| only fools fall (ella&grace) |
| | (#)Sam 1 Aoû 2020 - 12:06 | |
| C'est une de ces journées où elle navigue à vue sans avoir engrangé ne serait-ce qu'une heure de sommeil la nuit même, et où elle carbure au mélange café-joints qui marche dix minutes avant de complètement foutre son cerveau en l'air. Voilà dix minutes que Grace fixe son plafond, yaourt à la main, tête renversée et yeux dans le vide bien par-delà le plafond. En arrière-plan s'alternent mollement les miaulements de Kim Possible, son chat, et d'un présentateur télé quelconque qui parle de la chute de la bourse avec un ton factuel sans émotion aucune ; et Grace, elle, n'entend rien, absorbée par la fumée qui virevolte autour du lustre éteint en finissant de consumer le second joint qu'elle n'arrive pas à finir. Brièvement, un sursaut de conscience l'assaille : est-ce donc à ça qu'elle doit se cantonner, maintenant ? Est-ce à ça que rime sa vie, être défoncée à quinze heures et enchaîner les yaourts, faute de vraie nourriture disponible, pour chasser les munchies ? Voilà donc à quoi se réduit son quotidien depuis la fin de l'émission Race of Australia ? Rien de mieux ? Elle se redresse brièvement, puis se relaisse tomber tout aussi sec : ainsi soit-il. Le ciel est menaçant et il risque de pleuvoir et très franchement, elle n'a envie de voir personne ni même d'ouvrir la bouche pour essayer d'articuler. Le présentateur le fait si bien pour elle, lui qui amorce sur un ton de robot la présentation d'une révolte la veille dans la périphérie : des manifestations des aborigènes contre les discriminations policières et gouvernementales, encore, parce que le monde brûle et que ça fait rire les mecs en bleu d'y rajouter leurs tirs. Plus elle y pense et plus elle en rage et cette fois, c'est la bonne : Grace se relève, file se laver et une heure après, d'un pas beaucoup plus lent que ce qu'elle escomptait, elle se retrouve au seul endroit où elle a à présent envie d'être.
“Hey, salut”, amorce-t-elle le plus naturellement du monde lorsqu'Ella lui ouvre sa porte, comme si elle n'avait pas disparu de la surface de la Terre depuis plus d'un mois et demi. Elle passe une main dans ses cheveux, la moue timide de celle qui arrive sans s'annoncer et qui a peur de s'imposer collée aux commissures. La douche n'a pas assez servi : elle sent encore la clope, elle a l'air de ne pas avoir dormi depuis cinq jours et ses fringues trop grandes lui donnent l'impression d'avoir dérobé dans l'armoire de son père faute de pouvoir s'acheter des choses à sa taille. Pourtant Grace sourit, d'un air qu'elle souhaite aussi confiant et charmant que d'habitude : c'est toujours ce côté-là qu'elle veut montrer, quand elle est avec Ella. Jamais la Grace hagarde, un peu perdue dans sa vie, dans son propre corps et dans ses fringues, qui a perdu deux kilos depuis leur dernière entrevue simplement par flemme et qui ne songe à donner des nouvelles que quand l'inspiration la frappe de ce coup de maître qu'elle sait si bien lui envoyer en pleine gueule. Ella, elle, est toujours jolie, avec ses yeux doux et son nez fin et sa mâchoire sur laquelle on pourrait trancher des têtes et, merde, Grace se sent conne, effroyablement inadéquate à cette entrevue et pour la première fois depuis des mois, ou peut-être simplement depuis leur dernière rencontre, elle balbutie presque (et seulement presque) lorsqu'elle enchaîne : “Je te dérange pas, j'espère ?” Si oui, Ella se doute déjà bien qu'elle s'en fout. Elle sait à peine comment dire bonjour alors elle s'invite dans l'appartement de la jeune femme, posant une main sur sa taille pour légèrement la pousser en passant à côté d'elle et résistant simultanément à l'envie d'enfouir son visage dans son cou tant il sent bon et tant ça fait longtemps. Elle s'en garde, tape plutôt le comptoir de la cuisine du plat de la main en guettant les alentours, comme pour se familiariser à nouveau avec les lieux. Bref coup d'oeil en direction de son hôte, à nouveau : Ella semble déstabilisée, certainement pas parée à sa visite et Grace réalise subitement que son portable est mort depuis trois jours. Tant pis, elle lui pardonnera, elle lui pardonne toujours. La brune sourit, à nouveau, soucieuse de prendre la température, et se retrouve à scruter la jeune femme plus longtemps qu'elle ne l'aurait voulu. Ce qu'elle lui a manqué. Du visage surpris en la voyant jusqu'à son odeur à elle et celle de son appart, où flottent une odeur de lessive mélangée à celle de sa peau – elle en pleurerait presque, en bonne drama queen sous cannabis, et elle ressent soudainement le besoin de justifier sa présence inopinée, elle qui était censée être rentrée à Brisbane depuis plus d'une semaine mais qui n'avait toujours pas donné signe de vie :
“Je suis pas là pour tirer un coup, hein.”
Même pas, en plus, et pourtant c'est la première chose qu'elle dit car c'est la première chose qui lui vient parce qu'en six semaines passées dans l'Outback, une autre pour rentrer à Brisbane et deux de plus depuis son retour, elle n'a eu aucune relation et ça lui pèse, et avant de croiser son regard et que ses yeux tombent sur son haut et sur ses lèvres et sur ses mâchoires-guillotines elle ne savait même pas que ça lui pesait, et oh mon Dieu. Concentre-toi. “En fait, il y a eu une manif hier dans la périphérie de la ville et le quartier a été retourné. Recouvert de tags, les vitres cassées...” Les trucs sympas qui ne manquent jamais d'enthousiasmer l'une ou l'autre, parce que c'est un terreau formidable pour recueillir des opinions, se confronter à des problèmes que des gosses de riches comme elles n'auront jamais et capturer la genèse d'un mouvement social au travers des tags, des magasins vandalisés et des flics sur les nerfs qui les dévisagent avec hostilité. “Et je crois que ça reprend tout à l'heure et je me disais que ça pourrait être intéressant d'y aller. J'ai besoin d'action.” Et pas avec elle, ou ses lèvres ou son nez fin ou sa mâchoire à couper le souffle, cette fois. Comme pour souligner l'évidence, elle pointe un index à plusieurs reprises sur la sacoche qui contient son appareil photo, le tour en sortant le sourire le plus fainéant qui lui est disponible à son amie. Bordel ce qu'elle lui a manqué, que cet appart sent bon, et qu'est-ce qu'elle a envie de sauter dans ses bras et de se blottir près de cette odeur pour toujours et ne plus jamais partir. Focus. “Tu sais, Ella ça veut dire elle en espagnol.” Bel effort.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Sam 1 Aoû 2020 - 16:38 | |
| L'année est bien engagée déjà. Outre le vent et la pluie parfois, le ciel est uniformément gris, jour après jour. Pour ceux qui, comme Ella, passent beaucoup de temps dans les bureaux ou à l’intérieur comme pour ceux qui vivent les yeux rivés à la fenêtre, il est presque devenu impossible de se souvenir de l'existence de la lumière et du soleil. Il lui semble au contraire que, définitivement et par définition, le gris est la couleur de la vie désormais. La pluie va recommencer à tomber. Elle l’entendrait presque tapoter contre les fenêtres. Et par conséquent, elle n’allait pas sortir. Elle allait se laisser envahir par les chiffres de son compte Instagram. Sauf qu’une heure après avoir allumé son ordinateur, englouti trois cafés, qu’elle est assidûment en plein tri entre les messages de soutien et les commentaires haineux, elle passe une main dans ses cheveux en se demandant comment elle en est arrivée là et si elle ne ferait pas mieux de fermer complètement l’accès à ses comptes publics. Le tourment d’Ella se mue en une émotion qu'elle parvint difficilement à refréner et aussitôt elle se tourne vers ses chaussures pour anéantir cette sensation désagréable. Rien qu’une rencontre fortuite en ville ou qu’une bonne averse ne saurait dissiper !
Un bruit sourd contre sa porte vient la tirer de ses pérégrinations. Elle relève les yeux vers la porte, s'avança d'un pas décidé et ouvre ce qui a retenu toute son attention alors qu’elle peine à accrocher sa deuxième boucle d’oreille d’une seule main. Grace fait irruption devant elle et avant qu’elle n'ait le temps de réagir, elle la salue. Ella croit d'abord ne pas la reconnaître, tant elle lui apparaît comme une étrangère. Et ce n’est pas uniquement parce qu’elle lui semble avoir changé. Ella est d’abord surprise, puis affiche un désintérêt total alors qu’elle se retient de lui faire une remarque sur son silence inexpliqué. A cette distance, elle espère que Grace ne distinguera pas à quel point son corps tout entier tremble pour des raisons variées. En temps normal, elle aurait sans doute refermé la porte, elle aurait fui plutôt que de compromettre son bonheur personnel ; mais elle est pleinement consciente de cette satisfaction de la voir et qui la fait agir de façon téméraire. Son regard est perpétuellement fixé sur cette silhouette, ce quelque chose qu’Ella connaît mais qu'elle ne parvient jamais à définir. Elle secoue simplement le visage : elle n’aimerait pas avoir à (s’)avouer que même en la dérangeant, elle n’hésiterait pas à mettre ses plans en suspend pour la voir. Toute expression espiègle a disparu du visage de Grace, et pendant une fraction de seconde, Ella pense l’entendre bafouiller. Ses yeux brûlent avec une intensité qui est loin de sa confiance habituelle. Elle paraît même hésiter sur sa propre présence, pourtant elle sourit. Il semble difficile de croire qu’elle est la même Grace qui accueille les nouvelles expériences si ouvertement d’habitude.
Ella, l'air ahuri, détaille à nouveau Grace alors qu’elle ne sent que trop intensément la main qui se pose sur sa hanche. Elle ne trouve soudainement plus le courage de lui annoncer qu’elle allait sortir. Elle voudrait s'écrouler de tout son long de la même manière que viennent de s'écrouler ses espoirs et sa fierté. Elle referme la porte derrière elles, et les souvenirs de Grace avec elle contre cette porte réapparaissent, d'abord confus, bientôt plus vifs. Son amour-propre s'y mêle. Elle est embarrassée, humiliée, un peu, à l’idée de laisser percevoir sur ses traits à quel point elle a pu lui manquer, ou son besoin d’elle. D’écouter son esprit encourager une relation dont elle ignore la nature réelle. Elle profite du fait que Grace lui tourne brièvement le dos pour retirer presque aussitôt ses talons qui auraient fait un bruit infernal sur le parquet, s’adossant contre le mur pour ne pas laisser voir à quel point elle est perturbée par sa présence. Elle va faire un signe de la main pour lui indiquer de faire comme chez elle mais Grace est déjà postée près du comptoir, et deux forces contradictoires se mettent à se combattre dans l’esprit d’Ella. L'une et l'autre se débattant les véritables intentions de la présence de Grace. Elle essaye de les chasser, en vain. Peut-être s’attend-t-elle à ce qu’elle l’accueille impatiemment. Peut-être espère-t-elle qu’elle trouve son idée d'aller en périphérie de Brisbane incroyable. Elle s'autorise un regard vers elle et elle sourit presque en murmurant : « Je crois pas que ça soit une excellente idée qu’on me voit là-bas avec toi. » Elle évite d’ajouter un commentaire déplacé et sans doute désagréable sur l’état dans lequel elle semble être plongée, malgré son sourire. Ella jette enfin un coup d’oeil vers son téléphone, elle parvient à se convaincre qu’il est trop tard pour sortir, la pluie ne devrait plus tarder de toute façon. Les options alternatives à cette situation disparaissant simultanément.
