Non. Crois moi, ça aurait pu être que toi. Seulement toi. La jeune femme ne sursauta pas face à ces paroles, mais en son for intérieur, c'étaient de multiples étoiles qui brillaient, des milliers de soleils qui brûlaient son ventre, des feux d'artifices qui la secouaient de son bas-ventre à sa poitrine, des millions de questions qui se créaient en un instant dans sa tête. Le doux et, il y a peu, encore si naïf Timothy venait-il vraiment de dire ce qu'elle venait d'entendre ? Ou du moins, y accordait-il la même valeur et y mettait-il la même teneur que ce que la Tahitienne donnait à ses quelques mots ? Ne se faisait-elle pas juste des illusions, sous le joug de la fatigue ? Ne devenait-elle pas trop sentimentales, telle l'idiote jeune femme qui s'était inscrite à "Mariés au Premier Regard" avec la façade d'un jeu entre elle et sa soeur, mais dans l'espoir secret d'y trouver réellement quelqu'un ? Les mots utilisés par le brun étaient si directs, si francs et dénués de compromission. Heïana se sentit toute drôle, tout chose et toute ce qu'on voudra bien lui accoler. Je... Elle en perdait son latin, ne sachant pas trop que dire, et n'osant pas non plus, à vrai dire. Elle avait l'impression qu'une myriade d'étincelles traversaient tout son être, créant une immense bousculade entre ce que pouvait bien penser, rationaliser sa tête, ce que pouvait bien espérer, désirer son coeur et ce que pouvait bien ressentir son instinct le plus basique au fond de ses entrailles. Le sentiment était prenant, tant que la brune ne pouvait qu'observer Timothy, qui se redressait légèrement tout en restant appuyé près du lavabo, la toisant de la dizaine de centimètres qui les séparait de hauteur, et du moins d'un mètre de longueur qui se tenait entre eux. Alors il reprit, déclarant que personne d'autre n'aurait jamais fait cela pour lui, qu'il s'agisse de Kapooka, des enfants, ou de quoi que ce soit. Elle aurait voulu lui répliquer qu'elle n'en pensait pas tant, mais sa conclusion la scotcha comme ses premières paroles. Il n'y a juste personne d'autre qui n'est toi.
Intimidée, Heïana marqua un pas en arrière, alors que ses joues s'empourpraient. Je... Je ne suis pas certaine de comprendre, déclara-t-elle d'une voix un peu fébrile, mais certainement pas froide ni frondeuse. Elle ne voulait pas se projeter pour finalement que les espoirs qui pointaient au fond d'elle, l'assaillant par surprise d'ailleurs, soient déçus et piétinés à la première seconde. Bien évidemment, Timothy ne ferait jamais rien qui lui causerait du mal, de cela la Polynésienne ne doutait pas. Mais, si elle interprétait mal ses paroles ? Si elle n'était finalement restée dans sa tête qu'une princesse aux rêves de Prince Charmant sur son cheval blanc ? Je ne veux pas passer pour une idiote, souffla-t-elle alors qu'elle essayait de mettre ses pensées en ordre. La perspective de passer pour une gamine rêveuse - après tout, sept ans les séparaient - était effrayante, au moins autant qu'était la tentation de clarifier les choses une fois pour toutes. Après tout, leur entente était des plus merveilleuses comme amis, tant et tellement qu'elle ne devrait pas s'affaiblir quoi qu'il arrive... N'est-ce-pas ? Et puis, ce grand sourire, et ces yeux pétillants que Tim lui accordait, et qu'elle avait pourtant rarement perçu jusque là... C'était un indice de plus, non ? Elle ajouta à ses dernières paroles, pour marquer l'intention et y insuffler tous les sous-entendus possibles, auxquels le brun ne serait pas sensible s'il n'était pas dans la même voie qu'elle, et qui comprendrait au contraire tout si leurs chemins se rejoignaient : Surtout pas à tes yeux.
