| state of the art (ella&grace#2) |
| | (#)Ven 07 Aoû 2020, 07:36 | |
| Un soupir lourd et profond qui semble puiser ses origines au centre de la Terre la surprend quand il s'échappe d'entre ses lèvres et enfin Grace sort de sa contemplation, se forçant à s’activer. La salle dédiée à la soirée commence à se remplir et elle a déjà dû louper une demi-douzaine d’invités, à force de triturer l’objectif et de penser à tout, sauf le boulot. Elle se ressaisit en se redressant, dirigeant son attention sur l'assemblée. Chacun est sur son trente-et-un après s’être férocement disputé ses tickets d'entrée, à l'extérieur les fans sont encore collés aux barrières dans l'espoir de pouvoir toucher une main, obtenir un numéro ou se faire remarquer par un agent et ça crie, dans tous les sens, autant qu'à l'intérieur le silence est d'or, comme si chacun se félicitait de son niveau de civilisation comparé au bas-peuple. Grace fronce le nez. Tout ça pour l'inauguration d'une collaboration entre deux marques. Elle se sent incroyablement étrangère, déplacée dans sa tenue formelle mais modeste comparée à toutes ces robes de designers, prise comme outsider à cause de son accoutrement de travail, irrémédiablement symbolisé par l'appareil qui pend à son cou et le matériel qu’elle transporte dans une mallette. Dans un tailleur, elle se sent presque aussi déplacée que si elle était venue en survêtements. La seule chose qui la sauve, c’est une main agitée dans sa direction, doublée d'un large sourire cintré par deuw rangées de dents blanches.
“Howdy, Paul.”
Le prénommé Paul lui adresse un large sourire complice en s'approchant la brune, laissant son appareil choir autour de son cou alors qu'il vient la saluer comme une vieille amie. Il est seul, cette fois, et c’est peut-être la première fois que Grace l'envisage sans la présence de son employé-slash-conquête, Michael. “T’as largué ton assistant ?” Le grand brun lui répond avec un rire tonitruant et immédiatement, ça apaise un peu son cœur. Quoi qu'elle en dise, quoi qu'elle en pense, elle n’est pas seule ce soir. Et si sa seule compagnie s'avère être Paul, quinqua fringuant deux fois divorcé et utlisant plus son sourire ravageur que son flash pendant ses séances photos, alors ainsi soit-il – et que ça rabaisse un peu son niveau de désespoir. “Ouais. Fallait qu'elle vole de ses propres ailes, après trois ans.” Il lui retourne un sourire un peu triste, un peu mélancolique, et elle se demande si, à l'époque où elle a officié comme assistante photographe, elle aurait pu entretenir quelconque relation avec un supérieur sans que ça ne crée de monstrueuses dissensions. Visiblement pressé de changer le sujet, Paul se dandine d'un pied sur l'autre, et Grace vient à sa rescousse : “J’ai dû me séparer de Magnus, aussi. Il rentrait en Suède. Julia va peut-être venir plus tard dans la soirée, mais je fais cavalière seule aussi.” Elle sait pertinemment l'issue que va prendre la conversation : il va se moquer sans qu'elle ne puisse en voir le bout, draguer Julia dès son arrivée rien que pour l’emmerder et l’appeler Capitaine Crochet jusqu'à ce qu'ils remballent leur matériel et rentrent chez eux. Ça ne manque pas, mais au moins elle lui tire un sourire : “Toute seule, hein ? C’est un peu présomptueux pour Capitaine Crochet, non, babycakes ?” Il désigne sa main droite avec son sourire d’abruti, et elle lui décrocherait volontiers avec un uppercut s'il n'avait pas totalement raison. Mais Grace a un moral de fer et elle sort de six semaines à conduire des chameaux, sauter dans le vide et traverser des parcours du combattant, alors ce n'est pas une séance photo qui peut l'effrayer. “Redis-moi ça quand j'aurais vendu mes prochaines photos deux fois le prix des tiennes.” Elle se veut assurée, Grace, peut-être même, oui, présomptueuse, et elle sait que jamais ça n'arrivera, parce que Paul est un homme et qu'il a des contacts et qu'il est dans le métier depuis plus longtemps qu'elle, mais elle s'autorise quand même ce doux rêve.
Le duo se sépare pour retourner à leurs photos et Grace se concentre sur les mondanités qui se déroulent sous ses yeux : des grands noms dont elle a maintes fois entendu parler, des connaissances de tournage de quelques années ou mois auparavant, des gens à qui elle promet un verre plus tard dans la semaine. Puis elle arrive, entièrement à son aise dans cet univers si particulier et parfaite jusqu'au moindre détail, et une dimension entière semble les séparer et elle se demande presque si c’est cette même personne qu’elle avait dans ses bras ce matin même tant les deux semblent s'annuler. Grace retrouve son appareil autour de son cou, s'en saisit juste à temps pour masquer son trouble et enfin, la hèle :
“Un sourire, Miss Matthews ?”
Elle cache le sien derrière l'objectif pour ne pas faire trop de vagues, parce qu'il est si évident qu'elle se fout complètement des photos et qu’elle a simplement envie de l’attraper par la taille pour l'embrasser qu'elle pourrait compromettre la soirée entière. Elles ont toujours pris soin de ne pas se retrouver à des évènements extérieurs durant les deux ans de leur coucherie, et Grace n'en ressent la raison que plus fortement ce soir : elles ont beau s'être quittées le matin même, Grace ne se fait toujours pas à l'idée de ne pas pouvoir la toucher ou l'embrasser ou simplement s'approcher d'elle sans que ce ne soit suspect. Parce qu'ici, tout va sembler suspect tant un monde les sépare et si dans leur intimité Grace n'avait jamais pris note de ce fait-là, elle le ressent avec une intensité gênante ce soir.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Ven 07 Aoû 2020, 09:06 | |
| Le 7 août, à 19h08, Ella franchit la porte de sa salle de bain, sort de la douche chaude à 19h32, et se cogne la tête contre sa penderie en enfilant la robe qu’on lui a prêté à 19h54. Elle est nerveuse, peut-être qu’une commotion lui calmera les nerfs. Ugh ! Grommelle-t-elle alors que la douleur manque de lui faire perdre l’équilibre. Peut-être que Grace aussi est nerveuse. Elle rebrousse chemin jusqu’à la salle de bain pour contempler les dégâts. Plaie superficielle, qu’un maquillage de professionnel saura facilement dissimuler. Si on lui demande, elle déclarera qu’il ne s’agit pas d’une maladresse provoquée mais d’une blessure de guerre. Elle se dit qu’il faut qu’elle arrête de penser à cette soirée comme à un désastre potentiel parce qu’un jour ou l’autre, elle sera forcée de sortir de son terrier. Son styliste fait soudainement irruption derrière elle, à moins qu’il n'ait assisté à toute la scène. « Mais oui tu es belle. » Ella lève les yeux au ciel et s’observe une dernière fois. « C’est pour qui que tu te mets dans cet état ? » Quel état ? Elle se retourne subitement vers lui. « Tu vas me dire ce qui se passe ? » Elle baisse alors la tête. Elle pourrait lui décrire en quelques mots ce qu’elle pense correspondre à Grace : c’est personne, c’est une amie, c’est un crush, c'est ma copine, c’est un test, c’est la femme de ma vie. Mais au lieu de ça, elle secoue la tête et répond lâchement : « Il y a rien » puis elle passe à côté de lui et s’échappe jusqu’au coin salon pour enfiler ses talons. Il a le bon sens de ne pas la suivre, même si elle n’a aucun doute sur le fait qu’il ne considère pas la conversation comme terminée. Elle aurait besoin d’un verre avant d’y aller : elle sort une bouteille de whisky du placard, et boit une gorgée à même la bouteille, devant les yeux interloqués de son ami. « Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait d’... » « Tais-toi. » Elle sort du loft en courant presque et ils s’engouffrent tous les deux dans la limousine.
En tant qu’ambassadrice, elle était forcée d’y assister. Elle repose son téléphone et regarde par la fenêtre de la voiture. Elle ferme les yeux en frottant son bleu. C’est le fait de savoir qu'elle va sans doute se faire harceler de questions et que Grace sera là, avec un nouveau statut dans sa vie, à l’écouter bafouiller, qui rend les choses si difficiles. Un frisson la parcourt. C’est le même phénomène qu’avant : quand elle était en train de lire chez elle et qu’elle commençait à penser à elle, parce que Grace lui envoyait des messages intempestifs. Elle pinçait ses lèvres, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus rester assise et cesse de résister. Elle faisait les cents pas, regardait à travers la fenêtre de son loft, les poings serrés. Elle reprenait son livre, essayait de se remettre dedans, parcourant chaque mot lentement et à répétition. Mais un quart de seconde plus tard le livre était de nouveau sur le bureau. Elle observait alors sa bibliothèque. Toutes ces connaissances et rien pour l’aider à éteindre ce feu en elle. Ce soir, elle entend des voix s’élever à l’extérieur qui l’extraient de ses pensées. Pendant une seconde, elle se raidit à l’approche du lieu de l'évènement, puis entend des rires. Elle ne supporte pas l’idée que Grace puisse être là et qu’elle ne puisse pas lui adresser la parole. Elle verrouille son téléphone, si elle ne peut pas le voir, peut-être qu’elle ne penserait pas à quel point c’est ridicule d’essayer de se convaincre qu’elle n’a pas envie de lui dire de tout annuler et de la rejoindre dans un parc à la place.
