Ok ! Les arrosoirs pour toi, le chapeau de paille pour moi, commenta la demoiselle avec des plans sur la planètes, qui semblaient somme toute très réalisables dans les années à venir. Bien évidemment, en ce qui la concernait, elle n'essaierait pas de pousser les jumeaux dans un sens ou dans un autre. Elle-même avait trop dû batailler contre ses propres parents pour pouvoir choisir sa voie. Hors de question de faire subir cela à Willow et à Gabriel. Son seul rôle serait des les accompagner dans ce qui leur parlerait, ce qui leur plairait. Bien évidemment, Timothy commencera sûrement par leur montrer ce que lui aimait - il le faisait déjà en fait - et c'était là bien naturel. Plus que cela encore, c'était très positif; quoi de mieux pour apprendre, dès tout petit, à utiliser ses doigts qu'en les fourrant dans la terre et en les arrosant d'eau fraîche ? Au final, les jumeaux pourraient suivre les activités prônées par leur père comme non, Heïana serait là pour les suivre. En tant que marraine de Willow, comme amie de Timothy, et puis... Quoi ? Non, ce genre de questions restaient trop prématurées pour qu'elle s'en préoccupât. Elle serait là pour eux, tout simplement. En tout cas, si tu as besoin que je m'occupe d'eux pendant que tu t'occupes des fleurs, ou quoi que ce soit... N'hésite pas. Qu'il lui demande de rester ici avec les petits pendant qu'il arroserait ses plantes, que ce soit pour l'aider lui directement avec les fleurs, ou bien pour amener se balader les enfants et lui laisser un peu le champ libre; Heïana viendrait avec plaisir. La jeune femme releva lentement les yeux une fois qu'elle eut déposé la fleur sur son oreille, croisant le regard de Timothy et y restant attachée un instant. Moment fort, sans un mot, bref mais intense, avec une forme de promesse informulée. L'instant suivant, elle plaisantait sur sa tenue, et ne s'était absolument pas attendue à la réplique du brun. Soufflée par la réponse, elle ne put que venir jusqu'à ses lèvres pour y déposer un baiser, un de plus, un de cette longue litanie qui promettait ne pas avoir de fin. Juste le temps de perdre et de reprendre ses esprits, en fait. Je vais finir par être plus rouge que la fleur d'hibiscus, tant tes compliments me touchent, murmura-t-elle à son oreille. Ils se dirigèrent ensuite vers la table pour improviser une assiette de pique-nique, et partirent à l'extérieur.

Effectivement, sourit la demoiselle à la question de Timothy. Je m'amuse à vérifier cela, de temps en temps, et je suis rarement déçue par le résultat. Comme quoi les histoires de grand-mères ne sont pas toutes infondées. Par la suite, son discours devint plus sérieux et surtout, moins certain, plus interrogatif. Et les enfants de Tim, dans tout cela ? Et Charlie ? Non pas que la brune doute que son alter-ego n'ait pas déjà réfléchi à tout cela. Cela semblait même élémentaire; en tant que jeune papa célibataire, il n'avait pu que penser à ses enfants et à son ex avant de s'autoriser une nouvelle histoire. Malgré tout, Heïana avait ressenti ce besoin d'en parler, de se confier auprès de celui à qui elle donnait son cœur. La réaction de Timothy était prévisible, étant à son image : compréhensive avant tout. Un frisson étrange la parcourut lorsqu'il lui demanda, d'un simple mot, de le rejoindre. L'homme amena la Tahitienne à s'allonger à ses côtés, ce contre quoi elle ne lutta pas. Elle posa sa tête sur le torse du libraire, laissant sa main dans celle du brun, qui ne semblait de toute façon pas disposé à la laisser partir. Levant les yeux vers lui, elle but ses paroles. Elle sourit lorsqu'il parla des touts-petits, et répliqua : Ils sont adorables, aussi ! Je ne peux rien faire face à leurs petites bouilles. Son coeur se mit à battre bien plus fort face aux mots plein de sens profond, sincère et solennel de Tim. Il n'aurait pas pu mieux la rassurer. Nous. Toi et moi. Apaisée, la jeune femme tint cependant à poursuivre la discussion, pour ne laisser aucune zone d'ombre. Elle voulait savoir les choses pour mieux les prévenir, le cas échéant. Tu dis qu'elle pourrait essayer de mentir... Tu penses vraiment qu'elle ferait cela ? Sans vouloir porter de jugement, la Tahitienne désirait au moins comprendre. Elle entrelaça ses doigts avec ceux du trentenaire, qui n'avait cessé de jouer avec jusqu'alors. D'une légère pression, elle marqua le fait que non, elle ne fuirait pas, ni ce soir ni plus tard. Elle était bien loin, avec lui, et ne jouerait pas les Emilie Jolie; elle ne partirait pas tout au bout du ciel, mais resterait bien là, sur Terre, avec lui.

Tim arrivait aisément à imaginer ses enfants en petits jardiniers du dimanche, à le suivre au milieu des plants pour aider à arroser. Pour sûr qu'il y aurait plus d'eau sur les dalles que dans les pots mais Decastel ne pourrait s'empêcher de sourire car il adorait partager ses passions, ce n'était un secret pour personne. Il fallait dire qu'il n'avait pas eu cette chance pendant plus de trente années de vie, âme solitaire par excellence, perdue là haut, au fond de son cimetière sur une colline alors que toutes les autres se perdaient à vivre trop vite et trop fort. Timothy, lui, n'avait pas eu ce loisir de s'épanouir au milieu de ses congénères, il aurait aimé mais la peur avait toujours gagné face à la raison ou bien l'envie alors, il s'était contenté de se cacher et ce, jusqu'à ce qu'il se sente fin prêt à affronter le reste de l'univers. Le temps avait passé lentement pour lui, se sentant de plus en plus éloigné des autres mais quelque part, sa rencontre avec Heïana lui avait permis de conserver un pied ancré dans la réalité. Rien n'était arrivé tout de suite et fort heureusement d'ailleurs car comment aurait-il pu aimé une femme comme elle à se juste valeur avec si peu de bonheur au fond de ses prunelles? Il s'était donc laissé souffrir pendant pas mal de temps, aggravant sa situation auprès de Charlie jusqu'à ce qu'il comprenne que tout ce qu'il entreprenait ne consistait qu'à se blesser toujours plus, sans jamais pouvoir s'arrêter. Se punir, pour qui, pour quoi, Timothy n'aurait su le dire mais il avait arrêté la spirale pour son plus grand bonheur, maintenant qu'il réalisait tout le potentiel que son existence avait aux côtés de gens qui en valaient véritablement la peine et c'était définitivement le cas avec la jeune Brook. La preuve, elle était encore là à lui proposer son appui ou un coup de main quelconque, avec le jardin ou bien avec les enfants et Tim hocha la tête, sachant bien évidemment qu'il pouvait compter sur elle pour tout et n’importe quoi. Puis, la discussion dériva sur eux, sur la beauté qui émanait de Heïana sans que Tim ne puisse lutter contre elle, complètement obnubilé par tout ce qu'elle représentait. Les mots sortaient d'eux-mêmes et il ne les retenait plus, souriant face à la réponse de la belle sage-femme. "Promis, je vais essayer d'arrêter mais tu me rends pas la tâche facile, sache le." Elle était la femme qu'il avait toujours admire et respecté, pas seulement pour un physique, un coup de foudre ou une passion fébrile, mais pour tout ce qu'ils avaient pu partager, en toute amitié, se permettant ainsi de construire quelque chose de beaucoup plus profond. Plus fort aussi. Il n'y avait rien qui pourrait les séparer maintenant que l'acte était noté, que les sentiments dévoilés, les étoiles sous leurs eux et Tim qui portait Heïana contre son buste. Il ne sourit que quelques secondes pourtant, alors qu'elle mentionnait l'arrivée des jumeaux un soir de pleine lune et si Tim n'y avait pas spécialement réfléchi, il savait que c'était un fait qu'il ne pourrait plus oublier. De toute façon, les enfants faisaient intégralement partie de cette conversation, même si Charlie y prenait part également, de quoi apeurer l'ancien Tim qui devait encore sommeiller en lui, quelque part. "Personne ne peut leur résister. Mais ils ne te résisteront pas non plus, je t'assure." Ils ne le faisaient déjà pas puisqu'ils s'étaient endormis comme des masses à peine Heïana leur avait parlé lorsqu'il était arrivé en panique au beau milieu de son salon. La tahitienne avait cet effet là sur les Decastel, oui sur Tim aussi, alors qu'il n'arrêtait pas de caresser sa paume, un geste rassurant comme un autre, ses lèvres se posant sur son front avant qu'il ne réponde à nouveau. "Je sais pas ce qu'elle est capable de faire, tu sais... Je la connais pas vraiment au final. Je sais juste qu'elle m'a beaucoup menti, elle m'a promis beaucoup et elle m'a toujours tout repris. Violemment. Après l'abandon des petits, je sais pas si je peux lui faire confiance pour quoique ce soit, c'est mauvais, je sais mais... Cette fois, il est hors de question qu'elle gâche ce que j'ai de plus beau. Toi et les enfants. C'est ça, mon équilibre, c'est ça ma vie et je veux pas que tu crois autre chose... Jamais." Il était sincère, Heïana comptait énormément pour lui et ses doigts restèrent fermement ancrés auprès des siens, son regard venant soutenir celui de sa vis-à-vis, happé par tout ce qu'elle constituait à partir de maintenant. "Elle fait pas partie de notre histoire, Heïana. Même si je peux que m'excuser qu'elle ait eu autant de place jusque là, jamais en bien vu comment tu m'as ramassé mais... Maintenant, mon coeur est solide, pour la simple raison qu'il est déjà avec toi." Il était assuré dans ses mots et il espérait que ce serait assez pour la conforter dans ce qu'ils étaient en train de devenir. "Mais je suis content que tu m'exposes tes doutes et tes peurs, Heï. S'il y en a d'autres, n'hésite pas, sur n'importe quel sujet." En étant amis, c'était quelque chose qu'ils avaient très bien fait alors il n'y avait aucune raison qu'ils changent de devise en passant à une nouvelle étape, n'est-ce pas? C'était en tout cas ce que suggérait les mots de Tim, lui qui fit glisser sa seconde main sur la joue de la jolie Brook, son pouce parcourant ses lèvres si douces, pourvu que la soirée reste aussi étoilée, que plus aucune ombre ne vienne les déranger.

