| state of the art (ella&grace#2) |
| | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 16:28 | |
| Comment lui dire en termes sobres qu'Ella ne veut pas plus d’obstacles qu'elle dans cette relation, ni même les envisager. Malgré l’expression impassible qu’elle s’efforce de revêtir, elle espère ne pas avoir l’air trop troublée : respirer profondément, avoir l’air perdue dans ses pensées. « J’étais pas vexée. » Elle était vexée. A présent que le sujet a été évoqué, elle ressent quelque chose de tout aussi inattendu. Du soulagement peut-être. Ella baisse les armes, soupire, abattue, et s’enfonce un peu plus dans le siège. « J’ai juste l’impression d’avoir vécu 100 vies en une seule soirée. » Elle se demande à quel moment il serait acceptable qu’elle quitte la soirée. Elle contemple un instant l'idée de voler la voiture, les conduire jusqu’à son loft, ou n’importe où. Sa voix devient sourde comme étouffée dans sa gorge, et lorsque Grace fronce les sourcils avant de se rapprocher, elle sent sa robe se fermer sur son coeur. Elles en étaient donc encore là, à entretenir un dialogue loin d'être inédit sur leur relation et l’éventualité d’en faire quelque chose de public et officiel, analysant prudemment les contenus de leurs phrases, leurs réactions. Explication, contre-explication, proposition, contre-proposition et finalement, accord. « Je sais pas si c’est simple, ou si ça le sera un jour mais… on veut la même chose. Même si ça veut dire que j'arrête de travailler ou que je reste en retrait le temps que ça se calme. » Elle répond à son sourire, sent ses lèvres, la fraîcheur de ses lèvres, le soupir d’abandon de ce corps qu’elle serrerait dans ses bras à longueur de journée, de plus en plus fort si elle le pouvait : « Luke est gentil, et complètement inoffensif. » Elle ne lui répond pas clairement, parce qu’elle ignore tout de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, ni ce qui peut se produire si Grace l’embrasse ouvertement, mais elle aime penser que oui, elle peut le faire, elle a le droit de le faire, et tant pis si Ella n’est pas prête à affronter les regards et les murmures, Grace serait là et savoir qu’elle l’accompagnerait sans doute aveuglément dans cet univers inconnu et drastiquement différent de tout ce qu’elle lui connaît, c’est tout ce qui lui suffit.
Un nouveau silence. Elle l’écoute, sans tiquer, pas une seule fois, bien trop consciente que Grace est à l'affût de la moindre de ses réactions, s’efforçant de situer son ex en observant l’extérieur, quelques courageux joggeurs, une ou deux personnes promenant leur chien. Pourtant, sa réaction instinctive ressemble encore à une pointe de jalousie, mais surtout, parce que cela lui semble indispensable compte tenu de leur discussion, de faire des comparaisons avec sa propre vie. Pas de gamine, certes, pas de grande maison à Brisbane, mais beaucoup d’argent, une vie familiale compliquée et un monde que Grace pense potentiellement nuisible à leur relation. Elle plisse les paupières comme s’il lui permettait de mieux restituer le nom de Jess, passe en revue toutes ses connaissances et conquêtes récentes. Prise d’une illumination soudaine, son visage s'éclaircit. Elle ouvre la bouche prête à enchaîner à la fois le nom et l’occupation de celle que Grace menace d’appeler mais son aplomb l’abandonne une nouvelle fois. Préférant nettement laisser son pouls s’emballer en référence à leurs messages que l’annonce qu’elle a été sur le point de faire, elle approche son visage et murmure : « Il te va bien... je me disais juste qu’il était de trop. » Pour appuyer ses mots, elle lui retire sa veste avec une lenteur excessive, l’attire vers elle par le col, sans mesurer sa force - ou les effets de l’alcool, parce qu’elle se retrouve presque au dessus d’elle. « Si on parle de la même personne je l’ai déjà rencontrée. » Elle embrasse ses lèvres, plusieurs fois de rang, puis sa joue, puis sa mâchoire. « Et si j’avais des doutes concernant tes goûts Coughlin, là je suis rassurée. » Elle dévie enfin dans son cou et sur son lobe d’oreille : « Elle est magnifique. »
Elle n’a plus rien désormais, plus aucune intention, plus aucune volonté de résister. C’est comme si, sans le savoir, Grace avait provoqué la fusion soudaine de deux atomes, qui viennent enfin de se joindre et qui sont inséparables. Ella l’incite à se positionner complètement sur elle, glisse sa main sous son haut et la caresse un instant sur son soutien-gorge. Elle se retient d’aller plus loin parce qu’elle est consciente qu’elle est probablement en train de se décoiffer, froisser sa robe, jouer avec le feu. En outre, il est aussi impossible qu’elle ne laisse pas de traces suspectes sur la peau de Grace. Le même constat s’applique à ses propres lèvres qui lui semblent gonflées par ses baisers avides. Alors qu’elle s’apprête à se laisser aller toute entière à cet état second, à ses lèvres - si pures, qu’aucun souffle ne traverse, mariées aux siennes - la paume d’Ella vient briser le contact, dissocier les atomes. « On ferait surement mieux d’y retourner. » L’idée d’y renoncer la traverse encore, parce qu’en sa présence, elle est constamment rappelée à son envie d’elle, et au risque qui en découlerait, qui l'attire bien plus qu'elle ne voudrait l'admettre, si elles s'absentaient plus longtemps, voire même quelques heures supplémentaires.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 18:00 | |
| « J’étais pas vexée. J’ai juste l’impression d’avoir vécu 100 vies en une seule soirée. » Grace opine du chef, compréhensive, caresse la main restée dans la sienne. Elle est incapable d'imaginer sa vie scrutée jusqu'au détail et avoir à maintenir une attitude irréprochable où qu'elle aille et quoi qu'elle fasse – elle n'aurait ni la patience, ni le politiquement correct nécessaire à naviguer dans les situations où Ella est comme un poisson dans l'eau. Elles arrivent à un consensus, pourtant, la meilleure solution qu'elle trouve pour palier à cette situation aussi inhabituelle qu'inédite pour chacune. Et tant pis si ça sonne trop simpliste, tant pis si elle se doute qu'elle est naïve d'y croire : elles ajusteront au fur et à mesure, elles trouveront comment s’adapter ensemble. Elles feront ça à deux et si c’est une maigre réassurance, ça lui suffit pour l’instant. Elle aussi, baisse les armes à son tour, charrie le pauvre Luke qui, décidément, se retrouve visé par tous : “Inoffensivement convaincu que les lesbiennes sont une ethnie ou le signe astrologique des personnes nées en Mars, surtout.” Elle hausse un sourcil, sourire malicieux au coin des lèvres - le pauvre gamin serait adorable de candeur s’il ne l’avait pas agacée par son comportement oublieux d’enfant gâté. Dans l’habitacle l’ambiance s’est détendue, Grace a arrêté de dévier le regard et c’est peut-être le sourire qui éclaire le visage d’Ella, ou alors l’alcool, mais elle se sent autorisée à laisser la conversation dévier vers leurs derniers échanges par messages. Le tailleur lui est de trop, estime Ella, et à cet instant elle est totalement d’accord : un gémissement se meurt contre les lèvres de celle-ci alors que leurs corps se retrouvent, et tous leurs vêtements sont en trop, et la peau du cou et du décolleté d’Ella qu’elle arrive à atteindre sont loin, bien trop loin de la combler.