Sa sincérité allait ben au delà de ce que Tim avait pu imaginer jusque là. Il n'y avait pas longuement réfléchi, non, à ce qu'il pouvait penser de la brune en face de lui, à ce qu'elle pouvait représenter à ses yeux. C'était juste arrivé ainsi, dans un moment d'intimité entre eux et voilà que l'évidence ressortait sans demander son reste parce que cela avait toujours été réel, n'est-ce pas? Decastel ne pouvait qu'y penser cette fois, à tout ce qu était arrivé et au fait que son cerveau choisissait toujours de se tourner vers Heïana parce qu'il lui vouait une confiance aveugle. A Kapooka, elle avait été la seule personne qu'il avait contacté durant deux longs moi de formation militaire et il n'avait jamais raté une de ses lettres, se retrouvant comme un môme lorsqu'un camarade lui annonçait qu'il avait reçu quelque chose. Il y avait aussi son camarade, toujours à regarder par dessus son épaule pour savoir ce qu'il y avait écrit sur ces petits bouts de papier parce qu'il cherchait la même petite amie que Timothy, apparemment. La plaisanterie avait été dite entre eux durant leurs multiples discours d'encouragement et de réconfort, se retrouvant toujours dans la position de l'oreille attentive l'un pour l'autre. Heïana avait clairement gagné à ce petit jeu-là parce qu'elle avait foncé jusqu'au camp en apprenant son état et Tim en avait été surpris, forcément, avant de s'écrouler dans les bras de la belle tahitienne. Il se rappelait encore de son parfum, ce qui lui avait permis de calmer ses tremblements extatiques, de la douceur dont elle avait fait preuve pour apaiser ses muscles endoloris et du regard qu'elle lui avait jeté. Timothy avait en tête chaque instant, chaque micro seconde où elle s'était trouvée auprès de lui, ramenant un peu de vie dans son existence qui n'en était plus une à ce moment-là. Un an plus tard, que restait-il de tout cela? La réalisation de ce qui avait été manqué sûrement, de tout ce qui avait toujours existé entre eux mais qui n'avait jamais été approfondi parce que ce n'était pas le bon moment ou bien parce qu'ils étaient trop réservés, chacun au bout du cimetière. Decastel ne regrettait rien néanmoins parce qu'il avait eu le temps de grandir durant ce laps de temps, suffisamment pour parler pour deux, ne rien omettre à cet instant précis et observer le caractère décontenancé de Heïana en face de lui. Elle bégaya, il continua de sourire. Elle hésita aussi et Timothy continua de la regarder jusqu'à ce qu'elle conclue le plus timidement du monde. "Jamais tu pourrais passer pour une idiote face à moi, Heïana. Et me yeux savent définitivement ce que tu vaux." Il avait l'air tellement assuré de son côté en posant son verre d'eau dans le lavabo, passant une main distraite dans sa chevelure avant de reprendre une grande inspiration, se rendant certainement compte que, oui, le souffle lui avait manqué depuis toujours face à elle. "S'il doit y avoir un idiot de nous deux, ce sera toujours moi, sache le. J'aurais dû t'écrire plus souvent, continuer à aller à la messe pour rire avec toi, t'envoyer des fleurs à l'hôpital après les journées difficiles. J'aurais dû arrêter de retenir mon souffle en te voyant devant ces caméras et parler aussi, sûrement..." Lui assurer qu'elle valait tant et que ce mariage n'était pas ce qu'elle désirait réellement. Allez savoir, il y avait tant que Tim aurait dû faire mais il ne savait rien à ce moment-là, perdu qu'il était dans le cercle vicieux de sa propre vie, des certitudes fausses qu'il avait parce qu'il n'était qu'un adolescent qui découvrait tout et qui ne faisait pas les meilleurs choix en conséquence. "J'aurais dû t'embrasser à Kapooka." Il lui lançait une bombe sans réfléchir plus avant non plus, ses yeux brillants d'une force renouvelée parce qu'il n'hésitait pas beaucoup ce Tim-là, sûrement qu'il s'était perdu dans les yeux verts de Heïana et qu'il était prêt à s'y baigner sans la moindre appréhension.
Ne te jette la pierre en rien. Tu avais tes propres affaires à gérer, sourit la demoiselle alors que Tim lui disait qu'il aurait dû être plus présent, avec des exemples si précis qu'ils ne pouvaient que toucher le coeur de la Tahitienne. Oui, il lui avait manqué. A l'église, où il était son plus proche ami. Dans le cimetière, sans son ombre rassurante derrière soi, son empathie donnant une nouvelle vigueur à Heïana à chaque fois qu'elle aurait pu faillir devant le caveau familial. Au quotidien, en le croisant dans la rue, en lui envoyant un message, et toutes ces petites choses qui faisaient une relation. J'aurais pu être plus présente aussi. Reprendre de tes nouvelles à ton retour à Brisbane. Te soutenir dans la période entourant ta paternité. Tu n'es pas à blâmer. Au fur et à mesure de la discussion, la brune ne put cependant plus argumenter comme elle le faisait jusqu'alors. Les sous-entendus de Timothy, ses phrases détournées juste ce qu'il faut pour garder cette délicatesse qui était inhérente à sa personne, n'en étaient pas moins limpides comme l'eau jaillissant d'une source. Parler lors de la cérémonie civile du mariage... Toute l'idée était là. "Qu'il parle maintenant, ou se taise à jamais" ; le brun avait fait le choix, ce jour-là, de se taire. Comment le lui reprocher, cependant ? Il avait vu Heïana foncer tête baissée dans ce mariage des plus arrangés, et lui-même venait de connaître la joie, autant que l'inquiétude, par la naissance de Willow et Gabriel. A l'époque, la maïeuticienne lui avait déjà été bien assez reconnaissante d'être venu pour la cérémonie. Les deux amis avaient été dans cette période floue ou, bien que très proches, ils ne se parlaient plus que peu, et ils étaient aussi rapprochés qu'ils avaient jamais pu être distants l'un de l'autre. Alors bien sûr, Tim n'avait pas parlé. Comment aurait-il pu ? Même si sa relation avec Charlie battait de l'aile, pour ne pas dire qu'elle était déjà finie, il se trouvait à ses côtés pour cette étrange cérémonie de mariage. Impossible. Somme toute, il était heureux qu'il soit possible de divorcer. Ainsi, le trentenaire n'aura pas eu à parler pour que son amie se détache d'une relation dans laquelle elle n'aurait eu aucun avenir, quand bien même Elwyn fut quelqu'un de très sympathique.