Elle l’entend avant de la voir, une voix, ou plutôt une intonation qu’elle ne reconnaît que trop bien. Et quand elle pose enfin ses yeux sur elle, Ella a un peu perdu de sa répartie. Grace est là, désarmante, en proie à ce qu’elle donne autant qu’à ce qu’elle prend. Et elle prend toute l’énergie déployée par Ella à garder ses distances et ses mains pour elle, et toutes les interminables secondes à son avantages. Le temps canalise son souffle en équilibre tandis qu’elle la dévêt presque du regard, parce que son tailleur seul lui donne envie de disparaître dans une cabine de toilettes et de lui rouler des pelles, passionnément. Le matin même, elle sentait encore son coeur battre devant l’expression sur son visage. La joie qui la submergeait à la vue d’une Grace toujours bel et bien présente était aussi intense, voire plus, que celle de la perspective de l’embrasser et surtout que celle d’en être effrayée. Elle se sent libérée d’un poids incommensurable et a presque envie de fondre en larmes de soulagement. Sauf qu’elle la fait toujours rire et Ella lève les yeux au ciel face à son commentaire. Elle voudrait en dire plus, et se demande jusqu’à quel niveau elle pourrait envisager de se frayer un chemin. Ella fait un pas de plus vers l’entrée en lui partageant un signe de tête en direction de l’intérieur. Mais quelqu’un la retient légèrement par le bras. Soudainement, Ella s’écarte et s’excuse maladroitement, comme si elle était en tort. Elle se fait interrompre par la journaliste : « Est-ce que vous pensez que les révélations qui ont été faites sur vous vont influencer la politique de Sydney aux prochaines élections ? » Elle est prise au dépourvu et, elle bégaie ? « Non, je… Enfin, peut-être que oui mais ça ne devrait pas. Je... » Et si c’est le cas, ce sont les idéologies qui diffèrent drastiquement d'avec celles de son père qui devraient influencer d'éventuels résultats, et non les personnes avec qui elle couche. La personne. Elle a du mal à s'habituer à cette idée. Et franchement, elle n’a ni envie de parler de politique ni de sa vie privée ce soir alors elle s’arrête là. Sans un mot, sans un souffle, la journaliste observe sa lutte interne et dirige instinctivement son regard sur ses mains crispées.
Elle est soulagée quand elle parvient à s'engouffrer dans la salle. Elle sent quelques regards indiscrets sur elle mais ce n’est pas aussi insupportable que ce à quoi elle s’était attendue. Alors peut-être que c’est l’envie subite de retrouver Grace et de la charrier sur son comportement de paparazzi mais elle arrive à faire abstraction du fait que les gens ont sans doute beaucoup de choses à dire quand elle a le dos tourné. Elle profite d’un moment de flottement où les serveurs distribuent des coupes de champagne pour se saisir de son téléphone et composer un message : Salut. T’es canon. qu’elle se dépêche d’envoyer à Grace avant qu’on ne l'interrompre à nouveau. Et cette fois c'est un homme de son âge qui l'accoste et lui adresse la parole. Il lui semble l'avoir déjà vu jouer dans quelques séries.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Ven 07 Aoû 2020, 10:31 | |
| Voilà trop longtemps qu’elle n’a pas réalisé ce type de photos, elle qui avait finalement trouvé son filon dans la photo de plateau et qui n'en déviait plus que rarement. C'était un des cas où elle était obligée de se prêter au jeu et à prendre l'exception, cela dit, parce qu'en période de restrictions sanitaires les tournages étaient compliqués à trouver, et après six semaines sans travail et surtout sans exercer sa main, un exercice plus léger suffirait à lui remettre le pied à l'étrier. Nonobstant Grace a du mal à se mettre dans l'ambiance : rien de toutes ces mondanités ne lui a manqué, pas plus l'ambiance bain de foule luxueux que le bruit monstre qui entoure ce genre d'événements en général. L'entre-soi n'y est jamais aussi fort que ce qu'elle craint, et ses quelques connaissances permettent toujours de la faire s’inclure dans une foule plus large, mais elle aurait ressenti beaucoup moins de fatigue à faire son job habituel. A fortiori ce soir, qui marque la première sortie d’Ella depuis son coming-out et si elle, complète inconnue pour 99% de ces gens, n'avait rien à faire ni dire dans cette histoire, elle ne peut s'empêcher de ressentir un pincement de stress pour la plus jeune.
Elle ne la rate évidemment pas lorsque celle-ci rentre, et elle la gratifie d'une remarque sardonique qui se noie à la perfection parmi les questions qui l’assaillent. Bien entendu, et comme prévu, les médias n'ont que la sexualité de la jeune femme à la bouche, à croire que la chose est complètement novatrice et que c’est elle qui a guidé la révolte de 45 à l’usine Ford. Grace, parfaitement camouflée parmi les autres appareils, se laisse absorber dans la masse et ne dit mot, se contentant de prendre quelques photos des invités qui défilent. L'intérieur, lui, est bien plus calme, une fois débarrassé de sa foule de médias people et de fans un peu trop bruyants. Paul, lui, est déjà posté près du buffet, discutant jovialement avec un mannequin qui s’est emparé d'une assiette remplie de toasts sans pudeur aucune. Son portable vibre dans la poche de sa veste : Grace profite du moment de creux pour l’en dégager et lire. Bien sûr que c’est Ella. Bien sûr qu'elle ne peut s'empêcher de sourire et de relever la tête pour la chercher sur regard à travers la foule. Elle s'en morigène immédiatement : trop indiscret, trop repérable. Elle répond sur le même mode : Tu parles. Tout le monde ne regarde que toi, ce soir, envoie-t-elle à son tour d'une main habile alors qu'elle observe savamment la salle. Et je pense pas que ce soit à cause du coming-out… Mais Ella a toujours été magnifique et peut-être que les gens l'ont toujours regardée avec une telle intensité. Peut-être qu’à cet égard, Grace n’a rien de spécial.
Pas de réponse pendant un moment. Grace relève les yeux et voit la jeune femme en pleine conversation avec l'un des héros de Frostbird, la websérie si populaire qu'elle avait été adaptée au format télé. Le jeune homme est le fils d'un acteur connu, souvent décrié pour son lien de parenté plus qu’avantageux dans ce genre de milieu. Talentueux, pourtant, mais relégué au rang du beau gosse torse-nu à toute occasion dans des rôles jamais très développés. Elle observe le drôle du duo qu'ils forment, un moment, puis se saisit à nouveau de son portable. Tu connais un endroit plus privé ? J’ai envie de toi, envoie-t-elle alors, par pure provocation. Elle a simplement envie d’observer si, de loin, elle peut lui faire perdre ses moyens aussi facilement que quand elles ne sont qu'à quelques centimètres l’une de l'autre. Et qu'importe si ça la gêne en la compagnie du jeune acteur : c’est bien plus drôle comme ça. “Tu prends des vacances ?” La voix qui se glisse dans son dos lui tire un nouveau sourire. “Ouais… L’assemblée est un peu chiante ce soir.” Elle s’attend à une remarque désobligeante mais Mona se contente de sourire, levant les yeux au ciel. “Heureusement que je suis là, alors.” La petite asiatique aux cheveux courts effectue une courbette ironique devant elle et Grace remercie silencieusement Mona pour sa présence systématique à ce genre d’événements et le temps qu'elle dédie sans faille à la divertir. “Et toi, tu fais quoi ici ?” “C’est une collaboration de deux grosses marques. J'avais pas le droit de louper ça.” Grace hoche la tête : ça s'entend. Mona, journaliste émérite mais reléguée aux catégories people et horoscope des magazines pour lesquels elle bosse, parle de ses rêves de journalisme d’investigation avec beaucoup d'espoir et une pointe de cynisme. À l'époque où elles se sont connues, deux ans auparavant, Mona était pigiste chez Playboy – d'après elle la meilleure expérience d'une vie, pourvu qu'on soit prêt à renier toute limite à la décence . “Et puis il y a Ella Matthews, ce soir. Ma boss m’a dit que c'était le moment ou jamais de la cuisiner… T’as entendu l'histoire ?” Et Grace doit prétendre que non, qu'elle connaît à peine Ella, et qu'en fait elle n’aurait absolument pas pensé qu'elle était de leur bord. Ça n'arrête absolument pas Mona qui, l'oeil pétillant, attrape sa manche et l'emmène à sa suite pour retrouver la jeune femme : “Ben c’est le moment de te familiariser. Prends des photos, parce que tout le monde va se les arracher.” Et tout ce qu'elle arrive à penser, c’est désolée, Ella, trouve une excuse pour aller plus loin, oublie nous.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Ven 07 Aoû 2020, 12:24 | |
| « Frostbird ! » répète-t-il. Elle avait entendu la première fois. Oui. Et alors ? « Tu connais ? » Elle adoucit l’expression de son visage pour faire bonne figure. « Vaguement, je regarde très peu la télé. » Elle regrette aussitôt et se maudit : on dira encore d'elle qu'elle est un mètre soixante dix-huit d’os et de snobisme. Elle enchaîne rapidement : « Mais je devrais m’y mettre, ça pourrait me faire changer d’avis. » Aurait-il répondu avec un clin d’oeil que sa phrase n’aurait pas pris une tournure différente. Elle fronce un peu les sourcils : Qu’espère-t-il au juste ? Elle ne peut pas s'imaginer qu’il ne soit pas au fait de ses préférences puisque ça semble être un sujet si tabou pour le reste du monde. Le téléphone qui vibre contre sa cuisse, une fois, deux fois, trois fois, Ella s'en passerait bien. Pendant quelques secondes, l'incommodité de leur silence accompagne l’éclatement des bulles. Elle écoute distraitement l’acteur lui parler tandis qu’elle vide sa coupe de champagne, un peu trop rapidement. « Voilà les journalistes qui arrivent, tiens-toi prête ! » Et comme pour se donner de la constance, il passe une main dans sa chevelure blonde, bombe le torse et Ella se dit que non, le ridicule ne tue pas, mais elle se passerait bien de ça aussi.
En se tournant vers sa gauche, Ella enregistre leurs pas déterminés, calcule rapidement la distance. Combien de temps lui faudrait-il pour se mettre à courir jusqu’à la sortie, pour rejoindre l’autre rue ou une voiture. L’acteur vient perturber la précision de ses calculs avec un coup de coude. C’est alors que Grace lui offre un regard qu'elle interprète comme faux-fuyant. Et Ella la fixe du regard, en colère, effaré, ou tout simplement Ella. Ses lèvres tremblent un peu : tant de choses sous-entendues entre elles, à commencer par : qu’est-ce que tu fous ?! dans le regard interloqué d’Ella. C’est la semaine la plus étrange qu’elle ait eu jusqu’à présent, et elle est encore sobre. Elle profite de cet instant pour lire ses messages. C’est le dernier message qu’elle voit en premier et elle n’enregistre même plus les autres. La réaction est immédiate et elle se balance d’une jambe sur l’autre, ne sachant plus où se mettre. Le rouge lui monte rapidement au cou, jusqu'à ses joues et son coeur s'accélère. Elle va la rendre dingue. Elle se tourne légèrement vers la table derrière elle, évite à tout prix d’éviter de croiser le regard de Grace qui arrive à sa hauteur et qui doit se délecter de sa réaction parce qu’elle a perdu le contrôle de tout et que c’est tout ce qu’elle peut faire, pour son plus grand malheur.