« Si on parle de la même personne je l’ai déjà rencontrée. »
Le cerveau de Grace ne traite pas suffisamment vite l’information et Ella poursuit, lui tire un nouveau gémissement alors que ses lèvres atteignent son lobe et le temps qu’elle comprenne, elle est déjà à califourchon sur ses genoux, ses bras autour de sa nuque pour rapprocher toujours plus son corps du sien. “Attends, quoi ?” réclame-t-elle dans un bref éclair de lucidité, ses yeux vitreux et emplis par l’envie - non, le besoin de l’avoir là maintenant. La réponse peut attendre : une main s’est glissée sous son haut et lui coupe à nouveau le souffle, et l’alcool la rend beaucoup trop sensible à tous ses gestes, son corps entièrement accordé à ses moindres gestes. Elle gémit contre ses lèvres, attrape sa main pour la guider plus bas, puis s'arrête nettement lorsqu'elle se rappelle que l'endroit n'est ni discret, ni idéal. Et que pour le coup, qu'Ella ait l'intention d'en parler ou pas, leur retour ensemble avec du maquillage qui a coulé sera bien plus parlant que n'importe quels mots. « On ferait surement mieux d’y retourner. » Le consensus est immédiat mais pas moins désagréable. “Putain”, qu’elle peste dans un lourd soupir chargé de frustration. Est-ce qu’elles ont vraiment besoin d’être là ? Est-ce que quelqu’un remarquera leur absence pour vingt minutes de plus ? La sienne, sûrement pas ; celle d’Ella, ce sera plus difficile. “On est vraiment obligées d'y retourner ?” glisse-t-elle quand même, plaintive. Son regard est toujours vissé sur ses lèvres, et elle la réclame, elle le sait, suffisamment pour en perdre la tête et la notion du temps, suffisamment pour qu’elle cède et mordille la lèvre inférieure d'Ella en une tentative désespérée de la ramener à elle et d’oublier cette foutue soirée une bonne fois pour toutes. Ca ne prend pas, et elle déteste tout. “Comment tu fais pour garder ta patience à ce genre de soirées ?” questionne-t-elle d'un ton excédé, complètement aveugle au fait que c'est plutôt le temps qui la sépare de leur retour chez l'une ou l'autre qui la rend impatiente, davantage que la soirée en elle-même. Un soupir de défaite, puis Grace se retire de ses genoux et retombe mollement sur le siège à côté du sien. “Allez, va bosser.” ordonne-t-elle en se passant une main dans les cheveux, gênée que ses jambes soient si fébriles, que son coeur batte si fort, qu’elle se sente si sale ; frustrée qu’elle n’ait pas su mettre Ella dans le même état qu’elle. Elle se reprend d’un nouveau souffle, s’extirpe de la voiture avec une difficulté monumentale et s’étire péniblement pour chasser les dernières traces de désir de son corps qui semble ne même plus lui répondre. “Alors comme ça tu connais Jess ?” Le sujet qui la taraudait finit par lui revenir, enfin, alors que les neurones se reconnectent avec une lenteur inédite. Elle se demande si sa réaction de parfaite surprise n'était pas de trop, plus tôt – si le monde est petit, celui des personnes avec une certaine notoriété est plus restreint encore et il semble presque logique et évident qu'une mannequin et une influenceuse toutes les deux sur Brisbane se soient déjà croisées au moins une fois au détour d'un événement comme celui-ci. Ce fait établi, sa curiosité s'étend maintenant davantage à la nature de leur relation, ce qu'elle laisse sous-entendre avec un sourire en coin.
Elle n’a jamais marché aussi lentement mais la sortie de secours est déjà là, et Grace la contemple en chien de faïence, décidément peu motivée à retourner faire son travail. Mais Julia est encore une gamine, elle a besoin d’elle, de ses conseils, et surtout Ella a besoin de rentrer, de redorer son image, d’attirer l’attention des sponsors potentiels. Elle soupire toute sa fumée vers la porte, comme pour l’empoisonner, puis : “Commence à rentrer, si tu veux. Je finis ma clope.” Ne pas arriver ensemble serait certainement un tantinet plus discret que de franchir la porte et de retourner dans la foule avec leurs lèvres pleines et un peu trop rouges et leurs airs hagards qui ne tromperont l’audience que deux minutes tout au plus.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 20:40 | |
| Elle rit franchement, puis reprend son sérieux, une main allant replacer une mèche de ses cheveux. « Tu serais pas un peu jalouse ? » Moment teinté de tendresse et d’incertitude qui est vite balayé par les mains d’Ella qui s’agrippent à Grace, et les lèvres de Grace qui cherchent à la posséder. Elle ne peut s’empêcher d'afficher un sourire comblé en l’entendant gémir, exactement comme elle le lui avait prédit. Elle prend à peine conscience de son corps qui essaie de se greffer davantage contre elle, et elle descend sa main libre vers la hanche de Grace, l'encourageant à se cambrer contre elle, à chercher un point de contact, ralentissant le mouvement de ses lèvres qui descendent bientôt sur ses clavicules et mordillent son cou lorsqu’elle la sent descendre sa main. Et peut-être que ses doigts s’agrippent déjà à son pantalon, elle n’est plus très sûr de rien, sauf du fait qu’elle doive ravaler sa frustration. Elle sait aussi que ça serait compliqué - voire impossible - de se défaire de sa robe dans une voiture, limousine ou non. Ce qu’elle ne sait pas c’est pourquoi elle ne pourrait pas, en revanche, la faire bascule sur le siège et s’allonger sur elle. Elle est interrompue dans son élan, et c’est beaucoup trop. Cette sensation dans son ventre, entre ses jambes, son coeur qui va rompre - elle en est certaine. Elle pousse un long soupir d’agonie quand Grace se détache qu’elle. Même si l’attente est une torture, elle sait que la délivrance n’en sera que meilleure le moment venu. « Mmh. » la voix enrouée. « Parce que j’ai l’habitude, je suis née dedans. » Et c'est la vérité, constamment ballotée entre les rendez-vous politiques de ses parents et les évènements de ce genre, l’empreinte de la richesse, à un très jeune âge, à été d’autant plus profonde. Ella la suit à l’extérieur, observe rapidement son reflet dans la carrosserie, constate les dégâts. « Qu’est-ce que tu disais sur mon self control ? »
