« On n’est pas assez proches pour que je te confie quoique ce soit sur ce qui a foiré dans mes précédents mariages, désolée. »
« Ah parce qu’on est proches ? »

Un sourire provocateur étire mes lèvres et je lève un sourcil. Proches n’est pas réellement le terme que j’aurais employé pour nous qualifier et, dans ma tête, je tente de faire le tri entre les différents faits et mon ressenti. Un test ADN a prouvé que nous partageons en partie le même sang, la brune et moi. Ca, c’est un fait et même moi je ne peux rien y faire. Je me méfie d’elle. Je suis certaine que ses intentions à mon égard ne sont pas si louables qu’elle s’entête à vouloir me le faire croire quand la vérité lui ferait au moins gagner mon respect. Elle ne m’est pas désagréable puisqu’elle a du répondant et du caractère mais proches non, le qualificatif est de toute évidence mal choisi. « Mais un jour, peut-être. » « Et moi qui pensait qu’on allait se livrer nos plus sombres secrets ce soir. » Pas du tout. J’ai arrêté de tenter de la percer à jour de toute façon depuis que mon existence m’a échappée. Je ne sais même pas ce qui m’a motivée à lui proposer de se voir ce soir puisqu’elle ne tirera rien de moi. « Les mariages et les divorces, sujet tabou donc. » Tabou, le genre qui m’intéresse le plus, dommage pour elle.

Dommage pour elle, elle aussi aborde un sujet tabou, mais le genre dont n’ai vraiment aucune envie de parler, et sur lequel je ne me confierais pas. C’est trop frais, bien trop frais pour je réagisse autrement qu’en me refermant comme une huître. « Tu as l’air convaincue. Vous vous êtes disputés ? » « On s’est pas disputés. Il est plus là, c’est tout. » C’est tout ce que tu as à savoir. Elle le saura de toute façon si elle est déterminée à continuer à me suivre à la trace comme un animal de compagnie, mais elle n’obtiendra aucune explication. Il n’est plus là. Mon coeur se sert à cette pensée et je termine d’une traite mon verre pour chasser l’émotion. Je me félicite d’avoir consommé avant de venir : sans l’aide de la drogue, mon coeur se serait brisé si fort qu’elle l’aurait entendu.

« Tu serais pas un peu mégalomane sur les bords ? »
« Si, mais ça change rien au fait que je suis ton obsession. »

Autrement dit : tu peux ne pas l’avouer, tu ne me convaincra pas du contraire. Mon esprit déjà embrumé par la drogue, je réfléchis moins et ne contrôle plus tout à fait mes mots : j’admets sans mal être défoncée ou en tout cas, avoir pris quelque chose. « Non, jamais à dire vrai. » Je lève un sourcil et je l’observe de mes pupilles dilatées. « Alors ? » S ans réponse, je tire la petite fiole en verre remplie de poudre de la poche de ma veste en cuir, avant de l’y replacer soignement, comme s’il s’agissait de la prunelle de mes yeux. « Et un peu de tout à vrai dire. » Même si la cocaïne reste ma plus vieille amie, un poison longtemps oublié qui s’est pourtant imposé à nouveau sans grand mal. « A ton tour de répondre. Pourquoi pas toi ? Pourquoi t’as jamais essayé ? » Elle n’a pas l’air d’avoir froid aux yeux la brune et, sans vouloir la vexer, elle a le profil.


@Halsey Blackwell

« Pas vraiment, mais j’espère y remédier. »
« Tu sais ce qu’on dit sur l’espoir. »

Je doute que ce soit réellement là son but de tout façon, mais qu’elle s’accroche me semble particulièrement divertissant, surtout maintenant que je n’ai plus l’impression d’avoir grand chose à perdre. Elle pourrait me faire chanter en me menaçant de m’exposer mais qu’aurait-elle à y gagner ? J’ai claqué la porte du Club à l’occasion d’une violente mise au point avec son dirigeant. J’ai perdu à la fois ce qui me donnait une raison de me lever le matin et Amos, et s’il est hors de question qu’elle ait jamais connaissance de mes anciennes activités professionnelles - les vraies, pas celles qui constituent ma couverture - je ne l’autorise pas plus à parler d’Amos. « Ne te gêne pas si tu as besoin de parler. » « J’ai rarement envie de parler. » C’est à mon sens pour les esprits faibles quand, de mon côté, je me targue à tort d’être capable d’encaisser seule. Je ne le suis pas, mais ce n’est pas elle que je choisis pour m’accompagner. Elle, elle est mon amusement du soir et si je me détends un peu à son contact je ne suis pas encore assez défoncée pour me livrer. « Désolée. Mais je ne me résume pas qu’à ça tu sais, sens-toi libre de me poser d’autres questions. » Je hausse les épaules. « Est-ce que ce soir j’ai l’air d’avoir envie de poser des questions ? » Mes pupilles dilatées prouvent le contraire, autant que mon grand sourire qui s’étire un peu trop souvent lorsqu’on me connaît, mais qui disparaît dès qu’il est question d’Amos.