Elle tressaille légèrement pour se remettre d'aplomb, et s’assure que rien ne vienne trahir sur son visage l'intensité de ses émotions. Elle soutient alors le regard de Grace, un instant, en réfléchissant à la suite des événements. Elle a tant de choses à dire, tant de choses à lui faire avouer mais elle réfléchit à la meilleure manière possible de poursuivre la conversation. Elle est perturbée par son dernier commentaire semblant sortir de nulle part et oscille entre le rire et le geste qui la ferait capituler. Un « je sais. » calme et avisé. C’est tout ce qu'elle parvint à formuler. Elle se rapproche d’elle, s’accoude à ses côtés sur le comptoir en jouant nerveusement avec un verre posé là, avant de lui proposer : « Tu veux quelque chose ? » et presque instantanément elle enchaîne, comme pour lui interdir de songer à quelconque insinuation « à boire… » À quelques centimètres d'elle, elle n’est pas certaine de la conduite à adopter : faire comme s’il ne s’était rien passé, ou exiger des explications. Elle se demande s’il serait acceptable de l’attraper par la taille pour l'attirer à elle, entortiller ses doigts dans les coutures de son pantalon, et l'embrasser. Sans doute qu’elle se rapproche de nouveau, inconsciemment, mais lorsque sa main est accidentellement sur le point de toucher la sienne, Ella freine sa course et ses yeux retrouvent ceux de Grace pour ne plus les quitter. « Franchement, ça m’aurait moins dérangée que tu sois là pour tirer un coup, plutôt que de faire celle qui n’a pas disparue pendant presque deux mois. »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Lun 3 Aoû 2020 - 0:08 | |
| Elle ignore à quoi elle s'attend, au juste, lorsqu'Ella lui ouvre la porte et lui retourne ce regard surpris auquel elle finit par s'accoutumer – peut-être à des remontrances pour avoir disparu des radars (sûrement) ou à une expression d'agréable surprise (why not). À une impassibilité de fer, par contre, absolument pas, et ça la peine plus qu'elle ne l'aurait voulu. Le palpitant qui s'agite, l'envie d'enrouler les bras autour de son cou et de se blottir contre elle, par contre, elle ne s'y fait toujours pas. Elle doute s'y faire un jour – pas moyen. Mais Grace refuse de s’y attarder, pénètre plutôt dans l’appartement sans demander son reste, ni même s’informer de si Ella avait autre chose de prévu, quelqu’un qui visitait, peut-être quelqu’un d’important, avant qu’elle n’arrive avec ses gros sabots et ses pupilles dilatées par la beuh. C’est même sûre : elle est trop habillée, trop chaussée pour n’avoir rien de mieux à faire qu’accueillir Grace, à moins qu’elle ait eu la même idée qu’elle et se soit décidée à se ruer chez elle (on peut toujours rêver). Dès lors, le seul objectif devient de la distraire de ces plans, imposer le sien, faire passer subtilement qu’elle a désespérément besoin de passer du temps avec elle sous peine d’étouffer seule dans son appartement. Elle est incapable d’expliquer pourquoi cette proximité lui est requise ou pourquoi son coeur tape un peu plus fort quand elle pose par réflexe une main sur la hanche de la cadette - ça fait partie de ces choses qu’elle a abandonné de comprendre un jour.
« Je crois pas que ça soit une excellente idée qu’on me voit là-bas avec toi. »
C’est la première réaction qu’oppose son amie à son plan qu’elle pensait pourtant génial, imparable et impossible à refuser, et celle-ci la coupe complètement dans son élan d’enthousiasme drogué. “Oh”, réalise-t-elle, et elle réalise une heure trop tard, si ce n'est plusieurs semaines, parce qu'Ella a du avoir besoin de soutien et qu'elle était trop occupée avec ses courses de chameaux et ses sauts à l'élastique pour s'en soucier. Ce coming out forcé lui a éclaté à la gueule sans qu'Ella n'ait aucun contrôle ou levier sur la situation et elle le sait, en est pleinement consciente : même aujourd'hui, même en Australie, c'est tout sauf simple, a fortiori quand on sort soi-même d'un déni si profond. Elle réitère un oh qui passe à peine entre ses lèvres, penaude, incapable de savoir quoi dire de plus. J’aurais dû être là, pardon ? Abrutie. Au lieu de ça, elle brandit la seule anecdote qui lui passe à l’esprit sur le coup et la jeune femme face à elle l’accueille avec la même expression figée. Le silence risque de s’allonger. « Tu veux quelque chose ? » C’est la voix douce, un peu tendue d’Ella qui reprend, et Grace passe presque à côté du sous-entendu jusqu’à ce que son interlocutrice le soulève d’elle-même, lui tirant un rictus amusé. “De l'eau”, répond-elle avec tout le sérieux du monde quand elle s'aperçoit qu'elle n'a pas ingéré de liquide sans alcool ou bulle depuis l'avant-veille. Oui, de l'eau, c'est bien. Ça l'aidera à redescendre, à arrêter d'autant se focaliser sur les grands yeux bruns qui la subjuguent si facilement à chaque fois et surtout, qui n’arrêtent pas de se rapprocher.
Et ça arrive, à nouveau, c’est une fois parmi tant d’autres et pourtant elle ne s’y fait toujours pas, Grace, parce qu’elle n’a absolument pas l’habitude d’avoir Ella si près d’elle, si atteignable avec pourtant l’impression que se rapprocher à son tour et la toucher serait une barrière franchie de plus. Elle ignore le détail, l’infime broutille qui établit exactement le distinguo entre les fois où elle s’autorise à l’attirer son corps près du sien sans autre forme de cérémonie, et celles où le faire risquerait de l’absorber toute entière. « Franchement, ça m’aurait moins dérangée que tu sois là pour tirer un coup, plutôt que de faire celle qui n’a pas disparue pendant presque deux mois. » Le verdict tombe d’un ton ferme alors que Grace effectue enfin le pas en arrière qu’elle se retient d’entamer depui quelques secondes. Elle hausse les épaules, donne tout ce qu'elle a comme talents de comédienne pour masquer son trouble et calmement lui opposer : “On peut faire ça, aussi. Et je t'explique après.” Pas drôle ? Mesquin ? Comment ça ? Ses épaules s'affaissent aussi vite qu'elles se sont haussées et elle rend les armes, l'air coupable : “Je t'ai dit que je faisais cette émission. Pendant six semaines, et une autre semaine pour le retour. Puis le temps de déballer, de...” Elle n'avait fait ni l'un, ni l'autre, et Ella en serait peut-être dupe mais elle n'a pas envie de lui mentir, et elle n'aurait pas su le faire plus de cinq secondes : “Et non, c'est une excuse de merde. Désolée.” Elle a envie de poursuivre : j'aurais pu t'appeler directement en rentrant, j'avais envie de t'appeler directement en rentrant mais je me disais que ça ferait trop ; j'aurais pu envoyer un message si j'avais pas perdu mon chargeur, d'ailleurs il est grand temps que j'en rachète un... Mais elle n'a pas de justifications à offrir. Ella n'en attend pas. Pourquoi en attendrait-elle, d'ailleurs ? Ce n'est pas qu'elle lui doive quoi que ce soit ou non, qui la gêne, d'ailleurs, c'est plutôt précisément cette envie de justifier.
“Je peux me faire pardonner ?”
C’est toujours plus fort qu’elle, alors les doigts de sa main valide parcourent ceux de sa main droite, plus froids, un peu repliés sur eux-mêmes, comme pour cacher une faiblesse déjà étalée au grand jour. Elle ne sait pas faire dans les excuses, Grace, ni dans le repentir, mais elle est prête à essayer. Parce qu’Ella a eu besoin d’elle et qu’elle a pensé à sa gueule avant d’être présente pour une amie. “T'es vraiment pas tentée, pour aller en périphérie ? Parce que je suis sûre que ce sera pas un problème” retente-t-elle, ton pressant parce qu'elle est extrêmement consciente qu'elle n'a pas grand-chose à offrir pour se rattraper. “Ou je peux cuisiner un truc. Genre un mac n'cheese au micro-ondes. C'est possible.” Elle hoche la tête vivement, comme pour soutenir son propos. Tout, pourvu qu’Ella ne lui demande pas de repartir. Tout, pourvu qu’elle puisse glaner quelques heures, qu’importe de quoi elles seront faites, jusqu’à leur prochaine entrevue.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Lun 3 Aoû 2020 - 14:28 | |
| Elle ne voudrait surtout pas en prendre conscience, mais Ella ressent un soulagement à la voir, à tel point qu’elle s’en oublie presque, en se préparant à ce qu’elle se jette à son cou après avoir franchi le palier. Elle réalise alors qu’elle se sent profondément seule lorsqu’elle se voit exécuter sa course en avant et qu’elle se plante près de Grace au niveau du comptoir. A nouveau, leurs regards se sont croisés, se sont fixés, se sont soutenus l’un l’autre. Et Ella a sans doute perdu le duel, lamentablement, incapable de trouver la force adéquate en son for intérieur. Néanmoins, elle feint bien l’assurance, du moins c’est ce dont elle se persuade quand elle redresse ses yeux sur le corps de Grace. Et c’est le même schéma répétitif qui s’opère : un éclat dans ses yeux, ou dans ses mouvements, qui ravive le désir d’Ella.
Tandis qu’elle continue à la regarder, elle détaille les lignes sur sa peau en cherchant quelque chose, une infime faille qui pourrait mettre fin à son attirance pour elle. En vain. Même son état quasi léthargique est attrayant. Y a-t-il un soupçon d’espoir pour que Grace ne perde cette beauté qui est chère à Ella mais qu’elle préférerait voir disparaître ? Au moins ça l’aiderait à prendre des décisions plus fermes et catégoriques. Elle ne relève pas ses commentaires, mais elle lui offre un timide sourire. C’est tentant, de lui dire qu’elle aurait indubitablement préféré s’envoyer en l’air avec elle d’abord et réfléchir ensuite. Et pas uniquement parce qu’elle n’a été avec personne depuis la dernière fois, pas parce qu’elle a accumulé et supporté beaucoup de choses ces dernières semaines et qu’elle a trop d’énergie à revendre. C’est pour une autre raison, qui lui est un peu inconnue, qui vient de très loin en elle. C'est tentant, mais elle ne dit rien, parce que Grace recule et pendant une fraction de seconde, Ella pense l'avoir rebutée.
Elle l’écoute s'excuser et elle, contrainte de revenir à la réalité, fronce un peu les sourcils. « T’as pas besoin de te justifier, c’est pas grave tu sais. C’est pas comme si t’avais des comptes à me rendre. » Elle hausse les épaules, et avant de les rabaisser, elle hausse un sourcil elle poursuit : « D’ailleurs je m’en fous. » Et elle espère être assez convaincante dans sa voix, parce qu’elle ne peut pas s’empêcher de tiquer légèrement et d’abaisser immédiatement les yeux parce que non, clairement, elle ne s’en fout pas. Elle ne s’en fout pas du tout et c’est à ce moment là qu’elle commence à se demander pourquoi exactement. Elle ne lui demande pas comment elle pourrait se faire pardonner : elle évite à tout prix de penser à ses options. Elle soupire, lève un peu les yeux au ciel, concède un demi sourire : « T’as vraiment envie d’aller là-bas ? Il peut y avoir de l’action de ce côté-ci de la ville aussi. » La curiosité plus que l’intérêt pourrait la pousser à céder. Elle se fait à la fois victime et observatrice assez méticuleuse du monde qui les entoure et sans l’avouer, le sort de la moitié de la population opprimée par l'autre la préoccupe plus qu’elle ne le montre. Elle aurait pu avoir comme valeur fondamentale l’égalité pour tous, et utiliser son image pour changer le monde, bouleverser l’énonciation fondamentale des droits de l’homme bafouée par des brutes. Elle devine une vague de sympathie et de complicité l’envahir pour ceux qui, refusant de se soumettre à un asservissement, agissaient comme la riposte d’un coeur commun blessé et qui exerce sur elle une certaine fascination. Elle s’en veut de constater avec aigreur sa faiblesse, son égoïsme, de se juger isolable et invulnérable. Parce que les autres le font pour elle, elle n’a pas à se battre. Et pourtant, elle l’a ébranlée malgré elle cette société. Un étrange désir de destruction la remplit et la réjouit lorsqu’elle voit le désordre provoqué par certaines révélations sur elle. Peut-être qu’elle souhaite démolir les édifices de la société occidentale, démolir tout ce qui caractérise ce petit monde dans lequel elle a grandi et qu’elle n’aime pas et qui est devenu une bouffonnerie. Peut-être qu’il serait temps de s’accepter complètement. Mais face à Grace, comment pourrait-elle se résoudre à aller se perdre dans une foule alors qu’elle peut l’avoir pour elle toute seule et qu’elle peut lui faire oublier avec un simple baiser tout ce s’agite dans le cerveau d’Ella ? Elle est tirée de ses réflexions quand elle la remarque jouer avec ses mains. Grace parle beaucoup, et Ella ne sait pas si c’est par nervosité ou si elle a toujours été comme ça et qu’elle n’a simplement jamais fait attention. Elle est tentée de la faire taire, d’une manière ou d’une autre.