Entre la lubricité dans l’air et les couches de son corsage qui la couvraient, son corps ruissèle presque de sueur. Le désir lui voile encore les yeux, elle en sent le goût sur ses lèvres qui brûlent, et ses mains aussi devenues moites alors qu’elle a la sensation que le sol se dérobe sous ses pieds. La question de Grace ne la surprend pas tant que ça, et Ella aime s’imaginer qu’elle peut continuer à jouer avec elle, laisser durer le suspens. Sourire en coin auquel elle répond, un peu trop fièrement : « T’as envie de savoir, hein ? » Elle se penche pour l’embrasser, la tête encore brouillée par toutes les idées qui lui ont traversé l’esprit. « On s’est croisées sur un yacht. » C’est tout ce qu’elle aura. Grace allume une cigarette et Ella accoste à ses côtés, frotte ses mains contre sa robe, passe une main dans ses cheveux, en essayant de chasser son expression de franche luxure pendant qu’elle réfléchit un moment. Sans préavis, Ella est rappelée à l’hypothèse de Grace et déglutit parce qu’elle observe bêtement la porte et Ella ne comprend pas pourquoi elle a besoin de détourner le regard. Alors elle lui saisit sa main libre, se rapproche légèrement : « Ou bien je peux attendre que tu finisses et on entre ensemble ? » Comme pour lui laisser le temps de se souvenir de leur discussion et réfléchir à ce qu’elles vont dire si on leur demande pourquoi elles s’embrassent, Ella marque une pause. Les commentaires sur la vie de Jess, ses doutes sur le monde qui entoure Ella reprend vie en elle, alors elle s'essaie : « Tu sais Grace, ce sera pas tous les jours comme ça. La plupart du temps je peux me permettre de travailler de chez moi. » Seconde hésitation, puis aligne les mots d’une traite avec un regard qui sous-entend : oups : « Au fait. Tu sais le message que j'ai envoyé à mes parents sur nos prétendues dates de mariage ? C'était une blague, évidemment mais... j'ai eu l'assistant de mon père au téléphone et, je crois qu'il veut te rencontrer. Mon père, pas l'assistant. »
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 21:40 | |
| « Qu’est-ce que tu disais sur mon self control ? » Chaque parcelle de son corps et sensible et il lui semble réagir au moindre coup de vent, à la brise la plus légère et au contact le plus infime de la main d’Ella qui cogne accidentellement contre la sienne. Comment a-t-elle pu être rendue si faible par cette femme, qui semble gouverner la moindre de ses émotions et de ses pulsions avec un simple frôlement ou un regard trop appuyé ? “Que tu en as plus que moi ?” hasarde-t-elle, préférant en rire, parce que de toute évidence, elle n’est pas sortie d'affaire. “Par exemple, moi, j'aurais pas su arrêter.” Et si elle n'avait eu aucune compassion ou sens du professionnalisme, elle n'aurait probablement pas arrêté tout court. Elles font le retour jusqu'à la porte arrière dans le silence le plus lourd : lourd d'envie, lourd de désespoir ; le genre d’instants qui se passent de mots. C’est Grace qui le brise la première, à nouveau, en retrouvant le fil de la conversation avortée plus tôt : Ella connaît son ex, et ses mots étaient suffisamment frappants pour que ça la fasse réagir. “Croisées, hein.” Elle sourit mais a du mal à réfréner sa curiosité. Si elle ressentait davantage d’amusement que de jalousie face à Luke, elle en perçoit une pointe légère, encore très diffuse dans ce cas précis. Elle ne pousse pas la discussion, cependant : un regard en direction de son amante suffit pour qu'elle devine la manœuvre inutile.
Elles décident, à la place, de rentrer ensemble, et Grace fait durer un peu plus sa clope, hochant la tête avec un sourire timide qui recèle la hâte et l'appréhension tout à la fois. Leurs mains se retrouvent et se réconfortent d'une pression mutuelle et Grace la couve du regard avec bien plus d’attention qu'avant. “Hm hm. Je retrouve mon ancienne assistante, après, mais j'imagine que tu seras prise aussi, avec Frostbird Man.” Aucune jalousie, donc. « Tu sais Grace, ce sera pas tous les jours comme ça. La plupart du temps je peux me permettre de travailler de chez moi. » Le ton d’Ella est timide, teinté de tristesse et son regard dévie, à nouveau, alors qu’elle se dandine d’une jambe sur l’autre. “Sans déconner… oublie ça.” Et elle fixe leurs pieds parce qu'elle se sent encore coupable de l'avoir remise en question si tôt, de s'être positionnée si fortement contre une partie si grande de la vie d’Ella par simple peur. Elle inspire, hausse les épaules, expire la fumée vers ses pompes, laisse ses épaules retomber. “Els, y a suffisamment de gens qui veulent contrôler ce que tu fais de ta vie privée pour que je m'y ajoute. Si je veux être avec toi, c'est pour t'accepter toi. Si tu dois sortir souvent, tu sortiras souvent et si besoin, je viendrai avec toi.” Et ça sera sûrement dur, elle ne veut pas prétendre l'inverse mais au moins, elle est prête à essayer, et freiner Ella dans ses velléités de carrière pour apaiser des craintes qui n'ont rien à voir avec elle est si injuste qu'elle a envie de fermer les paupières jusqu'à en voir des étoiles quand elle y repense. C’est Ella qui la force à les rouvrir avec une nouvelle phrase qui sort de nulle part et qu'elle a presque l'impression d'avoir halluciné tant elle est hors contexte. Son premier réflexe est d'en rire :
“Tu te fous de moi, là, c’est ça ? C’est ton plan pour calmer ma libido ?”
