| Les chasseurs de frime : la cité interdite - Keith |
| | (#)Dim 16 Aoû 2020, 18:02 | |
| « Tanche trop cuite ? Je ne te permets pas ! La viande ça se mange saignant, sinon c’est du gâchis ! T’as déjà goûté un magret trop cuit ? Une in-di-ges-tion ! » J’appuyais sur chacune des syllabes, haussant la voix un peu plus comme si cela permettait au message de mieux passer. « Mais t’es un andouille ! Heureusement que t’as tes mains, parce que si tu devais sortir tes pieds, y’aurait plus rien de féminin ! T’as pensé aux vernis ? » lui demandais-je en riant, forçant les mouvements en arrière pour me moquer un peu plus de lui avant de redevenir sérieux. « Mais du coup j’ai divorcé ? » je retirais la bague que j’avais subtilement volé en entrant dans le magasin et qui me serrait l’annulaire. « J’ai cru que j’allais étouffer du doigt ! » lui fis-je remarquer avant de commencer à me dandiner, sentant mon Kahn Asson hennir pour mon plus grand désespoir. « Rappelle-moi pourquoi on a toujours ces vieux tacots ? Ils passent plus le contrôle ferrique ! Les sabots usés, le pelage abimé… Franchement, on va avoir bien plus de travaux que d’utilité ! » râlais-je comme à mon habitude. Car si je n’étais pas en train de rire, je râlais, et inversement. Pas une seconde, pas une minute, que dis-je, pas une heure sans que j’alterne entre l’un et l’autre !
Se changer aux portes de la ville. Meilleure des idées qu’il soit. De toute façon, nous ne pourrons pas passer les portes de la ville vêtus de la sorte. Il fallait être élégant, féminin et subtile. Tout nu – euh – nous. Saül avait un plan. Tout semblait si simple à l’entendre que je me retrouvais rassuré. Bien sûr que Mira d’Or était atteignable pour les rois de la prime que nous étions ! Et personne ne se posera la question de voir deux femmes en transporter une troisième en état d’ébriété… Au petit matin ! J’hésitais longuement et décidais de lui faire un signe de la tête en direction du chemin annexe. « On va faire un petit détour, mais au moins, on ne risquera pas de perdre nos tenues… Parce que c’était la dernière robe dans ma taille approximative ! Mais… Dis moi que tu sais comment on devient une femme ! Tu as déjà marché les jambes croisées ? On aura qu’à faire une pause défilée, parce que j’ai acheté des chaussures, j’ai peur de me faire des ampoules, surtout si je dois danser ! » lui dis-je en lançant un mouvement de main typiquement féminin dans sa direction. Il était temps de s’entraîner pour que le rôle soit parfait. |
| | | | (#)Dim 16 Aoû 2020, 18:38 | |
| « Rappelle-moi pourquoi on a toujours ces vieux tacots ? Ils passent plus le contrôle ferrique ! Les sabots usés, le pelage abimé… Franchement, on va avoir bien plus de travaux que d’utilité ! » « Parce qu'on peut pas s'en payer d'autres, triple buse d'andouillette poilue ! » Malheureusement les temps sont durs, pour nos deux loustics. Rien n'est plus contraignant que les deux canassons qu'ils se traînent. Marcher serait peut-être plus rapide - mais probablement bien plus fatiguant aussi. Or, Saül déteste s'abîmer la santé et les chaussures. Voilà pourquoi, donc, ils ne changeront de montures que lorsque la prochaine prime sera tombée. Avec la capture de Mira, Keith et Saül pourront se payer des chevaux de compétition.
Keith choisit le détour, voilà qui est plus sage. Les deux hommes s'élancent alors sur la piste annexe, évitant ainsi la tour et tous les problèmes qui pourraient en découler. « J'ai déjà été auprès de femmes, c'est pas bien compliqué d'en devenir une pour quelques heures. » Non, vraiment pas. Le chemin n'est pas si compliqué que ça, au final et les acolytes arrivent un peu avant que le soleil ne tombe. « C'est parfait, on a l'obscurité avec nous pour planquer notre manque de pratique en maquillage. » Les compères arrivent aux portes de la ville. C'est une petit cité perdue dans un désert de végétation. Ses murs sont si hauts qu'il est impossible de les escalader et que tous doivent passer par la porte principale de la ville. A côté de cette dernière, on retrouve une plus petite cité où sont acceptés les hommes - mais seulement les marchands. La ville vit de son commerce. Elle est sous l'autorité d'une Reine intransigeante qu'on dit à moitié serpent à moitié femme.