Elle se rapproche alors, sans prendre la peine de répondre, sans doute qu’elle la cherche et qu’elle la teste encore un peu, et ça doit se voir, parce qu’elle aurait tout aussi bien pu se servir au robinet à quelques mètres plus loin. Elle pose sa main sur celles agitées de Grace. Un geste un peu trop tendre, alors elle se raffermit. Ah oui, de l’eau. Il est encore tôt, mais la situation fait qu’Ella aurait préféré quelque chose de plus fort. Elle s'arrête au plus près d’elle, et repose son bras sur le comptoir à sa droite, la maintenant presque en place. Le regard inlassablement accroché à ses lèvres pulpeuses, elle s’abandonne aux seules pensées qui lui traversent l’esprit et qui sont exactement celles qu’elle devrait à tout prix éviter. Ses yeux ne quittent son visage que pour tendre son bras derrière son aînée et, emportant la carafe avec elle, elle s’éloigne vers l’autre extrémité du comptoir pour se procurer un verre propre. En la contournant, et toujours dans l’idée de se défaire de cette position de faiblesse dans laquelle elle a été placée avec son arrivée inattendue et rééquilibrer les scores, la main d’Ella glisse, ou plutôt se promène, volontairement sur la taille de Grace. « Un mac & cheese si tu veux. C’était bien ton émission ? »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Lun 3 Aoû 2020 - 19:10 | |
| L’attitude d’Ella est beaucoup plus renfermée qu’elle ne l’aurait souhaité et Grace commence à songer qu’elle n’aurait simplement pas dû venir avec deux joints dans le cerveau. A moins que ce ne soient précisément lesdits joints qui l’aient guidée droit vers la porte d’Ella, l’aidant à rassembler suffisamment de culot pour enfin se montrer après plus d’un mois d’absence sans nouvelles… Et maintenant qu’elle y est, triturant ses mains faute de savoir qu’en faire, elle n’arrive toujours pas à cerner exactement d’où lui vient cette gêne qui la pousse maintenant vers le rebord du comptoir, souffle coincé dans la gorge alors qu’Ella est si proche d’elle et qu’elle a du mal à focaliser son regard sur autre chose que ces lèvres qui l’attirent constamment ; cette même gêne qui l’a empêchée de passer un simple coup de téléphone à son retour pour prévenir Ella qu’elle était de retour en ville. « T’as pas besoin de te justifier, c’est pas grave tu sais. C’est pas comme si t’avais des comptes à me rendre. » Et décidément, son amie a toujours les mots qu’il faut pour que son coeur se serre un peu plus et qu’elle ait envie de se terrer davantage dans un coin. Le ton se veut désintéressé, mais la rancoeur est claire, accompagnée d’une pointe de gêne qu’elle n’arrive pourtant pas à interpréter. « D’ailleurs je m’en fous. » Un soupir échappe des lèvres de la photographe et elle hoche la tête, un peu pour signifier : oui, quelle idée, pourquoi ça t’importerait, pourquoi j’aurais voulu que ça t’importe ? Les deux jeunes femmes se retrouvent à regarder leurs pieds, un court instant qui passerait presque pour une éternité, et à nouveau c’est Grace qui les relève en premier, soucieuse de se rattraper pour son absence.
« T’as vraiment envie d’aller là-bas ? Il peut y avoir de l’action de ce côté-ci de la ville aussi. »
Et juste comme ça, la moins grande du duo retrouve son sourire pétillant, toujours un peu hagard, lui oppose un “oh, j’en suis bien consciente” taquin : elles n’ont même pas besoin de sortir de la pièce, pour ça. “On n’a qu’à profiter de l’action de ce côté de la ville, alors.” Le sourire reste plaqué contre ses lèvres, maintenant, rassurée de voir qu’Ella aussi, a rendu les armes et surtout, qu’elle ne la chasse pas de chez elle. Tant pis pour ce qui se passe en périphérie : rester ici lui va tout aussi bien, tant que c’est quelques heures passées près d’elle. Le reste lui semble entièrement et irrévocablement annexe, et elle est prête à savourer la sensation sans trop se poser de questions pour cette fois. Ella lui propose à boire, et les paroles finissent d’acter leur programme de l’après-midi : rester ici, ensemble. A partir de là, la suite n’avait que peu d’importance. Alors Grace est prête à baisser les armes, à s’autoriser à se détendre. Ella, elle, ne semble pas de cet avis - trop vite des mains l’encadrent, la coincent contre le comptoir et elle oublie de respirer. Une seconde. Cinq. Peut-être même vingt minutes : elle est incapable de calculer le temps que sa respiration erratique met à se calmer, ou que ses yeux prennent à se décrocher des lèvres si près des siennes. C’est elle qui tente de refermer le contact entre elles, de s’approcher un peu plus du corps bien trop près du sien ; puis Ella s’écarte, la laisse sur sa faim, honteuse, les lèvres qui brûlent et le coeur qui faillit.
« Un mac & cheese si tu veux. C’était bien ton émission ? »
Le supplice ne s’arrête jamais, du moins pas totalement et Grace regrette l’époque où c’était elle qui prenait un malin plaisir à attiser le désir de sa vis-à-vis, à la laisser demander plus sans avoir besoin d’y placer de mots. Elle se sent vulnérable, incroyablement petite, bien trop sensible à elle. “Le quoi ?” répète-t-elle, tentant vainement de ramasser les morceaux de cerveau qui traînent par terre. “Oui. Très bien. Chouette.” Chouette. Et elle a perdu sa langue, la volubile Grace, ainsi que toutes ses facultés de réflexion, parce que l’AVC n’avait visiblement pas suffisamment bien fait le travail. Elle sent ses muscles abdominaux se contracter malgré elle, tout son corps trop sensible au moindre toucher, parce qu’Ella a toujours enflammé ses sens au point de la submerger et qu’elle n’avait jamais su contrôler ses réactions avec elle. Serrer les dents, attendre que ça passe, c’est tout ce qu’elle sait faire. “J’ai rencontré des gens géniaux, on a parcouru des coins que j’aurais jamais connus autrement… On a fait du saut à l’élastique, même. Je regrette qu’une chose, c’est de pas avoir pu prendre mon appareil.” Appareil qu’elle se résout enfin à poser, comme on retire une armure. La main d’Ella reste sur sa taille et elle n’est pas loin d’en mourir. “On a fini deuxièmes, j’ai réussi à choper $3000. Bon, c’est loin des 100 000 des gagnants, mais c’est quand même pas mal.” C’est même suffisamment pour lui offrir quelque chose de plus convenable que des mac n cheese au micro-ondes, mais l’inviter à manger où que ce soit, dans quelque autre configuration lui semble d’un coup bien trop officiel pour qu’elle n’assume le proposer. Grace se sépare de la main de la jeune femme, se dirigeant d’un pas mou vers le frigo duquel elle extirpe du fromage, puis se saisit d’une casserole qu’elle remplit d’eau. Ses mains tremblent encore, et elle déteste absolument tout de cette sensation qui devient pourtant si familière. Une seule solution alors, se venger, rabaisser Ella au même état qu’elle : loger sa main sur le bas de son dos pour y laisser courir ses doigts. L’affection dans ses gestes lui échappe presque, et ne subsiste à son action qu’un besoin de proximité plus fort encore : elle s’est faite avoir par ses propres actes et elle ne peut que s’en mordre les doigts. “Et toi, comment ça a été ces dernières semaines ?” Sa main s’est éloignée aussi rapidement qu’elle est venue se poser et Grace regarde partout, sauf dans les yeux de son amante, excessivement consciente de leur proximité, et du fait qu’un baiser et rien d’autre suffirait probablement à la ravir. “Avec, tu sais...tout ça.” Sa voix flancherait presque, à nouveau, et Ella va en jubiler, à n’en pas douter.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Mar 4 Aoû 2020 - 11:21 | |
| Les yeux d’Ella suivent son regard qui se dirige à intervalles régulières sur ses lèvres, et elle aurait envie d’afficher un sourire de satisfaction si elle ne se trouvait pas elle-même réduite à un état de profonde sidération. Elle est certaine que Grace doit percevoir que son discours demeure forcé, que l’implication latente de ses mots déclenche en elle une sensation délectable qu’elle ne connaît que trop bien et qui étreint son bas-ventre. Elle reconnait aussi le sourire que Grace affiche impudiquement. Ella, elle, ne peut que lui répondre en se mordant la lèvre, comme approuvant le fondement de sa présence chez elle et de la suite des évènements qui semble désormais tracée. Elles restent un moment l’une en face de l’autre. Grace est magnifique, les yeux d’une telle intensité. Ella n’arrive pas à la regarder plus de deux secondes. A chaque fois qu’elle la touche, qu’elle la frôle, ou qu’elle sent son parfum, un courant électrique la traverse. De ceux qui sont addictifs, et elle en veut encore, et plus à chaque fois. Elle cligne plusieurs fois des paupières, n’écoute déjà plus, c’est vraisemblablement malpoli et elle ne lui avouera pas ne pas avoir retenu grand chose des péripéties de son équipe. $3000 ? C’est beaucoup ? Ah. Cool. Ella déglutit en acquiesçant silencieusement de temps à autre. Les pupilles qui se dilatent et les jambes qui flageolent ; elle en rate presque sa question. Peut-être qu’elle pourrait se pencher... juste un peu… ? Elle ne manque pas, en revanche, le corps de Grace qui s’éloigne brièvement, qui déambule jusqu’au frigidaire sans réelle conviction et qui la laisse languir, sans qu’elle puisse comprendre les raisons motivant cet élan. Elle le reconnaît cependant quand elle reprend position près d’elle : Grace aussi cherche à jouer, et le visage d’Ella soulève bientôt son besoin d’abdiquer.
Sa parole est suspendue par le contact de ses doigts dans son dos, et le corps d’Ella cherche à se cambrer malgré elle. Match nul. Mais comme Grace se rétracte déjà et qu’elle n’a surement pas remarqué son affliction, Ella essaie tant bien que mal d'occuper l'espace avec assurance. Son coeur bat atrocement vite, elle est obligée de fermer les yeux un instant. Lorsqu’elle les rouvre, Grace est toujours là, dans sa cuisine. Devant elle émerge comme d’un rêve sa silhouette. Ella lui jette de brefs coups d’oeil, une fois, deux fois, trois fois. Elle se coupe du monde extérieur pour prêter toute son attention à la scène. Les souvenirs apparaissent de nouveau, avec clarté cette fois. Elle doit à tout prix se ressaisir. Elle saisit une râpe à fromage à portée de bras en forçant un passage à ses côtés, la pose devant son aînée avant de laisser ses doigts glisser sur le comptoir. « Tu auras besoin de ça… » C’est presque un murmure.