Et elle cherche, elle cherche, mais rien à faire : aucune trace de dérision dans les yeux d’Ella, ni de regret, du genre une blague partie trop loin qu'elle regretterait. Et juste comme ça, le cœur de Grace descend dans son ventre et perturbe son centre de gravité. “Oh”, qu'elle souffle, parce qu'elle voit mal quoi dire de plus. Elle se rattrape tant bien que mal à ses deux plus précieux atouts : sa clope et son humour à toute épreuve. “Je t’avais dit que le lol suffirait pas.” Mais ça non plus, ça ne déride pas Ella. “Bon…” Elle amorce un retrait dans une position plus prudente, retire son sourire salvateur. “Je me prépare comment ? Je veux dire : conversations sur la situation géopolitique du Cachemire pakistanais ? Versets bibliques ? ...Gilet pare-balles ?” Toujours le trait d'humour qui cache une détresse totale et irrémédiable. Qu’est-ce qu'elle va pouvoir raconter au père d’Ella, et qu’est-ce qu'il peut bien lui vouloir ? A-t-il manqué l'ironie du message sur leur union matrimoniale et s'attend-il à voir une bague marquer le doigt de sa fille ? Elle qui croyait avoir passé le pire avec une session intense de 7h de briefing avant de rencontrer les proches de Lola se retrouve complètement décontenancée. “...Je peux amener ma mère ? Pour qu'on soit à armes égales.” Alexis droite comme un I, mère louve veillant férocement sur sa meute et qui sera plus concentrée sur la défense de l'honneur de sa cadette que sur son envie de plaire – Grace ne sera jamais complètement débarrassée de son ego immense et de son indécrottable envie de se faire valoir. Surtout, sa mère est un bien meilleur parti que celle qui n’a aucun diplôme si ce n'est celui de fin du lycée et qui marche comme Splinter dans les Tortues Ninja. “Qu’est-ce qu'il veut, à ton avis ?” Et surtout, quoi qu’il veuille, vomir d'anxiété sur la table de son salon sera-t-il acceptable ? Un peu à regret, elle lâche son mégot par terre, pollueuse à la conscience lourde et elle s’étire comme pour se donner du courage : “C’est parti ?” qu’elle interroge et elle ne sait pas si elle doit prendre des distances, mais elle lâche sa main et caresse son dos dans un geste qu'elle veut apaisant. Un regard faussement sévère, enfin : “Si tu plaisantes, par contre, dis-le moi avant qu'on rentre, ça m'évitera une récidive d’AVC.”
@Ella Matthews |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 11:33 | |
| Les pupilles complètement dilatées, le désir qui n’a toujours pas été assouvi et la frustration qu’elle devra ravaler quand elles vont franchir cette porte. « On va chez toi ou chez moi après, finir ce qu’on a commencé ? »
Ella est loin d’avoir envie de la considérer comme acquise, mais Grace lui répète qu’elle a envie d’être avec elle, soirées champagne, acteurs mielleux à supporter ou non, et la seule chose qu’Ella trouve à lui répondre c’est de se pencher pour l’embrasser. Puis elle se redresse et la regarde, Grace est magnifique, avec cet air un peu déchaîné, des cheveux encore ébouriffés qu’Ella prend soin d’aplatir, son haut quelque peu débraillé qu’elle réajuste aussi discrètement, ses lèvres mises à mal par des baisers trop intenses. Elle veut le lui dire mais les mots lui manquent, ou bien pas de la manière dont elle voudrait l’exprimer. C’est là qu’elle se demande ce qu’elle ressent, ou ce qu’elle pourrait vraiment ressentir pour elle si toutefois Grace la laissait faire. Pour Ella, cette nouvelle réalisation bouleverse intégralement le cours des choses. Alors elle s’approche encore un peu. Elle a l’impression de la voir pour la première fois. Ce qui entraîne une question évidente : depuis quand ? Et en la voyant là, devant elle, plus belle, plus femme que jamais, Ella ne se souvient plus. Elle n’ose pas la regarder, alors elle lui sourit simplement, pleinement consciente que Grace attend plusieurs réponses, pas certaine de comment interpréter la main amicale qui se pose dans son dos et qui va la pousser à l’intérieur. Elle se rétracte.
Ella se représente la situation cocasse que serait un dîner en tête à tête avec le père Matthews et la mère Coughlin. Elle réalise soudainement qu’elle ne connaît pas grand chose de la vie de Grace, et qu’en dehors de deux ans de purs contacts et d’assouvissement physiques, elles ne se sont pas ouvertes sur grand chose. Ce qui devrait l’effrayer l’enthousiasme : elle a encore beaucoup de choses à apprendre sur elle, bonnes comme mauvaises, et elle a hâte de les découvrir. « Pardon, je sais pas pourquoi j’ai dis ça. Il m’a appelé mais il est hors de question de céder à ses caprices. A moins que tu veuilles le rencontrer ? » Ce n’est que lorsque Grace détourne le regard qu’elle décrispe son visage. Ella trouve plus simple le mensonge par omission. Grace supporterait mieux l’idée qu’Ella gère ça toute seule dans son coin plutôt que de savoir la vérité : qu’il y ait aussi de forte chance qu’il fasse irruption chez elle sans s’annoncer quand Grace est là et qu'Ella envisage même de déménager. Et Ella se demande comment diable elle est passée d’une libido intense en compagnie de cette femme à l’envie de trouver refuge contre elle, au point de tout quitter et tout accomplir pour elle. Sans doute que Grace peut sentir son désespoir, la culpabilité de son mode de vie privilégié, ses douleurs passées. Pas juste physiques, pas juste marquées par la honte et la gêne, mais bien là, au fond d’elle. Elles exploseraient et les débris pourraient atteindre Grace, mais elle sait qu’elle ne compte pas prendre fuite. Pas ce soir. Pas comme ça. « T'inquiète pas, j'aurais une conversation avec mes parents quand j’irais à Sydney, alors pas d’AVC s’il te plait. » Elle la regarde avec un air à la fois de sainte et démoniaque : « Je peux me faire pardonner ? »