Ella se saisit rapidement de deux coupes qu’elle leur tend en espérant que Grace se contienne au moment où sa main arriverait à sa hauteur. Elle est soulagée que Mona l’accepte sans broncher et lorsqu’elle se met à parler. Force est de constater qu’Ella a su éviter le pire. « Alors, Luke, comment se profile la prochaine saison ? » C’est donc comme ça qu’il s’appelle. Ella qui observait le pied de son verre, perplexe, profite de cet instant de répit pour lever des yeux qu’elle plisse immédiatement vers Grace avant que l’attention ne revienne sur elle. « Et, Ella, officieusement, côté coeur ? » Il y avait tellement de réponses possibles à ce genre de question qu’Ella préfère la laisser s'envoler, et bourdonner, quasiment aux oreilles de Mona, comme un petit chant de triomphe : « Votre maquillage coule. » Une éphémère expression de gêne traverse le visage de Mona avant qu’Ella ne revête la ténacité de son masque d’acier. Elle qui s'était jurée de ne pas s'allier aux journalistes ce soir, voilà qu'elle se retrouve nez à nez avec l’une des pires presses people de sa connaissance, malgré toutes ses appréhensions et sa détermination farouche à ne plus jamais approcher d'individus de ce domaine. La revoilà perdue dans ses rêveries, les souvenirs l’assaillent souvent, hantent ses nuits, obnubilent ses réflexions de flash-backs brefs et intenses, tant qu’elle ne se sera pas forgée des armes.
Et Grace. Grace, à côté. Grace qui a eu tort, parce qu’elle n’a pas pris en compte la variable qu’elles soient deux à pouvoir s’adonner à ce jeu. Même si son coeur s’affole et qu’elle sent ses jambes faillir, elle affiche à peine plus qu’un visage absolument neutre et résolu lorsqu’elle répond : j’ai hâte qu’on se retrouve seules pour t’entendre gémir. C’est un terrain dangereux, et elle se vengerait surement sur Grace en refusant de l'embrasser pendant une semaine entière pour avoir éveillé si fatalement son besoin d’intimité. Ce n’est pas comme si elle était en manque, c'est simplement que Grace a introduit dans sa vie un sentiment inédit : le désir insatiable. « Je vais prendre un selfie pour Instagram ! » Annonce alors Luke qui se poste devant elles après avoir saisi Ella par la taille pour la rapprocher des deux autres. Et tout en finesse (non). Elle n'était pas du tout enclin à faire un pas en avant considérable de son propre chef, et elle aurait trouvé particulièrement inapproprié de le faire dans les circonstances actuelles. Et elle s’aveugle, par un réflexe d'auto-défense, espérant que si Mona la perçait à jour, elle ne verrait dans son attirance pour Grace qu'une petite fièvre émotionnelle, un coup de cœur passager.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Ven 07 Aoû 2020, 14:51 | |
| « Et, Ella, officieusement, côté coeur ? »
« Votre maquillage coule. »
Et Grace a envie de rire, réprime un sourire bien trop fier, de ces sourires qui veulent dire that’s my girl et qu'elle peut assumer partout et tout le temps mais pas ici, pas ce soir et d'ailleurs, nulle part où il y a du monde. Ella a cette faculté un peu spéciale de lui faire oublier le reste de l'univers quand elles sont ensemble, et ce soir, ça la dessert particulièrement – le rappel a un goût presque trop amer. Mona, de son côté, ne se démonte pas, ostensiblement charmée par la difficulté que représente Ella face à ses questions. Mona est du genre à avoir toutes les célébrités dans sa poche ; un bon mot dans son sens vous vaut un article reconnu et partagé sur tous les réseaux et Grace est consciente de combien ça coûte à son amie, d'avoir à se rabaisser à ça, mais ce soir, elle jubile. Et ce sourire charmeur, elle le reconnaîtrait à des kilomètres. Elle, elle fronce le nez, ne s’immisce pas, trop consciente du malaise qu’elle a créé chez Ella en s’approchant d’elle. En partie parce que cette proximité jouera forcément contre elle, mais surtout – et elle s’en félicite – à cause du message qu'elle a envoyé plus tôt. C’est limpide, de la rougeur qui a envahi les joues d’Ella jusqu'à ses coups d'oeil nerveux en sa direction. Elle saisit la coupe qui lui est tendue sans faire d'histoire, et se présente à la suite de son acolyte. “Grace Coughlin. Je suis la photographe pour ce soir.” Il n'y a de toute façon que deux types de personnes qui se présentent ici : les journalistes et les photographes. Elle prend soin d'adresser un sourire bienveillant à la jeune femme, comme à une étrangère – du moins elle s'en convainc.
Et le dénommé Luke sort son portable, visiblement contrarié de ne plus être au centre de la conversation – Grace n’a pas l'habitude d'être prise en photo plutôt que d'être derrière l'objectif et son sourire crispé en témoignera certainement sur le réseau social dès le lendemain. Pour l'instant, elle fait mine de ne pas lorgner sur la main du jeune homme qui s’est logée sur la taille d’Ella, là où sa main aurait dû être, et celle de personne d'autre, et ça demande suffisamment d’efforts pour que le reste soit parfaitement annexe. Sauf que le groupe se sépare et que la main de Luke reste fermement en place, son pouce traçant des ronds sur la hanche de son amante et elle devrait s'en foutre mais elle n'y arrive pas. La coupe de champagne se termine rapidement, suffisamment pour qu'elle passe à côté de la remarque un peu grivoise, portée par l'espoir de Luke : “Tu fais quelque chose après ça, Ella ?” Il faut un effort surhumain à celle qui sait très bien ce qu'elle fait après ça pour se retenir de sourire. “Elle est lesbienne”, rétorque Mona d'un ton docile. Elle tire très clairement beaucoup d'amusement de la situation.
“Oh, je ne savais pas. Et alors, à Beyrouth, l'explosion ? J'ai entendu que beaucoup de gens avaient disparu…”
Journaliste et photographe échangent un sourire qui risque rapidement de dégénérer.
“Lesbienne, Luke. Pas Libanaise.” Grace rit dans sa coupe et du champagne lui remonte dans le nez. Le goût ne semble pas aussi âpre qu'il l'était la semaine d'avant et elle remercie silencieusement Ella de son entraînement à la boisson. Luke, visiblement, le prend mal. Mona, diplomate comme toujours, tente de réparer les pots cassés en le relançant sur son émission et Grace en profite pour s’éclipser près du buffet pour reprendre une coupe. Coup d'oeil rapide à son portable : un appel en absence de son frère, et huit messages sur le reportage sur les loutres géantes d'Amazonie. Ella, elle, a laissé un seul message, simple, court, qui fait monter le rouge aux joues de Grace et qu’elle réprime en se mordant fortement la lèvre. Elle rétorque immédiatement d'une simple photo, prise la veille chez elle, comme sous-entendue à Ella quelques jours plus tôt. À son retour, Luke est plongé dans ses explications quant à une prochaine saison de sa série à la con et Grace en profite pour s’approcher d’Ella, subrepticement, sans la toucher : “Tu tiens le coup ?” souffle-t-elle, d'abord prévenante, ensuite franchement provocatrice : “Au fait, regarde pas ton téléphone ce soir, d'accord ?” Elle l’avait prévenue.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Ven 07 Aoû 2020, 17:19 | |
| Ella voit Grace se retenir de sourire et elle est prise de l’envie soudaine d’enrouler ses bras autour d’elle, tant pis si ça doit jaser, au point où elle en est de toute façon. Elle doit remarquer qu’elle l’a déstabilisée, et incorrigible, Grace doit se jeter des fleurs. La voilà qui se présente et Ella s’y croirait presque. « Ah. Oui. Ravie. » C’est froid, et bref, c’est tout ce qui fait Ella et sa capacité à feindre l’indifférence. La main de Luke autour de sa taille, par contre, c’est tout ce qu’elle déteste de cette vie. Les robes moulantes, la boisson trop chère, les flashs trop éblouissants, elle s’épuise, retire la main de Luke après qu'il ait pris sa photo, et se redresse comme si elle n’avait plus l’énergie d’y penser. Lorsqu'il repart à la charge, elle lui sourit timidement alors qu’elle termine son verre. La conjecture qui survient soudainement, et pendant une seconde, Ella ne sait pas d’où elle provient, lui soutire une expression de surprise, et Grace, elle, rit, n’hésite pas à afficher qu’elle n’en rate pas une miette. Ella soupire dans son coin, ferme les yeux, hausse les sourcils comme si elle n’en attendait plus rien de la vie.
