« C’est plus une surprise à ce stade, c’est du crise cardiaque material. » les bières se terminent en un éclat de rire et un autre, bref, vindicatif, mais complice. Aux pintes vides s'ajoute son paquet de clopes bien plein. « Sers toi si tu veux. » « Quelle grande âme tu fais. » une cigarette plus tard, la politesse chez les Parker m'a appris à lui tendre mon briquet, et à même aller jusqu'à allumer la sienne avant la mienne - quelles grandes âmes, nous faisons, donc.

C'est qu'elle est une bonne surprise, la soeur de l'autre, même si elle m'a suivie. « Je préfère qu’on me voit, c’est du gâchis sinon. » elle sourit, elle n'en finit plus de sourire et ça, c'est tout à son honneur. En voilà une bonne chose je pense alors, que j'ai pas suivi ma première intention de lui éclater la dentition sur le bitume parce qu'elle s'était trop approchée de moi à mon goût. Pour une fois que mes intuitions étaient mauvaises, autant le célébrer. « Le but c’était de discuter, pas de savoir quelle était ta boutique préférée et où t’achète ton pain. » « But atteint, alors. » aussi simple, aussi net.

Et le détective, donc. « Il a l’air du gosse d’un mannequin Abercrombie et d’un mannequin Harley Davidson. Blond, une petite trentaine, environ un mètre quatre vingt cinq. » j'éclate de rire à nouveau, calant une longue bouffée de nicotine tout juste après. C'est qu'elle est belle la vie. « C'est Clyde ça. Mes miettes.  » la précision est importante, elle l'est encore plus quand elle arrive parfaitement à mettre le doigt sur le descriptif le plus exact du pauvre gars collé aux baskets d'Halsey ces derniers temps. « Dans ma tête il avait juste une belle gueule et il faisait de la boxe. » c'est presque déçue que je hausse de l'épaule. Donner des bribes par ci par là au sujet de Clyde me fait bien moins chier que de le faire au sujet de l'autre Blackwell dans l'histoire. La loyauté est une bien drôle de connerie. « Tu penses qu'il enquête sur quoi du coup? » qu'elle insiste sur le côté détective de la chose a piqué ma curiosité, on s'en étonne pas.

« Quelle grande âme tu fais. » C’est tout moi ça. C’est généralement le qualificatif le plus utilisé me concernant, que j’ai une grande âme. C’est un peu comme si une bonne fée s’était penchée sur mon berceau en décidant de tout me donner pour rien laisser aux autres finalement, sauf à Ariane puisque, pour une raison que j’ignore, elle semble faire partie des rares représentantes de la gente féminine que je suis capable de supporter. La vie est faite de surprise, au fond. Je la supporte au point de lui offrir une clope, qu’elle allume, bon point, je la supporte même au point de rire sans que ce soit faux et forcé. C’est dommage finalement qu’elle fasse partie de l’entourage proche de ma soeur, parce que j’ai la parole facile avec elle, et que c’était pas arrivé depuis des années avec une autre femme. « But atteint, alors. » « Hum ? Ouais ? » Je fais comme si je l’écoutais à peine, je jette même un oeil à des bijoux que j’offrirais même pas à Halsey, à côté d’un pot en cuivre qui aurait tout sauf sa place dans mon appartement aux standards minimaliste. Sauf que j’en perds pas une miette, des infos qu’elle peut potentiellement m’apporter.

« C'est Clyde ça. Mes miettes. » Une miette donc. Une qu’elle est capable de reconnaître en une description si succincte, et ça me pousse surtout à penser qu’elle doit pas en avoir tant que ça des proches ma demie soeur. « Je savais qu’il y avait un truc entre eux. Il avait l’air de tenir à la protéger. » Je lui ai fait miroiter la possibilité de mettre de l’argent sur la table pour la doubler, il n’a pas saisi, ça m’a suffit pour en tirer des conclusions. « Et suffit de parler trente secondes à Halsey pour savoir que c’est une drôle d’idée. » D’une part parce qu’elle a l’air d’être une dure à cuire, ça me fait chier de l’admettre, mais aussi parce qu’elle est tout sauf ce que je décrirais comme charmante et sympathique. « Abercrombie, tes miettes donc... » Je reste pensive, comme si j’allais me foutre de sa gueule. « Mouais, faut aimer les blonds. » Je feins une grimace dégoûtée.

