Elle a beau dire, elle a beau se présenter tantôt comme une ingénue pour gagner ma confiance tantôt comme une femme avec un peu plus de mordant pour gagner ma sympathie, Halsey est louche, et je n’en démords pas. Découvrir qu’elle est réellement ma demie-soeur et qu’il ne s’agit pas d’un bobard inventé dans je ne sais quel but aurait pu m’adoucir et m’ôter cette obsession de la tête, mais c’est l’effet inverse qui s’est produit. Apprendre qu’elle n’était qu’un imposteur m’aurait permis de l’envoyer sur les roses sans prendre de pincettes, mais maintenant qu’elle est la chair de ma chair, le sang de mon sang, je nourris l’obsession de savoir ce qui se cache dans cette petite tête.

Parce qu’elle n’est pas là pour renouer avec sa famille perdue ou pour apprendre à me connaître. Elle a passé environ trente secondes à Charleville avant de décider que Liam ne valait pas le coup, lui, ne se serait-elle pas attardée plus longtemps si elle avait vraiment nourri le rêve de rencontrer sa famille perdue ? N’aurait-elle pas mis plus de quelques heures à le classer dans la catégories des bouseux qui n’en valent pas la peine ? Ma curiosité me pousserait presque à décrocher mon téléphone pour appeler mon frère après quinze ans sans daigner lui donner la moindre nouvelle ou en prendre. J’ai dis presque.

Alors j’ai redoublé d’effort et je me suis concentrée sur la traque du moindre secret que dissimulerait la brune. Elle en a, j’y mettrais ma main à couper. A commencer par ses deux mariages qui se sont déjà terminés en divorce : ce n’est pas assez pour savoir ce qu’elle cherche réellement, mais cela reste suspect pour une jeune femme d’à peine trente ans. Comme ce soi disant détective avec lequel elle travaille mais qui semble tenir à la protéger au détriment de sa cupidité. Qui sont ces deux là je l’ignore, mais comptant le découvrir j’ai rendu la monnaie de sa pièce à Halsey et je l’ai faite suivre, le temps de quelques soirées. Elle a bien investi un appartement du centre ville, comme elle me l’a dit. Elle ne fait pas grand chose d’intéressant de ses journée, si ce n’est se rendre à son boulot de gratte papier - je n’en démords pas - dans son entreprise de grattes papier. Lassée de faire chou blanc j’ai saisi la première perche que l’on m’a tendue, la première piste un minimum tangible : celle de son entourage. Elle semble proche d’une jeune femme qu’elle a déjà vu à plusieurs reprises depuis son arrivée à Brisbane et si la piste est maigre, je n’ai d’autre choix que de commencer par là. Alors vêtue d’un jean griffé et d’une veste en cuir, j’ai suivi la demoiselle un matin où elle a quitté son domicile. Je me suis changée en détecte le temps d’une matinée - ou en stalkeuse, chacun son point de vue - et je l’ai arrêté en l’interpellant alors qu’elle passait dans l’une des grandes rues commerçante de la ville, fermée aux voitures aujourd’hui à l’occasion d’une sorte de vide grenier façon antiquaires. Ce n’est que lorsqu’elle a accéléré le pas que j’ai compris qu’elle se savait suivie, et finalement avant qu’elle ne tourne à l’angle que je l’ai arrêtée. « Attends, je te veux pas d’emmerdes. » J’ai assez capté son attention pour qu’elle s’arrête en tout cas, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’a pas l’air commode. Moi aussi, ça tombe bien. « Je veux juste te parler quelques secondes d’une amie qu’on a en commun. » Je lève les mains en signe d’innocence. « Et après je me tire. Halsey Blackwell, ça te parle ? » Et c’est là que je prie pour que le charme opère. Que ma soeur soit assez chiante ou remarquable pour piquer son attention.


@Ariane Parker

Sérieux y'a des gens qui savent absolument pas comment se rendre subtils. En vrai habituellement, ça me dérange pas des masses. Faut dire que je suis pas non plus la plus grande adepte de faire dans la dentelle quand d'aller droit au but a toujours fait partie d'une de mes plus belles et grandes qualités - selon certains - et de mon plus pire défaut - selon d'autres. Elle par contre, avec son look de biker sans moto, elle se fait pas chier à au moins essayer, c'est sûr. Et quand je finis par simplement faire volteface pour planter mon regard dans le sien et lui faire savoir d'un regard d'un seul que c'est bon là, on peut en finir, elle prend les devants. Au moins, ça, c'est à son honneur.  