Le coeur d'Heïana sembla vouloir traverser sa poitrine, alors que l'homme lui faisait enfin sa confession. Un frisson la prit, une montée d'adrénaline dont elle n'aurait su expliquer exactement les effets. Alors même qu'elle venait de subir un léger tremblement, une vague de chaleur l'envahit. Enhardie par ce que l'homme aux yeux lagon venait de lui avouer, elle avança d'un pas, réduisant la distance qu'elle avait créé plus tôt sous l'hésitation. Devant elle se tenait cet homme, aussi fort que sensible, gentil mais marqué par les épreuves l'ayant fait mûrir. Mille pensées comme aucune traversaient l'esprit d'Heïana chaque centième de seconde passant. Qu'il est beau. La beauté dans tous les sens du termes. Physique, mais aussi charismatique, mentale et spirituelle tout autant. Leurs yeux ne se lâchaient plus, l'intensité de leurs regards créant presque de la tension dans l'atmosphère tant elle était palpable. Un peu plus et on aurait pu apercevoir une onde de magnétisme passer entre eux. Plus courageuse que l'instant précédent, elle déclara alors : Tu peux toujours m'embrasser à Brisbane.
Ils s'étaient fermés à cette possibilité durant tout ce temps pour des raisons obscures. Ou peut être beaucoup trop évidentes. Tim avait été un garçon qui combattait ses démons ardemment et il n'avait peut être pas été prêt pour ouvrir les yeux sur ce qui existait entre Heïana et lui. Même s'il l'avait su, il n'aurait probablement pas agi parce qu'il ne se considérait pas comme un homme assez bien pour elle. Après tout, on ne parlait que du grand brun perdu dans un cimetière, qui passait le plus clair de ses journées à retirer des mauvaises herbes tout en observant des badauds prier pour des personnes disparues. Certes, il avait cette force de caractère insoupçonnée, celle qui le poussait à venir faire un petit tour du côté de quelques individus en sanglots pour les aider dans leur deuil si douloureux. Il n'y avait pas toujours de mots, parfois ce n'était même qu'une présence mais Decastel apportait tout ce qu'il était dans ce genre d'instants. Il n'était pas aussi frêle qu'il aurait pu le croire, en tout cas, il le prouvait ce soir-là, après tant d'épreuves et tant de chagrins. Son coeur n'était pas vaincu et son caractère ne faisait que se développer depuis une bonne année maintenant: bien sûr, Tim resterait pour toujours un garçon sensible, doux et patient mais il avait aussi montré qu'il pouvait avoir plus d'assurance, plus de volonté. Ses mots en étaient un exemple flagrant à ce moment-là, lui qui osait exprimer ce qu'il avait tu au fond de lui pendant bon nombre de mois, voire plus encore. Il clamait aussi quelques regrets, forcément, car le temps n'avait pas été son allié par rapport à la belle Brook, eux deux se trouvant de plus en plus éloignés quand il n'auraient dû que se rapprocher. C'était peut être mieux ainsi au final puisqu'il se passait quelque chose là, maintenant, un instant de grâce qui ne rendait pas Timothy fébrile au point de fuir. Pas cette fois-là. Il hocha simplement la tête face aux propos de la brune, lui indiquant ainsi qu'ils avaient tous deux eu des torts dans les quelques événements qu'ils avaient raté dans leur vie respective. Néanmoins, est-ce que cela les mettait à terre? Non, c'était absolument tout l'inverse lorsque Decastel exposait à Heïana toute sa vulnérabilité au moment de son mariage avorté quelques semaines plus tard car il n'avait rien fait, comme à tant d'autres instants. Comme à Kapooka, oui. Il avait senti pourtant ce même frisson au coeur de son échine quand elle avait pris soin de lui, avec douceur et avec énormément d'affection. Dans chaque lettre, il y avait eu cette tendresse, rien n'était feint, absolument rien et Timothy réalisait ce soir-là qu'il aurait voulu cela, oui, vivre un magnifique instant avec Heïana. Elle se rapprocha après cette intime conclusion et le brun la laissa agir puis parler, une confession qui le gonfla d'un peu plus de volonté. Il entendait son palpitant qui battait plus fort à l'intérieur de sa cage thoracique, son fin sourire n'exprimant plus tout à fait les mêmes émotions alors qu'il se détachait du lavabo. Cette fois, ce fut lui qui ruina les derniers centimètres de distance, ses yeux bleus ne relâchant pas outre mesure ceux de Heïana. Il ne pouvait probablement pas tout dire avec des mots mais heureusement pour lui, il y avait tant d'autres manières de s'exprimer. Une de ses mains vint donc naturellement se poser sur la joue de la belle Brook, son pouce caressant cette peau si douce alors que son visage avançait toujours un peu plus vers le sien. Il attendit le dernier moment pour clore ses paupières, pile au moment où ses lèvres vinrent se poser sur celles de Heïana, avec une affection qui en disait long sur ce qu'il y avait au fond de lui pendant tout ce temps. L'évidence avait été là, dans la manière dont ses lippes bercèrent celles de la polynésienne, sa seconde main se perdant contre sa hanche, gardant cette proximité qui lui faisait tant de bien. Tim désirait cela, bien sûr qu'il l'avait voulu à Kapooka et qu'il s'en réjouissait à Brisbane car Heïana était la femme qu'il avait rêvé d'embrasser maintes fois, dans ses rêves les plus fous, dans les moments les plus simples aussi. Comme celui-là, justement.