« Dans ma tête il avait juste une belle gueule et il faisait de la boxe. » « Je te rassure, je suis à quatre vingt pour cent persuadée qu’il est pas plus détective que moi Mère Teresa. »
« Tu penses qu'il enquête sur quoi du coup ? »
« Moi. » Là dessus j’ai pas besoin d’hésiter trois secondes. Je tire une latte supplémentaire, l’air pensive, réfléchissant à tout ce que ça peut impliquer.
« Et ça me fait chier.  »



@Ariane Parker

L'air sent bon la fumée, le tabac grillé. Saül va rager que je rentre à la Serre en puant la clope, j'en jubile déjà en prenant une nouvelle bouffée un peu plus longue que la précédente. « Je savais qu’il y avait un truc entre eux. Il avait l’air de tenir à la protéger. » alors elle lui a parlé à lui aussi, et elle reste sur la même impression que moi. Halsey a un truc pour Clyde et Clyde un truc pour Halsey. Qu'ils arrêtent de faire chier le monde entier qui sait plutôt qu'eux et qu'ils se l'affirment. Ils ont quoi, cinq ans? « Le pire tu sais, c'est qu'elle a besoin de personne pour se protéger Halsey. Elle fait le boulot toute seule. » qu'il essaie, pour voir à quel point elle est meilleure que lui.

« Et suffit de parler trente secondes à Halsey pour savoir que c’est une drôle d’idée. » un sourire fin vient se dessiner sur mes lèvres, un peu en écho au sien. Les kiosques tout autour ont depuis longtemps perdu mon intérêt alors que mes pas suivent ceux de Rae par-delà les allées. « Abercrombie, tes miettes donc... » faut lui donner ce qu'il a. Il est pas l'homme de ma vie autant que je suis pas son âme soeur mais il a été divertissant. « Mouais, faut aimer les blonds. » « Il a d'autres qualités qui sauvent le truc. » et à l'époque, faut dire que sa couleur de cheveux j'en avais absolument rien à foutre.

Qu'elle le décrive comme un détective me fait rire. « Je te rassure, je suis à quatre vingt pour cent persuadée qu’il est pas plus détective que moi Mère Teresa. » « J'pense qu'il écrit. » j'avais vu ça et là des notes de bas de pages prises sur des serviettes de papier, des rappels vocaux qu'il prenait sur son téléphone à divers moments. Ça a tout d'un profil d'écrivain ou de journaliste, ça. Faut dire que j'ai l'oeil quand j'en suis une moi aussi. Mais avec Clyde, on parlait très rarement de ce qui se passait avant, et après nos rendez-vous.

Il enquête sur quoi?
« Moi. » oh.
« Et ça me fait chier.  » « Y'a de quoi. » à sa place, je serais furieuse. À sa place aussi, je lui aurais arraché la gorge et j'aurais brûlé tout ce qui peut bien faire office de notes sur moi, d'ailleurs. « Tu crois qu'elle enquête avec lui? » ça serait bien le comble. Pourtant, la question glisse aussi bien sur mes lèvres que la bouffée de cigarette qui la suit la seconde d'après.

Oh, et sinon. « Je te demanderai pas ce que tu veux leur cacher. J'en ai rien à battre. »

« Le pire tu sais, c'est qu'elle a besoin de personne pour se protéger Halsey. Elle fait le boulot toute seule. » Je la crois sur parole. Elle m’a semblée féroce Halsey, en fait, elle m’a semblé avoir beaucoup de qualités qui font que dans un autre contexte et avec une autre approche, j’aurais pu l’apprécier Halsey, qui font qu’elle aussi elle aurait pu rejoindre le cercle fermé des femmes que je tolère voire que j’apprécie. « Il a d'autres qualités qui sauvent le truc. » Je lève un sourcil, avant de trancher le sujet d’un « Si tu le dis » l’air de ne pas y toucher. Pourtant j’étais bel et bien en train de me foutre de sa gueule et je m’interroge sur le genre d’amitié malsaine qu’elle peut partager avec ma demie soeur si elle tourne autour du même homme quand moi, de moi côté, j’aurais déjà lacéré, noyé, dépecée ou scalpé la moindre femme tournant autour d’Amos. « Surprenant que tu lui en aies laissé l’occasion en tout cas. » Elle a plutôt l’air du genre rancunière, elle a plutôt l’air de pas laisser passer ce genre de chose.

« J'pense qu'il écrit. » Si on parle d’autre chose que d’écrire des lettres à sa grand mère pour prendre des nouvelles et parce qu’elle ignore comment on envoie un mail, ça m’arrange pas plus. « Un journaliste ? » Je ne ne laisse pas paraître, mais ça me fait chier, peut-être plus qu’un détective. Le détective au moins possède comme maître mot la discrétion, un journaliste ça fait du bruit.