« Attends, je te veux pas d’emmerdes. » « Encore heureux. » ma voix chante presque autant que ma langue claque. Comme si j'avais quoi que ce soit à craindre d'une blonde peroxydée avec une tête de moins que moi. Mon regard baisse vers elle au même moment où mon sourcil se hausse. Elle veut quoi, alors? « Je veux juste te parler quelques secondes d’une amie qu’on a en commun. Et après je me tire. Halsey Blackwell, ça te parle ? »  non seulement ça me parle, mais ça me fait encore plus marrer en l'instant. Une amie. L'antiquaire autour vient complètement de perdre de son importance, pareil pour tout le stock poussiéreux que je prévoyais y acheter pour en noyer la Serre et donner de l'urticaire à un Saül qui paniquerait du nombre de microbes que j'aurais rapportés dans le processus. Tout ça s'envole majestueusement entre un éclat de rire et un autre. « En quoi elle a merdé, là? » parce qu'évidemment que c'est que pour ça qu'on me parle de Halsey. Pour ça, ou pour me demander où elle est, quand même si on se catégorise comme des amies - la plupart du temps, faut pas charrier - n'en reste que je suis pas non plus la secrétaire de ses venues comme de ses allers.  



@raelyn blackwell

Je ne suis pas faite pour les filatures, si c’était pas déjà une évidence ça le deviendrait, là tout de suite. J’aime trop évolué en pleine lumière, j’aime trop être remarquée et observée pour savoir passer inaperçue. Au moins, quand la rousse se retourne, elle ne peux m’accuser de duplicité. Je ne chercher même pas à nier que je la suis depuis plusieurs mètres déjà, je lui mens pas au visage et pas uniquement parce qu’elle n’a pas l’air commode. Elle a ce visage qui lui donne l’air de constamment faire la gueule, mais je ne suis pas de celle que l’on intimide facilement. Ça me fait marrer au contraire, l’air revêche qu’elle affiche. Ça me confirme que Halsey est tout sauf la gentille fille qu’elle prétend être, j’ai toujours pensé qu’on peut apprendre beaucoup de quelqu’un à s’attarder sur ses fréquentations. « Encore heureux. » Je hausse les épaules, assez indifférente à sa verve. Je lui parle d’Halsey, parce que je compte pas m’excuser, je compte pas m’écraser et la supplier et toute ma stratégie repose sur le fait que ce prénom pique assez son attention pour qu’elle se décide à m’écouter, quelques secondes encore.

Et ça marche, j’ai son attention quelques secondes au moins et elle m’observe avec un peu plus d’attention que lorsqu’elle me prenait pour une désaxée en train de la suivre dans la rue. « En quoi elle a merdé, là? » « C’est une habitude donc ? » Je me demande un instant si j’ai intérêt à lui donner mon identité, à jouer franc jeu ou à dissimuler le lien qui m’unit à la brune. Je cherche la réponse dans les yeux de mon interlocutrice, et je tranche pour la vérité. « C’est ma soeur, je sais pas quoi lui offrir pour son anniversaire alors je me suis dit que t’aurais peut être des idées. » Il pue le sarcasme le ton que j’emploie. J’observe autour de moi, je jette un œil sur le brocanteur qui nous matte, et je me reconcentre sur la brune. « Elle vient de débarquer. Je me méfie d’elle. » Et vu la réaction de la demoiselle en entendant le nom de la brune, je doute qu’elle sera surprise. « Raelyn. » Je fais tout à l’envers, mais ça c’est pas important.


@Ariane Parker

« C’est une habitude donc ? »
« Disons que ça fait partie de ses talents. »

Et ça, ça vient avec le fait de répéter un truc tellement de fois qu'à mes yeux ça en devient un don presque, à un moment. Le simple fait qu'elle me demande par contre c'est drapeau rouge direct, suggérant qu'elle la connaît que de loin et que justement elle gratte pour bien plus creux que juste en surface. Mes bras croisés et mes lèvres scellées doivent la motiver à pas passer mille ans et mille autres à tourner le truc dans sa tête, dès lors qu'elle finit par reprendre la parole. « C’est ma soeur, je sais pas quoi lui offrir pour son anniversaire alors je me suis dit que t’aurais peut être des idées. » alors, c'est elle, la demie-soeur sortie de nulle part avec qui les présentations ont été intéressantes.