Ella sourit enfin, et cette fois c’est sincère, parce que malgré tout, Grace semble faire un effort : « Tout ça ? Tu veux dire alterner entre insultes homophobes et demandes en mariage ? » Puis, sans parvenir à maîtriser le désir de retrouver ce trouble dans le visage de la brune qui semble fuir son regard, elle revient à son désir, une seconde, avant d’essayer de le fuir à nouveau, embarrassée du rouge à ses joues. Elle s’apprête à poursuivre mais perd son aplomb. Elle hésite un instant, puis, soudain la perspective de se retrouver seule avec elle - et parce qu’elle serait incapable d’aligner deux mots si elle devait étaler ses sentiments sur une situation qui lui échappe - la redore d’une énergie presque excessive : « Je prends mon pied… » Elle arque un sourcil et ne bouge plus. « A propos... » Un souffle s’échappe de sa gorge alors qu’elle lutte pour trouver ce qu’elle veut vraiment dire. Elle maintient le suspens pour la faire languir à son tour, parce qu’à ce moment de leur manège, tout est encore possible. Elle en profite pour se rapprocher, saisir sa main au passage et déposer un doux baiser sur ses doigts qu'elle relâche presque aussitôt. « ...T’as aimé le saut à l'élastique ? » Hé bien elle aura retenu quelque chose. Ella s'est reculée, a aligné les mots d’une traite et avec une absence d’articulation bien délibérée. Comme si rien ne venait de se produire, elle retourne jouer son personnage. Ella-stoïque face à Grace-défoncée dans une pièce orchestrée par le comptoir de la cuisine. « N’oublie pas ton eau. »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mar 4 Aoû 2020 - 14:20 | |
| L’air de la pièce s’est densifié et Grace a perdu toute sa superbe, toute son assurance face à une Ella bien plus confiante, bien plus entreprenante que de coutume. Elle tente tant bien que mal de guider tout son esprit à la tâche qui s’offre à elle, aussi frivole que la scène est surréaliste : faire à manger. Puisque ses provocations se retournent désormais contre elle, il ne lui reste plus qu’à déclarer forfait et espérer qu’Ella ne relève pas son trouble. Tout occupée qu’elle l’est à cacher le sien, elle remarque à peine la réciproque chez celle-ci. « Tout ça ? Tu veux dire alterner entre insultes homophobes et demandes en mariage ? » Un rictus, cette fois-ci : elle qui a eu un coming-out relativement tranquille est proprement incapable de se glisser dans les chaussures de la jeune femme, mais elle compatit. Les réseaux sociaux, dans toute leur splendeur, déchaînent par vague la vindicte populaire galvanisée par une frustration commune à tous, s’abattent sans distinction sur les plus comme les moins méritants. On aura accusé Ella d’avoir caché la vérité sciemment, d’avoir menti pour se glisser dans la normalité, ou de mentir encore pour le coup de pub - elle n’a même pas eu besoin d’ouvrir les réseaux pour le savoir. « Je prends mon pied… » Grace a suffisamment repris consistance pour se sentir capable de relever la tête et de défier son amie d’un regard grivois comme elle sait si bien le faire. Mais cette dernière la devance, à nouveau, se saisit de sa main et d’un coup d’un seul, ses neurones ne répondent plus. Les gestes ont quelque chose de bien plus intime, beaucoup plus doux que ce qui les unit d’habitude et si Grace en revêt une conscience aiguë, elle est loin de s’en formaliser, bien trop loin de rejeter les lèvres sur sa main, ou les yeux d’Ella qui la couvent de ce regard cryptique qu’elle a appris à apprécier et désirer toujours plus. La dynamique entre elles a changé, elle n'est pas sans le savoir ; le désir strict et sans fioritures qui les unissait alors s’était mué en quelque chose de plus profond, cette même chose qui la pousse à baisser les yeux et à se détourner avec une voix tremblante quand avant elle aurait soutenu son regard avec tout l’aplomb du monde. “Merci.” Merci pour l’eau, pas pour l’extrême inconfort qu’elle est forcée à traverser en sa présence et que malgré tout elle cherche toujours davantage.
Elle coince le fromage contre la paume de sa main repliée et passe la râpe dessus avec l’autre, tente d’oublier le reste en s’abandonnant totalement à la tâche insipide et falotte, détaillant le fromage qui tombe dans le bol avec la plus grande attention. L’eau bout, elle la remarque à peine. Sa montre martèle le temps et elle ne l’entend plus. Ella semble à des kilomètres et son parfum n’a jamais été aussi enivrant. “Et merde.” La râpe à fromage s'abat sur le comptoir en une capitulation totale et sans retour, et la photographe ferme les yeux. Pour se donner une contenance, ou se morigéner davantage sur la faiblesse dont elle ne cesse de faire preuve ? Elle ne distingue plus l'un de l'autre, mais de toute façon aucun des deux ne fonctionne. Ses jambes sont faibles lorsqu’elle fait volte-face, et ses mains sentent sûrement le fromage mais elle agrippe quand même le haut d’Ella pour la ramener à elle. Leurs souffles se mêlent juste avant que leurs lèvres ne se rejoignent et Grace aurait voulu se perdre dans ses yeux, dans ses draps, se laisser aller à son envie de la serrer contre elle et de la garder tout près de son coeur. “Ça m'a manqué”, murmure-t-elle contre ses lèvres pour plutôt signifier tu m'as manqué, dans son langage à elle, celui de l’évitement. Il lui sied si bien. Leurs lèvres s’entremêlent à nouveau comme si c’était la chose la plus facile au monde. C'est loin de suffire, mais c'est déjà si fort qu'elle doute pouvoir aller plus loin de toute façon.
La redescente est aussi brute que la montée a été violente et Grace s’arrache à elle comme un brûlé aux flammes, consciente de chaque parcelle de son corps frôlée par Ella, et surtout incroyablement attentive à son coeur qui a dû rater trois ou quatre battements. Ses mains retrouvent le comptoir mais elle a perdu toute ténacité. “Non. Non non non. Je suis venue pour te réconforter, pour être là pour toi, d'amie à amie, pas de...” Pas de quoi ? De plan cul à plan cul ? Ce qui reflète pourtant une réalité tangible lui semble profondément inadéquat, insuffisant, presque insultant pour ce qu’elles sont devenues, mais ce n’est pas l’heure d’y penser. L’heure est à la nourriture parce qu’elle ne veut rien laisser filtrer d’autre. “Je vais te faire ton mac n cheese”, conclut-elle d'un ton plus ferme, qui n'arrive pourtant pas à se montrer aussi convaincant qu'elle l'aurait voulu. La vérité, c'est qu'elle aurait mille fois préféré se laisser aller à ses envies, ravir sa peau de baisers et de caresses, mais cette fois-ci, et peut-être pour la première fois, elle n'est pas sûre de savoir gérer les battements de son cœur ni la vague d'affection qui a commencé à l'étreindre à chacun de leurs ébats et qu'elle ne sait plus interpréter. Mais après tout, un être assez faible pour être mis dans tous ses états lors d'une conversation tout à fait banale portant principalement sur la cuisson d'un mac n cheese et sur du saut à l'élastique ne mérite pas forcément mieux. “Oui, c’était bien, le saut à l’élastique. Isy, c’était mon partenaire, il a eu peur, mais on l’a quand même fait ensemble. C’était super.” Pour l’heure Trump a sûrement posté trois tweets avec un vocabulaire bien plus étendu que le sien mais elle ne s’en soucie qu’à peine. Trouver ses mots, vite. “Où sont tes pâtes ?” L’eau. L’eau bout et va entièrement s’évaporer si elle ne se dépêche pas. Le fromage est râpé. La crème fraîche est au frigo. Il faut la sortir du frigo. Le joint redescend. Elle a besoin d’une clope, d’une énorme gorgée d’alcool, et d’un bon coup de poing en plein visage. Respire. “Je suis sérieuse, Els”, reprend-elle, toute à sa tâche de sortir un pot d’un frigo avec des mains qui tiennent à peine en place. Elle en profite pour sortir deux bières, et tant pis pour l’heure : si c’est l’heure de manger, c’est l’heure de boire aussi. Elle finit quand même son verre d’eau, pour la bonne mesure. “Comment ça se passe, en ce moment ? Comment les gens l’ont pris ?” Reposer le verre d’eau, sortir le décapsuleur. Respirer. Ouvrir la bouche. “Ta famille. Et tes proches. Et ton mec.” Si mec il y avait. Elle n’avait jamais posé la question, ne s’y intéressait pas plus que ça, préférant le confort du déni aux discussions claires, comme toujours. Enfant à la vie bardée de leçons, mais qui n'apprend jamais.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Mar 4 Aoû 2020 - 16:50 | |
| Ella s’est mise à agir de la sorte sans doute pour lui faire regretter son absence, ou son attitude désinvolte dès son arrivée. Elle pensait pouvoir garder un contrôle absolu sur la situation mais elle est très - trop - affectée par la présence de Grace pour faire abstraction de son propre désir. Lorsqu’elle l’entend reposer la râpe avec plus de force que nécessaire, elle fronce les sourcils : pendant un court instant, elle pense que la brune s’est coupée et elle alors qu’elle s’apprête à lui demander si tout va bien, elle tend une main vers elle en se rapprochant, encore. Mais elle est prise de court, s’arrête net et tressaille franchement. Elle n’entend pas le léger gémissement de surprise qui s’échappe de sa bouche lorsqu’elle se retrouve contre elle, ne renvoyant pas immédiatement son étreinte. Grace lui murmure quelque chose et cette fois, Ella n’a plus envie de jouer, ni de résister. Elle s’agrippe à ses hanches, l’attire tout aussi fortement contre elle, grogne un peu parce qu’elles ne sont jamais assez proches, et sans doute qu’elle la plaque un peu contre le comptoir pour l’empêcher de s'enfuir. Mais Grace se dégage quand même, et Ella veut mourir. Elle est presque essoufflée, les yeux pendant un instant, elle se les imagine plus noirs que jamais, assoiffée de désir, veines saillantes, bouche entrouverte, elle s’attend à une autre baiser mais Grace en a décidé autrement.
Elle se racle la gorge : « Réconforter ? C’est comme ça qu’on appelle ça maintenant ? » Elle arbore même une moue boudeuse alors qu’elle se redresse. Elle s’éloigne alors d’un pas frustré vers un tabouret de bar sur lequel elle s’assoit. « Pas de quoi, Grace ? Et je croyais que tu étais venue pour m’emmener à l’autre bout de la ville ? ». Oh elle est sérieuse ? Ella aussi est très sérieuse. D'ailleurs elle l'appelle rarement par son prénom. Elle l’observe faire des allers retours dans sa cuisine, et elle ne pense pas à quel point elle a envie d’elle, contre ce malheureux comptoir, en cet instant inopiné, en face du mac & cheese. Elle ne s’y projette pas parce que ne peut plus penser à rien. Elle ne lui dit pas qu’elle lui a aussi manqué, sans doute davantage qu’elle ne le réalise, parce que sa bouche est sèche et qu’elle ne répond plus de rien non plus. Elle se vautre alors un peu plus sur son tabouret, se mord la lèvre comme elle le fait souvent. Ella passe brièvement les mains sur son visage, reprend le cours de ses idées, envoie balader les idées qui lui traversent la tête et maudit la sensation qui parcourt encore ses lèvres.