« Y'a de quoi. Tu crois qu'elle enquête avec lui ? »
« Je pense qu’il enquête pour elle. » Il a dit m’avoir retrouvé pour la demoiselle, sur ce point là je la crois. Ce sont ses motivations à elle sur lesquelles je m’interroge, en tout cas, elles seules me préoccupaient vraiment avant d’apprendre que Clyde s’appelait Clyde et qu’il écrit, d’après mon interlocutrice. « Et pas pour trouver le cadeau idéal pour mon anniversaire. » J’esquisse un sourire, mais il est préoccupé celui là. « Je te demanderai pas ce que tu veux leur cacher. J'en ai rien à battre. » Je tourne la tête dans sa direction, la cigarette accrochée au lèvres, avant de l’attraper mon expirer l’air de mes poumons et la garder coincée entre mes doigts. « Tu me demanderas pas parce que tu sais que je répondrais pas. » Mon ton est amusé, mais ferme, là dessus on est toutes les deux lucides. « Ce Clyde, je peux le trouver où ? »



@Ariane Parker

« Un journaliste ? »
« J'espère pour lui, parce que s'il est détective il vient de se faire aussi facilement griller que vous deux. »

Il a la gueule pour être journaliste en plus. Le charme qui va avec, il est certainement impitoyable en entrevue. Il doit gratter le con, il doit être si bon pour trouver exactement l'angle où on veut pas aller et s'assurer de se faufiler entre les craques le sourire aux lèvres et le regard pétillant. Mais je serais prête à parier que Rae veut pas perdre la moindre seconde à imaginer le comment, elle qui a tout à gagner à savoir le pourquoi. « Je pense qu’il enquête pour elle. » ça ferait du sens. Oh wait, c'est une vedette la soeur de Halsey, ou? « Et pas pour trouver le cadeau idéal pour mon anniversaire. » la remarque me fait rire, quand elle ravale un sourire tout sauf certain. « Quelle opportunité manquée. » leurs têtes sur des piquets, c'est ce qu'elle voudrait pour souligner le jour de sa naissance. Je serais prête à parier.

« Tu me demanderas pas parce que tu sais que je répondrais pas. »
« Mon temps est aussi précieux que le tien. »

Une clope et une bière partagées entre deux inconnus aux visages que j'ai déjà oubliés, ça me semble être un bon moyen de m'occuper pour l'instant. Qu'elle le prenne comme un compliment. « Ce Clyde, je peux le trouver où ? » ouh, intéressant. « Je te dirai pas quoi faire, mais un peu quand même. » mon sourcil se hausse au moment où des revendeurs de babioles à poussière dont j'ai rien à foutre passent entre nous, nous bousculent pour mieux se tirer sous un regard noir et une insulte grognée. « Laisse-le venir à toi plutôt que de le chercher. » la cendre tombe au sol, j'inspire une énième bouffée. « Ils te diront jamais qu'ils enquêtent sur toi ni ce qu'ils veulent savoir. » ça, c'est l'évidence, même s'ils sont les deux oiseaux les moins subtils de la planète n'en reste qu'ils s'afficheront pas là-dessus si au moins l'une des deux parties du duo veut gagner la confiance de la blonde. « Et pendant ce temps-là, t'accumules tout ce que tu peux sur lui. T'es toujours mieux avec un coup d'avance. » qu'elle attende de voir leur prochain jeu, elle qui a déjà toutes les cartes en main.

« J'espère pour lui, parce que s'il détective il vient de se faire aussi facilement griller que vous deux. » « T’as pas vu la gueule du bureau qu’il a essayé de faire passer pour le sien. » J’ai senti l’odeur désagréable de la tentative d'esbroufe à l’instant même où j’ai passé la porte de l’exigu local. C’était trop impersonnel, trop petit et trop mal placé pour ne pas être une location de dernière minute ou un endroit où il se contente généralement de stocker des trucs. Quoi, c’est une autre question. « Quelle opportunité manquée. » Je suis pas très anniversaire, de toute façon. « Il écrit sur quel genre de sujets ? Tu sais ? » Elle a dit qu’elle le pensait écrivain, pas qu’elle savait mais je tente tout de même le coup.

