« T’as proposé une soirée karaoké j’espère. »
« T’avais qu’à être là pour savoir. Larve. »

Parce qu’elle, elle a dû se lever le cul aux aurores. Birdie faisait partie de la dernière ronde du matin. Certes, elle a profité du joli levé de soleil mais à quoi bon s’extasier sur un tel paysage quand tout autour est si mort ? Et surtout, quand on ne peut pas sortir ? Profiter de l’extérieur, se balader où l’on veut, respirer l’air que l’on souhaite, ne plus avoir la peur aux tripes de croiser quelqu’un d’autre ?  La Cadburn ne sait plus ce que ça fait de pouvoir se promener tranquille. Son quartier d’enfance lui semble lointain et elle a mal, elle souffre atrocement de ne pas savoir ce que sont devenus ses amis. Les rares, les précieux, les perdus. Tout a été perdu dans le chaos il y a huit ans et chaque jour l’amène un peu plus proche de la tombe. Malachi sourirait s’il était là – ou alors il serait déçu d’elle. Il n’a jamais connu son visage défaitiste, il n’a jamais su qu’elle n’est qu’une lâche. Une lâche qui a abandonné tout le monde, une enfant décédée comme sa compagne qui fait une overdose.

Et pourtant, Birdie est toujours là, contre le mur, dans son coin, la clope au bec – un des rares plaisirs qu’elle peut encore s’octroyer. Ils parlent des munitions mais la jeune femme s’en fout – elle est plus couteau de toute façon. Les trois quarts du bordel lui sont passés au–dessus, elle n’a pas la patience et c’est pour ça qu’elle ne peut pas répondre à Jordan, même si elle avait eu envie.

« Wow! » Birdie a un mouvement de surprise parce que c’est puissant, qu’y a des gamins ou des vieux qui doivent être encore en train de pioncer mais que la musique raisonne déjà dans les environs. « Y’a quelqu’un qui va se faire engueuler. » Mais la Cadburn, ça la fait sourire. « Tu voulais un karaoké, nan ? Il vient à toi, faut croire. » Cette chanson, elle donne la pêche et elle ferait presque pousser des ailes. « Made my skin a little bit thicker. Makes me that much smarter. So thanks for making me a fighteeeeer! » Birdie remue les épaules, elle sourit encore plus et elle tape des mains en rythme. Y a quelqu’un au loin qui hurle, Jordan a vu juste. « P’tain, tu crois que même ça, ils vont pas nous le laisser ? »

« Made my skin a little bit thicker. Makes me that much smarter. So thanks for making me a fighteeeeer! » Il reprend avec elle, il chante aussi fort qu’elle, il rajoute une voix masculine aux deux féminines. C’est un moment de relâchement que certains n’approuvent pas, ça se voit à leurs regards. Ceux que Birdie a appris avec les années à ignorer et cela depuis toute jeune. Ceux dont elle se fout royalement et que de toute façon, ils ne font rien de mal à part créer une micro parenthèse dans leur quotidien morne et pesant. Tous les jours à compter s’il y avait eu des décès, combien, comment. C’est déprimant à souhait et Birdie pourrait faire un doigt d’honneur à chaque paire d’yeux réprobateurs mais elle n’a pas l’envie ni l’énergie. Elle manque de sommeil, donc elle est de mauvaise humeur. Alors si y en a un qui vient la faire, il va être joyeusement remis à sa place. « Tous des casses couilles. » Il lui a clairement retiré les mots de la bouche sans qu’elle puisse les émettre avant. « Heureusement qu’y en a qui sont cools. Regarde là–bas, ça dépense de l’énergie. » Il y en a qui sont en train de danser sur la musique. Birdie ne peut pas les blâmer, elle donne une énergie certaine et presque l’envie de prendre son arme et d’aller à la chasse aux zombies.

Mais ne soyons pas trop téméraires.
Ce n’est qu’une chanson, après tout.

« Tu trouves pas que y’a un truc bizarre dans l’air aujourd’hui ? » Birdie hausse les épaules avant de taper le sien avec. « C’est toi qu’es bizarre. Qu’est–ce que tu foutais encore à pioncer ? La prochaine fois, je te réveille à coup de saut d’eau. » Autrement dit, il a intérêt à être là. Parce qu’il n’y a pas de raison pour qu’il ne vienne pas mais qu’elle, si.