Et soudain elle sent de nouveau adolescente, incapable de résister à l’appel d’un baiser timide sur ses lèvres. Elle l’embrasse pour toutes les fois où elle a évité de le faire ce soir. Les yeux d’Ella ne cherchent plus à se défiler et reviennent s’ancrer dans les siennes, alors qu’elle lui avoue, maladroitement, car le moment choisi est tout sauf idéal, et très certainement précipité, et pourtant, on ne peut plus certaine de ce qu’elle fait. « Grace… » Son prénom qu’elle calfeutre sous les effets de l’alcool, sous des sujets plus légers - comme la libido de Grace ou de futurs diners familiaux - sur lesquels elle retournera et s'étendra plus tard sans hésiter. Ella la regarde alors comme si elle lui devait la vie, mais comme si elle allait tout gâcher, et qu’elle ne pouvait pas réparer ses erreurs. Elle la regarde, pleine de détresse, la gorge se nouant sur les choses qu’elle va lui dire, parce qu’elle est lancée désormais. « Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de toi. C’est grave ? »
@Grace Coughlin
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| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 14:27 | |
| Elle qui pensait être passée par tout l’éventail des émotions humaines en une soirée était de toute évidence trop optimiste, puisqu’elle se retrouve au bord de la syncope en plus du reste en apprenant que le père d’Ella compte la rencontrer. Face à elle, la jeune femme reste mutique, et Grace décide de passer outre et de l’amener vers l’intérieur lorsque celle-ci plante ses pieds plus fermement au sol, s’excuse pour la surprise et annonce qu’elle remédiera à la situation d’elle-même. La photographe retrouve un souffle de vie et relève la tête, sourcil arqué : “Tu vas partir à Sydney toute seule ? T’as pas peur qu'ils te crucifient ou t'envoient chez l’exorciste du coin ?” Et elle admire son courage, cette ténacité qu'elle revêt toujours quand la conversation s'attarde malencontreusement sur sa situation vis-à-vis de ses parents. Grace le sait, elle n'aurait jamais eu cet aplomb pour tenir tête à ses parents : trop dépendante de l'approbation maternelle, trop sensible à la fierté de son père constamment fatigué par le boulot mais toujours aussi présent que possible, elle se demande comment elle aurait pu se développer et explorer sa sexualité sans leur appui. Elle réalise encore une fois son incroyable chance d'être née dans une famille où le fait qu'elle arrête la fac a été infiniment plus problématique que sa sexualité, passée comme une lettre à la poste. Maintenant se pose l'énorme question de la soirée, à laquelle elle n’a jamais dû faire face avant, parce qu'elle n’a jamais vraiment rencontré de parents de quelqu'un qu'elle fréquentait avant – soit par manque d'intérêt mutuel, soit par pure impossibilité liée à des coming-outs tout aussi improbables. La seule chose qui s'en était le plus rapprochée, c'était en rencontrant les proches de Lola, et l'entrevue s'était aussi bien passée que se serait déroulée une rencontre entre Pol Pot et Simone Veil. “Un jour, peut-être”, répond-elle pour ce qui est de le rencontrer ; et même sûrement, qu’elle aimerait les rencontrer un jour, mais elle ne veut pas que son enthousiasme passe pour une projection à trop long-terme. “J’ai encore quelques éléments de ma bucket list à accomplir avant ça.” Sourire en coin. Sous-entendu : avant ma mort certaine parce que j’ai tout sauf l’étoffe d’une belle-fille idéale.
« Je peux me faire pardonner ? » repart Ella et le rappel est bienvenu, presque doux, que quelle que soit la conversation, qu’importe le sujet fâcheux ou la difficulté, la complicité qui les unit revient toujours s’imposer et atténuer les maux. Et ce qui avant n’était que purement charnel s’est mué, à force de temps passé ensemble, en quelque chose de beaucoup plus doux, de bien plus sûr : Ella sait toujours tirer un sourire de ses plus grandes hésitations. “Je sais pas”, fait-elle mine d’hésiter, relevant enfin les yeux vers elle, “va falloir me convaincre.” Elles ont toute la nuit au loft pour ce faire, de toute façon. “T’as quoi en tête ?” Et leurs lèvres se retrouvent, et le baiser que Grace imaginait fougueux évolue en quelque chose de bien plus doux, bien plus intime, et elle se sent sourire contre ses lèvres alors qu’elle rapproche son corps du sien, presque automatiquement. Cette fois, pourtant, toute provocation est absente de ses gestes, simplement motivée par l’envie de serrer Ella contre elle, de la garder dans ses bras. « Grace… » Elles se détachent et le ton fébrile de la plus jeune l’inquiète presque, suffisamment pour qu’elle l’interroge du regard. La pénombre masque difficilement l’air hésitant d’Ella, ses traits penauds qui s’affaissent un peu, ses yeux qui n’osent plus soutenir les siens. “Hmm ?” l’encourage-t-elle quand Ella relève la tête, semble la sonder du regard et déglutit. Elle retrouve la parole aussi vite que Grace perd toutes ses facultés, et d’un coup la soirée est loin, très loin sur une autre planète, comme tout ce qui n’est pas le regard hésitant d’Ella fixé au sien et les battements de son coeur qui prennent beaucoup, beaucoup trop de place.
“Putain”, souffle-t-elle un peu trop bas et sa voix est rauque parce qu’elle a oublié comment s’en servir. “T’y tiens vraiment, à ce deuxième AVC.”
