La ville brûle, elle s'embrase sous le couperet des esprits maléfiques qui réclament un dû dont j'ignore même la nature. Certains clament que les aborigènes veulent se venger des colons et ont ainsi pour seul dessein de raser toutes leurs créations, détruire leur foyer, annihiler leur prospérité. D'autres croient au karma, que les Hommes ont causé tant de mal que l'univers se révolte et punit les humains par coup de malchance et sinistres jeux du sort. Les quartiers jadis résidentiels ne sont désormais que ruines, les épiceries peinent à repousser la criminalité. L'alcool coule étrangement à flot dans les bars, les substances illicites se multiplient, comme si la priorité de la population était d'entrer dans des états seconds afin d'oublier le désastre qui les prend à la gorge.

Il est cependant dit que certaines drogues permettent de communiquer avec les esprits aborigènes qui martèleraient de leurs courroux notre quotidien. Avachi dans un squat, j'observe Jordan qui dort à mes côtés. Un bandage éponge une plaie, résultat d'une altercation avec un sale type qui prétendait que je lui laisse mes quelques possessions. Je n'ai pas grand-chose sur moi, mais c'est tout ce qu'il me reste dans ce monde catastrophé. Je soupire doucement, passe une main dans mes cheveux, regrette le passé où tout semblait plus simple, plus serein. Ou plutôt, où les maux et les démons étaient différents.

Puis, je sursaute, une porte s'ouvre à la volée, tant qu'elle menace de heurter Jordan au passage. J'attire le corps du garçon à la dérobée de sorte à ce qu'il ne se prenne pas le bois en pleine tronche et soudaine, je suis aveuglé. Un éclair jaillit et emplit le squat, tout n'est que blanc, je ne dissocie plus le sol du plafond, perds mes repères. J'entends le Fisher pas loin, puis des rires à glacer le sang. "Jordan ?" J'appelle, gorge serrée, incapable de déterminer s'il valait mieux se faire petit ou plutôt fuir à grandes enjambées. Une chose était sûre : je ne partais pas sans lui.

Les seuls choix visuels qui se présentent à moi sont un blanc immaculé ou bien le rouge de mes paupières que je ferme pour protéger au mieux mes pupilles. J'appelle Jordan et cette lumière éclatante, jaillissante, aveuglante, emplit la totalité du misérable squat. Il nous faut fermer la porte mais je perds mes repères et ignore même où se trouve le musicien réputé. « Putain de merde… C’est quoi ça ?? » J'oriente mon visage vers la direction d'où semble provenir la voix de Fisher. « C’est comme ça qu’on va mourir alors? » « Non... Non... On ne va pas mourir comme ça, » je refuse en posant une main sur mes yeux qui brûlent à l'usure de cette projection visuelle violente. « On fait quoi ? » « Il faut qu'on ferme la porte, elle était à côté de toi, j'ai dû te pousser pour pas qu'elle te heurte, » je l'invite à bouger en espérant que son sens de l'orientation soit plus développé que le mien. « Tu la sens ? Tu la vois ? »

Puis je sursaute sans ménagement, un hurlement à me glacer le sang retentit, suivi d'un odieux rire machiavélique. Je déglutis difficilement et je détache ma main de mes yeux afin de me protéger de quelconque attaque extérieure. Je me redresse en posant mes doigts contre ma plaie puis tâte de mon autre paume le mur de sorte à me rendre jusqu'à l'armoire où nous avions emmagasiné nos vivres, marchandises contre les esprits et armes contre les humains. J'attrape le pot de sel et l'eau bénite, on ne les a pas encore utilisés mais il paraît que c'est efficace. « Jordan, t'es où ? » Je reviens sur mes pas en tâtant le mur. L'esprit ne cesse de beugler son rire diabolique mais si je trouve la porte, je peux lui bloquer l'accès avec du sel, non ?  

dé win : La porte se ferme, Isaac jette du sel à l'entrée
dé mitigé : La lumière commence à clignoter, ce qui autorise les deux hommes à voir un peu mieux autour d'eux et surtout, constater qu'une multitude d'esprits s'est invitée dans le squat.
dé fail : Le squat se met à vibrer, du mobilier tombe, du verre se casse, des assiettes volent, la porte virevolte sur ses gonds.