Silence. Les mots n'étaient plus nécessaires, dans la bulle comme suspendue dans l'espace-temps que venaient de créer autour d'eux Timothy et Heïana. Sans même s'en rendre compte, ils s'étaient isolés du monde, pour quelques instants. Il n'existait plus que l'autre, et chacun pouvait se plonger jusqu'à défaillir dans les prunelles de l'autre. Les yeux fleuris de multiples nuances de vert, couleur synonyme de chance et d'espoir, de la Tahitienne se perdirent dans ce bleu perçant, froid comme les glaces nordiques et à l'expression pourtant des plus douces, aussi chaude que les eaux des lagons Polynésiens, du brun lui faisant face. Le rythme cardiaque de la jeune femme aurait sûrement pu être inscrit au Guinness Book tant il semblait battre des records alors que, sans la lâcher du regard, le beau trentenaire se rapprochait d'elle, faisant disparaître les derniers centimètres qui les avaient séparés jusque-là. Son souffle se fit un peu plus rapide, sans doute plus chaud aussi. Timothy approcha sa main et déposa sa paume et ses doigts sur la joue de la demoiselle, laquelle se serait lovée un peu plus dedans si elle avait pu fermer les yeux. La métisse sentit un contact chaud sur sa hanche, tendre et fort à la fois, comme si le brun lui faisait la promesse muette de la soutenir envers et contre tout. Ses mains avaient-elles toujours été si grandes ? A chaque seconde, les deux âmes se découvraient un peu plus, se révélant l'une à l'autre, alors que leurs corps se rapprochaient inéluctablement. L'homme pencha légèrement son visage, sa respiration frôlant l'épiderme de la jeune femme. Ce ne fut qu'à la dernière seconde qu'Heïana ferma les yeux, alors que ses lèvres recevaient la caresse de leurs comparses. Un ensemble parfait se forma, et toute notion réelle disparut. Les bras de la franco-australienne se glissèrent le long de la taille de Tim pour atteindre son dos, ses mains venant agripper délicatement sa chemise. Jamais, quelques mois encore auparavant, la brune n'aurait pu imaginer qu'une telle scène se déroulerait entre eux. Elle avait toujours énormément apprécié Timothy, s'en était toujours sentie très proche, bien sûr. Oui, elle avait été capable d'aller jusqu'à Kapooka entre deux jours de travail pour le sauver de lui-même. Sans doute son coeur avait-il battu pour lui, à cet instant; mais, trop occupée à le tirer de ses démons, elle n'y avait pas accordé d'attention. De plus, la demoiselle était femme de principes. Même si elle avait pu ressentir quoi que ce soit pour le brun, jamais elle n'aurait essayé quoi que ce soit, ou même pensé à une quelconque éventualité, tant que lui était en relation assez trouble avec Charlie ou qu'elle-même avait une relation -quoique totalement amicale au final - avec Elwyn. Toutes ces péripéties, amoureuses ou non, que chacun d'eux avait pu traverser, auraient pu les séparer, les amener à d'autres chemins encore plus divergents. Pourtant, il semblerait qu'elles servaient leur cause. Elles avaient fait mûrir Timothy, qui avait pris en force de caractère depuis, sachant prendre des initiatives et s'imposer un minimum depuis. Quant à Heïana, elle avait pu comprendre que parfois, le destin n'avait pas à être forcé, et que l'amour ne pouvait ni se commander ni s'espérer, que ce ne serait pas une force extérieure qui interviendrait pour le provoquer.
Ce premier baiser n'en resta pas là. Il fut immédiatement suivi par un deuxième, et un troisième, les mains de l'un et de l'autre se baladant sur quelques centimètres de tissu, ne touchant même pas la peau de l'un et de l'autre mais s'en satisfaisant amplement. La sensation était étrange. C'était comme si leurs corps leur hurlaient de rattraper ce temps perdu qui aurait déjà pu être le leur, tout en leur susurrant de profiter avec lenteur. "Festina Lente" ou "Hâte-toi Lentement", devise d'une célèbre famille italienne de la Renaissance, semblait être plus de circonstance que jamais.
Le temps semblait s'être stoppé soudainement et Tim en avait clairement oublié toute la fatigue de ces derniers jours. Ce qui se passait là, il ne l'avait clairement pas anticipé, pas plus qu'il ne l'avait commandé mais son instinct avait décidé pour lui. C'était bel et bien lui qui avait pris les devants, lui qui avait osé clamer haut et fort ce qu'il pouvait penser de Heïana parce qu'elle avait tant fait pour son coeur si abîmé. Effectivement, la jolie tahitienne avait toujours répondu présente, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit sans le juger pour toutes les peines qu'il portait sur son dos, perpétuellement. Brook l'avait toujours accepté tel qu'il était, lui l'être profondément peiné par un passé trop malencontreux pour qu'il puisse y mettre de mots dessus. Il n'avait jamais eu besoin de le faire avec la belle Brook parce qu'elle comprenait sans qu'il n'ait à faire de longs discours, elle le connaissait et elle lui faisait confiance. La réciproque était bel et bien vraie, sinon comment expliquer qu'un Timothy en détresse n'aurait pas réfléchi plus avant avant d'aller frapper à la porte de la jeune femme? Avec ce baiser, il ne pouvait pas dire qu'il le regrettait, pas quand son coeur bondissait dans sa poitrine, qu'il sentait les bras de la jeune femme l'entourer à leur tour et que le monde s'évanouissait autour d'eux. C'était certainement plus fort que tout ce qu'il avait pu connaître depuis un moment parce que c'était Heïana, qu'il la côtoyait depuis des années et qu'ils avaient été amis longtemps avant d'en arriver à cette réalité. Ce n'était donc pas un mensonge sur ce qu'on pouvait dire par rapport à une telle affection qui naissait d'une réelle amitié: le tout rendait l'affaire beaucoup plus belle, multipliant ce baiser parce qu'il aurait pu être unique. Il ne le fut pas pourtant, la tendresse se retrouvant dans une nouvelle étreinte de leurs lèvres, les deux bras de Tim passant autour de la taille de Heïana pour rapprocher un peu plus son corps près du sien si c'était physiquement