Son rire tremble, ses mains sont moites et son cœur est coincé dans sa gorge. Autour d'elles, des cyclistes passent, des fans présents pour l'ouverture sont regroupés autour de leurs portables, quelques médias partagent une clope en attendant que les artistes ressortent. Les rues sont jonchées de mégots et chewing gums collés, au loin les sirènes de police braillent et animent tout le quartier. Le monde est indifférent à ce qui se déroule entre elles et fait ce qu'il fait de mieux : laisser se passer les choses avec le flegme cynique qui le caractérise mais Grace en est convaincue, si on est attentif, vraiment attentif, qu'on tend son oreille dans leur direction, on peut entendre son cœur qui bat plus fort que tout le reste et qui fait un peu trembler le sol sous ses pieds, à moins que ce ne soit l’alcool, ou son hypersensibilité à absolument tout ce qui concerne Ella près d’elle. Elle sort difficilement de cette bulle pour se rendre compte qu’Ella attend un mot, une réaction, n’importe quoi qui la sorte du silence dans lequel Grace s’est involontairement murée, alors elle s’efforce d’inhaler de l’oxygène et de refaire fonctionner son corps. Elle se rehausse un peu sur ses pieds, s’efforce en vain de monter à la hauteur d’Ella, lui offre un pauvre sourire dont elle se souviendra en rétrospective comme d’une grimace et murmure comme un secret réservé rien qu’à elles, jalousement gardé : “Je crois bien que moi aussi.” Et ce n'est sûrement pas nouveau, et Grace est incapable de situer le moment où ça a commencé à se mettre en marche jusqu’au point de non-retour qu'elle a atteint ce soir, parce qu'elle est si douée pour faire l'autruche qu'elle peut citer mille moments et aucun à la fois. “C’est grave ?” singe-t-elle, et son sourire se veut moqueur mais elle n’arrive à masquer ni sa vulnérabilité ni son embarras, parce qu’il lui coûte de se mettre à nu ainsi et qu’elle ne l’aurait probablement pas fait de sitôt, si Ella n’avait pas pris l’initiative. Elle entremêle à nouveau leurs doigts, caresse la main de la plus jeune de son pouce et se hausse difficilement sur la pointe de ses pieds pour déposer un bref baiser sur ses lèvres et laisser poser son front contre le sien. Elle ignore combien de temps elle reste comme ça, mais c’est le cadet de ses soucis. “Tu vas me rendre dingue, un jour”, soupire-t-elle finalement, déposant à nouveau ses lèvres contre les siennes, entre exaspération et exaltation face à toutes les émotions par lesquelles Ella la fait passer en l’espace de quelques heures à peine. Et elle est bien, là, sur ce vieux parking au goudron pété et recouvert de mégots. Infiniment bien, même, jusqu’à ce que son portable sonne et la rappelle à ses obligations.
“QUOI.” aboie-t-elle presque en décrochant, et la musique bat plus fort derrière la voix de son assistante paniquée : “Comment ça, je suis où ? Je t’ai dit que je partais cinq minutes, Jules.” Julia lui retourne qu’en effet, elle a dit ça, il y a une demi-heure, et d’un coup l’énervement cède place à une forme ténue de stress. Coup d’oeil en biais à Ella : “J’arrive, Jules. Bouge pas.” Elle raccroche, passe une main insatisfaite dans ses boucles : “J’ai du boulot, apparemment. Tu savais qu’il y avait des invités spéciaux et un découpage de gâteau, toi ?” Sûrement, mais Grace était bien la seule à pouvoir oublier ses responsabilités le jour-même où il fallait les remplir. “On peut toujours se faufiler derrière le parking et courir jusque chez toi”, soupire-t-elle sans même y croire, désespérée de devoir abandonner leur conversation si tôt. Elle est lassée de ce soir, laissée sur sa faim par leur conversation, et bien trop obnubilée par les quelques mots lâchés par Ella pour se concentrer à nouveau sur ce qui se passe autour d’elles. “On y va. Mais on a pas fini cette conversation”, prévient-elle avec un regard sévère qui brille toujours trop pour qu’on la prenne au sérieux.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 16:45 | |
| « J’espère que tu voudras quand même de moi si je rentre avec une croix autour du cou et la liste de mes péchés tatouée sur les côtes. » Elle n’a pas réellement l’intention de se rendre à Sydney, pas plus qu’elle n’a l’intention d’accorder la moindre importance à son père. Elle est surprise, en revanche, de savoir que Grace envisagerait peut-être, un jour de se faire connaître de sa belle-famille. Hormis Simon, qui avait conquis le coeur de sa mère, et dans la grande maison de Sydney, il avait d’ores et déjà son nom, sa brosse à dent et sa place attitrée à table, Ella n'avait jamais eu à réfléchir à l'éventualité de présenter qui que ce soit. Simon avait aussi gagné son rôle de gendre (il)légitime auprès des grands-parents, dès les premiers instants de leurs rencontres. Elle a appris, au-delà de la sécurité qu’ils s’apportaient mutuellement, à beaucoup l’apprécier et à lui faire confiance pour ne pas dévoiler ses secrets. En plusieurs années, Ella aussi avait rencontré les parents de Simon, à plusieurs reprises, fait bonne impression et signé sa place dans la famille comme future Mme Adams. Après une longue minute, elle prend un long et profond soupir et affiche un sourire béat : « Je peux avoir une petite idée de ce à quoi ressemble cette bucket list ? » Son avidité et son impatience sont ensuite systématiquement rappelés à l’ordre par leurs lèvres qui se cherchent. « Des choses… J'ai plusieurs idées. » Elle ne lui donne aucun détail pour la laisser languir mais ne manque pas de s'imaginer tous les scénarios possibles. Un gémissement vient mourir sur ses lèvres au moment où elle se remémore la photo qui attend dans son téléphone.
Ella se retire, l’observe. Elle reste muette, oublie de respirer un moment face à l’attitude un peu déconstruite de Grace. Et contre toute attente, celle-ci se redresse jusqu’à elle puis lui confie quelque chose d’insensé. Elles s’embrassent à nouveau, plus passionnément. Puis entre deux baisers, Ella se mord les lèvres, le feu aux joues, et elle a de nouveau 13 ans, le coeur beaucoup trop petit pour les sentiments par lesquels elle se laisse déborder : « Cool... » C’est tout juste si elle ne lui demande pas l’autorisation de lui tenir la main dans le car, si elle n’appelle pas toutes ses copines une par une pour leur annoncer la nouvelle, ou si elle ne glousse pas quand Grace répond un peu trop violemment à son appel téléphonique. Son sourire l’abandonne aussitôt « Merde ! Le gâteau ! ». Elle ne réalise que trop tard qu’elle est déjà de nouveau à l’intérieur quand Luke se précipite vers elle, l'attrape par la main sans manquer d'indiquer du menton une place à l'écart pour Grace. Ella lui lance un regard désolé.
Le gâteau découpé, les invités surprises sont au milieu de l’attention, et Ella profite de ce moment de flottement pour retrouver un chemin vers Grace. Et au milieu de cette foule immense qui l’a toujours toujours impressionnée tant elle l’a traitée avec ambivalence, à se dire qu’elle peut enfin se laisser aller, qu’elle va devenir autre chose qu’une personnalité d’internet à qui on fait signer des contrats avec des marques de luxe et sur qui tout le monde à quelque chose à dire. Là, au milieu des invités qui lui rendent ses sourires mais qui s’écartent tout de même, pas rassurés par sa taille et les révélations sur elle, comme si c’était quelque chose de contagieux, il y a Grace. Et pour s’assurer davantage qu'elle soit toujours bien présente auprès d'elle, Ella s'approche un peu plu, puis glisse discrètement une main dans la sienne, entrelaçant leurs doigts. Elle reste ainsi tout le reste du discours, sans bouger, à écouter les battements de son coeur, et dès qu’elle ferme les yeux, elle voit la porte de la voiture s’ouvrir sur une Grace somptueuse et à califourchon sur elle.