Grace s'échappe sans un mot. Pendant les quelques secondes où elle se retrouve seule Ella peut enfin respirer convenablement. Elle acquiesce à sa question en prenant une profonde inspiration, puis : « Je suis contente que tu sois là. Je sais que t’es surtout là pour prendre des photos mais je… je suis contente. » Elle aimerait pouvoir lui dire que si elles veulent s'éclipser, c’est maintenant ou jamais. Sauf qu’elle ne peut pas se permettre de disparaître, non seulement pour sa réputation, mais pour Cartier, qu’elle est censée représenter ce soir. Alors elle maudit le fait qu’elle espère que Luke et Mona les retrouvent rapidement. Elle peut supporter beaucoup de choses mais l’idée de continuer à vivre dans le mensonge dans un monde tel que le sien lui est devenu insupportable. Elle supporte encore moins l’idée que ça puisse ennuyer Grace et qu’elle la perde. Et l’idée la déconcerte. Tout autant que Grace qui lui suggère de ne pas regarder son téléphone. Elle fronce les sourcils, passe complètement à côté de la provocation, la pauvre, franchement paniquée, elle la regarde l'air de dire : qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Et comme si ça ne suffisait pas à l’achever, un serveur qui passe près d’elle la pousse un peu plus vers Grace. Elle reste un moment statique, la respiration qui se fait plus dense, son coeur qui se resserre dans sa poitrine. Elle devrait sans doute bouger. Ella réalise que le visage de Grace est très proche du sien. Elle le sait parce que même en l’observant discrètement, elle voit qu’elle a le visage un peu rougi, qu’elle a une légère marque de morsure sur la lèvre et que ses lèvres sont très, très pleines, et très, très rouges. Comment se fait-il qu’elle n'ait jamais remarqué la couleur de ses lèvres auparavant ? Si elle baisse les yeux, Ella se demande comment ça serait - d’embrasser Grace ? Comment réagirait-elle ? Et Mona ? et Luke ? Et ses lèvres seraient-elles si humides qu’elles glisseraient entre les siennes ? Arrête ! Ça serait tellement facile de refermer la distance entre elles, poser son autre main sur ses côtes et l’embrasser comme elles le font normalement. Sauf que ce n’est sans doute pas la façon dont Grace espère qu’elle l’annoncera. A moins que… ? Non. Ella n’ose plus la regarder et elle a un moment d’égarement avant de relever enfin le visage. Grace est toujours belle, mais encore plus maintenant qu’elles sont face à face et qu’elle n’a ailleurs où regarder. Ella s’humecte les lèvres dans l’espoir inconscient d’un baiser. Un seul. Juste de quoi l’autoriser à l’embrasser à son tour. A sa grande honte, son corps brûle encore pour Grace, même après deux ans d'intensité. Elle n’avait jamais connu rien de tel avec personne, ce besoin presque animal ne s’était jamais rencontré qu’avec elle. C’est comme s’il n’y avait personne d’autre dans toute la pièce, dans toute la ville. Ella observe autour d’elle, et quand elle est certaine qu’elle ne risque plus rien, elle recule, certaine que son corps va la trahir. « Pardon… » murmure-t-elle, même si elle n’est pas vraiment désolée. Grace attend-t-elle qu’elle reprenne la conversation ? Pour ne plus avoir à la regarder, elle observe le duo improbable devant elles, en plein débat sur des personnages de Frostbird. Parce qu’en la regardant de cette manière, Ella a peur que Grace puisse tout à fait se dire, sans le moindre doute : elle m’aime, et qu’elle prenne la fuite.
Il faut que Luke lui pose une question un peu idiote pour qu’Ella reprenne ses esprits et s'aperçoivent qu'ils se sont de nouveau rapprochés. Et elle ignore s’il a assisté à toute la scène, si ce sont les mots qu’elle a choisi, l’intonation de sa voix, sa façon de la regarder qui franchement, mériterait qu’elle se fasse surprendre, la distance entre elles qui s’était étrangement amoindrie ou la main qui s’est vraisemblablement glissée toute seule contre le dos de Grace, mais : « Ah mais vous vous connaissez en fait ? » Et Mona fronce les sourcils, Ella déloge sa main et Luke l’accoste de nouveau. Elle en profite pour aller se resservir à son tour, voir qu’elle a un nouveau message de Grace, ou plutôt… une pièce jointe ? Son coeur manque plusieurs battements d'affilés quand elle l’ouvre et, parce que Luke semble décidé à reprendre une conversation avec elle, verrouille instinctivement son écran, le feu aux joues. Elle en profitera plus tard. Elle tourne le dos à Grace désormais, parce que cette fois elle ne la laissera pas voir l’effet qu’elle lui fait. Elle avale le quart de sa coupe d'une traite avant de reprendre position dans leur cercle. « Alors comme ça tu es lesbienne. Tu as une copine ? » qu’il demande, courtois, poli, mais décidément trop intéressé et bien trop indiscret pour quelqu’un qu’il vient de rencontrer. « Oui. » Elle répond un peu sans réfléchir, et sans davantage de précisions. « Et toi ? »
@Grace Coughlin
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| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 04:12 | |
| Bien plus qu’elle ne veut bien l’avouer, elle apprécie ce petit jeu. Tant pis si la dimension petit secret flirte avec la notion inquiétante de la honte inavouable et tant pis si elle s’était dite que jamais plus elle ne se laisserait entraîner dans ce genre de schéma - Ella la dévore des yeux et elle le sait, elle aussi n’a qu’une envie, et c’est d’être avec elle. Et pour l’instant, Grace n’a pas envie de pousser la réflexion plus - trop - loin, au risque de gâcher complètement sa soirée à coup d’émotions intempestives remontées d’il y a quelques années… Non : elle se concentre sur l’expression constamment gênée que retourne Ella et elle appuie toujours un peu plus. Ce soir, la mettre dans l’embarras sans risquer qu’elle ne soit démasquée sera sa plus grande distraction. « Je suis contente que tu sois là. Je sais que t’es surtout là pour prendre des photos mais je… je suis contente. » En-dehors de sa jubilation quasi-constante, cet aveu lui soutire un sourire un peu gêné, flatté malgré tout. Elle avait peur que ce soit un fiasco, qu’elle découvre qu’être ensemble dans la même pièce pour une affaire purement professionnelle ne soit trop risqué ; elle sait en revanche que pour Ella, ce n’est pas qu’une question d’inconfort et toute sa réputation semble dans la balance. Elle qui la trouve toujours resplendissante et vive et passionnée par ce dans quoi elle s’engage a envie de lui dire qu’elle ne risque rien, et que sa sexualité fera une petite vague dans un océan déjà bien rempli, tout au plus. Mais consommée par son stress, Ella la remercie quand même, et c’est déjà beaucoup de sincérité pour une telle situation.
“J’aurais pas pu rater ça.”
Elle lui offre un demi-sourire, moins à l’aise qu’elle dans ce genre de déclarations, et elle hausse les épaules comme pour se débarrasser de sa gêne. Elle le pense, pourtant. Cette soirée est anodine pour le reste du monde, mais pas pour Ella. Et au fond, Grace est surtout là pour elle. “Ca va ?” La phrase est presque un murmure et elle ignore si la plus jeune l’a entendue mais elle se retrouve tout près d’elle et Grace n’ose ni s’écarter, ni bouger d’un cheveu, inquiète de la réaction que son corps pourrait avoir, liste mentalement toutes les façons dont elle pourrait se trahir sans même en avoir conscience. Tout chez Ella est un appel au baiser, de ses grands yeux qui reflètent cette angoisse latente à son nez droit et fin jusqu’à ses lèvres qu’elle connaît par coeur mais dont elle veut toujours s’assurer du goût, juste pour savoir. Ses mains, surtout, ses mains frêles qui l’agrippent toujours et jouent avec ses cheveux et se posent actuellement sur sa colonne vertébrale pour caresser son dos dans un geste mécanique qui relève de l’automatisme. Grace, elle ne sait jamais se contenter, et ce soir encore moins, parce que c’est quand quelque chose nous échappe le plus qu’on se rend exactement compte de combien on en a besoin. « Pardon… » Mais rien n’évoque la culpabilité parce qu’elle n’a pas plus envie que l’aînée de s’écarter et de laisser la soirée reprendre son cours. Ses yeux crient ce qu’elle ne peut décemment pas dire : mais qu’est-ce que tu me fais ? Il suffit qu’Ella la dévisage avec désir pour qu'elle perde totalement pied. C’est presque à regret que Grace s’écarte, ayant difficilement gardé ses mains pour elle, elle qui s’était habituée au regard plein d’envie sur ses lèvres, à la gêne trop évidente d’Ella, et c’est à son tour de renvoyer : “Tant de self control, hm ?” Elle pourrait lui faire remarquer que la tension entre elle était absolument évidente face à toute paire d’yeux vivants, et qu’elles ont la chance que leur auditoire actuel de deux personnes ne soit pas des plus fins, mais elle s’en abstient - elle préfère ne pas tester les effets d’une crise de nerfs sur le psyché de la jeune femme. Les médias s’en débrouilleront très bien tous seuls.
« Ah mais vous vous connaissez en fait ? »
De toutes les personnes possibles, il fallait que ce soit le plus niais qui remarque l’embrouille. Mona, ceci étant, n’est pas en reste, ses yeux posés sur son amie avec un air de connivence qui exprime qu’elle ne loupera pas à un interrogatoire en règles. “Connaissances en commun”, réplique la photographe avec toute la détente qu’elle peut trouver, et mon Dieu comme c’est con, mais pourquoi elle a répondu ça ? Elle se fustige mentalement et n’ose rien ajouter : avoir des connaissances en commun ne justifie pas un tel contact visuel, ni même une main sur la taille mais elle espère que l’éclat d’intelligence de Luke s’arrête là. Et c’est visiblement le cas, puisqu’il rattaque, chien affamé qu’il est, directement sur le sujet phare de la soirée : mais avec qui Ella Matthews peut-elle donc bien coucher ? « Oui. » Oui. Un simple oui, sans réflexion ni hésitation visible et Grace doit à nouveau se mordre la lèvre pour empêcher toute expression faciale de trop déborder de son air faussement composé - elle hausse à peine un sourcil pour donner le change, en parfaite apprentie comédienne et sidekick principal de la soirée. “Moi non, en fait.” Et il se sent clairement con, le Luke, maintenant qu’on lui a retiré l’angle principal sur lequel il voulait viser et Grace espère qu’il regrette amèrement cette main sur la taille de la jeune femme. “Ca fait longtemps que ça dure ? Félicitations, en tout cas. C’est très courageux d’en parler.” Si courageux, oui. A tel point que Grace se demande comment et quand Mona va faire fuiter l’info et si Ella s’est rendue compte de ses mots ou si son cerveau était encore aussi fait de bouillie que le sien. Pour faire passer la douleur de la conversation, elle boit trois gorgées.