possible. Profiter de chaque seconde, chaque rencontre de leurs lippes fiévreuses les unes envers les autres, apothéose d'une envie qui devait être présente depuis de nombreuses semaines désormais. A un moment donné pourtant, il fallait respirer et Decastel relâcha les lèvres de sa belle polynésienne en toute délicatesse, son visage restant proche du sien, son coeur n'arrêtant pas sa danse enfiévrée au coeur de sa poitrine. Avait-il les mots pour énoncer ce qu'il y avait au fond de lui? L'amoureux des fleurs n'aurait su le dire mais si son instinct s'en sortait si bien tout seul jusque là, autant le laisser encore et toujours maître de la situation. "Je pensais vraiment pas faire ça avec toi à cinq heures du matin après autant d'émotions mais... Je le regrette pas le moins du monde. Et toi, tu...?" Qu'en pensait-elle? Que désirait-elle? C'était une question fort légitime, les yeux bleutés de Tim se calquant dans ceux si verts et si lumineux de la brune à quelques centimètres des siens. Il n'osait plus bouger désormais, de peur que le rêve s'évanouisse et que la terreur revienne au creux de ses pensées. Non, Decastel voulait continuer à vibrer autant que ce coeur tonitruant au fond de sa poitrine et ne plus jamais laisser s'en aller Heïana Brook.
Parce que toutes les bonnes choses ont une fin, sinon on ne saurait les savourer, les baisers fiévreux, quoi qu'encore très innocents, connurent eux aussi leur conclusion. Comme d'un accord tacite, les deux alter ego reculèrent légèrement, détachant leurs lèvres, mais ne pouvant supporter de trop s'éloigner. Ainsi, ils restèrent dans les bras l'un de l'autre, la poitrine d'Heïana n'étant éloignée du torse du brun que de quelques centimètres. Sa respiration se fit graduellement plus lente, l'adrénaline du premier baiser passant enfin. On ne pourrait dire pour autant qu'elle reviendrait totalement à la normale, d'autant plus avec le questionnement qu'amena Timothy. La jeune femme retira ses bras du dos de son ami, dont le moment passé avait donné une connotation encore différente à leur relation. Or, c'était celle-ci qui était, ou qui serait à définir, d'où la demande légitime de l'homme lui faisant face. Dans un sens, il n'y avait pas à hésiter; le coeur de la brune la portait à répondre immédiatement, sans ambages et avec conviction. Après tout, le trentenaire avait ouvert la possibilité d'un baiser en ayant le courage d'avouer ses sentiments; ce ne serait qu'un juste retour des choses qu'elle-même conclut leur trouble. Elle passa ses bras sur les épaules de Tim, se permettant de jouer d'une de ses mains avec les boucles épaisses de l'homme. Je n'aurais pas cru, en te voyant débarquer tout à l'heure, catastrophé, les jumeaux hurlant, que la nuit se déroulerait ainsi. Elle rit, un ton à la fois léger et confus. Mais je ne regrette rien non plus. C'est même... carrément le contraire. Un petit sourire de gêne s'étira sur ses lèvres alors que ses joues se pigmentaient de rouge. De multiples questions auraient pu se poser à cet instant, dans la tête d'Heïana. Par exemple, n'était-elle pas trop jeune pour lui ? Certes, Charlie l'avait été plus; mais leur relation avait été particulière, et au-delà de ça, du facteur "âge" proprement dit, c'était son inexpérience en toutes choses de la vie amoureuse qui était impliquée. Mais Timothy, patient comme un saint et ayant connu lui-même tard une relation, saurait sans nul doute ce qu'elle pouvait ressentir. Il ne s'agissait que d'un thème parmi bien d'autres, mais la brune voulait juste profiter de cet instant. De leur instant. Son corps soutenu par les bras de Decastel, dont les mèches brunes filaient entre ses doigts aventureux. Le sourire lumineux qu'il lui offrait, ses yeux bleus pétillants de joie et brûlant d'un feu qu'elle n'avait jamais encore jamais aperçu. Heïana passa quelques doigts le long du visage de l'homme, commençant par glisser son pouce sur le côté supérieur de son arcade sourcilière, puis descendant le long de sa tempe. Comme si elle voulait découvrir, apprendre et retenir par le toucher les traits de celui qui la tenait contre lui en cet instant. La brune traça, délicatement, la grosse cerne qui se discernait sous l'oeil. Elle effleura la naissance de l'oreille et put à cet instant poser véritablement sa main sur la joue de Tim, le tracé de sa mâchoire, rendue très douce par une barbe de quelques semaines, épousé par le bas de sa paume. J'aimerais que cet instant dure éternellement, souffla-t-elle dans un sourire. C'était peut-être fou, mais elle se sentait incroyablement bien, et prête à tout pour et avec lui. Le résultat d'une amitié tendre et tenace qui permettait de se sentir bien plus en phase avec la personne qu'avec un inconnu rencontré quelques jours plus tôt, sans doute. Mais comme tu l'as si bien dit, il est cinq heures... Et les petits n'attendront pas pour leur biberon de huit-neuf heures, j'imagine. Elle ricana, imaginant déjà la scène où, juste couchés, ils seraient réveillés par les deux tempêtes. Or, tu as vraiment besoin de dormir, dit-elle en caressant la joue du pouce, juste sous la cerne révélatrice en question. Heïana retira sa main et se mit un instant sur la pointe des pieds. Viens, murmura-t-elle à son oreille, déposant un baiser sur sa tempe. Gardant une de ses mains dans celle de Timothy, elle le conduisit jusqu'à la porte de sa propre chambre; celle des invités était déjà prise par les jumeaux. Si jamais le jeune papa ne désirait pas dormir avec elle de toute façon, elle comptait sur lui pour l'affirmer. Le haut d'une manche de sa descente de nuit, un peu lâche, tomba sous son épaule alors qu'ils avançaient. Il faudrait qu'elle l'enlève pour dormir, de toute façon; elle ne la remit donc pas en place. La demoiselle ouvrit, et une fois la porte refermée derrière eux, ils avancèrent jusqu'au lit, où ils s'étaient assis une vingtaine de minutes plus tôt, quand Willow et Gabriel étaient dans leurs bras. La métisse se retourna face à Tim. Ça te va ?