Cette fois-ci son visage retrouve son sérieux et sa voix une intonation plus stricte. « Je n'ai pas de mec, déjà… Je... » Elle s’arrête en pleine phrase parce qu’honnêtement, elle n’a pas envie de se poser les mêmes questions à chaque fois qu’elle pense à leur situation : est-ce que si on couche ensemble régulièrement ça fait de nous des amies améliorées, ou bien est-ce que c’est pour décharger notre énergie ou passer le temps ? Est-ce que c’est juste du sexe ou bien est-ce qu’il y a des sentiments ? Est-ce que ça pourrait être davantage qu’un baiser volé, quelques blagues salaces et un mac & cheese ? Est-ce qu’elle devrait voir une quelconque signification dans le fait qu’Ella veuille que le temps qu’elles passent éloignées se réduise à chaque fois ? Est-ce que Grace voudrait d’elle de cette façon ? De nouveau elle secoue la tête. « Mes parents voudraient que je rentre à Sydney. Attends. » Elle se saisit alors de son téléphone et parcourt ses derniers messages : c’est moins contraignant psychologiquement de les lire à voix haute que d’avoir à le formuler avec ses propres mots.
C’est un texto typique de son père, dans lequel il rappelle à sa fille que fermer son compte Instagram serait comme un ballon d’oxygène pour sa mère, éplorée, et que, quelle que soit la dureté de sa réaction, l’important était qu’elle restait sa fille et qu’elle devait rentrer. Elle secoue son téléphone pour maugréer : « Ma mère veut surtout savoir si j’aime vraiment exclusivement les filles, et si c’est le cas me faire changer d’avis. » Le tableau devant elle reste séduisant. Elle se demande depuis combien de temps elle se trouve incapable de tenir une conversation normale sans s’en distraire. Grace représente, dans son imaginaire, l’union parfaite des deux extrêmes. Elle représente tous les excès. Excessivement belle, excessivement sensuelle, même son envers déplaisant donne à sa part d’ombre l’attrait qui lui manque. Elle lui vole même une photo. Ce qu’affiche son visage... pense Ella, ses yeux, la courbe de ses sourcils, son nez, sa bouche, ses lèvres, sa gorge même. Tout est peut-être venu de là, il y a un moment, de ce visage désirable et sans pareil, ses faiblesses comme ses désirs, chacune de ses concessions. Grace porte peut-être sous sa peau, le faix du parcours d’Ella, de son ascension et par conséquent, jusqu'à sa récente chute. N’est-ce pas là qu’elle échouerait toutes ses jouissances si elle le pouvait ? Ne porte-t-il pas, ce visage, tout ce qui fait sa personne, la contrepartie de sa relation avec son public ? Ella reprend ses esprits. Il est impossible que son destin ait été tracé par la rencontre de Grace à un moment de sa vie où elle n’avait encore rien compris à ses préférences sexuelles et romantiques. Elle joint la photo à sa courte missive pour son père et termine en provoquant que : sur l'image c’est Grace, en train de cuisiner et réfléchir à des dates pour leur futur mariage. Elle ne manque pas de le lire à voix haute. Coup d’oeil par dessus son téléphone pour voir comment Grace prend la plaisanterie. Fraîchement acquittée de ses devoirs, elle repose son téléphone et boit plusieurs gorgées de bière. « Bon. Me voilà réconfortée. Tu peux venir m’embrasser sans culpabiliser maintenant. »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 0:44 | |
| Leur comportement oscille entre celui d'un couple et celui de deux camarades de lycée qui ne se parlent plus qu'aux anniversaires. Les entre-deux sont rares et cette vérité a sillonné leur duo peu conventionnel jusqu’à son fondement, à tel point que Grace ne saurait se détacher de cette ambiguïté. Et au fond, elle le sait : ce n’était qu’une question de minutes avant qu’elle n’abdique, avant que ses pulsions prennent le dessus sur sa bonne volonté et quand leurs lèvres se retrouvent, avides de contact, de rattraper le temps perdu, les ressentis qui l’assaillent ne l’étonnent qu’à peine. Si elle avait voulu être honnête avec elle-même, Grace, elle aurait très clairement décelé les signes qui pointaient au plus qui restait éternellement en suspens entre elles, question si claire et pourtant presque taboue. Pour l’heure, elle est trop enivrée de son odeur, de ses lèvres pleines contre les siennes, de ce gémissement à peine masqué qui instille toujours un peu plus cette chaleur dans son bas-ventre et surtout, de cette réalisation qu’elle n’est pas venue là pour ça. Pas du tout. Fin du moment. Grace ne sait plus où se mettre, ni elle, ni ses mains, ni ses lèvres qu’elle humecte par réflexe et heureusement, tout est déjà tracé pour elle : elle retourne à son plat, les membres fébriles, le coeur battant et l’appel du corps d’Ella pressé contre le sien toujours un peu plus fort.
« Réconforter ? C’est comme ça qu’on appelle ça maintenant ? »
Et enfin ça tire un véritable sourire à Grace, qui se sent immédiatement rassurée, malgré ses paumes moites et sa respiration en désordre. Elle est là, la Ella qu’elle connaît et aime tant, avec son air boudeur à peine mâtiné d’ironie pour faire bonne mesure, pour cacher sa frustration. Et Grace n’en ressent qu’un élan d’affection plus grand. “Faire du mac n cheese pour toi, oui. Le reste, c'est plus haut dans la pyramide de Malsow, tu peux t'en passer pour le moment.” Scientifiquement peut-être. Dans les faits, Grace ne sait pas comment elle a fait pour s'empêcher de l'embrasser pendant si longtemps, et même maintenant elle ignore d'où lui vient la force qui lui évite d'y retourner. Le corps d'Ella a toujours eu cet effet magnet sur elle ; son regard qui la couve parfois quand la cadette baisse les armes, en revanche, c'est bien plus récent, et bien moins facile à accepter. Elle retourne à sa besogne, s’occupe les mains pour se vider la tête. “J'avais pas envie de baiser et de partir juste après”, confesse-t-elle finalement. “Je me disais que t'avais pas besoin de ça.” Parce que faire son coming-out, a fortiori contre son propre gré, mérite davantage d'attention que ça et que Grace n'est pas le genre à réapparaître après un mois pour tirer son coup et à repartir aussi sec. Du moins, avec Ella, elle ne l'a jamais été, toujours un peu plus bienveillante avec elle qu'avec le reste du monde. Elle a été absente, et elle l'a été parce qu'elle n'avait pas eu le choix – au moment de son départ pour Race of Australia, il en allait de sa propre survie, elle qui venait de flanquer une brève relation à terre avec ses peurs, ne savait plus où donner de la tête professionnellement et s'encastrait toujours plus dans un quotidien qui ne lui convenait plus. Partir était nécessaire pour se retrouver, rester n'aurait été que retarder l'échéance jusqu'à ce qu'elle en trouve à nouveau le courage : autant dire dans longtemps... Mais elle l’avait fait, et maintenant qu’elle avait pu remettre les choses en perspective, elle serait plus apte à aider Ella.
« Je n'ai pas de mec, déjà… Je... »
Son attention est à nouveau absorbée par la voix de la jeune femme alors qu’elle finit de râper le fromage, sortant les pâtes d’un placard pour les mettre à l’eau. La phrase ne trouve jamais sa fin et elle n’en est qu’à peine surprise - elle n’est pas la seule à toujours vouloir se justifier en présence de l’autre. « Mes parents voudraient que je rentre à Sydney. Attends. » Froncement de sourcils, cette fois. “Wow. Carrément ? Ils pensent que c’est l’air de Brisbane qui rend lesbienne, ou…?” Ses parents, à elle, n’avaient réagi que pour lui offrir leur soutien. Aucune trace de déception : pour eux, rien n’aurait pu être plus décevant que le fait qu’elle quitte la fac, ce qu’elle avait fait dans la foulée. De fait, le coming out avait semblé extrêmement futile face à cette haute trahison. Et même là, ils avaient moins communiqué leur contrariété que les parents d’Ella ne le faisaient vis-à-vis de sa situation
“Te faire changer d’avis”, répète-t-elle plus lentement. “Quoi, elle veut t’envoyer à un camp de redressement ?” Elle avait toujours trouvé extrêmement ironique d’enfermer des ados du même sexe, perturbés par leur sexualité, dans des dortoirs en espérant les remettre sur le droit chemin. “Et qu’est-ce que tu lui as répondu ?” Cette fois, c’est la curiosité qui ressort d’entre le reste. Est-ce qu’elle aime exclusivement les filles ? Est-ce qu’elle pourrait se projeter dans une véritable relation avec une femme un jour ? Est-ce que l’insistance de ses parents n’allait pas finir par lui faire prendre peur ? Ella la coupe dans ses pensées, pointe son téléphone vers elle et récolte en cliché une moue perplexe qu’elle n’efface pas même une fois l’appareil baissé. Ella déclame son invention à voix haute, tire un rire franc de Grace : “Parfait. C'est quand, les présentations officielles et la baby shower ?” C’est au tour de l’aînée de scruter la jeune femme, guettant l’effet de sa réponse sur elle : ses traits se sont apaisés, le mur qu’elle était à son arrivée laisse désormais filtrer un peu de chaleur et l’intérêt de trouver toutes les excuses possibles pour rester ne lui semble plus aussi prioritaire. Elle se lave les mains, les passe dans ses cheveux comme pour remettre de l’ordre dans ses idées et retourne près d’Ella, l’attire à elle sans aucune pudeur. “Hm hm”, muse-t-elle, ses yeux ancrés dans les siens. “C'est tentant.” Elle n’a toujours aucune foutue idée de ce que ça signifie, ni de ce qu’elles sont, mais pour l’heure, ça ne la dérange plus. Un baiser dans son cou scèle leur pacte pour la journée et elle l’officialise encore plus en entamant sa propre bière. “Mais en vrai…” Ses sourcils se froncent, elle tape de l’index sur la bouteille de bière : “Tes parents, ils vont prendre ça sérieusement ? Ils vont pas envoyer un hitman chez moi, ou quelque chose comme ça ?” Le ton de Grace paraît réellement inquiet, et pourtant, l’idée que son nom soit associé à celui d’Ella lui est particulièrement tentante. Absorbée par son idée, elle reprend, hochant la tête pour elle-même : “Je crois que je vais rester dormir. C’est plus sûr ici…” L’éclair de malice dans ses prunelles est impossible à louper, et elle laisse ses barrières tomber une à une : elle est loin, l’envie de se donner contenance en forçant la désinvolture. Non, son envie de rester est claire. “Et si t’as rien à faire demain, on pourra aller en périphérie ? J’sais que j’insiste, mais j’ai besoin de me remettre à la photo.” Et toute excuse était bonne à prendre pour quelques heures supplémentaires, apparemment. Elle hausse les épaules : “Et de toute façon, ça change quoi, si on nous voit ensemble ? Je parie que tes parents vont passer par le secrétaire général de l’ONU pour bien officialiser l’union…” Un sourire taquin joue toujours sur ses lèvres tandis que son regard demeure fixé sur sa bouteille, son index tapotant toujours celle-ci. Question voilée derrière la plaisanterie : serait-ce vraiment un problème de les surprendre ensemble ?