« Mon temps est aussi précieux que le tien. »
« C’est pas intéressant de toute façon. »

Je suis sûre que si, ça l’intéresserait. Elle a l’air d’aimer ce qui est dangereux la rousse et de pas avoir froid aux yeux non plus. Sauf que même si pour une raison que j’ignore on semble s’entendre bien mieux que ce que je m’entends avec quatre vingt quinze pourcent de la population féminine, j’ai pas l’intention de lui faire un exposé. « Je te dirai pas quoi faire, mais un peu quand même. » Je fronce un sourcil, je la regarde se faire bousculer par un exposant et je la regarde pester. Elle est sanguine, ce qui je ne suis pas et si je ne sais pas quoi faire de l’information, je la range dans un coin de ma tête. « Laisse-le venir à toi plutôt que de le chercher. Ils te diront jamais qu'ils enquêtent sur toi ni même ce qu'ils veulent savoir. » Un sourire se dessine à la commissure de mes lèvres. Elle veut pas balancer, c’est tout à son honneur, et elle présente ça comme si c’était dans mon intérêt. Elle est forte Ariane, ce genre de manipulation ça doit marcher la plupart du temps et je ne m’offusque même pas qu’elle esquive ma question de la sorte. « Et pendant ce temps-là, t'accumules tout ce que tu peux sur lui. T'es toujours mieux avec un coup d'avance. » « C’est ce que je fais là, accumuler les infos. Halsey pense que je suis prête à faire un effort pour qu’on apprendre à se connaître. On en est pas à se tresser les cheveux devant des films US, mais on est en bonne voix. » Je l’observe en faisant tourner le goulot de ma bouteille entre mes doigts. « Jolie façon de dire que tu me diras rien. » Que je constate sans la lâcher du regard, d’un ton amusé et ma clope qui se consume au bout de mes doigts. « Et ça va me couter quoi pour que tu lui dises rien à elle ? » Parce qu’évidemment, pour que mon plan fonctionne, il ne faut pas qu’Halsey sache que je continue à creuser.



@Ariane Parker

Son bureau que j'ai jamais vu parce que mis à part ses draps ou sa tête sur un ring de boxe, j'ai pas accordé tant d'importance à l'autre vie de Clyde, aux à-côtés qui la peuplent. Eux étant désormais rangés sous la bannière d'Halsey de toute façon. « Il écrit sur quel genre de sujets ? Tu sais ? » « Il fait pas du people ni de la culture. Sport serait du gâchis ; sûrement en politique, ou en économie. » que je cogite à voix haute. Il fait pas dans le superficiel et il a des opinions bien tranchées. Ça fait sens mais c'est assuré qu'à la seconde où je le recroise je gratte cette info-là en plus du reste. « Tu fais la course à la mairie? » s'il écrit sur elle, donc, la question remonte entre un rire et un autre. Je l'imagine absolument pas avoir un intérêt pour ce genre de boulot-là, quoi qu'elle serait le genre de leader que je verrais bien diriger le coin. Ses chevilles exploseraient si elle savait.

Alors non, je parlerai pas - loyale d'un côté, opportuniste de l'autre. « C’est ce que je fais là, accumuler les infos. Halsey pense que je suis prête à faire un effort pour qu’on apprendre à se connaître. On en est pas à se tresser les cheveux devant des films US, mais on est en bonne voix. » tant mieux alors. J'aurai pas à sortir les griffes en bout de chemin, et ça me ferait chier. Elle est cool Rae. « Jolie façon de dire que tu me diras rien. » un battement de paupières aussi condescendant qu'amusé suit ; j'aime quand les gens comprennent sans que j'ai besoin de sortir des dizaines de justifications à base de soupirs et de roulements d'yeux. « Et ça va me couter quoi pour que tu lui dises rien à elle ? » « Si elle me pose des questions je lui mentirai pas. » je finis par répondre, catégorique. Je mens pas, je déteste qu'on me mente, je tuerais qui que ce soit serait effronté au point de penser que je suis trop conne pour endurer la vérité. « Mais si elle dit rien je dis rien non plus. » et en soit, elle a absolument aucune raison de savoir que Raelyn et moi on s'est rencontrées, ni même qu'on a parlé d'elle. Puis d'office, on a juste discuté. Rien de plus.

« Il fait pas du people ni de la culture. Sport serait du gâchis ; sûrement en politique, ou en économie. » J’ai du mal à voir ce que je fais là dedans à moins qu’il soit plus du genre journaliste d’investigation cherchant à dévoiler les dessous de la pègre. Contrairement à Mitchell je ne suis pas une figure publique, et je n’ai absolument aucune envie de le devenir. Si j’aime évoluer en pleine lumière lorsqu’il s’agit de mon image, mon nom a déjà trop été associé au Club en 2015 lorsqu’il j’ai été interrogée et que mon appartement a été perquisitionné. J’ignore s’il le sait, mais j’aime l’idée d’être la femme de l’ombre du gang. « Tu fais la course à la mairie ? » « Tu me vois faire la course à la mairie ? » Étrangement, je suis bien trop honnête pour ce genre de boulot. Du reste, il me manque par contre pas mal d’honnêteté. « Quelque chose comme ça, ouais. » Autrement dit pas du tout mais j’ai absolument pas l’intention de répondre à cette question.