J'y compte bien, répondit la jeune femme sur le ton de la plaisanterie lorsque Timothy lui dit que ses enfants ne lui résisteront pas. Après tout, j'ai prévu de les soudoyer pour t'en faire voir de toutes les couleurs. Ses lèvres se plissèrent de manière charmante alors qu'elle regardait son ami d'un air canaille.Les Verseaux savaient être inventifs, selon les horoscopes; elle saurait montrer au brun à quel point une alliance de trois d'entre eux pouvait être retorse. Bien évidemment, il n'y aurait jamais de mauvais esprit dans tout cela. La demoiselle respectait bien trop le libraire pour le mettre dans une situation inappropriée, sans compter le fait qu'il s'agissait de ses enfants qui seraient les principaux acteurs de leurs blagues ! Elle vint l'embrasser à son tour à la jonction entre sa mâchoire et le haut de sa gorge, seule zone vraiment accessible pour elle sans avoir à bouger. Si elle lui avait fait part de ses questionnements, Heïana ne comptait pas l'angoisser, et lui montrait par ces petites attentions que rien, absolument rien n'était remis en cause. Bien au contraire, même; par ces interrogations auxquelles il répondait, ce n'était que leur confiance qui se révélait, et leur communication qui s'améliorait. Elle ferma les paupières un instant, profitant du tendre baiser qu'il déposa sur son front. Cet homme était un amour, tout simplement. La Tahitienne rouvrit les yeux, comme si cela l'aidait à mieux écouter l'histoire douloureuse que lui contait le jeune homme. C'est vrai qu'elle semble assez versée dans le mensonge, opina du chef Heïana. Après tout, ne lui avait-elle pas sciemment cachée sa grossesse, alors même qu'à l'époque, elles étaient sensées bien s'entendre ? Et ce d'autant plus que le lien qu'elles avaient toutes deux avec Timothy n'avait pas encore été révélé, ni des reproches de faites sur le comportement de la rousse ? Ta manière de penser n'est pas "mauvaise", contra la demoiselle en déposant un nouveau baiser sur la peau du brun, profitant cette fois-ci d'un espace dévoilé en haut de sa chemise, juste sous sa gorge. Tu fais ce que tu penses être le mieux. Tu te protèges et tu protèges tes enfants. C'est même bien, en fait. Un autre baiser déposé, sur le haut de son épaule, à la base de sa nuque. La demoiselle réfléchit une seconde, et ajouta : Je ne dis pas qu'il ne faudra pas l'écouter, si elle débarque un jour, mais... Ta méfiance est clairement justifiée. La maïeuticienne laissa le jeune papa conclure ce petit aparté, pas forcément des plus agréables mais nécessaire dans leur soirée, et le rassura tout autant qu'il venait de le faire pour elle. Et le mien avec toi, Timothy. souffla-t-elle, l'air chaud de sa respiration s'écrasant contre le torse de l'amoureux des fleurs.

La demoiselle sourit lorsque celui qui faisait battre si follement son coeur lui dit qu'elle avait bien fait de lui faire part de ses doutes, et l'encouragea à faire de même à l'avenir. Bien sûr; tout comme nous l'avons toujours fait. Après tout, ne s'étaient-ils pas rencontrés dans un cadre des plus intimes et douloureux, avant d'évoluer dans des sphères certes plus joyeuses, mais pas forcément moins privées ? De la remontée de deuil d'Heïana, ils étaient passés par les chuchotements au fond de l'église, les discussions autour d'un café, puis tous les événements plus chaotiques ou tranquilles qui avaient pu s'enchaîner... Mais toujours dans une forme de bulle qui leur avait appartenu, ou qu'ils avaient su faire leur. La confidence, la discussion et le respect mutuel avaient été les premières valeurs fondant leur lien; elles ne le rendraient que plus fort désormais. La métisse finit, d'un petit coup de hanche, par se redresser, mais ne quitta pas le brun, oh non. Elle ne fit qu'atterrir sur son ventre, à califourchon sur lui. Se baissant tout doucement, elle ancra ses yeux dans les siens, et ce même si la pénombre les empêchait d'en distinguer les couleurs, le magnétisme qui les attachait semblait avoir sa propre teinte. La Tahitienne fondit alors sur sa proie, et conquit les lèvres de Timothy... alors que, profitant de sa feinte, ses doigts se frayaient un chemin sur le ventre et les hanches de son alter-ego, relançant les hostilités trop vite abandonnées la dernière fois, pour une bataille de chatouilles endiablées !

Sa moue outrée naquit d'elle-même en entendant de nouveau cette coalition entre la jeune femme et ses enfants. Heïena l'avait déjà mentionné lors d'un soir précédent et Tim avait déjà émis quelques réserves sur ce plan qui ne tourneraient clairement pas à son avantage si jamais elle osait aller au bout mais qu'allait-il pouvoir y faire? Timothy ne doutait pas une seconde du pouvoir de persuasion de la jolie brune et du côté diabolique de ses bouts de chou en grandissant. Pour sûr qu'ils trouveraient de quoi s'amuser tous les trois, totalement à son insu mais pour la forme, le brun se devait de faire l'homme choqué d'entendre cette histoire être remise sur le tapis. "On avait pas déjà conclu que c'était pas loyal le trois contre un? Je suis un ange, pourquoi tant de haine envers moi, Heï?" Il lui fit son plus beau sourire, histoire de marquer le coup et bien lui faire comprendre qu'il ferait tout pour l'amadouer jusqu'à ce qu'elle change son d'épaule. Tim n'était-il pas censé avoir d'arme, n'est-ce pas? Trop tard, il en sortait toute une panoplie, entre sa main qui passa dans ses boucles désordonnées, ce sourire qui ravirait n'importe qui, même les pires boudeurs de cet univers et ses yeux là qui pourraient fort bien percer la couche terrestre sans la moindre hésitation. Decastel avait envie de marquer le coup lui aussi, de faire comprendre à la jolie sage femme qu'il ne s'avouerait jamais vaincu malgré tout, ce qui ne rendrait que l'histoire plus belle, sans aucun doute. Effectivement, il y avait déjà une lutte verbale qui se jouait, dans les doutes déversés par rapport à la présence de Charlie dans leur existence à tous. Tim laissait aller son coeur, se méprisant quelque peu d'avoir finalement une image aussi négative d'une femme qu'il pensait avoir tant aimé. Il n'était plus certain de rien à vrai dire, sauf du fait qu'il s'était senti manipulé à de multiples reprises et qu'il se refusait à être confronté à nouveau à tout cela. Il ne désirait que la paix de son âme et il avait un plus beau souhait encore, qu'on ne vienne pas mortifier Heïana de vils mots pour mettre à mal ce qu'ils tâchaient de construire ensemble. "On verra, je crois, peut être que je me trompe, qu'elle a changé, qu'elle a pris conscience des blessures qu'elle a infligées mais... Pour le moment, on en est là et je veux pas que ça empiète sur notre histoire. Sur le fait que no coeurs se rencontrent enfin." Il prouvait ainsi qu'il avait entendu sa réponse, que Brook aussi lui laissait la chance de traîner ses sentiments jusqu'à lui et cet échange était un nouveau signe d'une immense confiance, quelque chose d'immuable entre eux. Il n'y avait que cela, de la confiance, de l'amour, toute cette tendresse faisant sourire Timothy parce que les quelques baisers de la tahitienne contre sa peau le faisaient tressaillir tout doucement. Il n'en dit rien pourtant parce que l'heure n'était plus aux déclarations en tous genres, pas après un tel bouleversement d'avoir mentionné ce passé tortueux. A la place, il lui sourit de constater qu'elle était d'accord avec lui à nouveau, qu'ils allaient continuer à tout se dire sans la moindre peur. Forcément, Decastel avait baissé sa garde au moment où la jeune femme se releva pour se porter à califourchon sur son corps. Il n'avait clairement pas eu le temps de voir une telle proximité arriver de nouveau, surtout alors qu'elle l'embrassait... Pour mieux se jouer de lui. Bien vite, ses mains sa portaient contre ses flancs pour le faire éclater de rire et misérable homme qu'il était, Tim ne put que la laisser faire un temps, ses muscles se contractant pour s'empêcher de totalement craquer sous ses attaques insidieuses, juste assez pour oser se relever à nouveau, tout contre elle, son regard océan cherchant à la décontenancer à son tour. Ce n'était certainement pas assez alors, il profita d'une faille le long de sa mâchoire pour venir déposer plein de petits baisers tout au long de sa gorge et contre son épaule, là où sa robe dévoilait sa peau nue. Ainsi, il espérait qu'elle relâche ses attaques, lui s'osant à finalement la faire basculer sous lui pour continuer son manège contre sa peau hâlée. Cette fois, néanmoins, ses doigts vinrent la chatouiller à son tour tout contre ses flancs, ses lèvres soufflant au creux de son oreille qu'il embrassa furtivement. "C'était pas très fair play ça, Heïana. Quand je te disais qu'on peut pas jouer à armes égales si tu lances les hostilités sans prévenir." N'était-il pas aussi vil en la regardant de la sorte en posant ses mains tout contre les siennes dans l'herbe pour la stopper avant que le second round ne prenne plus de proportions encore? Sûrement que si car, désormais, il n'y avait plus aucune gêne entre eux lorsqu'il était question d'une telle proximité pour un combat de cet envergure.