Par contre, côté famille explosée elle vient direct de toucher le gros lot en venant vers moi. Entre un père qui s'est tiré et un frère que j'ai à peine vu pendant la période où j'en avais le plus besoin, c'est certain qu'on a des tas de belles histoires à se raconter quand on se fera des nattes et qu'on tentera de trouver la meilleure nuance de vernis pour aller avec nos fringues. Lol. « Elle vient de débarquer. Je me méfie d’elle. » j'hoche de la tête, bien plus pour lui montrer que j'ai entendu que pour quoi que ce soit d'autre. Pas mon problème qu'elle s'en méfie aujourd'hui ou dans quarante ans. L'inverse est sûrement tout aussi vrai.

« Raelyn. » « Ariane. » au moins, elle a le mérite d'être honnête. 10/10, mention d'honneur. « Et tu penses que je vais cafter quoi comme info sur elle pour t'aider à enfin te faire une tête sur Halsey? » autour de nous, les discussions flottent et les gens achètent des tas de babioles qui servent à rien. Oh, d'ailleurs, à ce sujet « Tu savais vraiment que son anniversaire c'était début août ou t'as misé au hasard? » entre ça, et le reste, que je me situe à savoir ce qu'elle sait déjà et ce que j'ai envie de lui dire aussi.

« Disons que ça fait partie de ses talents. »
« Okay jusque là y’a rien que me surprend. »

Et le mot est faible, mon sourire qui dévoile mes dents blanches. N’importe qui trouvera ça étrange de sourire à l’idée que sa sœur se révèle être une sorte d’emmerdeuse de la pire espèce ou en tout cas le genre de fille qui sait se mettre dans ses histoire pas possible. Sauf que je me fous de notre lien de parenté, je souris parce qu’elle confirme mes soupçons en une phrase, j’exulte parce que jai raison. Et avoir raison, aux yeux de quelqu’un comme moi qui pue l’excès d’orgueil et de fierté, c’est une fin en soi, et la plus délicieuse qui plus est. « Ariane. Et tu penses que je vais cafter quoi comme info sur elle pour t'aider à enfin te faire une tête sur Halsey? » Je l’observe à nouveau de bas en haut, pas d’un air supérieur mais plus avec un air de défi au fond de l’œil. Parce qu’elle est pas commode Ariane, parce que ça fait d’emblée d’elle une personne plus intéressante que la moyenne, parce que j’essaie de la jauger pour savoir si c’est qu’une impression. « Je sais pas Ariane. Ce que tu penses d’une fille qui traverse le pays pour retrouver sa famille et qui reste environ vingt seconde auprès d’eux. Ou ce que tu penses d’une fille qui débarque à trente piges en prétendant vouloir rejouer une scène touchante de The parent trap. » Mais qui, plus je creuse, moins m’a l’air d’une sainte. « Tu savais vraiment que son anniversaire c'était début août ou t'as misé au hasard? » Parce qu’elle croit que je suis du genre à laisser quoi que ce soit au hasard. Un sourire un peu carnassier étire mes lèvres. « Je sais qu’on se connaît pas mais m’insulte pas. » Elle a l’air d’une joueuse la rousse, j’ai pas peur de flirter avec la limite de la politesse. « Disons que je saurais si j’avais déterré son acte de naissance. » Ce que j’ai fait, au cas ce soit pas encore clair.

Y'a rien qui la surprend et y'a rien qui m'étonne c'est bon, on est sur la même longueur d'ondes concernant Halsey. C'est quoi la suite, là? On s'échange deux trois potins, on rigole, et on retourne vivre nos vies en arrêtant de faire chier les passants à rester bloquées en plein milieu du chemin de traverse, ou? Comment ça marche ce truc? « Je sais pas Ariane. Ce que tu penses d’une fille qui traverse le pays pour retrouver sa famille et qui reste environ vingt seconde auprès d’eux. Ou ce que tu penses d’une fille qui débarque à trente piges en prétendant vouloir rejouer une scène touchante de The parent trap. » ça marche comme ça, apparemment. « Pourquoi c'est à moi que tu le dis et pas à elle? » clair et simple. Si elles veulent toutes les deux, d'une bien bizarre de manière j'en conviens, renouer ensemble et enterrer le passé pour mieux vivre leur putain de présent, pourquoi je suis au milieu?