Aux applaudissements, elle baisse les yeux vers l’écran de son téléphone pour y regarder l’heure. Il n’est pas loin de minuit, elle avait réussi. Elle était parvenue à ne pas penser à cette soirée pendant le temps suffisant pour se dire qu’elle y avait survécu. Elle se tourne alors vers Grace, détaille son profil, son cou, sa position, puis cherche à capter son regard. « Embrasse-moi… » murmure-t-elle, à bout de souffle, la voix presque suppliante, pas parce qu’elle a envie de marquer un point face à l'assemblée, ou que ça symbolise quoi que ce soit, mais parce qu’elle a un besoin fou de ce contact, plus que n’importe quoi d’autre, et elle n’a plus envie de se demander si elle peut se permettre de le laisser prendre le dessus.
@Grace Coughlin |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 18:05 | |
| “Pas sûr”, estime-t-elle, l'air contrit et plissant le nez. La perspective d’une Ella clouée à un piloris pour répondre de ses péchés la fait rire tant elle est improbable et pourtant, la situation est tout sauf drôle à ses yeux : elle abhorre l’idée que la jeune femme soit rejetée par ses parents sur un simple critère déplacé à leurs yeux, alors qu’elle n’a aucun contrôle sur celui-ci. La sexualité, au vingt-et-unième siècle, relève du détail quand confrontée au prisme de toutes les véritables déviances possibles et faire un focus dessus au point d’en brimer son propre enfant lui est inconcevable - et plus particulièrement, dans cette situation, lui fait mal au coeur. Une femme avec tant d’ambitions, de volonté, d’éducation et d’intérêts méritait une reconnaissance qu’elle n’aurait jamais à cause d’un détail qui relevait tant du privé qu’il en était presque dérisoire aux yeux du reste du monde. Ce monde, ni l’une ni l’autre ne le referait, pas plus sur la sexualité que sur quoi que ce soit d’autre, et Grace rageait souvent de son impuissance sur les problèmes de société. Parfois, elle aurait rêvé être active, plaquer la photographie pour instaurer un réel changement - puis elle se souvenait que pour voir qu’il y en avait besoin et pour engager les autres à regarder le problème en face, il fallait que quelqu’un l’affiche. Agir restait cependant dans sa bucket liste, et quand elle est interrogée, ça lui vient tout naturellement : “Aller en Afghanistan, au Brésil et en Corée du Nord,” - et elle est parfaitement sérieuse - “faire une mission humanitaire, accompagner des flics fédéraux en mission, avoir une maison avec un chien et une famille, avoir ma propre exposition, consulter une voyante, rencontrer Cate Blanchett, et retourner tout de suite à ton loft.” Là, le sourire commence à redresser ses commissures. “Ca répond à tes questions, mademoiselle ?”
Elles flirtent. Encore, toujours, c’est l’élément qui leur permet de retrouver leur confort à deux parce que c’est celui-ci qui a toujours fait partie intrinsèque de leur relation, qu’elles le veulent ou non, leur confort au milieu d’une tempête de nouveautés et que même si elle voulait faire autrement, Grace n’a aucune idée de comment elle se passerait de ses lèvres, de son corps, et de comment elle arrêterait de lui communiquer combien elle a envie d’elle. Cette fois-ci leurs baisers sont doux, motivés non plus par l’envie de faire languir l’autre mais par celle, plus discrète, de montrer leur affection. Ce qui est inédit, c’est qu’Ella essaie de le traduire en mots et sa détresse se sent à des kilomètres, visible sur chacun de ses traits, et Grace est dans un état si proche de la syncope qu’elle peine à trouver les mots. Elle lui confie qu’elle est en train de tomber amoureuse d’elle, elle aussi, et bien malgré elle ; or cette fois, il n’y a pas de mais. Pas du fameux mais j’ai c’est trop tôt, j’ai besoin de temps, ni de mais j’ai eu trop mal pour me lancer dans quelque chose ou encore mais j’ai peur de souffrir et il vaut mieux qu'on s'arrête là . Et depuis Alexandria, depuis sa plus grosse déception amoureuse et la plus tenace à surmonter, elle n'avait jamais osé penser s'abstenir d'un mais un jour. “Cool”, qu’elle approuve, et ça veut tout dire sauf cool ; ça veut dire j’ai peur mais je suis prête à essayer, parce que je n’ai qu’une envie et c’est d’être avec toi, et c’est infiniment plus que ce qu’elle aurait pu penser il y a encore six mois de ça. Mais rien ne sort, les pensées sont trop confuses pour être traduites en mot et ses lèvres s’en occupent à sa place, un sourire toujours présent dans ses baisers, trop vite interrompue par l’appel affolé de Julia qui les rappelle à leurs devoirs.
A l’intérieur la soirée bat son plein, et Grace retrouve son ancienne stagiaire avec une expression morne qui laisse amplement deviner son agacement : Julia coucherait les oreilles si elle en avait la possibilité, mais elle se contente d’un sourire plein de dents pour s’excuser. A deux, elles mitraillent, prennent le gâteau sous tous les angles possibles et volent des photos des invités du même coup, capturent l’ambiance de la soirée avec application. Grace finit par s’étirer, le poignet inconfortable de tant d’agitation, et fait signe à Julia de continuer sans elle : elle méritera définitivement les trois quarts du cachet, mais tant pis. L’appareil reposé à son cou, Grace cherche immédiatement Ella des yeux, la trouve sans aucun mal, l’intime de la rejoindre avec un sourcil haussé. Leurs mains se cherchent, leurs doigts s’entremêlent instinctivement et la foule disparaît presque dans l’intimité de ce contact, mais Grace n’arrive pas à relâcher son attention des yeux qui risquent à tout moment de les darder, de Mona qui risque de sortir du gâteau pour se saisir du scoop, et à mesure que le discours avance à son terme Grace resserre un peu plus sa poigne autour de la main de son amante pour lui signifier son inquiétude. Mais il faut tenir bon et elle tient bon pour deux.