Il écrit. Il écrit et je me demande si ça a le moindre rapport avec leur arrivée dans ma vie ou si, au contraire, ça n’en a aucun. Elle ne parle pas d’Halsey, elle ne parle pas plus de Clyde, son honnêteté est une qualité mais son intégrité est un sacré frein à mes investigations, j’aurais préféré qu’elle soit moins frileuse. Cela n’a cependant rien de surprenant : elle ne me connaît pas et au delà du fait que le courant semble bien passer, elle n’a aucune raison de trahir son amie pour mes beaux yeux. Dommage que la brune lui ait pas fait un coup de travers récemment.

« Si elle me pose des questions je lui mentirai pas. » Je grimace, parce que ça ça me plait pas comme réponse.
« C’est tout à ton honneur. »
« Mais si elle dit rien je dis rien non plus. »
« Pourquoi elle dirait quelque chose, elle t’a parlé de moi ? »

Quand je me suis présentée, la jeune femme n’a pas eu l’air surprise. Quel niveau de détail ma demie soeur lui avait-elle donné ? Frustrée de ne rien obtenir mais têtue, je choisis un nouvel angle d’attaque. « Elle a acheté un appartement à Spring Hill. » Je pars du principe qu’on connait toutes les deux le cours de l’immobilier à Brisbane et qu’elle sait que les lofts dans mon quartiers sont hors de prix. « Il vient d’où son argent ? J’ai du mal à croire qu’on puisse s’habiller comme elle s’habiller et faire ce genre d’investissement en étant gratte papier. » Assistante juridique, c’est presque pareil.



@Ariane Parker

« C’est tout à ton honneur. » et la voilà qui rage entre deux sourires suffisants, entre deux soupirs presqu'absents. Bien sûr qu'elle grogne, j'aurais fait la même à sa place et je ne m'en cache pas une seule seconde. Le truc par contre, c'est que maintenant elle aussi a droit à ma loyauté, à ma façon soit-dit en passant. Ce qui se dit ici sortira pas d'ici, tout comme ce que m'a dit Halsey à son sujet.

« Pourquoi elle dirait quelque chose, elle t’a parlé de moi ? »
« Elle m'a dit que vous êtes allées prendre un verre. »

Et si des trucs sortent, comme cette info-là, c'est parce que c'était clairement calculé et sans la moindre tendance d'étonner qui que ce soit. Évidemment qu'elle m'a dit qu'elles s'étaient rencontrées, qu'elles avaient pris un verre et que de là, tout le reste en avait découlé. « Elle a acheté un appartement à Spring Hill. » la manière dont elle le dit haut et fort est totalement en accord avec ce que j'ai bien pu penser quand Halsey l'a mentionné. « Il vient d’où son argent ? J’ai du mal à croire qu’on puisse s’habiller comme elle s’habiller et faire ce genre d’investissement en étant gratte papier. » c'est trop beau pour être vrai et pourtant on a l'air de deux adolescentes rageuses au lycée, incapables de célébrer les succès d'une des leurs. À notre place, la brune ragerait tout autant, je suis prête à parier.

« J'aurais envie de dire ses divorces mais de nous deux je suis la seule qui ai marié Crésus du coup je peux pas dire. » le divorce, mot de merde qui me fait rager, et l'ex-femme tout autant en à côté. C'est que j'ai le nez en plein dedans en ce moment, et que les éléments qui guident celui de Saül et d'elle ont tôt fait de m'inspirer une nouvelle carrière si Crésus crève avant moi.

S’il y a une chose à laquelle je n’étais pas préparée et dont je ne sais que penser, c’est qu’Halsey ait joué les bavardes et ait parlé de moi autour d’elle. Je ne peux prétendre être de celle qui aiment rester discrètes, mais je ne maîtrise pas ce qui sort de la bouche de ma demie soeur et j’enrage de ne pas savoir ce qu’elle est aller raconter et à qui elle l’a raconté. « Elle m'a dit que vous êtes allées prendre un verre. » « C’est une façon comme une autre de présenter les choses. » Si elle parle de notre première rencontre en tout cas, celle sur le rooftop du Sixteen Antlers que j’ai provoqué mais uniquement après avoir appris qu’elle interrogeait tout le monde à mon sujet au Club. « Elle t’a raconté comment elle m’a trouvé ? » J’esquisse un sourire. « Qu’est ce qu’elle t’a dit ? » Ca, c’est plus pour mon amour propre.

Bien sûr, je doute que la jeune femme ait été élogieuse. Il faut dire que je l’ai traitée de menteuse et que je suis sortie de cette rencontre persuadée d’avoir affaire à une jeune femme prête à s’inventer une famille pour réussir à faire je ne sais quoi. « Elle t’a dit que je l’avais pas crue, pour son identité ? » Ca, c’est plus de la curiosité qu’autre chose.