Personne n'aurait pu envisager une telle issue à ce début de matinée, ou bien cette fin de nuit, selon le point de vue. Pour Tim, tout ressemblait à une journée de toute évidence interminable avec les jumeaux qui ne lui laissaient pas plus d'un quart d'heure de repos d'affilée. Il obtenait ce cadeau ce soir-là, alors que les enfants dormaient enfin paisiblement dans une pièce voisine et que le coeur de Decastel pouvait se livrer à une autre activité que celle de l'apitoiement avec un tel épuisement. Et quelle activité, oh oui, d'enfin se confronter à cette réalité qui devait le tirailler depuis de nombreuses semaines, voire plus longtemps encore. Timothy n'avait pas tant d'expérience que cela dans le domaine de l'amour: on pouvait réduire ce champ là à une relation amoureuse de trois mois et un chassé croisé amoureux douloureux avec la mère de ses enfants. Comprendre la teneur de ce qui pouvait se terrer au fond de son organe cardiaque n'était pas tout à fait une habitude, ce qui avait dû retarder l'inévitable après tellement de scènes entre Heïana et lui. Mine de rien, il avait été là pour la consoler lors du deuil de ses parents, elle avait été la première à le rencontrer lors du désastre de Kapooka, à l'épauler lors de la naissance de Gabriel et Willow et maintenant, elle était encore et toujours là pour tarir ses pleurs. La belle Brook avait été une évidence sous ses yeux mais le brun avait clairement eu besoin de temps pour se retourner après tous les moments difficiles qu'il avait enchaînés tout au long de cette année. Désormais, Tim avait suffisamment les pieds sur terre pour oser faire face et d'une si belle manière en vue des mots qu'il avait été en mesure de prononcer, les regards qu'il avait pu offrir et ses lippes qu'il avait pu poser sur celle d'Heïana durant une minute d'épiphanie. L'instant fini ne présageait pourtant pas l'épilogue de cette histoire, bien au contraire, les mains de Tim continuant de se balader sur les hanches de la tahitienne, son sourire ne le quittant pas plus alors que la jeune femme lui répondait avec une conviction qui lui faisait si chaud au coeur. "Comme quoi, on peut remercier les jumeaux d'épuiser le moral de leur papa ces derniers temps." Elle était merveilleuse, la brune, et les yeux de Tim voyageaient sur chaque trait, chaque particularité d'elle qu'il n'avait pas pris le temps de voir jusque là. Dans le même temps, Heïana en profitait pour découvrir également son visage, Decastel ne la lâchant pas des yeux durant tout ce parcours émotionnel. Sa générosité régnait dans son silence, juste les quelques secondes où elle vint embrasser sa tempe et passer du baume sur ses cernes, juste du bout des doigts. Un geste tendre et qui provoqua tout un tas de frissons à l'intérieur du corps de Tim, il les laissa régner, sa main s'attachant à celle de la polynésienne alors que le chemin se terminait dans la chambre de la propriétaire des lieux. Elle avait raison, il était à bout physiquement et même deux heures de sommeil le remettraient suffisamment d'aplomb pour affronter de nouveau les tâches d'un papa ordinaire lorsque les sanglots des bébés reprendraient au petit matin. De nouveau alors, il hocha la tête puisque Heïana voulait s'assurer que l'endroit lui convenait: il se contenterait de peu à dire vrai, si ce n'était du calme pour dormir et Tim savait qu'il en aurait assurément. "Est-ce que tu as... Des contraintes? Je veux dire, est-ce que tu veux que je dorme par terre avec quelques couvertures? Que je garde mes vêtements ou n'importe quoi d'autre? Je veux pas que tu angoisses pour quoique ce soit, je suis l'invité chez toi après tout." Timothy et sa peur d'embarrasser à nouveau, ses joues rosissant à vue d'oeil alors qu'il s'approchait tout doucement du lit, sans vraiment oser s'y allonger, comme s'il attendait l'approbation de la beauté tahitienne à ses côtés. Ses doigts jouaient d'ailleurs avec les siens en toute discrétion, Tim retenant un bâillement avec le sourire. "Merci, Heï." Pour tout, pour rien. Juste le fait d'être elle et de le rendre ainsi était une merveille aux yeux de Timothy et c'était ce qu'il communiquait dans ses yeux azur à ce moment-là.