Lorsque Saül ne voit plus personne dans les parages, il indique à son compère un renfoncement dans le mur, caché derrière un buisson. « Voilà. On va se changer ici. Tu t'entraîneras à marcher avec des talons pendant que je me maquillerai. On va retrouver Mira d'Or à la maison bleue, elle ne verra rien venir. » Non, effectivement. |
| | | | (#)Dim 16 Aoû 2020, 19:36 | |
| « Parce qu'on peut pas s'en payer d'autres, triple buse d'andouillette poilue ! » « Tu sais que les andouillettes c’est l’aliment le plus horrible que je ne connaisse ? Tu en as déjà mangé ? Franchement, tu aurais pu me comparer à autre chose, je ne sais pas moi… Enfin quelque chose de plus gentil… Genre un âne ! C’est gentil un âne ! » Je ripostais en tapotant sur le flanc de mon Kahn et je tentais de faire la tête à Saül. J’ai bien dit, tenter. Car il avait raison ce bougre. Nous ne roulions pas sur l’or. Nous ne roulions pas tout court. Et ces quatrièmes mains valent mieux que rien. Je n’imaginais pas le trajet à pieds, sous le soleil de plomb, et à devoir fuir tous ceux qui nous auraient pourchassé. On était bien mieux sur ces dos d’ânes.
Je restais à l’écoute des conseils donnés par Saül, riche de ses expériences nombreuses en matière de gente féminine, et pourtant je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils. « Je le sens pas… On est trop gros, trop grand et trop poilus ! » Parce que bon… Il ne fallait pas que j’oublie que du haut de mon mètre quatre-vingt-huit, monté sur des talons de dix centimètres approximativement – car je rappelle que c’était pour ma femme à l’origine – j’étais prêt à nettoyer les toiles d’araignées du plafond de La fameuse cité interdite ! J’observais les alentours, et ma bouche s’entrouvrit, meilleur moyen pour qu’une mouche ne vienne y trouver refuge, m’obligeant à cracher au sol et sur le Saül. « Va falloir ravaler la façade mon vieux ! » lui dis-je en descendant du cheval, l’attachant à un des pylônes. Je commençais à retirer mon bas, sans aucune gêne, puis le haut, me retrouvant en sous-vêtements, mon regard perdu sur mes jambes. « J’ai trop de poils… Tu crois que ça va se voir sous les collants ? » lui demandais-je en étant en train d’essayer de les enfiler, me frottant contre le mur avec difficultés. Plus je me frottais, plus mes yeux se fermaient de bien-être, content d’être enfin gratté dans le dos. « Tu me passeras du blush aussi ? Et… j’ai une super perruque ! » dis-je en me rendant compte que j’avais craché également… dessus. « Saül, tu peux zipper le haut s’il te plait ? » lui demandais-je en rentrant le ventre et en enfonçant les quelques chaussettes que j’avais trouvé pour former ma poitrine. « Et n’en profites pas pour mater ce cul de bolide ! » lui répondis-je en me dandinant. « Dernière étape… » Je tentais de monter sur les talons, mes orteils dépassant à tout va de la chaussure. Mais pas le choix, j’allais devoir faire avec ! Je me tenais au mur, observant Saül d’en haut, lui frottant le haut du crâne. « T’as pas beaucoup de cheveux d’ici mon vieux ! J’ai le vertige, fais moi descendre !!! » On n’était pas arrivés…. Et pas sortis non plus ! |
| | | | (#)Dim 16 Aoû 2020, 22:05 | |
| Et voilà le moment d'enfiler la tenue du méfait. Saül descend de cheval, commence par enfiler la robe, se farde à côté d'un Keith bavard comme pas deux. « Je le sens pas… On est trop gros, trop grand et trop poilus ! » « J'ai tout prévu. » Sa voix est déjà plus haute, Saül se prend déjà pour une femme. Écartant ses faux cheveux de devant son visage maquillé, il sort un couteau récupéré chez lui et commence à se tailler la barbe devant un petit miroir de poche volé chez le marchand. Lorsque tout est en place, Saül attache la robe de Keith. Ce dernier se perche sur des talons et voilà que les deux loustics désormais méconnaissables. Alors que Keith a du mal avec ses chaussures à talons, Saül termine d'attacher son cheval. « Bon, c'est parti. » L'instant d'après, Saül se met en marche vers les portes de la cité.