La parenthèse des inquiétudes refermée, revint le temps de la douceur, et encore plus celui des rires. Heïana, telle une fière guerrière et une rusée tacticienne, était partie à l'assaut. Sa couverture n'était tombée qu'une fois son attaque déjà lancée, pour son plus grand plaisir. Ainsi, alors qu'elle avait pour captive de ses lèvres celles du brun, elle avait pu partir à la conquête de sa peau sensible une seconde après. Surpris, Timothy ne réagit pas pendant une courte fraction de temps, avant de se détacher des lippes de son assaillantes pour se retenir d'exploser de rire sous les offensives de ses doigts fins. Aventureux, ceux-ci cherchaient le point le plus faible de cette zone de son corps, filant sur ses hanches, ses côtes, passant sur la partie encore atteignable de son dos, revenant sur son ventre... La brune sentait les muscles se contracter dans le sillon de ses passages répétés, et elle déclara, d'une mine victorieuse et dans un éclat d'hilarité : Ne résiste pas, ce ne sera que pire ! Pourtant, il la surprit. Se redressant vivement, il arriva à sa hauteur, faisant naturellement se décaler les mains de la demoiselle, qui ne pouvait plus profiter du même angle favorable pour ses chatouilles. Elle parvenait encore à l'embêter dans le dos, mais ses bras étaient assez bloqués par ceux de Timothy, qui ne lui laissait presque plus d'accès à ses côtes ou à ses hanches. Mais plus embêtant que cela encore - quoi que - il la surplombait presque ou du moins, leurs yeux se faisaient face, et le stratège face à elle joua la carte du "Timy eyes" pour tenter de la déstabiliser. Ce fut le cas, intérieurement, mais face à cet adversaire redoutable, elle ne pouvait s'avouer vaincue pour si peu. Ses doigts continuaient de s'activer mais, un intervalle la laissa assez hypnotisée pour qu'elle ne pense pas à couvrir ses arrières. Et là, la contre-attaque fut fatale : Timothy vint couvrir sa gorge et ses épaules de multiples baisers. Hey ! Protesta pour la forme la demoiselle - ce qui s'entendit dans son ton d'ailleurs - mais qui en vérité, ne pouvait que trouver son plaisir dans cette offensive, et qui même, sentait une certaine sensation de chatouillis la prendre. La cause ? La légère barbe qu'arborait le brun et qui, sous l'effet du déplacement rapide de ses lèvres sur la peau mâte, frôlaient délicieusement et bien trop sensiblement ses points faibles.

Peu de temps après, la situation bascula, et la Tahitienne se retrouva emprisonnée par le corps de son assaillant. La guerrière mise à terre, elle était bloquée aux poignets par celui qui la dominait désormais, et qui avait assez anticipé son idée à venir pour l'empêcher d'agir. Elle rit lorsqu'il parla de fair-play. Elle répondit en toute honnêteté : Tu as la force pour toi, et je crois nos intelligences tout à fait égales. Ne me reste que l'effet de surprise, tu comprends ? Elle décida d'illustrer ses mots, bien qu'ils l'aient déjà été par sa première attaque. Se redressant avec souplesse, ses poignets tournant légèrement dans les paumes de Timothy, permettant à ses mains de se plaquer au sol pour la soutenir, elle réussit à atteindre à nouveau les lèvres de son alter-ego. Et là, elle osa ce qu'elle n'avait pas encore tenté. Au lieu de l'embrasser seulement, elle fit plus. Après un premier baisé déposé, elle vint mordiller très légèrement la lèvre inférieure du brun, puis y laissa passer le bout de sa langue. Cependant, elle n'aurait pas pu prévoir l'émotion qui s'empara d'elle à cet instant. Alors qu'elle avait conçu cette feinte comme une tactique pour reprendre le dessus, une flamme nouvelle s'embrasa au plus profond d'elle. Son visage recula un instant. Ses yeux émeraude croisèrent les saphirs qui brillaient de la même intensité que les siens en cet instant; ils étaient exactement sur la même fréquence. Leurs lèvres se scellèrent de nouveau, mais dans une dynamique bien plus lascive qu'aucun autre baiser jusqu'à cette nuit étoilée. Alors, les deux corps se suivant, Heïana se laissa retomber à terre doucement, vaincue. Allongée sur le dos, Timothy au plus proche d'elle, qui se retenait seulement sur ses genoux et par les mains qu'il avait gardé posé autour d'elle mais non plus sur ses poignets, les deux amants s'embrassèrent d'une fougue qu'ils n'avaient pas encore laissée s'exprimer. Les mains d'Heïana vinrent se poser sur la mâchoire du brun, alors que le baiser se poursuivait. Un, deux, trois. Les caresses de leurs lèvres et plus s'enchaînaient, dans une fièvre nouvelle. Ils en vinrent à s'arrêter pourtant, assez naturellement. Non pas qu'ils soient rassasiés de leurs contacts, mais leurs yeux s'étaient croisés, de nouveau. Nul doute que le regard serait un de leurs meilleurs moyens de communication. ... Wow, souffla la jeune femme, dont le coeur semblait être aux portes de sa poitrine. Elle reprit son souffle, déclarant dans un sourire taquin, réalisant que sa propre ruse s'était retournée contre elle : Je crois que vous m'avez vaincue, M. Decastel.

Heïana en avait forcément profité, le brun aurait certainement agi comme elle parce qu'il y avait vu un instant de faiblesse et la jeune femme avait tout un tas d'armes à sa disposition. Après tout, ils en avaient parlé de cette revanche par rapport à ce combat de chatouilles qui avait bien failli se terminer par un moment de gêne entre eux la dernière fois. Les conditions n'étaient clairement pas les mêmes à cette époque: la belle Brook fêtait cette décision de divorcer de son presque inconnu, Tim n'était là que pour la réconforter après cette désillusion et l'idée n'avait été que pour la faire rire et l'aider à retrouver toute sa superbe. Quelque part, l'affaire avait été un succès puisqu'il avait pu observer Heïana au naturel, clairement à l'aise dans l'idée d'utiliser toutes les tactiques pour le faire tomber. Au bout du compte, ils s'étaient retrouvés bien proches sur le canapé de Decastel mais ce n'était clairement rien par rapport à la nouvelle proximité qu'ils initiaient ce soir-là, la polynésienne essayant de marquer le coup toujours un peu plus fort, le forçant à abandonner la lutte. Il aurait pu, Timothy avait clairement hésité entre deux rires francs mais lui aussi avait envie de faire ses preuves et la faire vaciller. Pour cela, rien de mieux que d'user de ses beaux yeux azur et de ses lippes tentatrices. Bien évidemment, il avait entendu l'appel de protestation de Heïana mais il en rajouta bien plus en souriant contre son cou. Ne pas se laisser aller à trop de tendresse en pleine guerre déclarée, cela lui coûta beaucoup mais il reprit la main de la situation, renversant la jolie tahitienne pour lui prodiguer toutes les chatouilles qu'elle méritait après autant de déloyauté. En réalité, Tim en était heureux parce qu'il adorait cela, se sentir aussi lié à elle, faire courir son souffle près du sien, sentir ses yeux se perdre vers les siens et surtout, pouvoir constater la chaleur de sa peau sous la sienne. "L'effet de surprise?" Il fronça les sourcils, pas assez longtemps pourtant parce que la brune était déjà repartie à l'attaque, ses lèvres gravitant vers les siennes, Tim sentant qu'il allait perdre en moins de dix secondes si elle continuait de la sorte. Il ne croyait pas si bien dire puisqu'il avait cessé toute chatouille, tout effet d'emprisonnement autour des mains de Heïana également dès lors qu'il sentit les dents de la belle atteindre sa lippe inférieure. Elle n'en resta pas là, bien sûr que non, puisqu'elle fit voguer sa langue vers l'endroit clairement loin d'être meurtri au moment où Decastel laissa un soupir s'échapper bien malgré lui. Attendre la suite, l'apothéose de ce feu d'artifice a priori non désiré en vue des intentions de vaincre de l'un et de l'autre mais Timothy avait clairement oublié toute notion de ce qu'il étaient en train de faire avant d'en aboutir à un tel résultat. Il ne voyait que les yeux brillants de la sage-femme, que ses lèvres qui l'appelaient et il les prit entre les siennes, cédant à l'appel vibrant de ce qu'elle lui avait proposé. Le corps de Heïana sa reposa contre l'herbe sous eux et il colla son buste au sien sans plus attendre, cherchant toujours plus de contact, approfondissant la danse vertueuse de leur bouche vaillante. La respiration n'était plus qu'un concept abstrait pour la minute suivante, jusqu'à ce que l'obligation se rappelle à eux, Tim sentant tout son système cardio-vasculaire lui échapper. Cette fois, ce fut ses dents qui mordirent sa propre lèvre, pour se contenir et retrouver la réalité. "Tu peux le dire." Wow, qu'ajouter d'autre quand tout se jouait dans son corps de manière aussi brutale qu'enivrante? "Moi, je crois que tu as gagné... J'ai pas esquissé l'ombre d'une chatouille depuis un petit moment. Je suis vaincu par KO, bien joué, ton effet de surprise est très très efficace et je dois te le préciser, très... Délectable." Il aurait pu user de mille qualificatifs mais Tim ne pouvait pas tellement exposer tout le fond de sa pensée ainsi, de but en blanc. "T'en as d'autres des surprises comme ça? Parce que tu risques d'avoir mon décès sur la conscience, Heïana, je crois que je suis très faible et toi, trop ensorcelante." Il avait les joues rosies par cet aveu, autant que ses lèvres après autant d'émotion mais le libraire déposa ses lèvres à la commissure de celles de Heïana, les faisant glisser contre sa joue en toute délicatesse jusqu'à ce qu'il atteigne son oreille. "Qu'est ce que ce sera quand t'auras envie d'aller plus loin si tu commences comme ça, Heï?" Il rit contre son tympan, en se reculant quelque peu, ne sachant pas vraiment comment enchaîner après de telles montagnes russes émotionnelles. Retrouver son souffle paraissait déjà être un début, ses yeux clairs et rieurs ne se dissociant plus de ses jumeaux aussi verts que féeriques pour son coeur en fleur.