« Je suis désolée. » « T’es désolée… Tu sais même pas pourquoi t’es désolée... » Mon verre est presque vide - déjà - si bien que j’interpelle le serveur : il est hors de question que je supporte cette conversation en me privant de réconfort. Un sourire pour accélérer la cadence, et je me retourne vers Halsey, curieuse de savoir si elle insistera. « Si ça peut te réconforter. » « Non, mais ça ça me réconforte. » Je lève le verre dans sa direction avant de jeter un œil au sien. Il ne descend pas, et ça c’est quand même plutôt triste. « T’es pas désolée. Dis pas ce genre de connerie, de phrase toute faite que les gens emploient quand ils savent pas quoi dire. » Je ne suis pas agressive : le sourire au coin de ma lèvre en atteste. Puisque je n’ai apparemment plus le droit de prétendre que nous ne sommes pas liées - un test ADN est venu contrecarrer mes plans - qu’elle se rende au moins digne de porter le même prénom que moi en faisant preuve de culot et d’esprit. « T’es curieuse, peut-être, mais pas désolée. » Et moi, je trouve la perche trop belle pour ne pas la saisir. « Et moi aussi je suis curieuse. » Curieuse de savoir ce qu’elle a dit à son homme jouet sur ses activités du soir. Curieuse de savoir s’il lui a déconseillé de s’approcher de moi après notre échange. Curieuse de savoir si elle est du genre à se laisser dicter sa conduite ou si, comme sa présence à mes côtés ce soir le laisse supposer, elle me ressemble sur ce point.

Bien sûr, j’avais à l’origine l’intention de respecter ma part du marché. Sauf que mon quotidien s’est effondré entre temps et que foutue pour foutue, j’ai simplement décidé de faire exactement ce que j’avais envie de faire. Je ne suis pas fiable, il aurait du s’en douter Clyde, ma loyauté n’est réservée qu’à quelques individus triés sur le volet. « C’est nouveau ou tu es retombée dedans ? » Les deux ne sont pas incompatibles mais elle n’avait qu’à mieux poser sa question, tant pis pour elle, elle n’obtiendra qu’une demie vérité. « C’est pas nouveau. » Si elle parle de la drogue, on ne peut pas considérer que j’en sois sortie. Alors encore une fois, il fallait préciser. « Je n’aime pas ne pas être en pleine possession de mes moyens. Et toi, qu’est-ce qui te pousse à prendre cette merde ? » « Oh merde, une control freak. » Là-dessus, notre philosophie diverge. Je suis une réfléchie mais lorsqu’il est question de mon plaisir personnel, je fais et ne pense aux conséquences qu’après. « Rien du tout. Le plaisir que j’en retire. La défonce, la sensation de planer. Les sensations tout court en fait. » C’était le cas de la drogue. Je ne prends de la cocaïne que pour ne plus rien ressentir du tout au contraire, mais le lui avouer signifierait avouer tout le reste, Amos, le Club, et ça c’est hors de question.


@Halsey Blackwell

« Qu’il fait vivre ? »
« C’est toi qui l’a dit, pas moi. »

Je hausse les épaules et, si elle n’étais pas passée à un sujet qui m’amuse amplement moins, je me serais amusée qu’elle soit têtue et qu’elle s’obstine ma demie sœur. Je ne peux nier que, plus je passe de temps avec elle et bien que ce soit parfaitement intéressé, on se ressemble et ce n’est pas désagréable d’être en sa compagnie. J’ai rarement trouvé une compagne de joute verbale qui m’arrive à la cheville et je suis forcée d’admettre qu’elle se défend bien ma cadette. Oui, j’aurais été amusée si elle ne s’était pas permis de parler d’Amos et de tenter de creuser. Qu’elle le ramène sur le devant de la scène ne devrait pas me surprendre : il n’est pas rare qu’elle se permette une allusion à ce que je ne sais comment nommer à présent - mon ex ? - mais, dans l’état dans lequel je suis sur l’heure, je perds patience rapidement. J’ai mal de penser à lui, j’ai mal qu’elle l’évoque et j’ai mal à l’idée de prononcer son prénom à voix haute puisque, alors qu’elle réveille ma colère je réalise comme à chaque fois que ma peine et le manque s’y mélangent. Je ne sais ce que je ressens avec certitude, mais je sais que je souffre autant que je lui en veux de nous avoir mené à notre perte. « Tu sais, parfois ça peut aider d’avoir un avis extérieur sur une situation. » « Tu sais, parfois il faut savoir accepter un non sans insister. » Je l’ai dit de façon presque gracieuse et délicate la première fois, mais si elle continue à appuyer sur ma corde sensible l’ambiance de la soirée risque de changer radicalement.