« I can feel it, coming in the air tonight… »
« Mmh. »
« Sacré Phil Collins. Il a toujours les bons mots au bon moment pour moi. Repose en paix. »
« C’est peut–être lui que tu sens. Ou alors la merde environnante. Ou la pourriture. Sûrement un mélange. » Birdie aborde un sourire ironique avant que la musique soit coupée et que des cris de protestation à l’inverse soient émis de part et d’autre – la blonde y compris. « PUTAIN, BANDE DE GNOUX, VOUS ETES CASSE COUILLE ! » Elle dit tout haut ce que Jordan lui a dit tout bas et Cadburry tape avec son pied dans le saut derrière elle, provoquant la chute du saut rempli d’eau et du balai dans un lourd fracas, emportant d’autres babioles qui trainent. « Je vais aller les tuer, en vrai. Tu crois que Zoey a le temps de survivre le temps que j’y aille ? » Ou même ses nerfs. Ses nerfs vont avoir le temps de se calmer ?

« Les fils de pute. » Exactement. Elle n’aurait pas mieux dit. Y en a pas un pour rattraper l’autre mais y en a encore quand même quelques-uns qui méritent les honneurs. « J’ai toute confiance en Zoey. C’est la plus tarée de nous tous. » Comme Zoey par exemple. Elle est adorable, Zoey, mais justement, c’est bien pour ça qu’il faut se méfier d’elle. Birdie est bien placée pour le savoir et elle hoche la tête. « La plus tarée, ouais, mais ça va lui servir à rien s’ils sont en train de s’en prendre à elle. » Parce que les fils de pute sont du genre à prendre les mesures draconiennes quand il le faut et parfois, cela tourne mal, voire très mal. L’ambiance est exécrable, elle donnerait presque envie d’aller se faire bouffer par un zombie à ce stade tellement qu’eux doivent avoir plus de fun qu’eux, enfermés ici. Pour leur protection, pour leur survie, certes, mais à quel prix ? « Ils sont peut être en train de se casser la gueule. » La blonde lève la tête vers les écouteurs, ce qui ne sert à rien évidemment. Il n’y a que la musique saccadée, qui vient et qui repart, sans aucun autre son, pas d’appel à l’aide, pas de bruit externe. « Ca sent pas bon. » C’est vraiment bizarre. « C’est peut–être ça le truc bizarre dans l’air dont tu parlais, nan ? » Même si au final, non, ce n’est pas si bizarre que ça que l’on veuille tuer le fun dans l’œuf.

« On va prendre de quoi fracasser des crânes ou on y va comme ça ? » La blonde le regarde en tâtant ses poches avant de secouer la tête. « Comme tu veux mais moi, j'y vais comme ça. Même si c’est des fils de pute, ils sont efficaces sur le terrain. On risquerait de nous tuer en retour si on les tue et franchement, j’ai pas envie de crever de façon aussi stupide et pour leurs sales tronches. Au pire, j’ai ma dague. A utiliser en cas d’extrême nécessité. » Les cours de défense corporelle vont lui être utiles. Elle qui se moquait de tout ça au début, la voilà qui se transformait en une sorte de guerrière de jour en jour. Tête brûlée, téméraire, Birdie rentre dans le hall principal, tourne un couloir et grimpe les escaliers en métal deux à deux. Elle n’a pas besoin de regarder derrière elle, elle sait que Jordan la suit. Avec toujours Christina saccadée et ça, ça commence à lui taper à la tête. « Hey ! » La porte s’ouvre brusquement et Birdie fonce sur le premier qui menaçait visiblement une Zoey maintenue sur la console par un autre gars. « C’est moche de s’attaquer à deux à une seule personne. Et si on remettait les règles du jeu, hein ? » Soit ils crèvent tous, soit ils réussissent à parler. Au choix.

« C’est quoi votre problème ? Une chanson ? Vous avez pas l’impression que y’a des trucs plus important que ça. C’est avec des conneries pareilles qu’on va se laisser crever parce que vous êtes tous des fils de pute dans le coin. » Il les a traités devant eux. Devant eux, Jordan a ouvert sa gueule et il vient de les traiter de fils de pute. En face à face, de visuel, contact à contact. Birdie ignore si elle a envie de lui foutre une brique à l’arrière du crâne pour sa connerie ou l’embrasser pour son courage. L’un dans l’autre, on ne lui laisse pas le temps de la réflexion à la blonde. Une respiration plus tard, un des deux types, celui qui ne tient pas Zoey, sort son flingue. Il sort son arme, pour deux idiots qui essaient seulement de sauver la musique, est–ce qu’il est sérieux ? « Tu veux vraiment gâcher une balle pour nous ? » « Si ça nous permet d’avoir la paix dans les environs, je suis sûr que personne ne dira rien. » Personne ne dira rien parce que les FDP (fils de pute) se sentent – et sont – intouchables. Ils sont les plus intimidants, les mieux entraînés, l’élite certainement, mais surtout la plus grosse pourriture du camp.