« J'aurais envie de dire ses divorces mais de nous deux je suis la seule qui ai marié Crésus du coup je peux pas dire. » « Félicitations. » J’ignore qui est Crésus et je m’en fous, puisque je doute qu’il me permette de résoudre le mystère Halsey. « Je préfère gagner mon propre argent mais félicitations. » Je la provoque et pour le prouver, j’esquisse un sourire en faisant tourner ma cigarette entre mes doigts. « Et tu faisais quoi là chez les antiquaires, tu cherchais un cadeau de mariage ? » Quel âge a-t-il son Crésus au juste pour qu’elle lorgne sur ces horreurs. « Je me fous qu’elle ait de l’argent. » J’en ai à pas savoir qu’en faire. « Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’elle est prête à faire pour en avoir plus encore. » L’argent, n’est-ce pas là la motivation principale de l’humanité ?
   


@Ariane Parker

« Elle t’a raconté comment elle m’a trouvé ? » elle a le mérite de s'accrocher Raelyn, de vraiment vouloir en savoir plus. « Qu’est ce qu’elle t’a dit ? » elle aurait pu n'en avoir absolument rien à battre et personne n'aurait été étonné, n'en reste que désormais elle me donne autant l'impression qu'Halsey de vouloir construire un truc, aussi brusque et aussi méfiante puisse-t-elle être. « Difficile à atteindre. C'est de famille ça aussi. » et en soi, c'est pas du tout un défaut ni même une critique. « Elle t’a dit que je l’avais pas crue, pour son identité ? » la voilà qui relance d'une autre salve de questions quand je regrette ma pinte terminée et ma clope qui a eu le même traitement. « Elle a insinué que t'étais pas trop fan de l'arrivée en fanfares. Pour ça, j'peux te comprendre. »

Je sais pas trop de où ni de comment on se met à parler de mariage, mais je me lasserai jamais de justifier la montre que j'ai au poignet. Connerie d'amour. « Félicitations. Je préfère gagner mon propre argent mais félicitations. » et c'est tout à son honneur ça aussi. Un peu moins de croire que je suis avec lui pour le fric, mais bon, une de plus ou une de moins, je fais plus les comptes. « Et tu faisais quoi là chez les antiquaires, tu cherchais un cadeau de mariage ? » « Un truc aussi vieux que lui, je sais jamais s'il était né pour la première ou la deuxième guerre du coup j'improvise. » il m'entendrait qu'il fulminerait. Ça me fait rire au point où je note mentalement de lui prendre le truc le plus poussiéreux et le plus en état de décrépitude possible parmi les stands dès que je peux.

« Je me fous qu’elle ait de l’argent. » ouais, ouais. Moi je m'en fous pas par contre, ça m'intrigue. « Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’elle est prête à faire pour en avoir plus encore. » et ça encore plus. « J'pense qu'il va falloir que tu lui laisses le bénéfice du doute pour ça. » mis à part ses divorces, je peux rien apporter de plus au moulin des suspicions. Seul le temps (fuckfuck) nous le dira.

« On est censées se voir, vendredi. Là. » et le temps, il s'amuse d'un foutu bon timing là. Lorsque je dégaine un stylo dans mon sac pour lui écrire l'adresse d'un bar lambda où Halsey et moi on a prévu aller prendre un verre en soirée, dans deux jours. « Tu viens ou tu viens pas, ça te regarde. » et honnêtement, j'en ai absolument rien à battre qu'elle accepte l'invitation où qu'elle disparaisse pour toujours après aujourd'hui. « Mais je suis aussi curieuse que toi d'entendre ses réponses à tes questions. » autant les lui poser une bonne fois pour toutes.

« Difficile à atteindre. C'est de famille ça aussi. Elle a insinué que t'étais pas trop fan de l'arrivée en fanfares. Pour ça, j'peux te comprendre. » « Qui aime ça sérieusement ? » Je lève les yeux au ciel, sentiment inavouable d’être soulagée d’être enfin tombée sur quelqu’un qui s’exaspère des même chose que moi, et je ressens l'irrésistible envie de casser du sucre sur le dos d’Halsey, un peu plus. « Pour sûr elle s’y est prise comme un manche. » Filer Amos et faire le pied de grue en planque au pied de mon appartement, sérieusement, à quoi s’attendait-elle ? Elle n’a pas l’air idiote Halsey, loin de là, mais disons qu’elle manque cruellement de finesse.