Heïana sourit, d'une de ces expressions les plus simples qui révèlent la sincérité. En cet instant, elle trouva le brun tout aussi touchant qu'il pouvait déjà le prouver au quotidien. D'aucuns se seraient agacés des hésitations perpétuelles de l'ancien soldat, qui semblait avoir bien du mal à se laisser aller et à voir comment les choses se dérouleraient. Cela aurait pu être perçu comme une sensiblerie trop exacerbée, quelque chose frôlant de l'incapacité d'initiative. Ceux qui oseraient penser cela pouvaient toujours aller voir ailleurs. Aux yeux de la métisse franco-australienne, le questionnement de Timothy était des plus prévenants possible. Il prenait en compte la délicatesse qui était la sienne, sa potentielle pudeur aussi, et faisait au mieux pour ne pas la heurter, quoi qu'il advienne. J'apprécie ta prévenance, le complimenta honnêtement la Polynésienne. Pour autant, je ne te ferai pas dormir par terre, nuança-t-elle d'un rictus rieur. Cela aurait été totalement inconcevable à ses yeux d'exiger cela de lui. Je ne sais pas dans quel... appareil tu dors habituellement, poursuivit Heïana d'un air aussi interrogateur que taquin, mais mets-toi à l'aise. Après une petite seconde, elle ajouta, en rougissant un peu : Enfin, si tu pouvais garder ton pantalon, ce serait bien. Autant la Tahitienne n'était pas pudibonde, autant elle serait un peu confuse de dormir auprès d'un homme qu'elle venait d'embrasser en sachant qu'il n'était pas loin de la nudité totale. En plus, le bas en question semblait être fait de toile assez confortable pour dormir sans se sentir trop moulé ou quoi que ce soit; un critère que mine de rien, Heïana avait pris en compte, au fond de sa petite tête. Lentement, les deux adultes se rapprochaient du lit, leurs mains entrelacées, comme s'ils n'osaient pas se lâcher, même une seconde. Il le fallait bien, pourtant. La brune mit fin à ce contact pourtant si appréciable, le temps de contourner le lit. Merci ? demanda-t-elle, ne voyant pas ce qu'il voulait dire. Là, de dos par rapport à Timothy, elle retira son déshabillé noir, pour ne rester que dans sa chemise de nuit blanche. Elle déposa le vêtement sur la chaise la plus proche, puis se glissa la première sous les draps moelleux, qui les invitaient au sommeil. La brune s'allongea de côté, sur sa hanche gauche, pour pouvoir faire face à Tim. Voyant bien l'hésitation qui persistait, même si elle ne durerait sûrement qu'une seconde de plus, dans les yeux azur de l'amoureux des fleurs, elle sortit un bras des draps et le tendit vers lui. Viens, souffla-t-elle à nouveau. Promis, je ne mords pas, ajouta Heïana d'un air malicieux.
Lorsque le plus épuisé des hommes fut arrivé à ses côtés, elle l'observa, d'un air timide et pourtant brûlant d'une étincelle de désir. La simple envie d'être au plus proche de lui, tout simplement. Je peux ? murmura-t-elle en se rapprochant lentement, pour se blottir contre le torse du brun. Ils avaient beau savoir cette nécessité impérieuse de dormir pour quelques heures avant le réveil des petits, Heïana voulait profiter encore, en pleine conscience, de la présence de l'homme à ses côtés. Et, qui sait ? Avec un peu de chance, les jumeaux dormiraient une demie-heure, une heure voire deux de plus; ils avaient eux-mêmes du sommeil à rattraper, après tout. Le coeur pulsant à tout va, elle posa sa tête dans le creux entre les pectoraux, l'épaule et la gorge de Timothy. Leurs jambes se frôlaient seulement. Baboum, baboum, baboum. Elle rit, une seconde. Je crois que nous avons sensiblement le même tempo. La demoiselle prit la main de son compagnon nocturne, et la déposa au-dessus de son sein, à même la peau nue; pas trop bas pour que ce ne soit embarrassant, mais juste assez pour qu'il puisse ressentir dans sa chair les battements du centre de ses émotions. Elle ferma les yeux pour quelques secondes, profitant en toute simplicité de cet instant, qui n'appartenait qu'à eux.