@Ella Matthews |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 11:58 | |
| Le sourire d’Ella l'abandonne immédiatement, pour le retrouver avec un peu plus de sarcasme et moins de sincérité. Un léger mouvement de recul l'accompagne alors qu'elle essaie de passer outre la frustration en regardant Grace de haut. « Qui te dit que c’est pas exactement ce dont j’ai besoin ? » Sauf qu’elle n’aurait pas voulu qu’elle la quitte juste après non plus. Elle ne sait pas si elle peut s’en passer mais elle devra faire avec, Grace semble bien décidée à terminer la tâche dans laquelle elle s’est lancée. Ella ne peut s’empêcher de regretter d’avoir répondu favorablement à un mac & cheese, elle n’a pas vraiment faim. Elle n’a pas vraiment envie d’autre chose que leurs deux corps entortillés l’un contre l’autre. C’est plus simple, d’agir de manière complètement libidinale, que d’avoir à se rappeler que ça avait été affreusement compliqué d'organiser sa vie autour d'un mensonge. Toutes ces prudences, tant d'imagination déployée pour cacher ce que beaucoup pensaient inavouable. Elle conçoit que ça peut parfois être en partie stimulant, mais à la longue, quelle torture que cette discipline. Sans doute que même si elle voulait tout arrêter elle pourrait difficilement trouver une vie normale. Rien de sa vie n’a jamais été normal. Elle s’imagine l’adolescence de Grace. Est-ce qu’elle aussi était ballottée entre ce que ses parents attendaient d’elle et les doutes qui la gardaient en otage la nuit ? « Oh si tu connaissais ma mère… Sans doute qu’elle s’imagine que dépenser une fortune dans un thérapiste pourrait me remettre sur le droit chemin. » Quant à ce qu’elle aurait pu lui répondre : bien sur qu’elle aime exclusivement les filles, elle n’a plus aucun doute là dessus. Elle regarde Grace cuisiner et aussi étonnante soit la situation... non. Vraiment. Plus. Aucun. Doute. Grace a-t-elle besoin de le savoir ? Les bras croisés devant elle, la beauté de la brune rappelle Ella à ses souvenirs, à leurs souvenirs et elle décide que non. Si récents et tellement éloignés à la fois, il lui semble qu'elle n’a pas touché d'être humain depuis elle, depuis une éternité, ni n’a détaillé de visage avec autant d'insistance et d'avidité. Un bref rire s'échappe de sa gorge sèche tandis qu’elle reconduit encore les hostilités par un regard opposant lancé en sa direction. Las cependant, Ella détourne rapidement le regard pour mieux se concentrer sur sa bouteille. « Pourquoi ça t’intéresse de toute façon ? »
Elle est ramenée à la facilité de leur entrevue quand elle sourit face au rire de Grace. Elle peine à concevoir l’issue d’éventuelles présentations. « A toi de me dire, c’est toi qui est en train de réfléchir aux dates. » Ses doigts forment des guillemets qu’elle utilise pour s’auto-citer. Elle rit de bon coeur : un hitman, il ne manquerait plus que ça. Mais si ça peut lui donner envie de passer la nuit chez elle, il se pourrait qu’elle insiste sur la dangerosité de ses parents. De nouveau, Grace manifeste son envie d’aller en bordure de la ville, mais c’est surtout son commentaire précédent qui l’intrigue. Ella regarde instinctivement son lit à l’autre extrémité de la pièce. « Si t’insistes… je vois mal comment je pourrais te refuser quoi que ce soit. » Ce n’est pas exactement ce qu’elle aurait voulu dire, du moins pas à voix haute, mais elle l’accompagne d’un sourire en coin. Son expression n’aurait pas été plus explicite si elle l’avait accompagnée d’un clin d’oeil.
Elle se laisse entraîner, se regarde faillir, sa fermeté céder sans préavis quand les lèvres de Grace se posent dans son cou. De nouveau, elle s’écarte trop rapidement, mais cette fois Ella la ramène à elle. Et c’est elle qui lui embrasse la joue, puis la mâchoire, descend à son tour dans son cou et remonte jusqu'à son oreille. Entrecoupée par des baisers qui s’intensifient, elle murmure : « T’inquiète pas pour mes parents, j’ai ajouté un “lol” à la fin du message. » Mouais. Puis, nouveau baiser, sur ses lèvres cette fois. « Mais t’as raison, c’est plus sûr ici. » Son corps ne cesse de réagir que lorsqu’elle se redresse et que Grace reprend parole. Ella est persuadée que de là où elles se tiennent, Grace peut entendre son coeur battre à une allure folle. Sa main auparavant sur sa taille remonte dans son dos ; cette douceur se propage dans toute son échine et la rapproche de son amante dont la chaleur corporelle l’étourdit encore. Elle tremble pour les moindres gestes de Grace. Rien pourtant n’est plus simple, plus innocent, mais elle la désire avec tant d’ardeur, que son contact lui paraît impossible à surmonter. La main d’Ella glisse jusqu’à son cou, dans ses cheveux et jusqu’à sa joue, et avant qu’elle ne puisse réfléchir à son geste, elle se retire. Elle s’excuserait presque, pour sa conduite un peu trop affectueuse. Sans doute que pour se préserver elle devrait lui dire : voilà ce qu’on va faire : dès à présent on va éviter de se retrouver seules toutes les deux et un jour, peut-être, quand tout se sera calmé… Sauf que tout ce qu’elle aurait dit serait l’exact opposé de ce qu’elle veut faire. Comment peut-elle envisager de laisser faire une chose pareille ? Où trouverait-elle la force et l’énergie nécessaire ? Ses jambes sont frêles et elle est bien contente d’être assise pour ne pas avoir à se supporter. Plus elle songe au plus raisonnable, plus ses réflexions se désordonnent et c’est bien trop pour ce qu’elles sont censées être. Mais que sont-elles au juste ? Ella essaie d’imaginer l’avenir, à la force surhumaine dont elle devrait faire preuve pour ne serait-ce qu’envisager de ne plus penser à Grace. Elle échoue même dans la conception de cette perspective.
« Pourquoi tu me demandes ça, Grace ? » Elle fronce les sourcils. Cette phrase, simple, pourtant prononcée innocemment, percute Ella de plein fouet, elle sait que son coeur ne devrait pas battre la chamade à l’idée d’associer “couple” avec “Grace”, et qu’elle ne devrait pas penser aux sentiments qu’elle pourrait ou ne pourrait pas ressentir. Et puis, qu’est-ce qu’elles feraient ? Elles se donneraient la main pour les tabloïds ? Elles s’accompagneraient mutuellement en soirée ? Quelqu’un finirait par avoir le coeur brisé, c’est certain. A moins que… « C’est ce que tu veux ? Officialiser l’union en se montrant ensemble ? » C’est sorti tout seul.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 14:41 | |
| « Qui te dit que c’est pas exactement ce dont j’ai besoin ? » D’éternels zigzags entre conversations sérieuses et piques bien plus légères, qui ne font que ressortir davantage le désir latent qui sillonne la conversation depuis leurs retrouvailles. L’idée est tentante, Grace se pince les lèvres : elle ignore si elle doit mettre ça sur le compte des joints mais sa volonté est de fer, aujourd’hui, et elle se refuse catégoriquement de céder si tôt. “Ton attitude, Els. Je te connais.” Rappel indirect qu’elle veut clair, parce qu’en deux ans, elles n’ont pas partagé qu’un lit, ou un sol, ou une douche, ou un dos de porte ou un comptoir : elles en ont collectionné, des échanges à coeur ouvert, des instants où la vulnérabilité revenait à toute charge. Ella peut se prétendre immunisée à la déferlante de laquelle elle se retrouve victime, mais Grace ne s’y laissera pas prendre : elle est bien plus heurtée qu’elle ne veut bien l’admettre. Peut-être que le sexe aurait agi comme quick fix sur le coup, mais le fond du problème demeurait et aujourd’hui, Grace est déterminée à l’aider sur ce point-là. “Elle n'a pas tort, tu sais ? Tant que t'auras pas trouvé Jésus...” La conversation revient doucement sur un sujet plus sérieux, abordé avec toute la légèreté dont elle peut faire preuve. Elle lutte de toute son âme pour maintenir une expression innocente, presque candide, sans succès : rapidement le sourire narquois revient poindre.
« Pourquoi ça t’intéresse de toute façon ? »
La question la prend de court, à nouveau, parce qu’elle est tout à fait juste : qu’est-ce que ça change ? Qu’espère-t-elle pouvoir faire de plus en sachant si Ella n’aimait que les femmes, si elle traversait une passe compliquée ou si plus d’un genre l’attirait ? Grace opte pour le simple, hausse les épaules : “Mon indéfectible curiosité ?” Elle ne peut pas admettre qu'imaginer Ella avec quelqu'un d'autre lui ferait bien plus de peine qu’elle ne peut l’imaginer. Le déni est d’un confort certain et quand on s’y habitue, parfois, la déconnexion de la réalité n’en est que plus grande, plus tolérable surtout. Alors elle ne réitère pas la question : très bien, qu’elle ne lui dise pas. Ella n’a pas tort : ça ne la regarde pas et de toute façon, rien de ce qu’elles partagent ne serait susceptible d’être changé par un tel détail, n’est-ce pas ? Habilement, elle détourne le sujet fâcheux, s’en tire avec une plaisanterie sur leur mariage à venir, l’expression facétieuse de la gamine à qui on ne peut rien reprocher. Elle en profite pour glisser au passage qu’elle resterait cette nuit : son appartement ne lui manque pas, Kim Possible se débrouillera sans elle et elle a trop longtemps été séparée d’Ella pour tolérer l’idée de repartir si rapidement. « Si t’insistes… je vois mal comment je pourrais te refuser quoi que ce soit. » N’importe quel autre jour, la remarque lui aurait soutiré un sourire tendancieux ; aujourd’hui elle se surprend à se sentir flattée par cette révélation. Et si la bouffée d’affection qui l’étreint l’amène jusqu’au cou d’Ella, c’est pour une raison précise qu’elle serait presque prête à regarder en face. Quand est-ce que tout a changé ? Quand est-ce que leur relation a-t-elle dérivé vers cette douceur presque timorée, timide, et qu’une main innocente se promenant sur sa taille a commencé à lui faire autant d’effet que ses baisers bien plus entreprenants sur le point le plus sensible de son cou ? A quel moment la main qui se pose sur sa joue dans un élan d’affection qu’elle se retrouve toujours à réclamer a-t-elle commencé à prendre autant de place et d’importance dans son esprit que leurs ébats les plus intenses ? Pudique, elle baisse les yeux et retrouve sa bière sur le comptoir où elle s’accoude. Rien n’a jamais été aussi compliqué, et à la fois, rien n’a jamais été plus évident.
« Pourquoi tu me demandes ça, Grace ? »
Parce que chacune de ses tentatives de changement de sujet semble s’échouer sur un point de non-retour, la photographe ne trouve plus rien à dire pour se sauver une énième fois. Elle lui envoie un regard cryptique, surpris, interdit. Que peut-elle bien répondre à ça ? “Je sais pas”, renvoie-elle avec un aplomb désarmant, de ceux qui ne trompent aucunement sur ses intentions de contourner soigneusement le sujet. “Ça pourrait t'aider niveau coup de pub ? À être acceptée ?” Dans un monde idéal, Grace n'aurait pas peur de se poser les bonnes questions, peut-être que la réflexion aurait même été acheminée depuis longtemps et qu'Ella n'aurait pas eu besoin de lui demander. Peut-être qu'elle aurait déjà parlé de ce qu'elle ressentait sans ambages ni évitement, avec une sincérité vulnérable et que face à cette question elle aurait répondu ce qu'elle aurait déjà compris depuis longtemps : oui, bien sûr que j'ai envie d'être avec toi. Pas pour les autres, mais pour nous. Mais dans le monde actuel, où tout semble flou, Grace ne s'est jamais posé la question par peur d'affronter une déception de plus et de fait, elle est totalement prise de court par cette idée. Est-ce qu'elle aimerait officialiser quelque chose ? Y avait-il quoi que ce soit entre elles à officialiser ? Pourtant, le ton d'Ella est sérieux, elle a même utilisé son prénom : la question se pose réellement, depuis suffisamment longtemps pour qu'elle mérite d'être lancée à haute voix. “J’ai pas envie de te voir avec quelqu’un d’autre. Ca change quelque chose ?” La question se veut tentatrice, cherche à annihiler toute tentative de conversation profonde mais rien n’est plus vrai : elle veut qu’Ella soit sienne, qu’importe ce que cela implique. Elle se rapproche, à nouveau, laisse sa main droite se poser sur sa taille, remonter par son ventre jusqu’à ses clavicules, jusqu’à ce qu’un pouce s’échoue sur les lèvres tant désirées et qu’elle s’en empare.