L'intensité du moment, aussi sage serait-il aux yeux de la majorité de la population adulte du monde, amena un tourbillon de sensations pour Heïana. Son palpitant, même plus la peine d'en parler, depuis le temps qu'il la faisait voir la vie en rose; elle se demandait comment il faisait pour rester accroché, avec cette myriade d'émotions qui l'envahissaient. Ses yeux, plus éclatants que jamais, reflétaient la couleur de l'innocence, mêlée à la plus pure des envies que la Nature seule commandait. Son ventre se tordait et pourtant, le ressenti était bien plus délicieux que douloureux. Une légère chair de poule, liée à la force de l'instant, s'était emparée d'elle sans qu'elle ne s'en rende compte. Des filaments auraient pu se dessiner dans les airs pour lier les lèvres juste séparées des deux amants, tant ils étaient attirés l'un par l'autre, irrémédiablement. Les deux tourteraux restèrent comme pantois pendant une seconde, ne pouvant plus rien faire d'autre que de retrouver leurs respirations respectives. Heïana fut la première à laisser échapper une expression incrédule, témoignage de la tornade que venait d'être leur échange pour elle. Apparemment, son libraire préféré se trouvait exactement sur la même longueur d'ondes, alors que, toujours au-dessus d'elle, il lui répondait. La brune laissa échapper un petit rire lorsqu'il s'avoua tout aussi vaincu qu'elle, avec pour preuve que l'idée même de chatouilles ne lui avait pas effleuré l'esprit depuis qu'elle avait lancé cette seconde offensive. Je peux être fière de ma victoire alors, minauda la demoiselle d'un air mutin. Elle l'utilisait tout autant pour taquiner Timothy que pour calmer les rougeurs qu'elle sentait monter à ses joues, déviant l'afflux de sang en se concentrant sur sa réussite dans leur combat plutôt que sur le dernier mot qu'avait utilisé le séduisant trentenaire. Alors qu'il la questionnait, elle ne put s'empêcher de sourire, de toute façon, que faisait-elle d'autre depuis le début de la soirée ? Elle n'aurait pas pu avoir d'autres expressions en de pareils moments. La Tahitienne se confessa tout autant que son ami, répondant : Je crois que je n'aurais pas le temps de le réaliser; je te suivrai sûrement dans l'inconscience. Je suis trop... sensible à tes charmes pour réellement vaincre. Compliment pour compliment, mais réalité pour sincérité, surtout. Au moins, les deux âmes ne pouvaient qu'être certaines de l'attractivité qu'elles avaient l'une envers l'autre, avec de telles paroles et plus encore, de telles réactions physiques. Un long frisson remonta le long de sa colonne vertébrale lorsque Timothy glissa ses lèvres sur sa joue pour venir souffler quelques mots à son oreille. Bon sang, il ne réalisait vraiment pas l'effet qu'il produisait sur elle. Ses mots, bien qu'embarassant l'inexpérimentée Tahitienne, la firent rire aussi, comme réfléchir en fait. Eh bien... Je ne sais pas, déclara-t-elle. Elle le suivit des yeux alors qu'il reculait un peu, et l'aida à se retrouver une contenance en le poussant délicatement pour qu'il puisse s'allonger sur un côté. Elle s'étendit sur la hanche opposée pour lui faire face, soutenant sa tête en la posant sur l'une de ses mains, qui vint se perdre dans son chignon de plus en plus lâche. Entre l'enfant prise en faute, la jeune adulte en pleine floraison et la demoiselle inexpérimentée qu'elle était, elle avoua après une seconde de réflexion : J'ignore ce que je fais, en réalité. Je... Je suis mon instinct ? J'imagine qu'on pourrait le dire comme cela. Sa main libre se posa sur son abdomen, alors qu'elle ajoutait, un peu plus hésitante, cherchant sa formulation. Du coup, si jamais je fais... Quelque chose qu'il ne faut pas, ou que sais-je... Il ne faudra pas que tu hésites à me le faire savoir. Elle leva des yeux intimidés vers Decastel, ne doutant pas de sa bienveillance envers elle, mais restant un peu incertaine tout de même. Elle sourit, enchantée par l'interlude juste passé, et ajouta pour conserver cette atmosphère joyeuse et légère : Le score des chatouilles est donc nul, 1-1 partout ! Soudain, les yeux vifs d'Heïana perçurent quelque chose dans les cieux. Levant un doigt (oups) vers l'étendue étoilée, elle dit : Regarde ! Une étoile filante. Vite, il faut faire un voeu ! Que la vie nous réserve une belle histoire, fut pour sa part son seul souhait ce soir-là, se permettant pour une rare fois de penser à son bonheur et à celui d'un seul être aimé plutôt qu'à celui d'autres de manière générale.

