entre eux depuis de nombreuses années déjà. Les doigts de Bailey glissent le long de sa mâchoire et au coin de ses lèvres alors que son sourire s’est agrandit. Son regard plonge dans celui du brun et ses lèvres viennent se poser une nouvelle fois sur les siennes. Tout est doux, et rien ne va trop vite. “Tu peux continuer à parler des étoiles alors.” Parce qu’elle sait qu’il va pouvoir en dire des tonnes de conneries à ce sujet.

Il ne compte pas dormir alors qu’il a l’air complètement épuisé. “Je suis sûre que tu vas être le premier à t’endormir.” Ca pourrait être une course, un défi. Elle a toujours aimé ça la McGrath. Elle sourit avant de s’asseoir en face de Bailey et de rapprocher le plateau vers elle. Elle l’a dit, elle meurt de faim la brune. Logan vient voler deux ou trois morceaux de carottes avant de retourner proche des berceaux. Comme si les jumeaux allaient apparaître comme pas magie au beau milieu du salon. Elle secoue la tête et reporte son attention sur ce qu’il se passe à l’extérieur. Il fait sombre, et les étoiles sont de plus en plus brillantes. Elle fronce le nez quand il lui demande de partager une partie du plateau. “Ok mais je veux un truc sucré en échange.”