Birdie ne fait pas forcément la fière, l’arme étant une menace aussi redoutable qu’un zombie lui–même. Et encore, même avec un zombie, l’adrénaline lui fait pousser des ailes. Alors que là, ses ailes se rétractent et sa mâchoire se contracte, les mains qui se lèvent en signe de drapeau blanc. « On veut juste que les gens puissent se détendre cinq minutes. C’est vraiment trop demander ? » « La ferme, putain, c’est pas une colonie de vacances, ici, princesse ! Au cas où t’aurais pas remarqué, y a des putains de zombies dehors. On a pas le temps pour vos conneries de gamins. Y a besoin d’une armée, pas de mauviettes qui chouinent parce qu’ils n’ont pas leur putain – il tape du poing sur la console – de – encore plus fort – musique – avec l’arme – à la con ! » Il finit par tirer dessus, provoquant un déréglage, des grésillements et enfin le calme. Et surtout une Zoey qui a eut la peur de sa vie de voir une balle si proche d’elle. Birdie déglutit, essayant de canaliser la rage qui monte en elle progressivement. Elle va pour ouvrir la bouche mais une tête passe par l’encadrement de la porte. « Bordel, c’est quoi tout ce raffut, là ? »

« On essaie de faire comprendre à ducon 1 et à ducon 2 que ça a jamais tué personne de se détendre mais visiblement, ils ont le string qui remonte trop haut dans leur cul pour qu’ils puissent connaitre la définition du mot ‘détente’. » Et cette fois, le drapeau blanc est toujours levé mais avec amertume, le regard sur les autres. Zoey est enfin lâchée car son assaillant se dirige vers Birdie. Il lui fout la main à la gorge tout en la plaquant au premier mur le plus proche. « Je peux couper les couilles de ton pote et toi ta langue si jamais vous continuez à nous parler comme ça, est–ce que c’est clair ? » Mais Cadburry commence à suffoquer, ça manque d’air là–dedans et elle envoie un message désespéré par le regard à Jordan. Fais quelque chose, s’il te plait !

« Oh mais…. » Tout va vite. Tout s’enchaîne, tout prend des proportions absurdes. On vient tirer l’œil, parce qu’on est curieux de tout ce raffut, de ces voix, des ces cris, de cette balle perdue qui a sûrement alerté les environs les plus proches. Il y a un déferlement d’évènements qui s’enchaînent, qui se succèdent et Birdie a l’impression que ses deux seuls yeux ne suffisent pas pour tout suivre. Bientôt, c’est aussi la respiration qui manque et l’espace vitale. Il la plaque au mur, il n’a pas aimé ce qu’elle raconte et il le montre avec la force – forcément, il ne peut en être autrement. « Stop les conneries là ! » Il parle, Jordan, mais Birdie ne veut pas qu’il discute mais qu’il agisse. Il attend quoi, qu’elle crève d’étouffement ?

Finalement, Jordan réagit, physiquement, avec son poing. Il fout une droite au type mais ce même type lui fout un coup de boule, bien plus puissant que la tête entière du blond qui a l’air sonné comme une cloche. Cependant, il est grand et sûrement plus costaud qu’elle le pense et elle profite de la micro diversion qu’il lui procure pour se tortiller. « Lâche là tout de suite ! » « Sinon quoi, gringalet ? Tu m’en fous encore une ? On voit le résultat. » « MAIS LACHE LA BORDEL !!! » Il gueule, Jordan, et Birdie, elle en profite pour sortir sa dague coincée dans sa manche.

Mais l’acolyte, celui avec le flingue, la voit alors qu’elle l’avait totalement zappé. « Fais un geste brusque avec ça et je lui explose la cervelle. » Son arme était pointée contre la tempe du curieux, apeuré et aussi coincé qu’elle. Mais y a Zoey. Et Zoey, elle réagit aussi spontanément qu’elle peut. Elle crie, elle court et elle saute sur le dos du gars pour le désarmer.

Dans la précipitation, Birdie fait un mouvement brusque, un mécanisme de défense propice à la profusion d’énergie et d’adrénaline apparente. « Lâche moi, connard ! »

Win : Birdie réussit à planter sa dague dans le bras du type qui finit par la lâcher dans un cri de douleur. « Sale connasse ! »
So close : La surprise n’est plus là, Birdie a la main moite, la dague lui glisse donc entre les doigts. Le type a une éraflure au bras mais cela ne suffit pas pour qu’il la lâche ; au contraire, il redouble d’intensité. « Dis à ton copain de se calmer sinon, c’est moi qui le fais. »
Fail : Le gars s’enrage, Birdie panique, un mélimélo de bras et la dague atterrit dans le bras/l’omoplate de Jordan. « C’est ça, entretuez–vous, ça nous épargnera le boulot. »