Plus rien n'a de sens dans le squat. La lumière aveuglante emplit la globalité des lieux et a annihilé toutes mes notions de repère. Je tente de me protéger les pupilles comme je le peux mais celles-ci débutent promptement à brûler sous l'intense et soudaine luminosité qui nous accable. Alors, je fais jouer deux de mes autres sens : le toucher et l'ouïe, tout en invitant Jordan à fermer la porte qui ne devrait pas se trouver très loin de son corps. Pendant ce temps, je me relève non sans difficultés en m'appuyant au mur, une main ferme contre mes côtes. Je progresse lentement, précautionneusement, de peur de trébucher ou de me blesser suite à cette cécité que j'espérais temporaire. Au moins, Jordan aussi est touché, et ça me rassure : ça ne signifie pas que je suis victime d'un mauvais sort.

« Putain y’a rien !! » déplore le garçon tandis que j'ouvre les portes de l'armoire et en tire le pot de sel et la fiole d'eau bénite que je reconnais par leur forme. Un abominable et strident hurlement surgit par la suite, tant que je regrette d'avoir les mains pleines et être ainsi incapable de me boucher les oreilles. « Jordan, t'es où ? » Je questionne en haussant la voix, espérant qu'il m'entende au travers de ces beuglements diaboliques en provenance d'un autre monde. « Là ! J’ai pas bougé. » Sauf que mon sens de l'orientation et ma mesure de l'espace frôlent le zéro absolu. Je reviens prudemment sur mes pas. « J'arrive, » ou j'essaie de. Je traîne des pieds et quand Jordan reprend la parole, je devine qu'il est vraiment tout proche et m'arrête afin de ne pas tomber sur lui. « Est-ce qu’on peut dire que comme la lumière est blanche c’est pas forcément mauvais signe? » Un rire nerveux file entre mes lippes. « Oui, on peut dire ça. » Mais peut-être un trop bon signe du coup, parce qu'on est incapable de s'y retrouver.

Puis ça tremble, ça vibre, j'ai l'impression que le squat devient l'épicentre d'un terrible séisme. Je m'assis au sol, espérant remporter de la sorte davantage de stabilité, et j'entends des éléments du squat voler aux alentours. Quelque chose s'abat à côté de nous, je crains que Jordan soit touché, mais son juron me rassure : « FUCK THIS! » Puis la porte se ferme enfin et par la même occasion, tout s’apaise. Un soupire de soulagement file entre mes lèvres pendant que j'arbore une expression choquée. « Putain, bien joué. » J'analyse par la suite les dégâts dans notre squat. Des meubles sont renversés, il y a du verre partout, même la fenêtre que vous aviez condamnée avec du ruban adhésif a été sévèrement malmenée. « Tu crois que peut-être deux sortes d'esprits se battaient ? » J'ai encore mon pot de sel ainsi que ma fiole d'eau bénite. « Est-ce qu'on reste ici ? » C'est soudainement si paisible que ça me rend nerveux. Serait-ce le calme avant une précédente tempête ? Puis, des coups toquent désormais à la porte que vient de fermer Jordan. Mon regard se rive dans celui du garçon. Est-ce qu'on ouvre ?

Un calme étonnement parfait a désormais pris entièrement possession du squat. Seules les interactions et la preuves de vie émanant de Jordan et moi rompent cette impeccable absence de bruit et honnêtement, les circonstances sont dorénavant si apaisantes qu'elles me rendent anxieux. Alors, je questionne Jordan dans le but d'analyser la chimère qui vient de se déployer et nous extraire de la sérénité dans laquelle nous étions plongés plus tôt. Je préfère entendre le son de nos voix plutôt que les battements de mon cœur alarmé contre mes tympans. « En tout cas ils avaient pas l’air de vouloir s’en prendre à nous. » J'acquiesce, approuvant ce constat. « Et ils n'avaient pas l'air de se kiffer... » Je poursuis, avant de rembobiner la bande des précédentes minutes. « Tu... Tu penses qu'il y en a encore un, parmi nous ? Celui avec qui se battait celui derrière la porte ? » Je suggère, tente d'expliciter le phénomène paranormal que nous venions d'essuyer.