« Je sais qu’on se connaît pas mais m’insulte pas. » son sourire en coin m'en occasionne un qui y fait echo. Elle parle mon langage ou du moins, elle le comprend. « Jamais j'oserais. » j'y ajoute un battement de cils rien que pour elle, rien qu'avec une double dose de condescendance comme elle semble si bien en faire elle-même. « Disons que je saurais si j’avais déterré son acte de naissance. » elle sait, bien sûr qu'elle sait. Si elle sait qui je suis dans la vie d'Halsey, alors elle sait à quelle date elle est venue au monde. Évident. « Je lui ai rien acheté encore. Si tu veux qu'on lui prenne un truc en commun. » les derniers mots sont chantés, forcés, exagérément exagérés. Elle comprendra que c'est un okay pour me suivre pour le moment, un okay pour me bombarder quelques questions pendant que je roule des yeux devant des tapis trop chers ou que je soupire devant des lampes qui m'ont fait éternuer quinze fois et quinze autres.

« Elle le montre de la plus chiante des façons, mais elle est loyale. » et ça, c'est important à mes yeux qu'elle sache. La partie chiante bien sûr hen, qu'on croit pas à tort que j'ai un coeur.

« Pourquoi c'est à moi que tu le dis et pas à elle? » Je suis presque déçue là, parce que pendant un instant, j’ai cru qu’elle et moi on se comprenait ou qu’en tout cas on se ressemblait. « Pourquoi lui poser la question à elle alors que je peux fouiner dans sa vie sans son accord ? » Même si je ne m’en méfiais pas je pense que je l’aurais fait au final, parce que c’est bien plus drôle, et parce que je suis persuadée que la plupart des gens mentent même lorsqu’ils sont mis face au fait accompli, alors je préfère me renseigner moi même. « Je préfère tirer mes propres conclusions. Faut un peu voir ça comme une étude anthropologique. » Pas sûre qu’Halsey soit la forme la plus évoluée de l’espèce cela dit, ahum.

« Jamais j'oserais. » C’est bien. Elle rougit pas la rousse, elle garde le eye contact même quand on la houspille un peu, et j’aime ça. Dommage qu’elle soit pote avec Halsey, je suppose que le jour où ça pèterai entre ma soeur et moi les enfants devront faire un choix, comme dans un divorce, alors je préfère pas m’attacher. C’est bien, tu comprends vite. « Je lui ai rien acheté encore. Si tu veux qu'on lui prenne un truc en commun. » Je la regarde jeter un oeil aux échoppes en me demandant si elle a vraiment le moindre intérêt pour un seul de ces trucs. « C’est toi ou elle qu’aime les vieilleries ? Si c’est elle, on peut même joindre l’utile à l’agréable. » Ce qui est dommage, c’est que je risque d’oublier l’anniversaire d’Halsey le jour J, vraiment, trop bête. « Elle le montre de la plus chiante des façons, mais elle est loyale. » Elle est loyale. Je hoche la tête doucement, en suivant la demoiselle à travers les tables. Un peu plus loin se trouve un camion de restauration et, si j’ai pas faim, j’ai encore des manières si bien que je le lui indique d’un geste du menton. « Je t’offre une bière ? » Ou un verre, ou n’importe quoi. C’est ma façon à moi de dire que j’ai pas l’intention de mettre fin à cette petite discussion. « Loyale hein ? » J’ai du mal à y croire vu son statut de double divorcée. « Ses ex maris ils l’ont trouvée loyale du coup ? » Elle doit le savoir, si elle sont assez proche pour qu’elle semble avoir une confiance au moins relative en la brune.

Elle préfère me parler à moi que de parler à sa demie-soeur et dans un monde où les gens doivent aimer bien mieux l'idée de s'entretenir avec Satan qu'avec ma gueule toujours prête à les juger, c'est rafraîchissant. « C’est toi ou elle qu’aime les vieilleries ? Si c’est elle, on peut même joindre l’utile à l’agréable. » « Ni l'une ni l'autre mais ça la fera râler elle qui aime le champagne hors de prix. » la pique vole bien plus pour Halsey qui est même pas foutue d'être là pour l'entendre que pour Raelyn qui y comprendra rien. Un fin et satisfait sourire de merdeuse couronne mes lèvres en repensant à la flûte qu'elle a reçue par la tête ce soir-là, cadeau de mes soins. Rideau.