Elle ignore si c’est le désir qui la submerge ou la peur de donner suite à la conversation qui la dépasse, mais cette fois-ci, elle ne s’arrête pas. Elles ne trouvent pas le temps d’aller plus loin que le canapé, et quand la redescente s’amorce dans son esprit encore trop embrumé, elle s’empare immédiatement des lèvres d’Ella, avec toute la tendresse dont elle sait faire preuve, faute de savoir répondre à sa question. “Verdict : c’était exactement ça dont tu avais besoin ?” singe-t-elle, reprenant les mots de la jeune femme, un doigt traçant ses traits. Reporter les conversations à plus tard, ça a toujours été son plus grand talent ; cette fois-ci elle ne sait pas combien de temps ça marchera.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 16:40 | |
| Grace a rarement tort en ce qui la concerne. Plus tard, Ella laissera la douleur la dévorer toute entière, et elle se laissera perdre la face. Et plus tard encore, elle souffrira en silence, sans témoin. Elle n’appartiendra qu’à elle, et elle la gardera jalousement, la transformera en quelque chose de suffisamment puissant pour faire face à sa famille et à ses détracteurs. Mais pour l’heure, Ella relève les yeux vers Grace et l’observe, puis elle hausse les sourcils, amusée par sa référence à la religion. La tentation de s’essayer à une plaisanterie sur le prénom de son interlocutrice est grande, mais elle se retient. À la place, elle lui offre ce qu’elle pense ressembler à un sourire amusée, n’ayant pas tout à fait maîtrisé la directive de leur conversation, ni quel rôle endosser : amie ou amante. Ella trouve que c’est attendrissant la façon qu'a Grace de plaisanter même quand la situation ne s’y prête pas nécessairement, et qu’elle voudrait ne plus jamais avoir à la quitter, encore moins pour plusieurs semaines d’affilées.
En repensant à la tournure prise par les évènements, elle est prise d’une profonde sensation désagréable. Elle sait que ça ne les engage à rien, que ça ne regarde qu'elles, que ça semble clair des deux côtés, et pourtant, chaque geste et chaque regard paraît comme une promesse, comme si elles essayaient de dire quelque chose qu’elles sont incapables de formuler en mots, et parce que c’est un sentiment étrange et inquiétant et qu’elle ne sait pas quoi en faire, Ella referme un peu plus la distance entre elles, pour ne plus voir l'expression sur son visage. Pourquoi est-ce si différent cette fois ? Qu’est-ce qui rend Grace si désirable ? Qu’est-ce qui fait qu’Ella la veut tellement qu’elle revient toujours vers elle, qu’elle est prête à se mettre dans une telle position, qu’elle est prête à supporter de perdre sa famille, certains de ses fans et l’idée d’une tentative ridicule de relation ? Après tout ce temps, Ella ne comprend toujours pas. Peut-être qu’il n’y a pas de réponse. Grace et Ella, peut-être qu’elles sont ce qu’elles sont et qu’elle devrait arrêter de se voiler la face et l’accepter. Parce qui d’autre que Grace aurait supporté ses absurdités et son déni pendant si longtemps ? Personne d’autre n’a jamais eu à le faire.
« Tu veux que je me serve de toi pour un coup de pub ? » Elle en plaisante presque mais elle ne peut pas s’empêcher d’être déçue de la réponse fournie par Grace. Elle se fige une fraction de seconde, tente de taire son affliction, mais elle comprend qu’elle ne lui échappera pas. Elle se raidit avant que Grace n’émerge de nouveau dans l’insignifiant espace qui les sépare, et pose sa main sur elle. Enfin. Ella se complait dans le soudain débordement électrique qui la saisit jusqu’à la moelle. Elle ne sait pas si Grace l’embrasse pour lui faire penser à autre chose ou se jouer d’elle, et décide que ça lui importe peu. Sauf que l’idée que quelqu’un puisse ne vouloir qu'elle à ce moment de sa vie lui donne envie de prendre ses jambes à son cou, imaginer que c’est Grace, c’est autre chose. Elle reste un instant contre elle, refermant sans ménagements ses lèvres autour des siennes. Remettre de l’ordre dans son esprit : si ça change quelque chose ? Ca change tout. Mais elle a perdu la parole.
Et Ella sait reconnaître la ruse de Grace pour la piéger dans une étreinte et se défiler. Elle veut juste ne pas avoir à lui dire que ça ne l’ennuie pas. Elle se laisse entraîner vers le canapé. Son désir grandissant alors qu’elle cherche à faire passer ses baisers d’affection hésitante à quelque chose de beaucoup plus intense et de passionnel. Complètement enivrée elle ne peut qu’acquiescer face à sa question, alors qu’elle se rapproche déjà pour retrouver ses lèvres. Elle se dit qu’elles devraient sans doute arrêter de parler désormais, mais malgré tout, elle est chamboulée, et parce que la récente confession de Grace la taraude elle trouve la force de la repousser, et avec un simple souffle : « Attends… » Stop. Elle lui rend quand même ses baisers. Presque fermement. Puis, l’une d’entre elle se recule, prend le temps d’observer l’autre. Peut-être que c’est Ella, elle ne sait plus très bien. Elle l’embrasse de nouveau, et cette fois frénétiquement et presque avec maladresse. Ses mains se glissent sous son haut, et elle gémit malgré elle à la sensation, comme délivrée, comme si elle n’en revenait pas d’avoir attendu aussi longtemps. Sa langue est chaude contre la sienne et elle s’agrippe désormais à ses vêtements pour l’attirer contre elle, elle en veut toujours plus. C’est saisissant à quel point elle se perd aussi facilement en elle. Alors oui, peut-être qu’elle est tout ce dont Ella a besoin. Elle embrasse ses joues, sa mâchoire, son cou, ses clavicules, elle voudrait le faire régulièrement, pas juste cette fois-ci, parce qu’elle a envie d’elle, et parce qu’elle a l’impression qu’elle seule pourrait lui faire oublier tout le reste, et qu’elle seule pourrait être importante, parce qu’elle seule la fait trembler. Elle n’est pas certaine de ce qu’elle fait, puis, avec des gestes un peu déconstruits, comme elle l'avait imaginé des centaines de fois, seule avant de s’endormir, elle renverse complètement Grace sur le canapé et l’enjambe. Elle tremble encore, mais elle résiste : « Et si j’avais pas envie de te voir avec quelqu’un d’autre non plus, on ferait quoi ? »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 18:24 | |
| « Tu veux que je me serve de toi pour un coup de pub ? » Joueuse, elle hausse un sourcil, fait clairement comprendre que l'idée ne la dérangerait pas et au fond, il ne s'agit absolument pas de ça, ça n’a aucun rapport avec un présumé coup de pub, mais c’est un million de fois plus facile que de cibler le vrai sujet et de s'y tenir. C’est plus simple encore de la faire taire et de l'amener vers le canapé et de stopper toute tentative de conversation. Elle retrouve la peau de son ventre, bien trop enthousiaste, beaucoup trop attirée par ce qu'elle pensait bêtement loin d’être indispensable. Deux mois sans Ella et elle a eu l'impression de devenir folle sans son corps : voilà à quoi elle se résume maintenant, et c’est exactement la raison pour laquelle elle préfère fermer les yeux. Rien ne lui manque jamais autant, et elle était, après tout, partie sur le très bon motif qu'elle avait besoin de distance, que sa plus récente rupture était un échec cuisant et qu'elle devait prendre soin d'elle. Revenir à Brisbane avait eu un air de nouveau départ mais elle n'était pas mentalement prête pour les révélations que cela entraînait sur sa proximité douteuse avec la jeune femme.
« Attends… »
C’est pourtant Ella qui l’arrête dans un souffle, Ella qui est si facile à convaincre, Ella qui n'arrête jamais rien et certainement pas ça. Mais elle n’attend pas, Grace, car chaque minute d’attente est une possibilité de plus de poser des questions, de se perdre trop loin dans des conversations trop épineuses et qu'elle ne peut plus réfréner son désir alors qu’Ella est là, juste sous ses yeux, prête à s'offrir à elle, le regard rempli d'un désir que ses propres pupilles reflètent. Et surtout, Grace sait ce que signifie ce attends, elle l’a deviné instantanément en lisant le trouble dans les yeux de la jeune femme après la phrase qui lui a échappé. S'en enfuir lui semble idéal, là encore, ne pas se confronter à ses ressentis est un programme parfait pour sa journée passée ici, mais voilà, le report à plus tard ne marchera pas éternellement et Ella le lui fait bien comprendre : le stratagème s’est déjà épuisé et son évitement l’agace. Son dos retrouve rapidement le cuir du canapé et la cadette reste à califourchon sur elle, le regard trouble et pourtant déterminé face à une Grace encore perdue dans un trop-plein de désir qu'elle ne sait comment mettre sous joug. « Et si j’avais pas envie de te voir avec quelqu’un d’autre non plus, on ferait quoi ? » La question se résume en cette unique phrase, la même qu'elles ont toujours savamment évité : si elles avaient une conversation à cœur ouvert, là, maintenant, s'il fallait que l’une comme l’autre s’exprime sans détour sur cette ambiguïté qui constituait désormais leur relation, qu'en feraient-elles ? Était-ce par peur que le sujet était sans cesse repoussé ? Par conviction que rien de bon ne ressortirait de tout ça ? “Alors je verrais personne d'autre”, déclare pourtant Grace et si sa voix tremble légèrement, parce que c’est une promesse qu'il est difficile de lui soutirer, elle n'en pense pourtant pas moins – loin de là. Ses dernières aventures se sont multipliées, noyant la tristesse de sa rupture avec Alexandria dans des rencontres qui duraient plus ou moins, mais elle n'avait trouvé cette alchimie nulle part ailleurs, n'en avait pas envie non plus. Et pourtant, le doute n'est que plus puissant quand cette évidence s'impose à elle.
“Je sais pas, Els”, avoue-t-elle finalement, se redressant sur un coude, le regard songeur et les sourcils froncés. Il faut qu’elle se force à rencontrer son regard pour qu’Ella comprenne sans qu’elle ait à le dire : elle est perdue et tout l’inquiète. La grande gueule qu’elle est est désarmante dans sa vulnérabilité qu’elle ne sait plus comment contrer. Mais elle a besoin d'être honnête, d'avouer qu'elle est perdue. Elle a trop contenu ses émotions et réfréné sa rancœur avec Alexandria, elle a trop fui face à ses peurs avec Lola – elle ne peut pas se taire cette fois et n'en a plus envie. Trop de souffrances pour si peu d'ego conservé… “Je suis pas douée avec toutes ces choses-là.” Et elle le sait, Ella, parce qu'elle a été témoin de sa tourmente et de sa hargne à leur rencontre et elle a subi ses appels désespérés et sa tristesse et sa libido au-dessus du ciel après sa récente rupture avec Lola autour d'une relation qui n'en était même pas encore une. Son incapacité à tout l'effraie et elle ne peut pas faire de faux-semblants face à la plus jeune : elle la connaît trop bien, l’a trop vue dans des relations courtes où elle prônait l'évitement et finissait irrévocablement dans ses bras après une séparation rapide et sans bavure.