Le naturel de Heïana lui coupait le souffle, c'était une constante depuis leur rencontre d'ailleurs. Effectivement, il avait toujours admiré son courage et sa dévotion envers autrui, comme si elle se vouait corps et âme pour aider chaque être qui passait son chemin. Tant de fois, Timothy aurait voulu lui dire de penser à elle, de faire preuve d'égoïsme et d'attraper le bonheur à bout de bras mais ce n'était pas Heïana d'agir ainsi et il l'aurait certainement moins aimée. Cette qualité lui était chère, Tim appréciait la voir dans son élément, qu'il s'agisse de guérir une plaie bénigne ou de prendre soin d'un coeur en peine, la belle Brook trouvait toujours les mots et les gestes précis pour tout guérir. Decastel n'avait sûrement pas autant d'aptitudes en la matière et il avait passé pas mal de temps à observer sa partenaire du soir agir pour en prendre de la graine. Cette fois néanmoins, Tim découvrait une toute nouvelle facette de la personnalité de la tahitienne, une qui lui plaisait franchement autant que sa générosité. Elle était joueuse, Heïana, et elle savait comment laisser son cerveau sur le bas côté pour ne suivre uniquement que ses envies: Tim considérait qu'elle n'avait pas le moins du monde à s'inquiéter sur ses capacités à vivre dans une relation amoureuse naissante. La jeune femme avait clairement compris de quoi il s'agissait, sûrement bien plus que Decastel en son temps plus gauche que la moyenne face à ses émotions et ses désirs. Avant tout, il était question d'exprimer ce qu'on ressentait pour l'autre, de faire entière confiance à ce qui était perdu au fond de son âme. C'était ce qu'elle avait fait en venant l'embrasser avec autant d'intensité, désarçonnant un Tim pourtant plus assuré que jamais avec ses quelques expériences à utiliser pour évoluer dans ces circonstances neuves. Heïana avait clairement gagné, il ne pouvait pas faire autre chose que concéder cette réussite, captant son regard joueur en lui rendant au centuple. Elle amènerait certainement sa mort si elle continuait à être ainsi, aussi belle qu'heureuse, un apparat complet qui rendait Timothy des plus fébriles. Il tint le choc pourtant, rougissant à son tour en entendant le compliment à peine dissimulé de sa comparse, une surprise pour lui. "Vraiment? Tant que ça?" Il ne se rendait pas toujours compte de son pouvoir de séduction alors qu'il pouvait être ravageur, surtout avec ces yeux-là. Il les perdait dans ceux de la jolie Brook, avec cet air sincère parce qu'il ne se sentait pas aussi merveilleux que d'autres pouvaient l'admettre mais elle, il avait envie de la croire parce qu'elle comptait plus que les autres, quoiqu'il en dise. Il ne le cachait pas de toute évidence, notant très clairement que Heïana constituait un talon d'Achille certain pour le corps de Timothy et sans nul dire qu'il flancherait avec facilité quand la brune aurait décidé que l'heure serait venue. "Tu peux continuer à le suivre, il marche d'enfer. Et j'aurais jamais rien à dire, Heï, je préfère quand t'es spontanée et que tu te brides pas par peur de mal faire... Il y a pas de règle ni de code, je crois." Non, il n'irait pas lui reprocher quoique ce fut, surtout pas avec ses premières expériences chaotiques. Timothy n'avait pas réalisé le parcours dans l'ordre et quelque part, il en avait souffert plus qu'il n'aurait dû. Le libraire aurait sûrement mérité de meilleures issues dans chacune de ses relations passées mais il n'était pas en mesure de regretter quoique ce fut quand le monde lui offrait un tel cadeau en la présence de la polynésienne. Celle-ci s'extasia du passage d'une étoile filante alors que Tim s'asseyait à nouveau à côté d'elle pour observer le spectacle, rêvant secrètement du voeu qui lui était le plus cher depuis le début... Que cela marche entre eux, qu'il ne la blesse pas, surtout pas elle. Bien entendu, il ne dévoilerait rien de tout cela, c'était la règle d'or et il ne lui demanderait pas plus ce qu'elle avait pensé durant ce court laps de temps. "On espère qu'il se réaliseront... Une promenade dans les vignobles, ça te tente? C'est joli la nuit." Il le savait fort bien, il y avait passé de jolis instants par le passé mais cette fois-là, c'était la main de Heïana qu'il désirait attraper dans la sienne et la serrer avec une délicatesse légendaire. Seulement elle. "T'as des projets particuliers? Ou... Des attentes en étant avec quelqu'un?" Il ne savait pas ce qu'elle désirait vraiment obtenir de la vie, encore moins d'une vie à deux et si Tim ne s'était que rarement posé la question jusque là, il voulait vraiment le faire auprès de la sage-femme. Pas question de rêves enfantins comme avec Charlie ou d'illusions comme avec Freya, il parlait de futur entre les allées de raisins parce qu'il n'y aurait probablement plus jamais de concepts ou de moments à comparer avec ceux partagés avec Heïana.

Tu n'imagines pas, répondit Heïana lorsque, peu sûr de lui, son amant lui demanda confirmation de ses dires. Il était incroyable de constater le point auquel le brun ignorait sa propre beauté. Bien évidemment, ses yeux bleus étaient le point de départ du magnétisme qui l'entourait. D'une couleur si intense, pouvant être doux comme perçants en fonction de la volonté de leur porteur, ils portaient en eux toute sa bonté d'âme, et de mémoire, la Tahitienne n'avait jamais vu d'expression plus pure que celle qu'il arborait à travers eux. Ils n'étaient cependant que la première émanation de son charme. Que dire de ses cheveux bruns, naturellement souples, bouclés et épais, si agréables à caresser ? Sans parler des traits fins et par abords assez marqués de son visage, de sa mâchoire. Son sourire, parfois timide, d'autres instants éclatants, mais toujours rayonnant du splendide être dont il émanait. Sa stature élancée, sa carrure d'épaules larges, ses mains qui auraient pu être celles d'un pianiste... Le charme de Timothy alliait sa beauté physique à la magnificence de son esprit même. Et dire qu'il ne le voyait pas. Même
ce qu'il pouvait considérer de terrible, d'horrible, resterait beau aux yeux d'Heïana, tout simplement parce que cela faisait partie de ce qu'il était. Bien sûr, qu'elle avait remarqué les marques de cigarette sur son torse, son dos et ses bras. Elle les avait vu, à Kapooka, et avait vite remarqué que ces marques étaient bien plus vieilles que son entraînement militaire. Elle avait pu en avoir un nouvel aperçu, l'autre soir, chez l'éphèbe. Et ce soir, de nouveau, la métisse avait pu les sentir sous ses doigts, lors de leur bataille enragée de chatouilles. Même la petite marque sur son front, elle l'avait remarquée, et son coeur lui murmurait que ce n'était pas du à une simple maladresse. Ils n'en avaient jamais parlé véritablement; peut-être que ça arriverait, ou non. Dans tous les cas, la brune ferait de son mieux pour que Timothy apprenne à s'aimer pour lui-même. Il semblait bien parti pour lui rendre la pareille, les quelques mots qu'il prononça la rassurant immédiatement sur sa manière de se comporter, notamment en termes plus intimes. Cet homme incarnait la perfection même. Son coeur fit un petit bond dans sa poitrine, alors que par ces quelques mots, Decastel lui prouvait de nouveau qu'il l'acceptait toute entière. Le sentiment d'approbation de la part d'un proche était sans aucun doute l'un des plus gratifiants au monde; d'où l'enthousiasme soudain dont fit preuve la Polynésienne. Tu es le meilleur Timothy ! s'extasia Heïana en remontant jusqu'à sa joue pour y déposer un gros bisou reconnaissant et tout joyeux, telle une petite fée clochette tintant sa joie dans l'obscurité de la nuit.

La jeune femme l'embrassa sur le front avant de se redresser pour s'asseoir. L'étoile filante passa, et chacun d'eux put prononcer dans le secret de son for intérieur leur voeu, qui, s'ils ne se le diraient jamais, était bien trop semblable pour ne pas être exaucé... n'est-ce-pas ? Ce fut le moment que choisit Timothy pour proposer à la sage-femme une promenade, glissant de nouveau sa main dans la sienne. Je suis partante, répondit simplement la jeune femme, les étoiles toujours aussi présentes dans ses iris verts. Ils se relevèrent alors, et firent quelques pas avant que la brune ne s'arrête. Juste une seconde. Ni une ni deux, ses talons disparurent dans l'herbe fraîche. Avec leur assiette et verres de vins un peu plus bas, on aurait cru que les tourtereaux se créaient un nouveau chemin. Le leur. La brune réfléchit à voix haute : Le petit Poucet a du souci à se faire, il sera bientôt détrôné. Quoique je n'ai plus grand-chose à laisser derrière nous... Qu'importe, ils retrouveraient sans nul doute leur chemin par eux-mêmes. Heïana épousa de ses pieds les humides étendues vertes, profitant de la sensation bien plus agréable que le port de talons aiguilles... surtout pour se promener à travers des vignes ! Le but de la soirée ne consistait pas à finir aux urgences pour cause de cheville tordue. Les deux rêveurs purent reprendre leur marche, savourant la vue qui s'offrait à eux. La question que lui posa Timothy la surprit un peu. Elle releva un point intéressant, lui offrant une parade verbale pour quelques secondes : En étant avec toi, tu veux dire. L'enfant couronnée d'étoiles, comme signifiait son prénom en Tahitien, sourit tendrement à son compagnon. Je t'avoue ne pas y avoir trop réfléchi... confessa la demoiselle. Après tout, jusqu'à lui, en oubliant l'expérience de téléréalité à laquelle elle avait participé, Heïana n'avait jamais connu la vie de couple; de là à se projeter, donc... Je dirai vivre simplement. En sachant apprécier les moments passés ensemble, chaque petit instant que la vie nous offre. La brune restait vague, rassemblant ses idées par le même temps. J'aimerais fonder une famille, un jour. Ses yeux glissèrent sur Timothy, qui lui, était déjà père. Quelle serait sa place dans tout ça ? Bonne question, sûrement prématurée, mais à laquelle elle ne se voyait pas répondre d'elle-même. Elle considérait que ce serait plutôt au papa de Willow et Gabriel de lui dire son souhait sur le sujet. Elle rebondit sur ses dernières paroles : Mais, j'ai largement le temps... Et tu as déjà deux petites terreurs à élever. Elle laissa ses yeux vagabonder sur les étoiles, avant de les reporter sur Timothy. Et toi ... ? As-tu des vœux particuliers ?