« Je t’offre une bière ? » hum? « Qui suis-je pour refuser. » du champagne au houblon j'en ai rien à faire, quand je laisse derrière nous des trucs qui ont appartenu à d'autres pendant une vie qui n'est pas la nôtre. Le minuscule menu à boire rédigé sur une ardoise appuyée sur le camion me fait de l'oeil, ma commande se passe et la sienne avec. « Loyale hein ? Ses ex maris ils l’ont trouvée loyale du coup ? » oh, alors elle sait pour les mariages aussi. Intéressant. On aurait fait des demoiselles d'honneur incroyables Raelyn et moi - si Halsey avait jugé bon de nous inviter, quelle ingrate. « J'ai dit loyale pas fûtée. Sa faute si elle choisit des merdeux et qu'elle le réalise trop tard dans le processus. » j'hausse de l'épaule, bien moins encline à lui faire part de mes doutes concernant les dites raisons des supposés divorces. À moins qu'elle en ait elle-même et qu'elle soit encline à partager? Une info contre une autre, ça me paraît équitable.

« De quoi t'aurais besoin pour penser pouvoir un jour avoir confiance en elle? » la question arrive lorsqu'on me sert ma bière et que mon regard passe de mon verre à mes lèvres vers ses prunelles à elle. Parce qu'elle m'a l'air efficace la blonde, elle semble pas du genre à vouloir perdre son temps avant de prendre sa décision finale.

« Ni l'une ni l'autre mais ça la fera râler elle qui aime le champagne hors de prix. » Elle a l’air d’aimer ce qui est hors de prix la brune de toute façon, que ce soit d’un point de vue vestimentaire ou immobilier, mais c’est clairement pas moi qui la comblerai de cadeaux hors de prix pour ses beaux yeux. « Ouais, je crois que je vais partir sur un collier de pâtes, notre relation en est pas encore tout à fait là. » Je lui adresse un grand sourire du genre pas du tout forcé avant d’abandonner les vieillerie des yeux. Je doute pouvoir joindre l’utile à l’agréable aujourd’hui, je ne suis pas une adepte de l’ancien ou de la décoration de façon plus générale : le vide de mon appartement témoigne de mon goût pour le minimaliste, façon de compenser après avoir grandi dans une maison bien trop petite pour toutes les merdes entassées par ma mère. Oh tiens, une paire de boucles d’oreilles vintage.

« Qui suis-je pour refuser. » Ça ça me parle plus que les tapis bariolés et les vase peint à l’encre de Chine. Ça c’est le stand que je maîtrise mieux et j’y entraine la rousse, satisfaite d’avoir son attention pour quelques minutes. « J'ai dit loyale pas fûtée. Sa faute si elle choisit des merdeux et qu'elle le réalise trop tard dans le processus. » J’imagine mal ma nouvelle demie sœur comme une cendrillon perpétuellement à la recherche de l’amour et du romantisme, prête à se faire passer la bague au doigt par le premier homme qui lui promettra monts et merveilles. « C’est marrant, je la voyais pas comme une amoureuse de l’amour. » C’est une constatation, y’a pas besoin d’être profiler pour se rendre compte qu’Halsey a pas particulièrement l’air d’une fille sensible et fleur bleue.

Je paye les bières et je tends la sienne à la rousse, avant de porter la mienne à mes lèvres et de l’entraîner à nouveau à travers les stands, puisque ça a l’air d’être son truc. « De quoi t'aurais besoin pour penser pouvoir un jour avoir confiance en elle? » Je réfléchis un instant avant de continuer sur le même mode de fonctionnement : la franchise. Ça a l’air d’être ce qui fonctionne le mieux avec mon interlocutrice. « Je cherche pas à avoir confiance en elle. Je cherche à prouver que j’ai raison de m’en méfier. » Pensive, je bois de nouveaux quelques gorgées. « Elle a pas l’air plus famille que moi de toute façon. » Quant à ce qu’elle peut me confier d’intéressant, je choisis de commencer par le début. « Tu la connais depuis quand Halsey ? »


@Ariane Parker

Raelyn a un truc qui me donne envie de gratter, presque autant qu'Halsey me fait le même effet. Ça, ça doit être foutument de famille. « C’est marrant, je la voyais pas comme une amoureuse de l’amour. » « Moi non plus, t'sais. » au moins on s'entend là-dessus. C'est la plus grande blague de l'année que de tagger la brune avec un bel étendard prônant le romantisme puant le cliché, pourtant c'est ce qu'elle clame haut et fort quand elle me parle de ses mariages. La fourbe.  