Mona, elle, est clairement plus captivée par la situation qu’elle ne voulait le laisser voir et, après un bon moment de silence, elle retrouve exactement par quel angle attraper le scoop : “C’est plutôt récent, justement, non ? C’est cette fameuse personne qui t’a poussée à parler de ta sexualité ?” La question semble anodine quand elle franchit ses lippes, un peu lourde au plus, mais l’éclat dans ses yeux laisse Grace appréhender la suite plus qu’elle ne l’aurait voulu. “Elle n’est pas là avec toi ce soir, la fameuse inconnue ?” Et c’est trop, parce qu’elle sent les yeux de Mona peser sur le côté de sa tête et y creuser de minuscules trous brûlants qui vont laisser leurs traces et elle mord à l’hameçon, Grace, fait tout ce qu’elle ne devrait pas faire : elle change le sujet, essaie d’acheter un peu de répit à la pauvre Ella. “Quelqu’un pour une clope dehors ? Je voulais retrouver quelqu’un avant de reprendre le boulot.” Darwin doit se retourner dans sa tombe qu’un être ait survécu jusque là avec autant de candeur et si peu de dignité.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 07:28 | |
| « Sshh. » Elle-même n’est pas certaine de ce qu’elle articule. Un chut un peu étouffé, un arrête, Grace !, un je pourrais avoir un semblant de self-control sans ces sexts, ou un reprends-toi ma pauvre, qu’elle se destinerait à elle-même, de préférence accompagné d’une paire de claques ou d’une douche froide, ou les deux. Grace parle peu, contrairement à ce qu’Ella a connu d’elle ces derniers jours. Un point qui la rapproche d’elle qui, lorsqu’elle aligne une phrase substantielle considère avoir rempli son quota de bavardage. Elle donnerait n’importe quoi, néanmoins, pour que la photographe prenne les devants et divertisse l’assemblée en leur apprenant qu’Ella ça veut dire elle en espagnol. Elle leur offre plutôt une explication invraisemblable. Ben voyons, pense Ella. Autant leur annoncer qu’elles sont cousines.
La voix de Luke se perd. Elle n’attendait pas de réponse de sa part, bien trop consciente de sa tentative désespérée de se rapprocher d’elle, elle n’a pas pu passer à côté du fait qu’il soit - et resterait en ce qui la concerne - célibataire. Non, bien sûr que non il n’a personne dans sa vie, et quand bien même ça serait le cas, il n’aurait pas à gérer cette attention exagérée, ni à s’en soucier. Elle lui adresse malgré tout quelques sourires de politesse. Ella termine son verre et un rictus apparaît sur son visage lorsqu’elle fait mine de réfléchir aux devinettes de la journaliste. Elle considère ses options : attraper Grace par la taille de but en blanc ou partir en courant. Elle fait plutôt un pas en direction du buffet, reprend petit à petit conscience de son corps, longe silencieusement la paroi, saisit nonchalamment un verre au passage et revient sur ses pas. Elle estime avoir déjà trop donné à l’alcool ces dernières minutes et bien que l'anesthésie partielle qu’elle en ressent lui convient et la soulage presque, ce sont les qu’en dira-t-on qu’elle ne peut pas se permettre. Elle frotte son front du bout des doigts, soudainement rappelée à son accident plus tôt dans la soirée. Elle envisage de faire un commentaire sur sa maladresse ou d’annoncer à qui voudrait l’entendre qu’elle s’est franchement quasi défigurée en enfilant cette robe beaucoup trop longue. Tout, plutôt que d’avoir à faire face aux questions de Mona. Et puis, que peut-elle répondre ? Je ne vois pas du tout de quoi on parle ? Pas de commentaire devant la presse ? Elle touche juste, cependant : Bien souvent Ella s’est demandée si côtoyer Grace avait façonné l’essence de son être, ou si elle n’avait fait que réveiller une disposition qui existait déjà en elle. Au même moment - ou presque - la photographe reprend la parole. Clairement contrariée par cette interruption soudaine, Ella ne peut toutefois s’empêcher de se dire qu’elle vient peut-être de l’empêcher, sans le savoir, de faire une erreur monumentale. Et, alors qu’elle ne fume même pas, que c'est sans doute connu : « Bonne idée ! » dit-elle avec une irritation qu’elle a du mal à contenir. Retrouver quelqu’un ? Est-ce un message caché ? Son irritation, elle est due à l’excessive sensation dans le bas de son ventre, à la gêne et à la chaleur. Et à l’accumulation des trois. Ecouter les gens, leur parler, et même seulement les regarder, tout est pénible ce soir. Elle observe les autres groupes, elle rêve de s’échapper, se mêler à eux, s’ils pouvaient sans se demander qui elle est, d’où elle vient, ce qu’elle pense, la traiter en personne banale et l’entretenir de mondanités.
« T'en as une pour moi ? » Prétexte-t-elle en incitant Grace à la suivre à l’extérieur, éprouvant et jaugeant toutes ses réactions. Elle ne se félicite pas de sa subtilité, c’est tout juste si elle n’offre pas un regard en arrière pour s’assurer qu’ils ne les suivent pas. A l'extérieur, elle l’entraîne un peu plus à l’écart, tous ses sens en éveil, évite de croiser le regard des autres, il semble même voir les fantômes de ses parents, et elle se poste devant elle, les yeux rivés sur le sol. Pour éviter de fondre sur elle, il suffit de ne pas la regarder, se persuade-t-elle, et c’est stupéfiant à quel point c’est nettement plus facile de le penser que de le faire. Elle l’exprime presque audiblement, sa consternation. Mais elle tiendrait le coup toute sa vie, si c’est ce que requiert Grace. Puis, elle s’essaie : « J’ai juste besoin de savoir que tu es d’accord avant d’en parler. »
@Grace Coughlin
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| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 09:31 | |
| Le duo s’éclipse à l'extérieur et abandonne une nouvelle fois Mona et Luke, qui se relanceront sans doute aucun dans une conversation passionnante sur un personnage au hasard d'une série phare de la saison. Grace, Ella sur ses talons, n’attend pas une demi-seconde pour sortir sa clope et son briquet et tire une énorme taffe dès la première bouffée. Quelques secondes, peut-être même une minute pendant laquelle elle ne regarde pas une seule fois Ella. “Qu’est-ce que tu aurais voulu que je fasse ?” demande-t-elle finalement, un air d'excuse à peine contrarié sur le visage. Elle a besoin de rappeler à Ella qu'elle ne sait pas s'y prendre, ici, que ce n'est d'ailleurs pas son rôle et qu'essayer d'éviter la catastrophe face à une journaliste suffisamment maligne pour assembler les pièces du puzzle et ressortir une histoire cohérente et incontestable sans aucune preuve, c’est le mieux qu'elle puisse faire. « J’ai juste besoin de savoir que tu es d’accord avant d’en parler. » Elle ne s'attend pas à cette réponse, cependant, et ces quelques mots lui coupent tout aplomb pour rétorquer. C’est presque anormal que Grace n'ait rien à dire, et elle se retrouve dans une de ces rares instances où elle se retrouve à hausser les épaules sans avoir aucune idée de ce qui est attendu d'elle. Finalement, un haussement d'épaules : “C’est pour toi. T’as pas à te ruer dans ce genre de choses.” Parce que la décision ne lui appartient pas, au final : c’est celle d’Ella et la sienne entièrement. Elle ignore si elle, personnellement, est prête, mais le sera-t-elle un jour ? Quand se débarrassera-t-elle de la peur que tout foire et qu'elle se retrouve face à elle-même une nouvelle fois ? Est-ce que la connaissance de dix, vingt, cinq mille personnes y changeront quoi que ce soit, d'ailleurs ?
“Et si j'étais toi, je le ferais pas devant Mona…” note-t-elle quand même, l’incertitude dans la voix. L'avertissement est peut-être déjà périmé, parce que l'oeil aiguisé de la journaliste n'aura pas manqué leur échappatoire vers l'extérieur à deux, autant qu'elle n’a pas loupé leur rapprochement quelques minutes avant. Et Grace aurait dû s'en douter, que c'était une mauvaise idée de laisser Mona l'entraîner du côté de la jeune influenceuse, mais un refus aurait entraîné les mêmes suspicions. Il n'y avait aucune option possible. “Il faut que tu fasses ça selon tes propres envies, et pas parce que quelqu'un t'y pousse, c’est tout.” Le doute filtre toujours dans ses mots et elle le fait taire, trouvant l'excuse face. Une fois c'était déjà de trop, et si rester maîtresse de la narrative se complique à chaque seconde qui passe, qu’Ella se fasse à nouveau bousculer pour quelque chose de si personnel relève de l'injustice. Elle relève enfin les yeux pour sonder ceux de la cadette, la clope aux lèvres et l'hésitation au bord des pupilles. Sa beauté est saisissante, peut-être même davantage ce soir où, au même titre que tout le monde, soit s’astreindre à simplement l'observer de loin. “Je t’ai déjà dit que t’étais magnifique comme ça ?” Cette fois, le sourire réapparaît, plus doux, loin de la taquinerie qui bordait tous ses traits alors qu'elles échangeaient par message. “Bosse comprise, d'ailleurs. Ça fait tout ton charme.” Quelque chose lui dit que c’est le moment parfait pour céder et caresser sa joue, en simple geste de réassurance, mais elle n’ose pas.
“Ça va, Captain ?”
La voix toujours joviale de Paul la cueille alors qu'elle s'apprête à ouvrir de nouveau la bouche, à poser des mots sur ses craintes et elle l’accueille avec un sourire mal à l'aise, salue du menton le jeune homme qui l'accompagne, déjà enroulé autour de son bras. Au moins, l'un d'eux n’a pas peur d'afficher quoi que ce soit. “Ella, Paul, mon ancien patron.” Le quinquagénaire la salue avec son air solaire, complètement inconscient à la tension qu'il dissipe avec ses salutations. “Paul, Ell–” “Oui, oui, oui, Ella Matthews. Je vis pas dans une grotte pour ne pas savoir qui est la demoiselle dont tout le monde parle ce soir.” Il adresse un regard complice à la concernée et hausse un sourcil, tout en moustache et en ridules et peut-être est-ce l’alcool, mais pour la première fois, son ex-employeur lui fait penser à un Freddie Mercury sobre et sain. Il présente son compagnon pour la soirée, Jason, aux deux jeunes femmes, et les rejoint d'office pour une cigarette. “Alors, Ella, comment le monde de la célébrité te traite jusque-là ?” C’est ce que Grace aime bien, avec Paul : il se fiche franchement des ragots, plus absorbé par l'idée de foutre le plus de bordel possible autour des nantis pour lesquels il bosse. “Vous faites quoi ici, vous fuyez le toast du CEO de Cartier ?” Il a remarqué qu’Ella ne fumait pas, sûrement, s'interroge sur leur présence à l'écart de la foule, et Grave est assez en confiance pour lui retourner : “Non, on discutait. C’est une amie.” Une amie. Le terme est âpre et Paul n'y sombre pas, et ajoute plus bas, à son intention : “Comme Jess, hein ?” Sa moustache poivre et sel se rehausse alors qu'il désigne Jason d'un coup de tête : “Jason est un ami, aussi.” Et quelle stupidité de sa part pour penser que l'homme qui l’a sortie de l'Australie pour la première fois de sa vie à ses dix-huit ans ne la connaissait pas suffisamment pour sentir le roussi. “Tiens, en parlant d'amis, y a quelqu'un qui te cherche dedans, Ella, je crois.”