Saül - qui s'appelle maintenant officiellement Ophélia - passe devant le garde en lui faisant un signe de la main. Dans l'obscurité, les deux compères passent assez inaperçus. Il leur suffit de passer en vitesse, non sans oublier de s'agiter devant le garde en s'éventant à l'aide d'un morceau de papier. Quelques minutes plus tard, passées à aider Keith à se tenir correctement sur des talons, Saül cherche du nez la devanture de la maison bleue. Dans les rues, il n'y a effectivement que des femmes. Les deux chasseu(ses) de prime s'en vont joyeusement passer la porte devant laquelle une femme colossale allume une cigarette. Au bout de quelques tergiversations, ils parviennent enfin à apercevoir Mira d'Or. « Carla, tu adores la musique non ? Vas donc danser, je te rejoins après. » La bande qui joue du piano et du violon est uniquement composée de femmes. Mira d'Or est installée à une table, riant joyeusement en buvant de la bière. Ophélia-Saül l'aborde armé.e de ses colliers. « Ils sont tous à vendre, mesdames, profitez-en ! » Avec sa voix haute perchée, Saül est méconnaissable. Ses cheveux l'embêtent beaucoup mais la supercherie tiendra le coup... encore quelques temps. |
| | | | (#)Dim 16 Aoû 2020, 22:50 | |
| Qu’est-ce que je me sentais bien mieux, une fois ma part de féminité retrouvée ? Cette tenue qui mettait en valeur mes formes, ce maquillage qui faisait ressortir mes prunelles et ce sentiment de liberté qui s’en dégageait. Je savais que j’étais belle et je ne m’en cachais plus. Ophélia était avec moi et rien ne pouvait nous arriver. Nous avions une mission et nous la mènerions à bien. Une fois les deux canassons attachés, nos tenues peaufinées, nous étions prêtes. Et même si je n’étais pas la plus à l’aise sur mes talons hauts, je bombais la poitrine voulant mettre en avant mes atouts. Nous prenions la route de notre objectif. La cité interdite. J’offrais un battement de cil au gardien, remettant mes cheveux en place tandis que je finalisais le tout par un clin d’œil rempli de sous-entendu. Dans le mille. « Allez, où est-ce que Mira dort… » demandais-je de ma voix aiguë, observant les alentours. Un pied devant l’autre, un mouvement de hanche et un balancier du fessier. J’étais parfaite. Nous n’avions pas mis longtemps à la trouver cette fameuse de Mira. Et Ophélia ne rata pas le coche pour me faire entrer en scène, ou plutôt en piste. « Oh oui !!! J’adore ça ! » m’exclamais-je en tapant dans mes mains, heureuse d’entrer dans le bar. Je déposais le sac sur le comptoir, m’approchant de la piste de danse, fébrile sur mes talons. Petit pas de cha-cha-cha, déhanché, jeté de cheveux. Tourner, se dandiner, tendre un bras, le glisser sur soi. Je savais me montrer sexy quand je le voulais et j’attirais tous les regards sur moi. Je m’approchais d’une des femmes présente à la table de Mira et l’embarque avec moi pour laisser le champ libre à Ophélia. « T’as de beaux yeux tu sais ? » lui dis-je en venant caresser sa joue, dansant contre elle. « Tu devrais prendre un collier, il irait avec ces derniers… » mentis-je tandis que je lançais des regards en direction d’Ophélia. La place était libre, elle pouvait y aller ! Je me tournais pour être dos à ma cavalière, attrapant sa nuque pour danser contre elle avant d’apercevoir Ophélia commençait à embarquer notre cible. Je tournais mon binôme pour ne pas lui permettre de voir la table où elle était assise et une fois que mon alcoolyte de la soirée eut quitté le champ de vision, je me contentais de donner un coup de talons entre les jambes – réflexe typiquement féminin – et pris mes jambes à mon cou. J’en perdais même mes chaussures, et fût contente d’avoir les pieds à l’air libre. « OPHELIAAAAAAAAA DEPECHEEEEEE TOI ! » hurlais-je en montant bien dans les aiguës, la rattrapant pour venir soulever Mira de l’autre côté et aller plus vite. C’était lourd d’être une femme. |
| | | | (#)Dim 16 Aoû 2020, 23:37 | |
| Mais Mira d'Or ne se laissera pas faire. Lorsque Keith la soulève de terre, cette dernière s'agite. Quand Keith s'en va en courant à travers la pièce, Saül se met à suivre sur le même pas, arme à la main. Les femmes de la maison bleue tentent de lui tomber dessus, en vain. Les deux acolytes ne font pas cinquante mètres avec Mira sur les bras que Saül se prend les pieds dans sa robe et s'étale de tout son long, écourtant grandement leur course - et détruisant leurs chances de survie. Bien malheureusement, les femmes de mains de Mira d'Or débarquent de nul par et rouent les deux chasseurs de prime de coups de bâtons.
Saül parvient à fouetter le visage de ses assaillantes avec les colliers qu'il trimbale avec lui, laissant à Keith le temps de se relever et de fuir en sa compagnie. Ni une ni deux, les deux compères démasqués poursuivent leur fuite jusqu'à leur planque initiale. En chemin, Saül perd ses cheveux - littéralement - ainsi que les colliers qu'il avait promis de ramener, ou au moins de payer. Malheureusement, le gain de cette mission est trop faible - inexistant, en fait - pour que les compères ne puissent payer l'homme à qui ils ont volé les marchandises afin de mener à bien leur mission. Tant pis, ça sera pour une prochaine fois.
C'est couvert de bleus que les deux chasseurs se mettent en selle. Ils n'ont pas vaincu cette fois-ci, mais qui sait : la chance finira peut-être par leur sourire un jour. En attendant, les chasseurs de frime repartent sur les routes, plus déterminés que jamais à faire régner l'ordre et la paix dans la région. Ils ont juré de mettre à mal ces maudits bandits. Ils n'ont pas eu Mira d'Or aujourd'hui, mais ils ne se laisseront certainement pas démonter pour autant : ils n'ont qu'un credo, celui de ne jamais rester sur une défaite. |
| | | | | | | | Les chasseurs de frime : la cité interdite - Keith |
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