« Je cherche pas à avoir confiance en elle. Je cherche à prouver que j’ai raison de m’en méfier. » une gorgée de bière pour elle, et une pour moi. « Tu veux gagner. » et pour ça, je pourrais pas la blâmer. C'est un jeu au final, c'est un combat, c'est presque de bonne guerre. « Elle a pas l’air plus famille que moi de toute façon. » « Vous partez quand même avec quelques Noël en famille en moins. » que j'ironise. Un jeu ouais, sauf que le prix l'intéressera pas si elle bousille tout au passage. Elle se ferait pas chier à me poser tant de questions si elle y tenait, pas un peu, à sa demie-soeur.

Les passants m'énervent quand ils stagnent autour de nous autant qu'ils m'enragent quand ils avancent trop vite et nous foncent dedans. Impolis. « Tu la connais depuis quand Halsey ? » « Cinq, six ans? » je réfléchis à voix haute, incertaine. C'est pas facile de mettre une durée sur le truc autant on peut être habituées de passer notre vie ensemble que de pas se parler pendant des mois durant. « On s'est perdues de vue à cause de Perth. » notre amitié n'est pas la plus bancale.

Une seconde passe, une poignée d'autres après. « Elle est revenue dans ma vie autant qu'elle est arrivée dans la tienne. » ça justifie absolument pas sa méfiance ni la mienne, ça relativise surtout. « Tu savais vraiment pas alors, qu'elle existait? Genre, y'a rien ni personne qui t'a mis la puce à l'oreille avant? »

« Moi non plus, t'sais. » Je sais pas si Ariane ne sait juste rien de plus que moi ou si elle chercher à protéger Halsey de ma curiosité, mais j’ai le sentiment que je ne tirerai plus rien de la jeune femme concernant les différentes noces de ma demie soeur. Soit, il doit bien y avoir d’autres choses à déterrer. « Tu veux gagner. » J’esquisse un sourire en coin. « On parle la même langue donc... » Et ça me surprend pas, j’en attendais pas moins d’elle.

« Vous partez quand même avec quelques Noël en famille en moins. » Je hausse les épaules distraitement. « Ca te surprends vraiment si je te dis que ça m’empêche pas de dormir la nuit ? » Parce que ça ne surprendrait personne dans mon entourage proche. On l’est pas la rousse et moi, proches, mais je ne suis pas compliquée à cerner sur certains aspects que je veux limpides. « Cinq, six ans ? On s'est perdues de vue à cause de Perth. » Je fronce les sourcils là par contre. « Elle a pas toujours vécu à Perth ? Ou c’est toi qui en est partie ? » Je ne m’intéresse pas aux trajets d’Halsey par curiosité là par contre, je veux déterrer le moindre secret honteux qu’il me soit donné de trouver.

« Elle est revenue dans ma vie autant qu'elle est arrivée dans la tienne. » « Désolée. » Parce que ça a quand même l’air d’être une sacrée épine dans le pied la brune. « C’est quel genre de pote ? Le genre tough love ? » J’ai du mal à les imaginer se tresser les cheveux en rattrapant le temps perdu devant top chef en tout cas, que ce soit pour Ariane ou pour l'intrigante qui me sert de demie soeur. « Tu savais vraiment pas alors, qu'elle existait? Genre, y'a rien ni personne qui t'a mis la puce à l'oreille avant? » Je secoue la tête avant de la pencher pour boire une gorgée dans mon verre de bière. Elle en boit une aussi, aucun souci de descente chez la demoiselle. « Négatif. Notre père s’est barré et a plus jamais donné de nouvelles. » Partager mes traumatismes de l’enfance m’intéresse pas, mais ça c’est tout sauf un traumatisme, ça me secoue autant que si je lui décrivais le contenu de mon frigo. « Et j’en ai pas cherché à en savoir plus non plus. »


@Ariane Parker

« Elle a pas toujours vécu à Perth ? Ou c’est toi qui en est partie ? »
« Sur ce coup-là c'est à cause de moi qu'on s'est perdues de vue. »

Je prends le blâme qui me reviens, parce que malgré tout ce qu'elle peut faire de merdeux Halsey, là, c'est moi qui a chié la chose. Ça aurait facilement pu être nos meilleures années si j'avais pas juste été de passage ; mais on le saura jamais. Si de ce temps-là on avait le potentiel de devenir aussi proches à un moment que de finir par s'entretuer le suivant.