Son coeur ne pouvait que battre plus fort, comment pourrait-il envisager d'agir autrement en présence d'une personne aussi merveilleuse qu'Heïana? Tim, qui plus était, n'avait pas l'habitude d'entendre une multitude de mots doux, lui qui ne trouvait que des failles au fond de lui depuis qu'il errait dans l'âge adulte. Peu à peu, néanmoins, le grand brun cherchait à se libérer du poids de son passé, acceptant qu'il puisse porter plus de marques que d'autres individus qui auraient pu se faire une cicatrice après une chute de vélo. Ses traces n'avaient pas la même teneur mais elles faisaient partie de lui, comme un rappel constant et visible qu'il avait survécu et c'était ce qui constituait le message le plus important de cette affaire. On n'en parlait peu mais finalement, combien de personnes en terminaient avec la vie à cause de fêlures liées à leur enfance? Probablement trop pour que l'annonce fut joyeuse. Decastel ne faisait pas partie de cette catégorie car il avait toujours trouvé une once de bonheur à laquelle se raccrocher, qu'elle traîne dans les allées dans un cimetière ou dans le regard d'un proche. De nombreuses fois, oui, il avait tenu le cap en croisant les jolis yeux verts d'eau de sa compagne pour la soirée parce que Heïana avait une aura particulière, en plus d'un physique définitivement trop agréable. Elle non plus ne devait pas le réaliser, trop happée par son manque d'expérience en termes de relations amoureuses pour se rendre compte que bon nombre d'individus se retournaient sur son passage dans la rue et pour cause, elle était grande, fine mais pas sans courbe féminine, avec un sourire chaleureux, une peau satinée qui en faisait rêver tant, une addition parfaite pour une femme au caractère si avenant. Timothy n'était qu'une âme charmée de plus au compteur d'une jolie Brook totalement aveugle. Il ne lui dit pas avec des mots à ce moment-là mais avec son fameux regard qui partageait toujours tant de choses. Là, elle lui narrait qu'il était merveilleux et lui choisissait de lui raconter silencieusement que la réciproque était plus qu'atteinte. C'était encore une fois si fort, juste ces quelques secondes où il croisa le vert d'eau en vis-à-vis puis sentit ses lèvres déposer un bécot sur son front avant que la vie ne reprenne son cours. Ou plutôt qu'eux reprennent leur balade. Ils étaient de nouveau debout et Tim n'avança que de quelques mètres avant que la sage-femme ne termine nus pieds, un fait qui le fait sourire plus que de raison. "C'est mieux ou moins bien que le sable tahitien comme sensation?" Dans tous les cas, ils retrouveraient leur chemin jusqu'à leurs affaires qui traînaient devant la serre car Decastel commençait à bien connaître cet endroit par la force des choses. Il sourit à sa référence littéraire, juste avant que la conversation ne reprenne une teinte plus sérieuse, que Timothy avait amorcé sans forcément y réfléchir plus avant. En rendez-vous, c'était quelque chose qui se faisait semblait-il, de partager ses rêves et ses envies. Ils n'avaient pas spécialement parler de tout cela jusque là et peut être que c'était capital d'évoquer ce qui pouvait les motiver et les amener vers une nouvelle étape. De ce fait, Tim garda la main de Heïana dans la sienne alors qu'il l'écoutait lui conter avec sincérité qu'elle comptait se laisser vivre les choses, sûrement avec retenue mais pas sans envie et il hocha la tête, ne comprenant que trop bien cette sensation. "C'est un plan qui a de l'allure, voir ce qui arrive, saisir ce qui vient et en profiter au maximum, je m'identifie très bien à ça." Tim n'aurait pas pu dire l'inverse vu tous les changements qui s'étaient passés dans sa vie en une année: il était devenu père, avait changé plusieurs fois de travail et trouvait peu à peu sa voie, une évolution des plus conséquentes. Puis, Brook lui conta son envie d'être mère un jour, exposant de manière déguisée cette peur que Decastel puisse voir les choses différemment avec deux enfants déjà au compteur. Par instinct certainement, Tim passa son bras autour d'elle, sans relâcher ses doigts, se retrouvant à l'enlacer sans aucun embarras, marchant beaucoup moins rapidement dans cette position. "Tu ferais une mère formidable... En fait, tu fais déjà une mère formidable vu comment tu t'en sors avec les jumeaux. Sans toi, j'aurais coulé plusieurs fois." C'était un fait indéniable, elle l'avait sauvé quand il se trouvait au plus bas, en pleine panique de ne pas être le père de l'année. "Un peu comme toi, tu sais. J'ai pas compris tout ce qui m'est tombé sur la tête depuis bien des mois, j'ai pas fait de plan et je pensais vraiment pas avoir tout ça... Des enfants, il y a deux ans, ça me paraissait surréaliste vu ma situation au fond de mon cimetière." Il se mit à rire en repensant à une version de lui-même qui n'était plus d'actualité. "Je crois que je veux construire une vraie relation, avec de la confiance, de l'amour, de la sincérité. Ouais, découvrir ça. C'est ça, le plan, et puis si ça va plus loin, pourquoi se priver?" Comme quoi la porte était ouverte à tout, que ce fut à un engagement plus officiel, d'autres marmots pour repeupler la planète, n'importe quoi qui prouverait l'importance de ce lien entre deux personnes qui s'aimaient. "Nos deux projets ont l'air de coïncider, non? On pourrait fêter ça en volant quelques raisins..." Alors qu'il était dans son dos, son bras autour de Heïana, Timothy était venu susurrer cette dernière réplique à l'oreille de la polynésienne, heureux comme jamais de se sentir en phase avec une autre personne. Heureux d'imaginer pour deux, dans cette réalité.

C'est différent, répondit d'un naturel désarmant la jolie métisse. La sensation du sable fin, toujours tiède à défaut d'être chaud, est réconfortante. Celle de l'herbe humide est rafraîchissante. J'adore les deux. S'il y avait bien une chose qui définissait la demoiselle, en effet, c'était bien sa double nationalité, et plus encore, le fait qu'elle ait vraiment grandi à travers ses deux cultures familiales. L'Australienne, d'un père de culture protestante assez rigide, avec son propre système de valeurs et des milliers de bénéfices et de belles choses à connaître dans cette partie anglophone de sa vie. La Tahitienne, plus encore que Française tant l'écart de vie entre les îles et la métropole se trouvait béant, d'une mère de cercle catholique pratiquant mais plus ouvert sur certaines questions, avec une forte valeur ajoutée à la notion de "famille", culture paradisiaque dont la demoiselle avait su tirer les avantages. En chaque endroit où elle pouvait vivre, Heïana était lucide, consciente des qualités et des défauts de chacun d'eux. Elle leva les yeux vers son ami, qui lui, en dehors de sa petite enfance dont il ne devait que très peu se rappeler, n'avait jamais eu la chance de voyager. La jeune femme espérait bien être le vecteur qui lui donnerait le goût de l'aventure, des horizons différents, de la découverte. Elle profita d'ailleurs de cette parenthèse pour l'inclure dans leurs futurs projets, sur lesquels la questionnait Timothy. J'aimerais que l'on voyage ensemble, aussi. Je veux te montrer les Îles sous le Vent, les endroits où j'ai construit le début de ma vie adulte, et une partie de mon enfance. Nous pourrions aller en France, aussi. Partout où tu voudras. A cela, elle ne voyait aucun frein; les enfants pourraient venir, ou non, selon les fois; cela serait le choix du brun et de la mère des petits. L'argent ne serait pas un problème non plus dans la tête de la métisse; elle avait bien assez sur ses comptes pour offrir toutes les vacances possibles à Timothy, sans en voir réellement la différence. Sans doute refuserait-il qu'elle avance tous les frais, bien sûr; mais elle refusait que les moyens financiers soient une problématique pour leur faire découvrir le monde. La jeune femme sourit lorsqu'il agréa à son plan, plutôt simple, pour l'avenir : laisser la Destinée tracer son chemin, en saisir les meilleurs moments, résoudre les potentielles difficultés. Rien de bien extraordinaire, quelque chose qui serait sûrement un peu trop "simple" de l'avis de beaucoup. Les autres ne comptaient pas, cependant. Leur projet de vie ne tenait qu'à eux, et ne devait correspondre qu'à eux. Rien n'empêchait de le réécrire en cours de route, de plus; il ne s'agirait là que de communication, de partage d'envies et de rêves.

Alors qu'ils discutaient de ces mille possibilités, le beau brun enlaça Heïana, tout en continuant leur balade, devenue d'autant plus lente par leur position. Aucun soucis; ils avaient tout le temps... La brune rougit face à l'immense compliment qu'il lui formula. Cependant, elle ne pouvait l'accepter aussi facilement; elle ne se sentait pas légitime pour occuper cette place que, verbalement, l'homme lui donnait. Elle se permit donc de rectifier l'idée. Tes mots me touchent, mais... Je ne crois pas que j'incarne ce rôle là auprès d'eux. Après tout, même si elle avait disparu de la surface de la planète pour l'instant, leur véritable mère devait sans doute être dans le coin, non ? La jeune femme aurait presque l'impression de lui "piquer" la place, bien qu'elle sache que ce ne soit pas le cas. Je veux dire, jusque-là, je me positionnais envers eux en tant que marraine, ou tata. Elle chercha ses mots un instant. Elle ne refusait aucune responsabilité que Timothy voudrait lui déléguer; et ce, même si elle en serait bien en droit, après avoir éduqué sa propre soeur. Non, le principe était différent. Elle avait juste du mal à se positionner vis-à-vis de tout cela. Comment dire... La Tahitienne ne voulait ni froisser, ni inquiéter l'éphèbe aux yeux saphirs. Surtout pas. Disons que j'ai envie de me concentrer d'abord sur nous. Une seconde de silence. Même si je sais que les petits font partie de l'adéquation, bien sûr ! Elle ne comptait pas minimiser leur présence, et espérait bien transmettre ses pensées de manière correcte à son amant. Elle rit, un peu gênée. Désolée si c'est confus.