« Un truc aussi vieux que lui, je sais jamais s'il était né pour la première ou la deuxième guerre du coup j'improvise. » Elle a un humour piquant et percutant la rousse et je suis bien obligée d’admettre que j’aime ça chez elle, et qu’elle m’est pas désagréable. Son verre est vide, sa clope est finie et, pour peu, j’aurais presque envie de la faire resservir. « Crésus et plus très loin de passer l’arme à gauche ? Ariane, tu m'impressionne. » Je réponds sur le même ton, le même sourire en coin sur mes lèvres. Moi, je laisse mes yeux courir sur les vieillerie étalée sur les table et je crois que, même si je me mettais en tête de ramener un cadeau à Amos, je ne trouverai rien qui ne soit pas insultant.

« J'pense qu'il va falloir que tu lui laisses le bénéfice du doute pour ça. » « Je pas trop du genre bénéfice du doute. Je sais pas si ça se voit. » Bien sûr que ça se voit, bien sûr que c’est évident même. « On est censées se voir, vendredi. Là. » Je lève un sourcil, surprise de l’invitation. Parce que c’est en une, sinon elle serait pas déjà en train de déchirer une feuille blanche pour écrire l’adresse du bar où elle sont censées se retrouver. J’observe l’adresse et je suis obligée de reconnaître que l’endroit m’est inconnu, pas mon genre d’établissement. « Tu viens ou tu viens pas, ça te regarde. » Je plie le papier en quatre avant de relever les yeux vers elle. « Mais je suis aussi curieuse que toi d'entendre ses réponses à tes questions. » « Pourquoi, y’a quelque chose qui pique ta curiosité ? » Quelque chose qui lui parle ou, au contraire qui la surprend ? « Admettons que, par hasard, je me retrouve au Gresham Bar vendredi soir. » Mais par hasard, hein. « Comment on s’est rencontrées toi et moi ? »
Inutile de dire que je préfère qu’Halsey ignore la vraie histoire.


@Ariane Parker

Son sourire fait écho au mien, c'est qu'on arrive à très bien s'entendre toutes les deux envers et contre tout. Tant mieux. « Crésus et plus très loin de passer l’arme à gauche ? Ariane, tu m'impressionne. » « Que veux-tu, je sais pas me contenter de peu. » j'aurais pas pu me marier avec un type qui n'est que l'ombre de lui-même, encore. Ça prenait un champion, et accessoirement un gars que je pourrais emmerder sur des détails quand la Terre en entier pensait que j'étais là que pour le fric. Amateurs.

« Je pas trop du genre bénéfice du doute. Je sais pas si ça se voit. »
« À peine. »

À son ton sarcastique se joint celui que je maîtrise à merveille, probablement même que c'était déjà le cas au berceau. Elle serait pas là si elle voulait lui laisser une chance de se battre avec des armes égales, pourtant elle pourra dire autant de merde qu'elle veut Raelyn, les faits restent ; elle veut vraiment apprendre à la connaître. Et rien que pour ça, je mettrai pas de bâtons dans ses roues. Je sais ce que c'est, que de vouloir des réponses à tout prix pour des tas de pièces manquantes dans notre vie. « Pourquoi, y’a quelque chose qui pique ta curiosité ? » d'ailleurs. « Y'a toujours quelque chose qui pique ma curiosité quand ça vient de quelqu'un qui sort de nulle part. J'ai découvert qui était mon père comme ça aussi, c'est chiant dès qu'il manque des détails. » et si mon ton sonne comme une façon simple et claire de ne pas prendre la moindre question sur mon paternel de merde à défaut de ne parler que de ses histoires avec Halsey, c'est que c'est le cas. Un drame de famille par discussion, voilà.

Y'a le bar, vendredi donc. « Admettons que, par hasard, je me retrouve au Gresham Bar vendredi soir. » elle prend les infos, elle assimile, c'est tout ce que je lui demande. Après elle fait bien ce qu'elle veut, on saura gérer Halsey et moi avec ou sans elle. On l'a toujours fait au final. « Comment on s’est rencontrées toi et moi ? » c'est là qu'elle me manque ma bière, la clope avec. « Tu peux pas lui demander d'être honnête avec toi si tu l'es pas avec elle. » et elle le sait autant que moi ; au moindre faux pas Halsey risque de le lui mettre sous le nez comme une petite victoire de plus pour son côté à elle de la médaille. « On peut éviter de parler de la partie où tu m'as filée. » parce que je parie qu'elle est pas si fière que ça d'avoir été repérée en deux secondes top chrono. « Mais elle est pas conne, elle va savoir que je t'ai invitée. » autant le lui dire d'emblée.