D'ailleurs, en parlant de notre dynamique, Raelyn marque quelques points de course. « C’est quel genre de pote ? Le genre tough love ? » bingo. « Le genre que je déteste à en crever aujourd'hui mais pour qui demain je serais prête à tuer pour la protéger. Ce genre de conneries. » après, qu'elle s'en vante pas Halsey. Je serais prête à tuer n'importe qui me pique ma place au cinéma. Tout est relatif.

Ce qui l'est un peu moins, c'est le fait qu'elles n'ont jamais eu de contact l'une avec l'autre il y avait encore quelques semaines à peine. « Négatif. Notre père s’est barré et a plus jamais donné de nouvelles. » père de merde, j'en connais un rayon. Ceux qui se barrent sont tout en haut de mon Death note. « Et j’en ai pas cherché à en savoir plus non plus. » bah en même temps, c'est normal. Tu gratteras pas un passé qui ne s'est jamais manifesté auparavant, et pour ça je pense comme elle, on est pas connes non plus. Ma bière descend doucement comme la sienne. « Je sais pas depuis combien de temps elle savait que tu existais. » que je commence, pensive, essayant d'apporter mon grain de sel à leur histoire comme si ça allait changer quoi que ce soit ce que je peux dire sur le fait qu'elles aient été séparées ou non à cause d'un paternel merdique. « Mais je pense pas qu'elle a dû laisser passer beaucoup de temps avant de te contacter. » parce qu'elle est efficace Halsey, parce qu'elle laisse pas les choses traîner. Et ça c'est une foutue belle qualité.

« Sur ce coup-là c'est à cause de moi qu'on s'est perdues de vue. » Je hoche la tête, je fais semblant d’être pensive même si la vérité c’est que je me moque bien de comment elles se sont perdues de vue. C’est pas leur amitié qui m’intéresse, pas plus que de savoir si elles ont des matching tattoo, alors si la raison de leur brouille ne me dévoile aucun vilain secret sur ma demie soeur, elle a rien à me confesser la rousse. Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’envoyer une pique quand elle tend une perche, sinon je ne serais pas moi. « Pourquoi, t’as piqué son mec ? » Si c’est le cas, elle mérite une médaille.

« Le genre que je déteste à en crever aujourd'hui mais pour qui demain je serais prête à tuer pour la protéger. Ce genre de conneries. » « Tout ce qui m’intéresse c’est si aujourd’hui tu la déteste à crever. Le reste ça a pas d’importance. » Parce qu’elle a l’air impulsive Ariane, le genre qui va dans des extrêmes quand elle a l’impression d’avoir été bafouée. Je peux utiliser ça, Raelyn, ange de la discorde. « T’es dans quel jour aujourd’hui ? » Que je sache si je pars pour revenir plus tard ou si je reste.

« Je sais pas depuis combien de temps elle savait que tu existais. » Je ne sais quoi faire de cette information, parce que la vérité c’est que je n’y avais jamais pensé. Est-il possible qu’Halsey ait préparé tout un plan d’approche élaboré avant de venir, pour arriver à je ne sais quelles fins ? Peu probable, pas impossible cependant. « Comment ça, elle t’as pas appelée pour s’annoncer ? » Moi j’aurais préféré, ça m’aurait évité de tomber des nues. « Mais je pense pas qu'elle a dû laisser passer beaucoup de temps avant de te contacter. » « Le souci c’est qu’elle m’a pas contactée. » Enfin si, mais trop tard, après s’être largement immiscée dans ma vie privée, et je déteste ça. « C’est qu’elle m’a trouvée je ne sais comment... » Je ne suis pas facile à trouver. « Qu’elle s’est pointée sur mon lieu de travail pour interroger tout le monde, qu’elle a zoné en bas de mon immeuble et filé mon mec avec une casquette. » Pas le type d’attitude de quelqu’un d’honnête. « C’est plus ça mon souci. Et son pote détective, tu le connais ? » Enfin, s’il est réellement détective, parce que je suis à peu près certaine qu’il ne s’appelle pas Ben Brosnans.



@Ariane Parker

« Pourquoi, t’as piqué son mec ? » la question me fait éclater d'un rire fort et franc ; elle est cool, sa demie-soeur. Je vois pas pourquoi Halsey en faisait tout un plat. « L'inverse, je lui ai laissé les miettes d'un de mes anciens. » on salue Clyde que j'ai chopé avant elle, du moins dans ma tête c'est ainsi que les comptes sont faits et ils le sont particulièrement bien. « T’es dans quel jour aujourd’hui ? » hum, la question est bonne, je suis pas du genre à me demander juste du genre à l'adorer ou à la maudire, au choix du chef. « Dans un jour où je lui arracherais qu'un seul oeil. » ce qui veut dire neutre. Pour le moment.