« Embrasse-moi… »
La voix d’Ella l’empêche de sombrer dans son angoisse présente et elle relève le nez, stupéfaite par la demande - ses yeux vaquent de gauche à droite, sonde les visages alors que la lumière tamisée ne va pas tarder à s’amplifier de nouveau. “T’es sûre ?” murmure-t-elle en retour, mais elle a déjà sa réponse : les yeux d’Ella sont aussi convaincus qu’ils pourraient l’être et ses lèvres sont trop invitantes pour qu’elle n’y résiste. Alors Grace se tourne tout à fait vers elle, attire son visage au sien en posant sa main sur la nuque et elle s’empare de ses lèvres, les mordille d’abord puis s’assagit ensuite, alors que la lumière revient éclairer la pièce. Le qu’en-dira-t-on perd toute son importance, parce que les lèvres d’Ella lui répondent avec une ferveur toute nouvelle et qu’elle croit qu’elle est en train de tomber amoureuse d’elle. Le reste n’est que détail, un bruit d’ambiance caché par son coeur qui bat trop fort. Elles se détachent l’une de l’autre, enfin, et Grace rejette promptement toute possibilité d’affronter leur potentiel public : elle se réfugie plutôt dans les bras de la jeune femme, et tant pis si elle a l’air d’une gamine intimidée, c’est exactement ce qu’elle est à cet instant. Et puis ses yeux ne lui servent présentement à rien : il ne faut pas être devin pour savoir que ça jase. “J’imagine que t’as encore du boulot et qu’on peut pas se tirer, avec tout ça ?” grogne-t-elle en restant près d’elle comme une ado qu’on aurait surpris tôt le matin dans le lit de son amoureuse. Parce que très tôt, Mona viendra les cueillir avec son air triomphant et ses questions intrusives et rien que de penser à cette perspective, Grace a envie d'éclater une coupe de champagne par terre et de s'enfoncer les brisures dans les yeux pour que tout s'arrête.
@Ella Matthews |
| | | | (#)Lun 10 Aoû 2020 - 21:37 | |
| « Tu veux consulter une voyante ? » Ella hausse les sourcils, compte bien pas céder à la tentation de sourire à sa plaisanterie, mais bon sang, maudit soit Grace Coughlin. Elle la maudit pour ses remarques cinglantes, son humour dérisoire, ses commentaires aguichants. Pour son intelligence et son indépendance. Sa beauté ridicule, ses yeux sombres qui brillent et qui sont merveilleux et qui ne regardent qu’elle et qui vont rapidement lui faire perdre la tête. Les traits de son visage, la courbe de ses sourcils, son nez même quand elle grimace comme elle venait de le faire. Et ses lèvres, sur lesquelles Ella jette un regard, plusieurs regards, et qui s’efforcent de paraître discrets et mesurés mais qui pourraient tout aussi bien crier : entrons maintenant avant que je change d’avis et que je te saute dessus. Elle veut aussi lui dire qu'elles n’ont pas à avoir peur, qu'il n'y a pas de conflit entre elles et l'environnement d’Ella, de risque ou de potentiel problème qui tiennent. Que Grace a tout gagné d'office. Qu'elle ne veut qu'elle. Et alors qu'elle réalise la réciprocité des sentiments de son amante, elle est incapable de se résoudre à s’exprimer autrement que par son corps. Ne dis rien, ne gâche pas tout, s'ordonne-t-elle incessamment.
Sous la lumière qui s'affaiblit, son attachement à la prudence se meurt en même temps que grandit son besoin. Leurs bouches n’étant plus qu'à quelques centimètres, le baiser devient inévitable. Annihilée par la luxure, elle peut sentir son souffle tout contre sa peau, y sentir les effluves du champagne. Il lui semble la serrer à peine, mais assez pour lui faire comprendre ce qu'elle traverse, et qu'après les révélations de Grace, elle s'en moque éperdument. Un infime gémissement de surprise s’échappe contre ses lèvres quand elle les dents de Grace. Et c’en est presque obscène, qu’elle se dit, cette façon de réagir à ses moindres faits et gestes, au moindre contact qui soit un peu plus déterminé. Ce n’est que lorsque Grace se détache de ses lèvres qu’Ella s’autorise à rouvrir les yeux. Et le choc est immense, parce qu’hormis les quelques regards et les chuchotements, c’est bien loin de tout ce qu’elle avait imaginé. Que s’était-elle imaginé au juste ? Parce qu'elle a eu le temps de s’imaginer tous les scénarios possibles : des reproches, des questions interminables, des cris, des larmes, des portes qui claquent ? Tout le monde ne parlerait sans doute plus que de ça pendant deux mois, puis ils passeront à autre chose, et Grace n’aura pas à avoir peur.
Contre toute attente, le corps de Grace ne se détache pas et vient s’abandonner un peu plus contre le sien. Ella descend alors ses mains le long de ses bras, et enveloppe ses bras autour de sa taille en se collant contre elle, le plus proche possible. Elle réalise qu'elle se meurt encore de désir pour elle, un désir tout à fait intacte à la première fois où elle l'a vue ; également intacte à la dernière fois où elles se sont retrouvées seules ensemble, pas plus loin que ce soir. Désormais elle ne sourit plus, et c’est une mine sérieuse qu’elle lui expose quand de ses longs doigts, elle se saisit de son visage. Ses viennent de se river dans son regard et elle est certaine de sentir dans les profondeurs de son être grandir cette ferveur, de se rapprocher encore d'elle, qui est déjà si proche mais qui lui paraît si lointaine parmi la foule. C’est plus plus cette impression que les regards de Mona vers elles qui en disent long qui la font se décider : « Non, on rentre. » Elle aura bien d’autres occasions de la présenter à tout le monde. Ella relève lentement le visage, le recule légèrement pour mieux revenir vers elle, et l’embrasse - de nouveau. Timidement d'abord, puis à plusieurs reprises avec ferveur, juste le temps de retrouver ses lèvres avant qu'elle ne la repousse. Et, abdiquant toute fierté, renonçant à toute pudeur, l'implore entre ses lèvres. Pardon, pardon, pardon, viens, on y va. Son étreinte l’étourdit, si bien qu'elle ne sait désormais même plus pour quoi, pour qui, elle s’excuse. Et même si leur vie doit être un enfer pendant les prochaines semaines et qu'elle ne pourra plus jamais être la même, elle pense qu’elle aimerait se rappeler - quotidiennement - qu’Ella est en train de tomber amoureuse de Grace, et Grace est en train de tomber amoureuse d’Ella.
@Grace Coughlin (je savais pas si tu voulais qu'on clôture ici alors j'ai laissé une ouverture (je crois ?) au cas où si tu veux enchaîner ) |
| | | | | | | | state of the art (ella&grace#2) |
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