@Ella Matthews |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 11:22 | |
| Pas complètement convaincue par les réponses que lui offre Grace elle s’en contente néanmoins, décidée par le fait d’appliquer son conseil à la lettre. Pas devant Mona, donc pas ce soir. Ça ne devrait pas demander beaucoup plus d’efforts, au point où elle en est. De nouveau, Grace sait comment lui parler pour capter son attention, et la gêne cède peu à peu la place à quelque chose de plus agréable, de plus profond. Quelque chose qui est probablement la seule chose qui pousse Ella à poursuivre la soirée. Le sourire qu’elle lui renvoie s’élargit de secondes en secondes. « Mince, ça se voit ? », tandis qu’elle se frotte systématiquement le front, et Grace ne lui a toujours pas donné de réponse précise quant à ce qu’elle doit faire
Une voix interrompt le cours de ses pensées nébuleuses qu’elle entretient à propos de la situation et de son débat interne : se laisser aller à l'embrasser ou ne pas se laisser aller. Elle salue poliment Paul, fait royalement l’impasse sur sa remarque. Elle ne trouve aucune raison à ne pas afficher son plus beau sourire - qui est aussi celui le plus hypocrite - avant de répondre : « Ma vie privée est loin d’être à la hauteur de l’importance qu’on lui accorde si c’est ce que vous voulez dire. D’ailleurs c’est assez simple, je n’en ai pas. » Et aussitôt qu’elle l’affichera, Grace non plus, et elle n’est plus certaine de vouloir lui infliger ça. Le vibreur de son téléphone portable martèle sa cuisse et elle est soulagée de savoir que ça ne peut pas être son amante - ou son amie, visiblement. Elle aime encore mieux être qualifiée de connaissance commune. Ella hausse les sourcils avec un sourire en coin : « Jess ? » Elle se dit ensuite que, depuis qu’elle la connait, Grace avait dû avoir quelques histoires amoureuses, quelques amantes, et qu’elle avait dû en aimer certaines. Et qu’elle ne saura peut-être jamais la place qu’elle occupe dans sa vie. Elle fait le bilan de ce qui, chez elle, pourrait séduire Grace - nettement moins évident que ce qu’offrent les autres femmes avec leurs tailles à peu près normales, leur assurance à toute épreuve. Peu à peu, cependant, le souvenir de l’attachement qu’elles ont l’une pour l’autre, et les confessions récente de Grace chez elle, se dégagent de ce brouillard. Elle n’a jamais habité dans ce monde où les désirs s’avouent franchement et se satisfont sans problème ; à tel point qu’elle s’était sentie stupide et maladroite lorsqu’elle envisageait de lui faire part de ses sentiments. Les relations les plus solides s’établissent toujours sur l’envie qu’on a de les faire durer, et la connaissance exacte de ce qui les menace, et c’est précisément pourquoi elles seront sans doute amenées à discuter des amies de Grace, mais plus tard.
Une silhouette se détache de l’intérieur à travers la vitre, et elle reconnait son styliste qui l’y attend. Elle est toujours profondément contente de le voir, même aperçu de loin, même de voir son ombre sur un mur, mais ce n’est pas lui qui la cherche. C’est Luke. Toujours là. Toujours debout. Toujours à l'affût, et n’ayant sûrement toujours pas compris ce que le mot lesbienne signifie. Ce qu’elle comprend soudainement, et qui explique sa présence inopinée, c’est qu’il est également ambassadeur, et qu'on attend vraisemblablement d'eux qu'ils passent la soirée ensemble, et que c’est incontestablement pour ça qu’il la cherche. Elle espère juste que ça ne soit pas Grace qui fige l’instant où elle sera obligée d’afficher un sourire radieux alors qu’elle n’a qu’une seule envie : faire l’autruche. Ella soupire alors, pour la millième fois ce soir, et dévie de direction pour embarquer à l’intérieur aussi fièrement que possible. Elle aurait voulu se pencher vers Grace pour lui dire à tout à l’heure mais se rétracte, et ne lui offre même pas un regard.
Luke accourt immédiatement à son chevet : « Tout va bien ? J’espère que je n’ai rien dit de déplacé. » Non, bien sûr que non. Et Ella n’a qu’une chose en tête : savoir si c’est acceptable d’engloutir un autre verre de champagne avant d'entamer une nouvelle conversation avec lui. Elle n’a pas la force d’acquiescer et plutôt que de détourner le regard, elle l’observe : « Tu veux un autre verre ? » Elle saisit immédiatement son téléphone, et en évitant de s'attarder sur l'historique de leurs messages, assemble rapidement devant un Luke qui ne se doute de rien et qui lui tend un autre verre : j'espère que tu ne tiens pas trop à ce tailleur.
@Grace Coughlin je me mets au rp à 3, aussi |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 13:45 | |
| Bien sûr, Paul mentionne Jessian l'air de rien avec le sourire de l'abruti fini qui sait exactement ce qu'il fait, et Grace sent un frisson lui parcourir l'échine. Elle lui foutrait un verre sur la tête, si ce même verre n'était pas rempli d'un liquide à cent balles et que Paul ne représentait pas une figure paternelle bien plus relâchée et compréhensive que le papa Coughlin. Elle le respecte trop pour l’envoyer paître face à son nouvel ami mais elle tient ses distances, prête à bondir si besoin est. Et plus elle tire sur sa clope qui se termine, plus elle remarque que ce n'est en fait pas à Paul qu'elle en veut, mais à elle-même. Parce que présenter Ella comme une amie est aussi réducteur que franchement vexant et que mentir devant le seul homme en lequel elle a une confiance infaillible ce soir, c’était laisser passer la première opportunité qu'elle avait d'assumer cette relation encore toute nouvelle. Ella s’éloigne, sans un mot ou un soupir en sa direction, et c'était prévisible, et Grace se mord la lèvre parce qu'elle est la dernière des connes, ce soir, et elle vient juste de ruiner probablement la seule opportunité qu'elles auraient de passer un moment toutes les deux ce soir. “Merci, hein”, qu'elle lance à son mentor, un peu hargneuse, et tous ces nerfs qui ressortent ne devraient être dirigés qu'envers elle-même et pas ce doux Paul et son amant du soir et elle en est mentalement désolée, mais incapable de l'exprimer pour l'instant. Le quinqua, lui, comprend. Il s'approche d'elle, la prend par les épaules et lui embrasse la joue : “Fais pas trop de conneries, babycakes.” Et juste comme ça, en six mots déposés près de sa joue, il lui donne le coup de pouce dont elle a besoin.
Elle soupire, écrase son mégot sur la rambarde et le jette dans la première poubelle qu'elle trouve avant de retourner à l'intérieur. L'horloge murale indique 22:15, Julia ne devrait pas tarder à (littéralement) venir sauver sa soirée et Grace ronge son frein, reprenant son appareil photo pour effectuer son job du soir au minimum syndical. Un mannequin : flash. Une actrice : flash. Une styliste avec laquelle elle avait couché au détour d'un tournage en commun : accolade chaleureuse, et comment va ton chien, et ton fils alors, puis flash. Grace fait ce qu'elle fait de mieux pour noyer son malaise et se plonge entièrement dans son travail, essaie d'oublier l'espace de quelques minutes la peine qu'elle a cru entrevoir dans les yeux d’Ella, parce qu’elle ne peut décemment pas s’excuser ici, et surtout parce qu'elle ne sait pas le faire, de toute manière. Et elle sait qu’Ella non plus : ça ne lui manquera pas. Contre toute attente, pourtant, son portable vibre à nouveau dans sa poche et elle s’excuse du couple avec lequel elle discutait pour l'en sortir. Un message d’Ella, succinct, clair, et en ces quelques mots tiennent une réalité de leur relation qu'elle avait presque oubliée : leur moyen de communication privilégié a toujours été le sexe et elles ne se sont jamais extraites de ce prisme. Grace mord à l'hameçon, pourtant, se jure de réparer les pots cassés plus tard : Si, énormément. Pourquoi, qu'est-ce que tu comptes lui faire ? Elle se fout complètement du tailleur, et de toute cette assemblée à qui elle offre des sourires polis parce que bientôt il n'y aura plus qu'elles et qu'il n'y a toujours qu'elles, même maintenant.
“Salut, boss”, lui lance une Julia en retard, mais armée de son éternel flegme, ses grosses lunettes cachant les trois quarts de son visage : Vera de Scooby-Doo si Vera était snob, obsédée par les hommes et le look bobo chic que confèrent les fringues achetées en friperie. Excédée d'avance, la jeune femme accueille son ancienne stagiaire avec un air sévère : “En retard, Jules.” Mais une année entière avec Julia lui a appris qu'on ne changeait pas les bonnes habitudes. Comme lisant dans ses pensées, la toute petite jeune femme à peine adulte hausse les épaules. Elles n'ont pas arrêté leur collaboration sous les meilleurs auspices ni dans les meilleurs termes, Grace l’ayant congédié avec son compère, Magnus, en se sentant menacée par ceux qu'elle formait pour être de potentiels futurs rivaux. Mais Julia a un prêt étudiant à payer et Grace n’a jamais tout à fait réussi à s'en défaire. Le duo presse le pas jusqu'au buffet, où chacun commence à se hâter et en vingt minutes, le discours est plié et les ambassadeurs des deux marques sont invités à s'exprimer. “À toi de jouer”, signale Grace, lançant son ancienne stagiaire devant elle pour qu'elle se charge des photos. Grace, elle, reste en retrait, une nouvelle coupe à la main, le regard guettant Ella à distance, la couvant des yeux d'un air protecteur. Elle a l'air tout sauf à l'aise, son Ella, se débat avec les questions intempestives et une proximité forcée avec Luke et elle aurait envie de la sortir d'ici, l'emmener quelque part où elle puisse respirer et où il n'y aura aucune barrière à ce qu'elle soit entièrement et singulièrement elle-même. Elle hésite à peine deux minutes. J’étais sérieuse tout à l'heure. Tu connais un coin plus privé ?