Il n'aurait pu imaginer un moment plus idéal pour se sentir poussé des ailes. Heïana lui avait toujours permis de se sentir plus libre, plus lui-même en bien des points également parce qu'elle ne jugeait pas, jamais. Qu'elle était douce, la belle tahitienne, qu'elle prenait soin des autres et Tim donnerait absolument tout pour être en mesure de lui rendre la pareille. Le tout prendrait peut être bien des années après tout ce qu'elle lui avait apporté mais heureusement, Tim était aussi patient et surtout ô combien généreux. Alors, il s'y attellerait si la brune lui offrait cette chance là, d'évoluer à ses côtés, de se permettre de rêver à deux plutôt que seul pour les temps à venir. Personne ne pouvait rien prédire assurément mais Decastel avait la sensation qu'il avait rencontré l'âme qui lui correspondait le plus, celle qui saurait le changer le plus naturellement mais pas en négatif, bien sûr, plutôt l'inverse. Elle lui permettait de prendre plus d'assurance, de ne pas se sentir mal lorsqu'il avait des doutes ou des hésitations et Heïana ne se moquait pas. Même pas à ce moment là, malgré la question qui indiquait une certaine appréhension de mal faire du côté de Timothy. Il ne savait pas comment amener la problématique sur le tapis mais il avait cru comprendre que la jeune Brook n'avait pas eu beaucoup d'expériences avec les hommes, c'était ce dont ils avaient discuté après son mariage avorté et le brun ne voulait surtout pas la presser à ce sujet, bien au contraire. Il se retrouva donc à lui sourire alors qu'elle lui refusait le sol, lui proposant le lit mais avec quelques vêtements pour ne pas créer de troubles d'un côté ou de l'autre. "Je les garde alors, ça me va." Habituellement, il n'avait pas autant de couches de tissus sur lui mais le bien être de Heïana était sa priorité, elle qui se détourna clairement pudique à propos de cette nouvelle étape dans leur relation pour retirer le pardessus de sa chemise blanche. Tim rougit en baissant les yeux, ne voulant pas non plus paraître comme un voyeur, il attendit donc que la jeune femme fut sous les draps et l'appelle pour que ses yeux bleutés reviennent vers les siens. Il retira alors ce qui ornait ses pieds avant de se glisser sous les couvertures à ses côtés, se tournant de suite vers elle avec ce petit regard perçant qui en disait long sur ce qu'il avait à l'intérieur du coeur. Tout cela envers Heïana, les sentiments désormais éveillés plutôt qu'enfouis. Le grand homme hocha la tête lorsqu'elle lui demanda la permission pour se blottir contre lui et tout naturellement, le bras de Tim vint l'entourer sans aucune brusquerie, son sourire s'élargissant de sentir le souffle de la sage-femme contre son corps. Il était merveilleusement bien là, si à l'aise qu'il aurait pu s'endormir en un rien de temps si la main de la jeune femme n'était pas venue happer la sienne pour qu'il sente son rythme cardiaque à son tour. Ils évoluaient au même rythme, une nouvelle indication sur ce qu'ils étaient en train de doucement devenir et Timothy aimait l'idée. En effet, il caressa du bout du pouce la peau ambrée de Heïana, juste quelques secondes avant de faire remonter sa main vers son visage pour qu'elle lève le menton. Il osa déposer un baiser tendre contre ses lèvres, juste cela pour lui faire comprendre qu'il traversait le même trouble, qu'ils étaient connectés sur la même fréquence et qu'il en était satisfait. Quelques secondes coupées du temps avant qu'il ne relâche ses lippes mais pas son regard. "Tu accepterais de faire une sortie, juste nous deux? Quand tu seras libre bien sûr, rien ne presse." Oui, il voulait que l'histoire se déroule dans le bon ordre, prendre du temps avec Heïana pour tout celui qu'ils avaient perdu et qu'ils découvrent ensemble, au delà du sourire si affectueux de Tim, ce que de l'amour entre eux pouvait créer de magique dans leur vie. Ensemble.
Merci, sourit la demoiselle lorsqu'elle entendit Timothy agréer à sa demande. Elle n'en avait pas douté un instant, mais il restait bon de voir à quel point le brun pouvait être attentionné. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent donc sous les draps, bien plus proches que la maïeuticienne n'aurait jamais espéré qu'ils le soient, encore quelques semaines plus tôt. Il ne restait plus rien en cet instant que la tranquillité, de corps et d'esprit. Plus de pleurs, qu'ils soient imputables à des adultes ou à des nouveaux-nés. Plus de peur, qu'elle soit due aux angoisses du quotidien ou à de mauvais rêves. Les deux bousculés par la vie se faisaient face, dans ce lit, dans une bulle de douceur et d'apaisement. Rien ne semblait plus pouvoir les troubler. Leurs peaux se frôlaient, se caressaient, se câlinaient. Contacts sans précipitation. Tout ce qui pouvait bien correspondre, finalement, à un papa épuisé et à une jeune femme réveillée par un cauchemar au beau milieu de la nuit. Dehors, la lune, pleine, éclairait d'un rayon à peine perceptible la chambre où ils s'étaient réfugiés, inondant sans violence la pièce témoin de leur amour naissant. La ville endormie les laissait seuls. La jeune femme passa ses doigts sur le haut du torse de Timothy, dessinant d'un geste aussi attentif que paresseux la courbe de sa gorge, de son épaule, de son bras, descendant ainsi jusqu'au bout de ses doigts. Ils s'entremêlèrent, un instant, avant que la brune, aventurière, ne reparte à la découverte des traits de son alter ego, mais toujours bien au-dessus de la ceinture. Ce soir là serait dédié à la tendresse, à elle et à elle seule. Heïana laissa le brun avancer un peu plus encore vers elle, leurs nez se frôlant un instant alors que leurs visages glissaient l'un contre l'autre pour sceller leurs lèvres en un baiser de plus. Une chaleur des plus délicieuses l'envahit, et sûrement pour la centième fois de la soirée, elle souhaita que cet instant ne finisse jamais. Quoi que la proposition que lui fit Timothy n'était pas des moins attrayantes, loin de là. Ce sera avec plaisir, répondit la Tahitienne, les yeux pétillants. Que feraient-ils ? Aucune idée, et ce n'était pas l'endroit, ni le moment d'en discuter. Les deux bruns étaient bien trop fatigués pour cela. Ils restèrent ainsi, blottis l'un contre l'autre, et finalement, ce fut la métisse qui tomba dans les abîmes du sommeil la première, partant sans nul doute pour un repos bien plus calme que le précédent.