Le silence vient de nouveau nous happer de sa souveraineté. Je tente de me décontracter, desserrer ma mâchoire, inspirer plus profondément. Je m'adosse plus confortablement contre le sol et finalement, je demande s'il vaut mieux que l'on reste ou pas. « J’avais la même question. » Je ris nerveusement, amicalement ; rire qui s'évanouit lorsque des coups se font entendre contre la porte du squat. Encore un visiteur ?! Nous nous armons et le Fisher me laisse le soin d'ouvrir la porte. « On est trop poli, mate, » j'ironise, chargeant mon arme avant de tourner la poignée de la porte de sorte à ce qu'elle glisse contre ses gonds.

Le suspens est insoutenable, le bois s'incline lentement, longuement, et finalement, je reconnais Noam. Cet ancien collègue infirmier duquel j'étais proche, qui avait un gamin que je veillais parfois. Il m'avait aidé à reprendre mes marques à mon retour au boulot après ma tentative de suicide. « Noam ?! » Je m'exclame, baissant progressivement mon flingue et par la même occasion, ma garde. « Qu'est-ce que tu fais ici ?! » Je questionne, interloqué. Je ne pensais même pas que Noam habitait encore Brisbane. Mais il y a quelque chose qui coince chez le type, un regard beaucoup trop vitreux, beaucoup trop sombre. Et sans que je puisse ralentir son attaque, l'esprit se rue vers Jordan et sa hache. « Attention ! »

dé win : Isaac tire sur le démon. Celui-ci est touché.
dé so close : Isaac tire mais la balle ricoche d'une manière inexpliquée. Il referme la porte de peur que d'autres démons n'entrent.
dé fail : Le démon saisit Jordan par la gorge.

Je profite du moment d'accalmie après la séance séismique précédée d'un aveuglement suprême pour étudier l'épisode que nous venions de vivre. C'est plus fort que moi, il m'est indispensable d'essayer d'expliciter les phénomènes paranormaux qui nous entourent, même si le terme le dit : ils ne sont pas normaux. J'imagine que ça me rassure, ça me conforte dans notre survie, comme si en ayant le sentiment de les comprendre au moins un peu, je m'armais pour le futur. Je soupçonne que l'un des esprits assaillants soient encore parmi nous et avec Jordan, sans mot dire, nous voilà en train d'observer scrupuleusement les alentours du squat. Il est démoli, ravagé par les dernières secousses. Il y a du verre, des morceaux de bois, des bouts de plastique ; c'est la pagaille et une altercation ici pourrait aisément provoquer des blessures seulement par cet environnement plutôt périlleux.

Puis ça toque à la porte, étonnement poliment, beaucoup trop pour que ce soit rassurant. Depuis quand les humains comme les esprits respectent ce genre de règle de bienséance ? C'est peut-être pour cela que nous nous décidons à ouvrir à l'entité de l'autre côté. Armé de mon fusil, je fais glisser la porte contre ses gonds puis reconnais Noam, un ancien collègue infirmier. Je lui demande ce qu'il fait ici puis regrette très vite amèrement mon geste : il ne s'agit manifestement pas de mon ami mais bien d'un démon malveillant qui s'attaque derechef à Jordan. Son corps se rue vers le blond et sa poigne se resserre, assassine, autour de la gorge du musicien. Je rive mon fusil sur le duo, tentant de trouver un angle pour viser le démon tout en épargnant assurément le Fisher. Mais voilà qu'il se met à tournoyer et finalement, je ne trouve rien de mieux que de jeter le sel et l'eau bénite sur le couple saugrenue.

Le cri qui s'en suit est abominable. J'ai la sensation que mes tympans sont percés, que le hurlement de douleur va jusqu'à me crever les organes. Mais Jordan est détaché du monstre et je me précipite vers mon binôme. "Ça va ?" Je l'aide à se relever, il ne fait pas bon d'être à la merci de qui que ce soit. Le faux Noam est toujours là et je remarque sa peau se consumer. Je trace un sillon de sel entre nous et sa forme funèbre, question d'être autant que possible en sécurité. "Tu crois qu'il va finir par mourir ?" Parce que l'impact de l'eau bénite semble le faire rôtir à petit feu.

dé win : Le démon disparaît dans un éclat de poussière. Il invoque sur son départ une tornade de débris.
dé so close : Le démon s'affaiblit jusqu'à devenir totalement invulnérable, mais il reste toujours bien présent dans la pièce. Bientôt, recroquevillé sur lui-même, il se met à prononcer ce qui semble être des confidences ou incantations.
dé fail : Le démon se revigore et tente de les attaquer. Il longe le sillon de sel à la recherche d'une faille.