« Que veux-tu, je sais pas me contenter de peu. » Je hausse les épaules en souriant. Elle a pas l’air d’être avec ce Crésus pour son argent. Je sais pas de qui il s’agit et on en a à peine parler, mais je sais voir une femme mordue quand jen vois une et elle l’est Ariane, mordue, elle peut même pas le cacher vu comme ses yeux brillent dès qu’elle parle de lui. C’est pour ça que j’aime pas parler de ma propre relation. Parce que je suis persuadée que ça se verrait, et que je suis pas encore certaine d’être à l’aise avec ça après des années à tout faire pour paraître insensible. J’aime pas être prise à défaut, j’aime pas qu’on pointe du doigt mon humanité quand c’est pourtant tout ce que je suis aux côté d’Amos : plus humaine, plus épanouie aussi.


« Y'a toujours quelque chose qui pique ma curiosité quand ça vient de quelqu'un qui sort de nulle part. J'ai découvert qui était mon père comme ça aussi, c'est chiant dès qu'il manque des détails. » Ah, c’est le moment où on retourne la situation alors ? Ou elle m’explique elle aussi que son père s’est tiré, qu’elle en a souffert, et qu’elle s’est découvert toute une flopée d’individus qui partagent le même ADN qu’elle ? « Je m’en fous des détails. » J’aurais juste préféré que le détail en question reste à Perth et me laisse vivre dans l’ignorance. « Halsey a des daddy issues. Pas moi. » Et c’est vrai, j’ai à peine cligné des paupière lorsque son valet m’a appris qu’il était mort.

« Tu peux pas lui demander d'être honnête avec toi si tu l'es pas avec elle. » Je grogne, pas du tout convaincue par cette réponse. Elle est pas honnête Halsey, je le sais et je le sens, alors j’ai pas l’intention de jouer le rôle de l’idiote qui saute à pieds joint dans la situation. « On peut éviter de parler de la partie où tu m'as filée. » J’esquisse un sourire mais je suis toujours aussi agacée à l’idée de ne pas maîtriser la situation et de pouvoir faire comme je l’entends. Moi, je serais arrivée plus tôt, je me serais installée au bar et je serais tombée sur elles par hasard. « Mais elle est pas conne, elle va savoir que je t'ai invitée. » « Elle est pas devin non plus. » Comment elle est supposée savoir qu’on se connaît ? « Ça m’emmerde pas de prétendre pas te connaître. On pourra rejouer tout ça en mieux. » Notre rencontre, nos premières piques sarcastique, c’est presque touchant. Mais elle voudra pas, parce qu’elle a l’air loyale et moi, ça m’emmerde. « Je sais pas si je viendrais alors. »



@Ariane Parker

« Elle est pas devin non plus. »
« Y'a des coïncidences qui passent mieux que d'autres. »

Parce qu'on en a tous véritablement marre du fameux "le monde est petit". Tout le monde se connaît dans cette putain de ville, on est toujours à une personne à peine de l'entièreté des habitants et à un moment, ça suffit à mes yeux. Mais pas aux siens. « Ça m’emmerde pas de prétendre pas te connaître. On pourra rejouer tout ça en mieux. » « C'est toi qui a demandé d'où on se connaissait. » j'ai rien inventé dans ses interrogations ni même dans ses suggestions d'être et de faire. Si elle fait comme si de rien n'était, je ferai comme tel. Si elle aborde qu'on se connaît, j'irai dans son sens. Elle se casse bien trop la tête pour rien, encore un trait en commun avec Halsey qui est toujours à tenter de prévoir quinze coups d'avance rien que pour toujours avoir toutes les cartes dans son jeu. Je suis une adepte du agis tout de suite cogite après - qui ça étonne - et là encore, je détone. « Je sais pas si je viendrais alors. »

Ça y est, c'est mon signal. Je suis pas là non plus pour la supplier. Je l'ai dit et je le répèterai autant de fois qu'elle voudra l'entendre : elle vient, ou elle vient pas, son problème et certainement pas le mien. Après, si elle préfère nous filer Halsey et moi et nous tomber dessus à l'improviste à tout bout de champ ça peut être fun en soit. Mais faut qu'elle finisse par choisir son combat, et si elle laisse passer le coche je suis pas certaine que sa demie-soeur le lui pardonnera.

« C'est pas parce qu'elle a gâché vos retrouvailles à tes yeux qu'il faut que tu gâches la suite. » que je finis par conclure, refermant la fermeture éclair de ma veste de jeans en accrochant mes prunelles aux siennes une ultime fois. « À vendredi. » quelque chose me dit qu'elle va finir par prendre ses couilles à deux mains et se pointer, peu importe le scénario qu'elle veut jouer. Vaudrait mieux pour elles deux, que je pense, en finissant par me détourner pour repartir à la recherche d'une relique datant du Moyen-Âge pour mon mari qui en date tout autant.