Ils en revinrent sur leurs projets généraux de vie, et Timothy conclut par une question, à laquelle la jeune femme agréa totalement. Elle aurait pu répondre de manière tout à fait raisonnée et raisonnable, si seulement il n'était pas venu chuchoter dans son oreille, tel un petit diablotin, vil tentateur. Un petit frisson parcourut la nuque de la Tahitienne, et elle recula légèrement son visage pour capturer les lèvres de Timothy avec les siennes, posant sa tête sur son épaule. Je suis sûre qu'on ne nous reprochera pas la disparition d'une ou deux grappes, répondit-elle ensuite d'un sourire de connivence. Ils s'approchèrent donc de la haie à raisins la plus proche, et commirent leur méfait. J'irai me confesser dimanche, murmura la jeune femme sur le ton de la plaisanterie; elle ne doutait pas que Dieu lui pardonnerait ce mini-péché, d'autant plus à l'idée de la liste qui s'allongerait sans aucun doute. Elle demanda avec intérêt, rebondissant sur cette phrase qu'elle avait pourtant sorti sans sérieux : Tu comptes faire baptiser les enfants ? Après tout, en tant que marraine, ce serait son rôle que de guider Willow dans la religion, si son père décidait qu'elle serait catholique, comme lui avant elle. Cependant, la Tahitienne n'était pas certaine qu'après tout ce temps, le brun ait gardé la Foi. C'était donc la bonne occasion, par le biais des enfants, d'aborder le sujet.

Timothy n'avait pas bougé d'un pouce, une bien regrettable stagnation quand on savait qu'il y avait tout un pan de son histoire dont il ne connaissait strictement rien. Il aurait dû poser plus de questions certainement, alors qu'il en avait encore le temps mais sa priorité avait été définitivement ailleurs à ce moment-là, il avait cherché à survivre avant tout. Maintenant, le pauvre homme ne se sentait plus franchement capable de confronter sa génitrice sur ses origines, pourtant, il en avait des centaines de questions: qui étaient ses grands parents? Étaient-ils encore en vie quelque part? Où? Non, Timothy n'avait pas la connaissance de ce genre de faits, très simples, qui faisaient le bonheur de tant d'enfants. Il avait passé toutes ses jeunes années définitivement seul, avec son frère, à supporter les crises de sa mère sans sourciller et il ne s'était rendu compte que bien plus tard qu'il était passé à côté de l'essentiel. Sa vie entière lui était passée sous le nez, il n'était plus grand chose d'autre qu'un patronyme et deux nationalités qui cohabitaient sans qu'aucune des deux ne fasse sens à ses yeux. Se sentait-il plus australien ou français? A vrai dire, Tim ne voyait la légitime d'aucune de ces origines parce qu'elles se rappelaient à elle en rapport avec ceux qui lui avaient offert la vie, mais quelle vie n'est-ce pas? Rien d'heureux n'était sorti de ces deux personnages qui avaient osé le maltraiter ou l'abandonner, les deux termes étant intimement liées. Il restait curieux malgré tout parce que l'ancien soldat aurait aimé comprendre comment ses deux parents avaient évolué, comment avaient-ils pu aussi mal tourner. Un jour, peut être, aurait-il la réponse s'il osait voir plus loin que sa chère Brisbane qui l'avait vu grandir avec envergure au cours de ces derniers mois. En attendant, le brun tenait à profiter du moindre instant, ce qui s'avérait plus aisé lorsqu'on était en présence de la personnalité chaleureuse de Heïana, elle qui s'extasiait autant du sable que de la prairie, jamais mal à l'aise quelque part, se sentant un peu chez elle dans chaque endroit qu'elle foulait. Tim la jalousait quelque peu sur ce sujet, lui se sentant plutôt comme un fauteur de troubles partout où il passait et c'était peut être qu'il exposa dans la requête toute particulière qu'il offrit à sa partenaire. "Cette idée me plait beaucoup, sache le. D'ailleurs, est-ce que tu penses que tu m'accompagnerais à la quête de ce que je suis vraiment? J'ai jamais su comment ont été les trois premières années de ma vie, si j'ai de la famille ailleurs, si mes parents ont toujours été ainsi ou bien si quelque chose les a chamboulés..." Il ne savait pas si elle accepterait mais dans tous les cas, Tim ne lui en tiendrait pas rigueur car c'était une gigantesque demande que celle-ci, se plonger dans un passé qui n'avait pas été franchement heureux ou vertueux. Est-ce qu'il fallait l'enterrer pour autant? Non, c'était une partie de lui. Une partie qui désirait s'exprimer ces derniers temps. En enlaçant Heïana de la sorte, quelque part, Decastel se découvrait de nouvelles couleurs, de nouvelles facettes, toujours pris qu'il était dans le sérieux de leur conversation. Il sentait l'hésitation du côté de la brune après ces mots, ce que Tim effaça d'un revers de la main en venant lui baiser la joue. "Je comprends parfaitement. Et je suis sûr que les choses se mettront en place naturellement." Brook n'était pas leur mère biologique, juste une marraine selon elle mais Timothy avait d'ores et déjà conscience qu'elle se situait à une hauteur bien plus importante qu'un rôle aussi classique. Il ne voulait pas qu'elle ressente la moindre pression néanmoins alors le grand brun se contenta de sourire avant de faire tourner la discussion sur quelque chose de plus léger, une bonne dégustation de raisins et la vie reprenait son cours, non sans une douce embrassade initiée par la douce Heïana, apparemment touchée en plein coeur par les réactions du libraire. Il n'avait pourtant aucune idée derrière la tête, souriant en allant voler les quelques baies qui finiraient de leur remplir le ventre après autant de gourmandises consommées au cours de la soirée. "Tu le feras pour moi? Avec les enfants, je peux plus tellement revenir. Dans l'idée, oui, pour qu'ils aient le choix de croire ou non quand ils grandiront mais jusque là, j'avais pas été le seul décisionnaire. Une discussion qui n'a pas eu lieu, tu vois. C'est vrai que j'ai pas été un excellent croyant ces derniers mois, mes convictions ont été mises à mal par les événements mais... Je n'aurais pas été loin sans l'église et le cimetière, je l'oublie pas." Oui, il savait d'où il revenait, de fort loin, Timothy, et il avait trouvé son refuge dans ces endroits que d'autres trouvaient bien lugubres, il ne changerait pas de point de vue sur cette question, au moins. "Et sans tout ça... J'aurais pas croisé ta route, ça non plus, je l'oublie pas." Il avala son dernier bout de raison en lui lançant un clin d'oeil avant de faire voyager une de ses mains dans la longue chevelure de la tahitienne, la regardant avec cette adoration non feinte. Un fait qui deviendrait vite coutumier, à n'en pas douter.

Alors là, Timothy venait de souffler la jeune femme. Elle qui parlait de voyages, pour toujours repousser un peu plus les limites de l'aventure, découvrir de nouveaux paysages et s'enrichir de toutes les cultures qu'ils pourraient rencontrer... Voilà que le brun lui formulait une demande des plus personnelles. Heïana aurait presque cru que le brun aurait voulu se montrer plus "raisonnable" qu'elle, dans le sens où il n'avait jamais quitté Brisbane et que, peut-être, cela l'aurait intimidé que de s'imaginer partir bien loin d'ici, dans diverses contrées si étrangères à son monde. Pourtant, le jeune papa semblait vouloir s'affranchir de ses propres barrières, briser ses chaînes qui le retenaient depuis si longtemps, braver ses peurs les plus profondes pour mieux se découvrir lui-même. Effectivement, le changement qui s'opérait en lui ces derniers mois, conséquence de tout son vécu de l'an passé et de son travail sur lui-même, portait ses fruits. Deux ans plus tôt, jamais le bienveillant mais si timide gardien de cimetière que la Tahitienne avait rencontré n'aurait osé même partir de Brisbane, ou peu s'en faut. Là, il comptait, bien plus qu'un simple tourisme, opérer une reconquête de son passé; et il comptait y investir Heïana, si elle y agréait. Sans hésiter un instant, la brune répondit : Je suis vraiment touchée de ta confiance. Il n'aurait pas confié cette demande à n'importe qui, cela, la brune en était certaine, et donc d'autant plus émue. Elle leva une main pour prendre l'une de celles du brun qui l'entourait de ses bras, en caressant le dessus avec autant de délicatesse que de fermeté. Je t'aiderais autant que possible, bien sûr. Pas besoin de dire plus; Decastel savait déjà au fond de lui qu'avec ces quelques mots, la brune s'engageait à tout sur ce thème. Autant l'aider à faire ses recherches de manière concrète, que de le soutenir émotionnellement dans ce long parcours qui serait sans doute semé d'embûches. Elle serait là. Pour lui.