Elle, elle prétend qu’elle est désolée face à ma peine de cœur. Moi, j’y crois à peine ou plutôt pas du tout. On se ressemble Halsey et moi, comme je l’ai déjà dit, on se ressemble assez pour que je sache qu’elle se fout bien de mes histoires d’amour et de mes états d’âme. Elle ne ressent pas la moindre empathie à mon égard et elle n’est pas assez bonne actrice pour duper quelqu’un comme moi à ce sujet. Pas alors que nous baissons progressivement notre garde au contact l’une de l’autre, sans le vouloir et sans l’admettre. « Alors dis-moi pourquoi je suis désolée ? » Je l’observe en levant un sourcil. « Qu’est-ce que tu veux savoir ? » « Tu l’es pas, désolée. » J’observe mon verre dont on voit déjà presque à nouveau le fond, et je regrette de ne pas avoir mieux à boire. « Ou t’es désolée de ma arriver à me tirer les vers du nez peut-être. » Je coupe court et j’ignore sa seconde question, pour l’instant en tout cas.

« Je pensais que tu étais aussi un peu maniaque du contrôle, j’ai dû me tromper. C'est pas parce qu'on est soeurs qu'on doit forcément se ressembler sur tous les points. » Il est question de la drogue et elle comprend tout mal. Oui, elle s’est trompée en ce qui concerne la façon dont je gère ma propre existence, sans me soucier généralement des conséquences ou pas au détriment de ma propre liberté et de mon propre plaisir, mais elle ne fait pas erreur lorsqu’elle avance que le contrôle fait partie de ma vie. « J’aime le contrôle. Mais le contrôle sur les autres. » Les esprits plus faibles que le mien - et ils sont légion - j’aime les contrôler et asseoir mon pouvoir. Puisque finalement, c’est plus de ça qu’il est question que de contrôle, de pouvoir sous toutes ses formes et je déteste que quelqu’un ou quelque chose me résiste. « J’aime pas le contrôle lorsqu’il me prive de libertés. Et tu devrais essayer une fois, de lâcher prise. » Parce que s’il y a bien un point sur lequel nous ne nous ressemblons pas Halsey et moi, c’est le balai qu’elle semble avoir coincé là où il faut pour l’empêcher de profiter. « Tu comptais sur moi pour te ramener saine et sauve je suppose ? » « Je comptais sur toi pour rien du tout, je suis une grande fille, une grande fille avec un téléphone et le numéro d’une compagnie de taxi sur speed dial. » Un sourire provocateur sur les lèvres, je l’observe avant de trancher en faveur de la mesquinerie. « Je sais ce que je veux savoir, j’ai trouvé. » Oh, j’avais déjà trouvé mais quiconque me connaît sait que j’aime aussi avancer mes pions aux moments que je juge opportuns. « Toi qui aimes tant le contrôle, comment tu vis le fait d’en avoir aucun sur ton boytoy ? Tu sais, Clyde. » Et pas Ben comme elle a tenté de me le faire croire. Je mettrai ma main au feu qu’elle ne sait rien de notre seconde rencontre. « Parce que quand je l’ai revu, j’ai eu l’impression que c’était lui qui prenait les décisions pour vous deux. » Si elle est douée pour frapper là où ça fait mal, elle s’en est prise à la mauvaise personne puisque je suis maîtresse en la matière.