La fibre sentimentale ne prend pas plus avec elle qu'avec moi. On se maintient.

« Comment ça, elle t’as pas appelée pour s’annoncer ? »
« On est plutôt du genre à se faire la surprise. »
« Le souci c’est qu’elle m’a pas contactée. »
« Voilà, là je la reconnais. »

Faut pas s'attendre à un signal d'avance ni à une prise de contact à tâtons : Halsey elle arrive et elle décide quand elle est là, quand elle n'est plus. Faut apprendre à faire avec, et apparemment Rae s'y initie au passage et à la dure. « C’est qu’elle m’a trouvée je ne sais comment... » elle est si bonne pour ça, en plus. Autant que pour cacher des tas de trucs sur elle, elle doit adorer en savoir le plus possible sur tout le monde. On salut d'ailleurs sa grande gueule qui s'est étalée sur Levi, la dernière fois. Ah tiens, je veux lui en arracher deux yeux maintenant. On évolue. « Qu’elle s’est pointée sur mon lieu de travail pour interroger tout le monde, qu’elle a zoné en bas de mon immeuble et filé mon mec avec une casquette. » un rire de plus, elle aimera pas la suite mais moi je l'adore déjà. « C'est de famille alors, de filer les autres et de se faire prendre si facilement. » ça avait pris que cinq minutes avant que je la repère elle, ça a pas dû en prendre bien plus pour pour qu'elle remarque Halsey à ce moment-là.

« C’est plus ça mon souci. Et son pote détective, tu le connais ? » oh, là, ça m'intéresse par exemple. « Il a l'air de quoi? Le détective? » parce que soyons honnête, si elle traîne avec quelqu'un à Brisbane j'ai définitivement plus de chance de savoir de qui elle, elle parle, que si ça date de Perth.

« L'inverse, je lui ai laissé les miettes d'un de mes anciens. » J’esquisse un sourire. Je sais que je suis pas censée me repaître de la douleur et des déconvenues de ma demie soeur au profit d’une inconnue, mais ça me plait l’idée. « Je la voyais pas du genre miette non plus. J’ai bien fait de te suivre. » Parce que ça c’est une piste, elle est maigre, mais elle m’amuse. « Dans un jour où je lui arracherais qu'un seul oeil. » Un oeil, c’est mieux que rien. Un oeil, je peux composer avec ça.  « Comment je peux te donner envie de lui crever les deux puis de la pousser dans le fleuve ? » Ce n’est pas réellement ce qui est prévu, pas de mon côté, mais l’idée est là.

« On est plutôt du genre à se faire la surprise. »
« C’est plus une surprise à ce stade, c’est du crise cardiaque material. »
« Voilà, là je la reconnais. »

Bon, j’ai pas appris grand chose de tangible, en tout cas elle a complètement balayé l’idée que la brune puisse être une fille modèle, comme elle a bien voulu me le faire croire lors de notre première rencontre. J’ai jamais cru à ce rôle d'identité perdue qu’elle tentait de retrouver en s’ouvrant à cette famille dont elle ignorait l’existence, maintenant j’y crois encore moins. Je tire une cigarette de la poche de ma veste en cuir, je la coince entre mes doigts avant de tendre le paquet à la rousse. « Sers toi si tu veux. »

« C'est de famille alors, de filer les autres et de se faire prendre si facilement. » Le paquet rangé je tire sur ma clope en l’observant, un air amusé au fond de mes yeux verts. Je souris même d’un sourire franc en expirant ma fumée. « Je préfère qu’on me voit, c’est du gâchis sinon. » Modestie vous avez dit ? « Le but c’était de discuter, pas de savoir quelle était ta boutique préférée et où t’achète ton pain. » Autrement dit, j’espérais que tu me vois. J’ignore comme m’y prendre comment passer inaperçue de toute façon, rien de bien surprenant après une vie à tout faire pour l’éviter. « Il a l'air de quoi? Le détective ? »  « Il a l’air du gosse d’un mannequin Abercrombie et d’un mannequin Harley Davidson. Blond, une petite trentaine, environ un mètre quatre vingt cinq. »



@Ariane Parker