La Polynésienne sourit, attendrie lorsqu'en quelques mots, le brun apaisa ses craintes et reboosta immédiatement l'espoir qu'elle pouvait entretenir de voir leur relation évoluer tranquillement, et par la même occasion, son lien avec les jumeaux aussi. Tout se passerait bien, lui murmurait-il à l'oreille. Naturellement, doucement. Vraiment, cet homme était la perfection incarnée. Si doux, si tendre, si attentionné et compréhensif. Il rayonnait de lumière, révélé par les pâles lueurs de la Lune. Piquant quelques raisins à portée, ils se mirent à discuter religion; après tout, ils s'étaient connus ainsi, et cela faisait bien des mois qu'ils n'en avaient pas discuté. Depuis leurs lettres, depuis Kapooka. Alors, que ce soit pour Timothy lui-même ou pour ses enfants, la croyante qu'était la brune ne pouvait qu'avoir envie de s'informer. Sans juger, ni pousser à quoi que ce soit; elle n'était pas pour le prosélytisme, et préférait laisser chacun évoluer de la manière voulue. La brune rit lorsqu'il dit qu'avec les enfants, il se trouvait un peu trop pris pour aller se confesser. Je veux bien te croire. Les églises ne pouvaient qu'être ouvertes aux enfants, bien évidemment; mais pour aller prendre du temps pour soi, réfléchir sur ses actes et pensées, mieux valait être seul. Si tu en ressens vraiment le besoin, un jour, je pourrais garder les petits le temps que tu y ailles. Heïana ajouta, réalisant qu'elle n'avait pas répondu à sa première question : Tu as toujours été dans mes prières. Elle sourit, baissant humblement les yeux un instant, autant qu'elle sentit une légère rougeur la prendre. Ce qu'elle venait de dire, pour quelqu'un ayant la foi, restait très intime. Les prières ne regardaient nul autre que soi, et en dévoiler le contenu, même une infime partie, restait une ultime preuve de foi envers la personne à qui l'on se confiait. Ils continuèrent de marcher d'un pas tranquille, tout en dégustant les quelques raisins qu'ils avaient encore en main. Heïana répliqua lorsque le brun parla du fait d'avoir été un mauvais croyant : Je ne dirai pas ça. Tu as été mis à l'épreuve, c'est tout. La foi n'est pas faite pour être égale toute la vie, je pense. Et dans tous les cas, Dieu pardonne. En tout cas, c'est ce que je crois. La brune sourit quand Timothy lui rappela le contexte de leur rencontre et de leurs premières discussions. Comme quoi, la Providence fait bien les choses, commenta-t-elle simplement, alors qu'ils revenaient sur leurs pas, distinguant la serre et les chaussures abandonnées plus tôt par Heïana. Tu ne travailles pas demain ? demanda la jeune femme, constatant que le temps passait bien plus vite qu'elle ne l'aurait voulu.

Elle avait toujours eu cette place particulière à ses yeux et Tim lui vouait clairement une confiance aveugle. Heïana était ce qu'il avait de plus précieux ces dernières semaines, ou du moins il s'en rendait mieux compte depuis ce laps de temps parce qu'il avait toujours pu compter sur elle bien avant cela. A cette période, Timothy n'était juste pas prêt à faire entrer un tel amour dans la sphère de sa conscience parce qu'il ne se sentait pas légitime dans cette découverte de l'autre dans un cadre qui amenait autre chose qu'une passion complètement folle et autodestructrice. Maintenant, il comprenait que ce n'était pas ce qu'il cherchait, non, lui voulait aussi la sensibilité, les instants de partage, la communication, toutes ces petites secondes qui rendaient deux personnes heureuses d'être ensemble. Il ne l'avait pas encore connu, il n'était même pas certain de le gérer correctement après ses expériences de vie mais Decastel était néanmoins convaincu que le temps jouerait en leur faveur cette fois. Il n'y aurait plus de tragédies qui mêleraient d'autres relations autour d'eux, que ce fut un mariage sans amour du côté de Brook ou des liens tordues du côté de Tim, parce qu'ils s'étaient parfaitement trouvés, que le grand brun pouvait apporter son plus beau sourire en constatant qu'elle accepterait de l'accompagner dans ce parcours définitivement intime. Retrouver ses origines, ne plus avoir envie de les jeter à la poubelle surtout, ce n'était pas quelque chose que l'ancien soldat avait pu envisager jusque là parce qu'il avait le coeur en lambeaux de ces abandons en chaîne, mais il se sentait beaucoup plus fort pour affronter ces nouvelles déceptions, s'il y en avait. De plus, il n'était pas seul, la brune serait là et il comptait bien tout mettre en oeuvre pour qu'elle n'ait jamais envie de partir. Cela se lisait très clairement sur les traits de son visage à ce moment-là, alors que le moment voguait vers d'autres émotions, perdus qu'ils étaient dans les grappes de raisins et les jeux plus enfantins. La religion arriva dans la balance et Tim tenta d'exprimer ses quelques regrets de ne pas avoir continué à y croire jusqu'au bout parce qu'il avait été chamboulé par son histoire récente. "Pour le moment, je n'en ressens pas le besoin, ne t'en fais pas. Pense à toi. Ta foi." Il ne voulait pas lui retirer ces moments de paix là, quand plus rien ne comptait en dehors de cette communion étrange avec le ciel. Tim avait décidé de le quitter pour quelques temps mais apparemment, cela ne voulait pas dire que Dieu n'entendait pas parler de lui. Heïana lui confiait ce secret et Tim sentit également l'émotion l'empourprer, plus subtilement que Heïana, sa main libre volant jusqu'à sa joue pour la caresser avec une bonne dose d'amour. Elle l'avait sauvé tant de fois que Timothy n'avait plus aucun mot pour lui signifier sa reconnaissance, il espérait simplement qu'elle le savait. "On verra ce qu'Il en pensera quand j'irai le retrouver." Pas maintenant, dans longtemps, il l'espérait. Ce soir, le brun désirait profiter au maximum de cette chance de vivre en harmonie avec Heïana, elle qui aperçut leur retour à la serre plus rapidement que lui. "Non, j'ai pris un jour. Et toi? Tu es fatiguée? Tu veux que je te ramène chez toi?" Il ne voulait pas abuser de sa présence alors que l'emploi du temps de la belle Brook devait déjà être bien chargé. Son regard se fit donc plus inquiet instantanément, par principe autant que parce qu'il était Timothy et que la santé de son entourage comptait plus que tout. Il lui indiqua avec ses yeux certes, mais aussi dans ses gestes, ses bras venant entourer les flancs de la jeune femme alors qu'ils s'arrêtaient à côté de ses chaussures, un sourire doux naissant sur son visage en la toisant avec cette affection qui lui était propre, mais, surtout, qui état dirigée uniquement vers elle désormais.

La jeune femme s'inclina face aux mots de Timothy. Il semblerait que pour l'instant, Dieu ne se soit pas présenté de nouveau auprès du brun, ou du moins celui-ci n'avait pas ressenti sa présence. La demoiselle ne le forcerait pas en ce sens. Tout d'abord par respect, il semblait impensable pour elle de vouloir obliger quelqu'un à croire, fait profondément intime et personnel par nature. Elle-même avait eu un doute, après la mort de ses parents, sur l'existence de Dieu et sur sa bonté. Quel Être Suprême retirerait à deux jeunes filles, aussi brutalement, leurs deux parents, leur laissant par là même des séquelles physiques et psychologiques indélébiles ? Pourtant, et c'était sans doute parce que là était l'un des liens avec ses défunts, Heïana s'était accrochée à la religion, avait travaillé sur son rapport au culte autant que la Foi la faisait réfléchir à elle-même, en son for intérieur. Finalement, elle L'avait ressenti. L'appel. La sensation incroyablement réconfortante de se savoir aimé, de ressentir Dieu à ses côtés. Pour beaucoup, ce discours serait celui d'un illuminé, et pourtant, beaucoup des chrétiens - ou autres religions - très croyants pouvaient témoigner de ce ressenti. Depuis, la Tahitienne ne pouvait qu'avoir la Foi ; en revanche, elle cultivait son propre jardin, et si elle restait dans le giron de l'église catholique, elle n'oubliait pas d'en séparer le côté faillible des Hommes et leurs décisions parfois désastreuses de ses propres convictions. Parfois, son coeur penchait vers le "Sola Scriptura" protestant, dans lequel avait été élevé son père; mais ayant grandi en catholique, elle le restait. Bref, quelle que soit sa propre confession, elle ne se montrerait pas insistante envers Timothy. Rien que le fait qu'ils puissent en discuter librement lui faisait déjà plaisir; avec lui, la Polynésienne pouvait vivre cette joie de ne pas être jugée en fonction de son Credo. Le franco-australien écoutait, posait des mots compréhensifs et ouverts, tout en ayant son propre avis. Rien de plus enrichissant ne pouvait être attendu. Ma Foi se porte bien, répondit-elle d'un sourire léger pour clore ce sujet. Juste après, elle avoua à l'homme qui ferait le plus parfait des confesseurs à défaut d'un prêtre que ses prières lui réservaient toujours une place. Elle en rougit un peu, inflammation que vint calmer le jeune papa d'une main fraîche posée sur sa joue. Heïana se lova dans le creux de sa paume, appréciant le contact. Elle fit la moue à l'entente de ses mots. Je lui demanderai de ne pas te rappeler à lui avant un bon millénaire dans ma prochaine prière, minauda-t-elle d'un air complice et profondément épris. Alors qu'ils se rapprochaient de la serre, ils en vinrent à parler travail, et la brune dut bien se rendre à l'évidence : le temps filait, et elle ne commençait pas bien tard le lendemain. Je dois me lever à six heures, exprima-t-elle avec un soupir las. Une fois lancée, elle serait la plus heureuse de s'être réveillée pour pratiquer ce magnifique métier, mais là, tout de suite, elle aurait voulu que cette soirée dure éternellement. Elle enfila de nouveau ses chaussures, et aida Timothy à ramasser les restes de leur repas. Quelques minutes plus tard, les deux amants se quittèrent, non sans un dernier baiser empli de bien de promesses...

- Fin -