@Ella Matthews |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 15:29 | |
| Après son passage éclair à l’extérieur et son humiliation publique accablante, elle ne dit plus mots qu’à Luke ou certains invités, n’adressant que de temps à autres de brefs regards à Grace ou à son téléphone : à lui, rien. Le champagne est là pour la ramener à la réalité. Encore quelques heures de bavardages insensés, de sourires calculés et bientôt elle pourra retrouver Grace et tout ça ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Depuis le buffet, où elle doit s’exprimer, elle distingue des silhouettes en mouvement : un attroupement de curieux. C’est ainsi qu’elle se les représente. Ella sent face aux journalistes, face aux photographes son impuissance la dévorer. Elle la cherche malgré elle du regard et la partie d’elle qu’elle assume le moins espère que Grace est restée fumer à l’extérieur. Le tableau, toujours imposant, haut en couleur qu’on se fait du patron de Cartier, au milieu de diamants, dans un château immense est certainement conforme à la vérité, et Ella elle, a l’impression d’être un cliché, le bouffon de la farce. Cartier, sans doute comme beaucoup, pourrait être le symbole de la mentalité corrompue, un homme qui utilise le pouvoir pour augmenter sa fortune personnelle. Une mentalité primitive, souvent vulgaire. Mais son argent a fini par pervertir son être en profondeur, et par l’entraîner vers les temples clinquants du faste tels que celui où il se tient en ce moment. Luke abaisse son micro et lui sourit avec affabilité, sans l’ombre d’un air de supériorité, et Ella s’en veut de l’avoir si durement jugé. Elle s’adresse à son tour au public par intervalles, et toujours vaguement. De temps en temps elle ose lever les yeux vers les invités, échange un regard complice avec Luke. A chaque fois qu’elle croise le regard de Grace, en revanche, elle se force à tourner la tête, et ses yeux font avec une extrême lenteur le tour des invités. Mais la salle paraît toujours se rétrécir, la foule s’épaissir, les lumières se tamiser, l’alcool lui lier la langue, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elles deux dans la salle.
Elle accueille ensuite avec un sourire les quelques compliments sur sa tenue, sur son affiliation, son travail, son soi-disant courage, serre quelques mains et offre quelques salutations à distance. Elle a la bouche sèche et un peu la nausée, elle a vaguement honte et est aussi incroyablement excitée par ce qu’elle vient de lire. Ce message lui offre un instant de répit, si disproportionné qu’il en devient totalement gratuit. Pourtant, elle ne sait que trop bien ce qu'il veut dire : je peux me faire pardonner ? Et en cet instant, ça lui importe peu qu’elle essaie, qu’elle ait quelque chose à se faire pardonner, parce qu’elle a trop bu en l’espace d’un temps trop court, qu’elle vient de vanter les mérites d’une marque pour laquelle elle n’en a strictement rien à faire, qu’elle a tenu la grappe à un acteur qu’elle espère ne plus jamais revoir, qu’elle a manqué de tout afficher devant une journaliste, et qu’elle a ravalé ses sentiments en face de centaines de personnes. Alors : ma voiture.
Elle retrouve Luke qui s’apprête à s’attaquer au buffet, pose une main délicate sur son épaule, lui fait les yeux doux : « J’ai deux trois trucs à régler à l’extérieur, tu veux bien me couvrir disons… une demi-heure ? » C’est sans doute du jamais vu dans l’histoire des cérémonies de ce genre, mais après un regard interrogateur, il accepte avec un salut de la main et Ella est forcée de se mordre la langue pour ne pas lui rire au nez. Elle a bien l’intention de faire savoir à Grace qu’elle ne va pas annihiler ses ambitions d’avenir et son arrivisme au profit d’une relation tourmentée par laquelle elle serait susceptible de se laisser ronger. Ella n’a aucune idée précise de ce qu’elle est en train de faire mais elle se retrouve à s’engager sur le parking privé sans se retourner, à congédier son chauffeur à qui elle autorise quartier libre, et à s’installer sur le siège arrière de la limousine, quitte à prendre le risque que Grace ne la suive pas.
@Grace Coughlin
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| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 16:56 | |
| La réponse d’Ella ne tarde pas à s’afficher sur son écran et Grace fait signe à Julia qu’elle s’envole, sans que celle-ci n’y oppose une quelconque remarque - elle récolte tous les lauriers ce soir et aura la plupart du cachet sur les photos, mais pour l’heure Grace la laisse jubiler : elle a plus important en tête. Un serveur embauché pour la soirée lui indique le parking et elle presse le pas, se hâte jusqu’à ce qu’elle reconnaît être comme la voiture d’Ella pour la soirée et elle frappe à la fenêtre rapidement pour montrer patte blanche, puis monte sans ménagement à l’arrière du véhicule. “Hey”, souffle-t-elle et dans son soupir se mélangent le soulagement, le manque et la culpabilité. Elle se faufile prestement jusqu’à la plus jeune, de manière à s’installer pile à côté d’elle et elle résiste à toute envie de tout déballer, chasse toute hésitation qui créerait, elle n’en doute pas, un blanc monstrueux et elle se penche, directement, main sur sa cuisse : “Premièrement…” chuchote-t-elle et sans plus tarder, elle retrouve ses lèvres avec avidité, comble la frustration creusée avec des heures sans pouvoir se toucher. Ce baiser a le goût de la hâte et, oui, toujours de la culpabilité, et Grace ne l’apprécie pas autant qu’elle aurait aimé mais il suffit pour l’instant à combler le manque. Pour l’instant seulement, car jusqu’à preuve du contraire, le pire est à venir.
“Ensuite…”
Et elle n’est absolument pas prête pour le pire, ne l’a jamais été, et hésite presque au dernier moment à aborder le sujet d’un ton léger pour tourner la chose en dérision parce que franchement, c’est presque rien, mais elle y renonce. La brune hausse les épaules, prend une grande inspiration, et elle cherche ses mots uniquement pour qu’ils soient les plus justes possible. “J’aimerais qu’on parle.” Oui, de toute évidence. Le début était bon, ça se ramollit sur la fin, note globale pas terrible, repassez quand vous serez prête. Elle se fustige intérieurement, puis se force à se lancer : “J'ai été conne tout à l'heure. Si tu te sens prête, alors dis-le. Tant pis si c'est Mona, ou un con d'une chaîne de sport ou Oprah, même.” La phrase sort d’un coup, les mots se bousculent. Et il fallait que ce soit dit parce que ce n'est pas à elle d'imposer quoi que ce soit. Elle a toujours voulu qu'Ella arrive à faire son coming out selon son propre agenda, qu'elle se sente aussi confortable que possible et ce soir, elle a merdé. Elle s’humecte les lèvres, essaie de reprendre, et d’un coup sa main sur sa jambe semble superflue, alors elle la retire. “C'est juste...” Elle relève les yeux vers ceux de la cadette, l’air désemparé au possible. C'est juste, sur le coup, qu'elle déteste avoir à expliquer ses torts, se repentir et se mettre autant à nu dans un espace si confiné. Elle a besoin de parler de ça, cependant, parce que c'est important, et que ses précédentes relations se sont toujours achevées à cause de son incapacité à parler des sujets plus graves en les prenant au sérieux. Encore une grande inspiration, puis trois doigts qui frottent son front pour en faire disparaître la fatigue et l'hésitation. “C'est sûrement bête”, commence-t-elle et elle le dit uniquement parce qu'elle ne sait pas exprimer j'ai besoin que tu me rassures autrement, “mais j'ai peur que ça nous retire une partie de ce qu'on est.”
Et le sujet est mis sur la table et qu’elle le regrette ou non (si) n’a pas d’importance, parce qu’il est sorti et qu’il aurait dû sortir tôt ou tard. Elle s’en convainc tandis que ses yeux restent ancrés sur le visage d’Ella pour jauger ses réactions, avec une appréhension non-feinte, et une vulnérabilité désarmante. “Je t'ai dit que j'aimais bien ce qu'on était avant et sur ce point-là, c'est vrai. Pas parce que j'ai envie qu'on vive cachées, non, parce que justement j'ai envie de pouvoir sortir dans la rue avec toi et aller faire des choses avec toi et te prendre la main et t’embrasser sans que ce soit un problème.” La normalité telle qu’elle la réclame sort dans une déclamation bien trop impressionnante et elle a soudain l’impression de demander qu’on lui décroche la lune. Elle se force à enchaîner, les yeux repartis loin, sur les sièges en cuir, à chercher un détail sur lequel se focaliser : “Et j'ai peur que c'en soit un, justement. Si les gens le savent. Et que ça nous éloigne.” Parce qu’elles avaient vécu pendant deux ans dans le plus grand secret et, de fait, sans aucune obligation, sans avoir à répondre à aucune attente ni n’avoir à faire semblant sur aucun point. En rétrospective, Grace avait chéri chacun de ces moments parce que pendant ceux-ci, Ella était entièrement elle-même, dénuée de cette gêne qu’elle arbore comme un poids en public, délestée de tout espoir posé sur ses épaules de force. Et si ça venait à complètement disparaître ? Elle le résume du mieux qu’elle peut : “Je connais pas cette vie, Els, j'ai jamais vécu dedans. J'ai aucune idée de comment ça se passe.” Sous-entendu : fuis pas. Apprends-moi. Je vais nulle part. Mais les sous-entendus ne suffisent pas, non plus, alors elle embraye, prend la main d’Ella dans la sienne : “Mais j'ai envie d'être avec toi. Et que les gens le sachent.” Et ça fait mal, mais elle se force à achever : “Désolée.”
