Le plan a été accepté par le bourreau. Raphael mentirait s’il affirmait ne pas être surpris. Il ne pensait pas qu’il lui prêterait ses poings après tout ce qu’il s’est passé dans sa vie. Il vient à peine de sortir de prison et voilà qu’il se lance à pieds joints dans une nouvelle aventure qui ne pourrait que lui apporter du mal – excepté la sensation de bien-être que ça procurera au duo de savoir qu’Auden a enfin payé pour sa violence envers un gamin de quinze ans qui n’avait que des rêves dans les yeux. Ce n’est que la rancune qui fait vibrer leur haine à l’unisson alors qu’ils commencent déjà à élaborer un plan d’attaque. Le visage du danseur est encore endolori (et le sera pendant encore des semaines) mais il oublie complètement cette douleur qui a été submergé par de nouvelles émotions. Ils sont à nouveau l’ange et le démon – enfin, dans le cas présent ils sont tous les deux des démons mais, au moins, ils font partie du même camp. Exactement comme avant. « Vaut mieux. » Rudy répond, au sujet de la douche. Légèrement hébété, Raphael ne fait que soupirer en reposant l’arrière de son crâne sur le mur. Il avait rêvé à cette douche dès le moment où il a fait des heures supplémentaires non payées pour attendre l’ambulance avec la jeune fille qui s’était blessée en tombant. Il trouvera bien un moyen de se laver sans que l’eau ne touche les bandages encore frais ; il ne supporterait pas de sentir la sueur sur sa peau plus de vingt-quatre heures. Réalisant que son t-shirt est taché par son sang, il fait la moue en marmonnant une insulte. Il tient davantage à ses fringues qu’à son visage, c’est presque un problème.

Rudy part à la recherche de cachets contre la douleur et les trouve bien plus rapidement que le propriétaire de l’appartement l’aurait parié. « J’squattais souvent ici à une époque, j’te rappelle. » Il marque un point. « Ouais. Mais le bordel a quand même changé de place en un an. » Il ricane, parfaitement conscient qu’il a un problème avec la propreté de son logement. Il est comme l’adolescent qui refuse de changer sa chambre même si sa mère le lui a ordonné cinq fois. Bientôt, les deux garçons se partagent la trousse de premiers soins. Raphael était ironique en lui proposant de se soigner lui aussi parce que… bon. Il n’y avait que quelques égratignures sur ses jointures, la plupart du sang était le sien. « Nan, ça va aller. J’me débrouille. » Heureusement parce que Raphael n’a pas réellement la tête à l’aider ne retour. Il est plutôt concentré à éviter de trop longtemps le regarder dans les yeux. Il n’aime pas sa position de faiblesse sur le sol. Il veut être le gagnant, pas le perdant. Et, assis comme ça au sol, il ne ressemble qu’au dernier franchissant la ligne d’arrivée. « Quand ? » Il redresse la tête et croise le regard de Rudy une seule seconde avant de comprendre de quoi il parle. Il veut une date, une heure aussi, pour l’opération vengeance. Raphael n’a malheureusement pas écrit le plan jusque-là : à la base, il ne pensait pas avoir un coéquipier. Alors, après avoir réfléchit quelques secondes, il finit par donner la seule réponse qu’il peut donner : « Le plus tôt possible. » Avant que je me mette à regretter de t’avoir impliqué dans cette histoire qui ne mériterait aucune représailles selon tout être humain doté de sagesse.

Ils sont cons, les gamins. Ils ont oublié que le proverbe œil pour œil dent pour dent n’est pas complet. Il ne s’agit pas d’un tort pour un tort mais d’une déclaration de guerre qui n’existait plus depuis treize ans.