@Halsey Blackwell

« C’est bon, j’arrête. »

Il vaut mieux. Elle ne m’est plus aussi désagréable qu’autrefois Halsey, je ne peux le nier. Tout perdre m’a au moins appris à lâcher prise, à cesser d’être constamment sur mes gardes et que quiconque ne puisse m’approcher. Par définition, je n’ai plus grand chose à perdre et quelles que soient les desseins de ma demie soeur et quand bien même elle voudrait m’extorquer de l’argent, elle ne peut plus grand chose sur moi : elle n’obtiendra rien de moi tant que je me continuerai à me complaire dans cette spirale destructive dans laquelle je suis coincée. « Je vais pas te mentir en disant que je ne suis pas curieuse, vous aviez l’air tellement… Attachés l’un à l’autre. » « Je vais pas te mentir en te disant que je crois un seul instant à ta prétendue sollicitude.  » Je descends mon verre et, déjà, je ressens l’envie d’une cigarette, un fixe, ou n’importe quoi pour faire taire la complainte de mon cœur. « On est taillés dans des bois similaires toi et moi Halsey. » Peut-être pas les même, je me targue d’être une femme à part mais, tout de même, elle se défend bien pour une contrefaçon. « Et ça implique que je sais quand tu sonnes faux. » Oh c’est une bonne menteuse ma demie sœur. Elle doit mener son monde à la baguette et convaincre les plus sceptiques de sa bonne foi. Avec ce sourire et ces yeux clairs, on lui donnerait le bon dieu sans confession. Sauf que je sais ce que c’est que d’être plus dangereuse que ce qu’il n’y paraît. Désolée chérie, j’ai inventé ça. « Donc c’est pas la peine d’essayer, même si je suis obligée d’admettre que c’est divertissant. » Et si elle se donne en spectacle, elle n’est pas uniquement ridicule. Elle m’intéresse parce que nous sommes trop semblables pour que je ne sois pas intriguée, trop aussi pour ne pas admettre que je ne passe pas une mauvaise soirée.

« On verra. Je ne vois pas bien en quoi te mettre dans cet état te permet de contrôler qui que ce soit, mais si ça te fait plaisir. » « Tu serais surprise. » J’ai creusé mon trou à Brisbane en commençant par les boîtes de nuit. Je me suis mis les patron des établissement les plus en vue du centre ville dans la poche et en un rien de temps j’ai gagné mes entrées partout. Là, j’ai commencé à vendre et à mes constituer une clientèle solide. La suite de mon ascension appartient à l’histoire et, si à présent je ne fréquente plus les établissement de la nuit que pour mon plaisir, ils ont été le point de départ de mon business. « Parfait, je vois que tu as l’habitude. » Je hausse les épaules. Est-ce important de le soulever ? Qu’est-il devenu du verre que nous projetions de boire ensemble au loft ? Je suppose que ça tombe à l’eau et, pour cause, elle risque de se braquer après mes révélations. Oups. « Je t’écoute. » Bien sûr qu’elle m’écoute et je la sens piquée. Moi, je me galvanise d’avoir trouvé son soft spot. Taper là où ça fait mal, ça aussi je l’ai inventé soeurette. « Je ne te suis pas, tu pourrais développer ? » Elle a du mal à masquer son impatience et je m’en délecte. Je ne la déteste pas ou plus Halsey : mais attaquée sur un terrain qui me fait du mal, je riposte sans me soucier des conséquences ou, plutôt, sans les prendre en compte. Bien sûr, je les devine. Si elle est aussi proche du blond qu’Ariane le pense, elle aura mal. Est-ce que je m’en soucie ? Pas le moins du monde, je ne ressens pas la moindre empathie à l’égard de la brune. « Il te l’a pas dit ? Je pensais que vous vous disiez tout. » Que le contraire : je savais qu’il ne dirait pas un mot de notre rencontre à ma demie sœur puisqu’elle est l’objet de notre accord, presque celui d’une transaction et je doute que cela lui plaise. « Il m’a contactée y’a quelques semaines. Il m’a mise en garde, je sais pas ce qu’il croit avoir trouvé sur moi mais pense que je suis dangereuse, il veut te protéger, il a peur pour toi… Bla bla bla. » Je prends un air profondément ennuyé et je ne me prive pas d’exagérer mais, sur le fond, je ne mens pas. « Il m’a proposé un accord. » Cette fois ci je cesse de plaisanter. Cette fois ci, mon ton est plus sérieux et je l’observe avec curiosité. « Il m’a dit d’arrêter de te contacter. Je suis supposée faire la morte et vous, en échange, vous dégagez. » Ils quittent la ville et lui n’écrit pas le moindre mot à mon sujet, c’était ça le deal. Mais aujourd’hui que le Club est sorti de l’équation, je préfère la discorde. Je hausse les épaule et un sourire presque carnassier étire mes lèvres. « Oups, j’ai fait une gaffe ? C’est dommage, Vous aviez l’air tellement… Attachés l’un à l’autre. »


@Halsey Blackwell