@Ella Matthews |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 18:19 | |
| Ella profite de ce moment seule pour allonger ses jambes, retirer ses talons, et s’adosser complètement contre le siège. Elle scrute le plafond, hésite une seconde à reprendre son téléphone, mais Grace ne se fait pas désirer. Chacun des ses mouvements semble d'ailleurs être brillant, ou brillamment calculé pour lui faire perdre l’esprit. De sa manière nonchalante d'entrer dans la voiture à son chuchotement. Et suite à un enchaînement parfaitement maîtrisé de sa part, Ella remarque surtout sa main trouver sa place attitrée sur sa cuisse. L'attention focalisée sur ce contact, sur l'instance de cette infime parcelle de peau contre le tissu de sa robe, elle n’écoute déjà plus la suite ; devine seulement ses paroles.
Mais déjà, trop tôt, Grace retire sa main, s’écarte et Ella retrouve sa moue boudeuse. Certaines phrases, on aimerait les gifler. Surtout des mots aussi ordinaires qui ont une consistance aussi puissante. Et il faut que cette peine lui soit infligée par celle qui lui importe plus que tous. Elle l’écoute, le visage sévère. Ce genre de phrases nourrit des doutes sur la sincérité de Grace. Après tout, leur relation dans la clandestinité la plus opaque qui soit, les font passer reines dans l’art de la dissimulation. Ella est bien placée pour savoir que Grace ment avec aplomb, et vice versa. Les mots s’enchaînent et malgré tout, elle ne trouve pas la force de lui en vouloir. Elle-même sait à peine comment gérer sa vie, une relation, alors concilier les deux ? Et pourtant, la vraie torture pour elle, ça serait ce secret. De devoir taire ce bonheur partagé, et ce malheur quand il n’est plus. De ne pouvoir le confier à personne. De s’interdire de s’en ouvrir à qui que ce soit. “Et que ça nous éloigne.” raisonne encore dans son esprit, alors qu’Ella agit comme si elle n'allait rien dire. Ce qu’elle comprend et retient de cette phrase c’est que Grace a peur que son train de vie les éloigne.
Ella laisse peser le silence un instant, observe par la vitre teintée de la voiture. Elle rirait légèrement d'elle-même, de cette situation maladroite, de ses pensées délirantes si elle pouvait et se retourne légèrement pour regarder à nouveau Grace et constate que même sous ses airs désolés et à coeur ouvert, on avait dû lui envoyer un ange. « Donc si je résume, tu veux pas que les gens le sachent mais... tu veux que les gens le sachent ? » Elle esquisse presque un sourire, parce qu'elle synthétise grossièrement, détourne même un peu ses propos et espère que Grace s'en rendra compte. Et son sourire s'élargit. « De quoi tu t’excuses ? » Elle rit légèrement, tant elle pense que son sourire pour une fois dévoué et sincère, est teinté d'un calme sans précédent ce soir. Sans doute s'imagine-t-elle qu'il l’immunise contre cette conversation. De la manière de la regarder, sans le silence pesant couvrant leurs réflexions intimes, on peut presque avoir l’impression d’avoir affaire à un couple authentique et légitime, à des confessions silencieuses répétées d’un bout à l’autre. Sauf que c’est Grace Coughlin et Ella Matthews, dans une voiture de prêt bien trop luxueuse, en train d’avoir une conversation sur la légitimité de leur couple alors qu’elles viennent à peine de décider de s’y essayer. Ella doute désormais de tout sauf de deux choses : de la main dans la sienne et de son incapacité à rester loin d’elle, et elle se dit que franchement, elle serait prête à faire n'importe quoi pour que ça mache. Puis avec un calme qui frôle l’apathie : « Si t’as envie de m’embrasser dans la rue alors tu m'embrasseras dans la rue. J’éviterai de faire un communiqué de presse pour les prévenir qu’on sort et qu’on va probablement se donner la main. » Elle resserre son emprise sur la main de Grace et l’attire à elle. Il lui faut plusieurs secondes pour se concentrer à nouveau sur ce qu’elle va dire, consciente que dans les faits, c’est toujours plus compliqué à mettre en pratique. Puis, elle la cherche du regard, pose sa main à la jointure de sa joue, son pouce la guidant pour qu’elle la regarde : « Mais Grace… On n'est obligées de rien. On peut juste continuer à être… nous. Sans se soucier des autres. » Elle ne sait pas, en revanche, ce que ça signifie pour elles pour ce soir. « Tu vas me présenter ton amie Jess ? »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Sam 08 Aoû 2020, 18:56 | |
| Grce a appris à ne jamais se formaliser de la personnalité plutôt distante d’Ella, de son peu de mots en toute occasion, des quelques expressions qui filtrent difficilement sur ses traits pourtant si expressifs quand elle le veut. Le mur qui l'entoure est aussi épais que Grace est un livre ouvert à qui veut bien s'y intéresser et ce sont leurs manières distinctes et individuelles de se protéger : l’une en feignant le désintérêt, l'autre en noyant toujours le poisson dans des blagues, un surplus de mots et une apparente légèreté. Ce soir, ceci étant, le manque de réaction d’Ella l'inquiète, son visage indéchiffrable est encore plus inaccessible parce qu'elle regarde dehors et si Ella est blessée, ou rassurée, ou quoi que ce soit entre cet éventail large d’émotions, elle n'en laisse absolument rien montrer. Et quand elle prend enfin la parole, ça n'avance pas plus Grace sur comment se positionner : « Donc si je résume, tu veux pas que les gens le sachent mais... tu veux que les gens le sachent ? » Le froncement de sourcils est aussi immédiat qu'une réaction viscérale et elle ponctue sa surprise d'un “Quoi ? Mais non.” bien plus outragé qu'elle ne l'aurait voulu. Elle reprend, éternelle victime de sa candeur, avec toute la patience du monde : “Je veux que les gens le sachent, mais pas que ça pose un obstacle dans cette relation.” Ni ça, ni un autre élément extérieur incontrôlable, parce que l'expérience lui avait enseigné qu'elle était déjà un sacré obstacle à elle toute seule.
« De quoi tu t’excuses ? »
Et le rire d’Ella aurait dû la rassurer mais il la crispe encore plus, et ses sourcils gardent un pli soucieux et son cœur n'est toujours pas complètement à l'aise, lui qui pompe trop de sang à la minute. “De compliquer les choses”, répond-elle très sérieusement. “T’étais vexée, tout à l'heure.” Et légitimement, de surcroît. En rétrospective, elle saluerait sûrement l'alcool le lendemain pour lui avoir donné le courage nécessaire à aborder le sujet, sans détours ni se chercher d'excuses sur lesquelles blâmer son comportement. Grace a toujours valorisé la communication, suffisamment pour qu'elle sache de manière instinctive quand elle était nécessaire, mais jamais n'a-t-elle su moduler son égo de manière à savoir aborder les sujets de manière aisée. Elle a trop tendance à se braquer, à mal le prendre, à tout tourner en dérision par pur instinct de protection. Ce soir, elle se force à garder un ton calme et une voix claire et à ne pas repousser le sujet en se reprochant de trop en faire jusqu'à ce qu'il s'amène de lui-même et qu'il soit déjà trop tard. Et curieusement, jusque-là, le ciel ne lui est pas encore tombé sur la tête. « Si t’as envie de m’embrasser dans la rue alors tu m'embrasseras dans la rue. J’éviterai de faire un communiqué de presse pour les prévenir qu’on sort et qu’on va probablement se donner la main. » C’est Ella qui a repris et son ton est amusé mais elle serre sa main dans la sienne, alors tout ne peut qu’aller. Leurs visages se rapprochent et la fossette près de sa commissure se creuse, alors tout va pour le mieux. “Quoi, c’est si simple que ça ?” Elle garde un air songeur mais sa naïveté la force presque à y croire et déjà, son cœur se relâche un peu, et l'étau autour de ses tempes aussi. Pas d'obligations. Pas de livre d'instructions à suivre. En clair, Ella n'en sait pas plus qu'elle sur la prochaine étape, et ce qui devrait être une pression de plus n'est qu'un immense soulagement : elles découvriront ça ensemble.
“Est-ce qu’être nous ça inclut de t'embrasser ce soir ? Le blondinet commence à se montrer territorial avec toi, je voudrais pas qu'il pense avoir sa chance.”
Alors Grace retrouve toute sa détente et la gratifie d'un sourire plus détendu, presque audacieux. Elle embrasse la main qui est sur sa joue, puis rejoint ses lèvres et bon sang, ce que ça lui a manqué. Ella l’interrompt avec une interrogation bien plus incisive masquée sous le coup de la plaisanterie, mais la photographe ne laisse pas la pression remonter, hausse les sourcils à la place : “Ah, tu attaques direct avec les questions. Je vois.” C’est toujours légitime et d'ailleurs, elle ne pensait pas qu’Ella entendrait l’aparté de Paul – avec tout ce qui lui trottait à l'esprit, ça lui avait presque échappé à elle. “Jess, c’est une ex de l'époque où je bossais avec Paul. Il m’a ramassée à la petite cuillère quand j'ai abandonné la fac et il m’a faite voyager dans le monde avec lui. C’est là que j'ai rencontré Jessian, et on a eu une histoire. Pendant trois ans.” Petite, parce que rien n'avait été confirmé avec des mots, ni exclusif. Ça ne l'avait pas moins forgée, pour autant, et celle qui avait tant représenté pour elle à l'époque gardait toujours une place de choix dans sa vie. “Mais c'était y a plus de huit ans, ça. Après nos chemins se sont séparés, et on s’est recroisées y a un peu moins d'un an.” Elle guette les réactions d’Ella mais ses mots sont brouillés, autant par l'alcool que par le fait qu'elle est absolument trop occupée par ses traits qui la captivent ; très franchement bien plus que par ce qu'elle raconte. “Elle a une gamine, une grande maison et toujours une carrière florissante. C’est des mondes tellement opposés que j'ai presque du mal à croire qu'on ait été sur la même planète y a huit ans.” La mère mature et la grande ado avec des jobs précaires, un petit studio et une difficulté à se relever du plus gros accident de sa vie. “Mais je peux tout à fait l'appeler, à quasi minuit, si tu veux que je te la présente. Elle sera ravie.” Un sourire en coin fend ses lèvres et elle hausse les sourcils, faisant mine de prendre le portable dans sa poche. Elle le sort franchement, d'ailleurs, parcourt leurs derniers messages puis en sélectionne un avec son pouce : “Tu reprochais quoi à mon tailleur, au fait ? Il est très bien.”
@Ella Matthews |
| | | | | | | | state of the art (ella&grace#2) |
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