Elle finit par s’asseoir, le désir refoulé loin derrière sa gorge subitement serrée par l'embarras. Peut-être que c’est une très mauvaise idée de s'engager sur cette pente qui semble tout sauf douce. “Tu viens de sortir du placard, t’es encore en conflit avec tes parents. C’est compliqué.” Et ça risque de compliquer encore plus les choses, d'être ensemble sans jamais avoir eu un semblant de stabilité dans leur amitié tumultueuse et jamais linéaire. Elle ne peut pourtant pas nier qu'elle se rend malade à imaginer Ella se lasser d'elle et lui présenter quelqu'un d'autre. Elle ne compte plus les fois où elle s’est bêtement rendue jalouse, elle qui ne l'est pourtant jamais. Elle ne sait même pas si elle est prête à quoi que ce soit, elle qui vient de faire souffrir quelqu'un qu'elle appréciait par simple lâcheté. “Qu’est-ce que tu veux ?” miroite-t-elle, parce que c’est Grace qui a toujours eu les réponses, qui a toujours semblé tout savoir mais aujourd’hui, elle espère qu’Ella en saura davantage qu’elle.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 19:38 | |
| Ella la regarde, un peu choquée par son aveux, affichant un regard grave. Avant Grace, elle n’avait rencontré personne qui lui parut à la hauteur. Tôt ou tard, les sensations physiques qu’elle éprouvait avec elle devaient se muer en une attirance incontrôlable. Mais surtout, en des sentiments indéterminables qu’elle ressent à chaque fois qu’Ella la surprend à l’observer, et la façon dont son coeur vibre contre sa cage thoracique et qui affaiblit ses jambes, ses mains moites, et ça la rend presque malade d’espoir quand elle l’entend s’ouvrir à elle.
Grace se redresse sans préavis, et Ella se recule, baisse le visage. Elle ne sait pas pourquoi mais ses yeux se sont humidifiés. Elle sait juste qu’elle doit à tout prix le cacher. Elle sent que si elle ne change pas vite de sujet, les chaudes larmes déborderont presque et se mettraient à couler, elle sent le frémissement de sa lèvre inférieure qui la lance, et la tension de sa gorge alors qu’elle réprime des larmes. Ce qu’elle veut ? C’est bien trop vague comme question. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle voudrait freiner ces montagnes russes émotionnelles sur lesquelles elle vague depuis que Grace a débarqué chez elle. « Je… euh. » Elle fronce les sourcils, réfléchit encore un instant. Il y a tant de choses qu’elle voudrait pouvoir lui dire, à commencer par : je veux essayer d’être avec toi, ou, je pense que je suis en train de tomber amoureuse de toi. La vérité c’est qu’Ella ne sait pas si elle peut lui fait confiance de ne pas lui briser le coeur. Paradoxalement, le fatalisme dont est frappé leur union, cette relation qualifiée catégoriquement et beaucoup trop à la légère d’“ambigüe”, la sert singulièrement, lui donne toutes les vertus d'une passion, d'autant plus grande qu'elle est comme clandestine et ancrée dans un monde où l’une et l’autre sont confrontées à des choses pour lesquelles elles ne sont pas prêtes. Ella essaie de se souvenir de la dernière fois qu’elle a ressenti des choses aussi fortes, et jusqu’à preuve du contraire, ça n’est jamais arrivé. Un puissant martèlement de cœur la fait tressaillir en se ressassant tous les facteurs qui vont contre leur “officialisation”. Des facteurs indépendants de sa volonté, qui ne sont souvent là que par hasard mais contribuent à faire d’elles des amantes un peu maudites. Mais plus le monde entier - Grace y compris - semblerait les forcer à se séparer, plus Ella aurait envie de résister.
Elle entreprend alors de caresser la main de Grace du bout des doigts, en prenant soin de ne pas raviver le désir, puis remonte jusqu’à son bras, et son épaule. Elle en profite pour l’approcher d’elle et reposer alors son front contre le sien. Elle se demande souvent ce que serait sa vie si elle ne l’avait jamais rencontrée, et sa gorge se serre à cette pensée. Elle sait qu’elle doit peser ses mots, et elle frissonne. Chaque fois que ses mains se déplacent, Ella ressent une minuscule souffrance. Et si elle est en train de la toucher pour la dernière fois ? Le rythme cardiaque s’accélère, parce qu’elle devine qu’au moment où elle se confesserait, Grace pourrait prendre peur et pourrait prononcer ses adieux à tout moment, et passer le pas de la porte comme elle le faisait d’habitude, sauf qu’elle ne la reverrait jamais plus. Grace a raison, c’est compliqué, et Ella abandonne l’idée de la raisonner car elle connaît déjà l’issue du débat. Elle laisse tomber sa main et se lève du canapé.
« C’est sans doute pas ce que t'avais imaginé en venant ici… » marmonne-t-elle alors qu’elle s’éloigne déjà avant de se poster devant l’une des baies vitrées donnant sur Spring Hill. Mâchoire ferme, sourcils froncés, Ella ne peut se résoudre à parler maintenant, mais malgré elle, soutient la conversation, sans transition, pleinement consciente qu'elle ne fait que lui renvoyer la balle sans davantage d'explications : « Ce que je veux, c’est que tu me dises ce que tu ressens exactement. » Et tout serait tellement plus simple si seulement elle ne ressentait rien, et qu’elles pouvaient revenir à ce qu’elles savent faire de mieux : coucher ensemble et se terrer dans le déni.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 21:03 | |
| Leurs front se trouvent et se posent l'un contre l'autre et Ella n’a toujours pas répondu. Grace, elle, a arrêté d'attendre – peut-être que c’est ainsi que la conversation devait s'achever, peut-être que le sujet ne reviendra jamais et peut-être que c’est pour le mieux. Si ça se trouve, elle s'en remercierait d'ici quelques mois. Le contact lui suffit, pourtant, bien plus communicatif que des mots maladroits balancés à la hâte à l'idée d'en finir avec ce sujet qui remue bien trop d'émotions taboues. La main de Grace se pose sur le genou de la plus jeune, le caresse distraitement en signe de réassurance, l'air de dire : c’est rien, on peut s'arrêter là. Elle se promet de ne plus jamais aborder le sujet, si c’est ce qu’Ella désire. Qu'importe, du moment que rien ne change. Et pourtant Ella se lève, déjà, la quitte brusquement, et l'inquiétude que ce soit déjà trop tard, que tout ait déjà trop changé pour faire marche arrière s’immisce lentement en elle.
“J’étais défoncée. Je m'attendais à ce que tu me jettes, déjà.”
Son ton est complètement sérieux, cette fois – l'envie de déconner lui est passée comme une quinte de toux et maintenant qu’Ella lui tourne le dos, elle en est presque à se ronger les ongles d'inquiétude. Ses pieds retrouvent le sol, pourtant, et elle pose son coude sur un genou pour appuyer son front dans sa main. La question d’Ella est tout sauf rassurante et pourtant, elle s’autorise enfin à respirer à nouveau. C’est à elle de maintenir le silence en retour, une bonne minute, ce qu'il faut pour peser ses mots. Le fait qu’Ella soit dos à elle aide bien plus qu'elle n'aimerait le dire. “J'aime ce qu'on est”, finit-elle par avouer, et elle ignore si c’est une bonne chose ou non. Elle apprécie le manque d’attentes claires du côté d’Ella, parce qu’elle n’a personne à décevoir, personne à perdre et que si jamais les choses devaient prendre un terme précoce, elle n'aurait pas à se demander si c'était sa faute. Elle aime l'idée qu'elles peuvent se retrouver quand elles veulent et sans obligations ni filtre aucun et se quitter tout aussi prestement si besoin d'être seules il y a. Elle chérit leur proximité sans titre clair, parce que ça lui permet de tout avoir de positif sans prendre les inconvénients, elle l’admet. Pourtant, tout le positif du monde peine presque à contrebalancer les points plus sombres, ceux qu'elle aime le moins s'avouer : elle n’aime pas savoir Ella avec une compagnie autre que la sienne, elle digère mal ses refus et ses j’ai déjà des plans quand elle propose de se voir et elle exècre proprement cette peur que quelque part, un certain jour, Ella trouvera forcément quelqu'un avec qui elle voudra vraiment être, sans réserve ni toxicité aucune, et cette personne ne sera pas elle.
“Mais j'aime pas l'idée qu'il y ait d'autres gens. Ou que ça s'arrête un jour.”
Ça – elle l’englobe d'un geste vague de la main –, c’est leur complicité, leur façon de se retrouver à l'improviste et avec une aisance qui lui est si précieuse, et toutes les émotions multiples et décuplées qui l’accompagnent à chaque fois qu'elles finissent ensemble. Ce qui la freine, vraiment, et ce qu'elle aimerait lui communiquer, c’est qu'elle a peur. Elle s'en doute, Ella le sait – et elle n'est d'ailleurs elle- même pas en reste. C’est terrifiant, de s'ouvrir à tel point à une personne et de lui offrir la possibilité de vous heurter de toutes les manières jusqu'à la pire, a fortiori quand le schéma s’est mal terminé la fois précédente. Pourtant, et Grace tire cette conclusion de sa relation ratée avec Lola et de sa fuite dans Race of Australia, partir ne lui a pas évité d'avoir mal : ça ne lui a permis que d'avoir plus de regrets que de bons souvenirs. Et si atteindre cette conclusion ne suffit pas à la rassurer ni à l'ouvrir totalement aux nouvelles expériences, elle réalise au moins que fuir cette fois-ci n’est absolument pas une option. C’est un énorme pas en avant. Demeurent cependant les mêmes problèmes qui les ont affectées jusque-là : Ella vient de comprendre qui elle était et est forcée de l'assumer sans préavis. Grace ne veut pas la priver de la possibilité de découvrir, de rencontrer bien trop de gens, de coucher avec bien trop de monde – après vingt-cinq ans passés sans arriver à mettre des mots sur ce qu'on ressentait, être libéré d'un tel carcan allait souvent avec un besoin d’indépendance extrême. Et la photographe est péniblement consciente qu'elle n'est sûrement pas la candidate idéale pour remplir ce rôle – si rôle il y a à combler. Le bruit d'eau bouillante tombant sur la plaque de cuisson la tire de ses pensées et elle s'oblige à se lever en vitesse : “Merde. Les pâtes.” Elle se dirige d'un pas pressé vers le coin cuisine, éteint le feu en trombe et verse les pâtes dans la passoire. Elles sont presque trop cuites et le plat est vraisemblablement raté d'avance.
“J’arrêtais pas de penser à toi pendant l'émission”, qu'elle finit par dire, toute à son mac n cheese déjà mal foutu. “De me demander si t'aurais aimé telle ou telle chose et si tu te serais sentie bien là-bas. Et mon premier réflexe quand on m’a rendu mon portable, c'était de t'appeler pour venir te voir, ou en tout cas te parler. Je l'ai pas fait parce que j'avais peur de ce que ça signifiait.”
Elle ajouterait même qu'elle en avait toujours peur, si elle ne savait pas pertinemment ce sur quoi tout ça débouchait. Grace termine sa bière qui a presque perdu toutes ses bulles et se penche pour attraper un plat : elle est visiblement déterminée à finir son plat mordicus. “On peut voir où ça mène.” Elle déclare ça comme elle dirait je vais sortir le chien et son ton égal ne communique qu'encore davantage sa peur. “Si tu veux.” Ça brise à nouveau le silence et elle tient un ton égal, comme Ella sait si bien les faire, et comment a-t-elle pu repousser aussi longtemps l'évidence alors qu'elle adopte ses mimiques aussi facilement ? Ça l'agace et le geste avec lequel elle vide les pâtes dans le plat et les mélange au fromage et à la crème est suffisamment expressif sur son état d'esprit. “Je sais pas dans quoi je me lance et peut-être que c’est la pire idée du monde, mais j'ai pas envie de regretter de n'avoir rien fait.” Pas un regard en direction d’Ella, jamais.
@Ella Matthews |
| | | | | | | | only fools fall (ella&grace) |
|
| |