Elle est restée dans ses bras une bonne partie de la nuit. Elle a continué à passer lentement ses doigts dans ses cheveux sans vraiment réussir à fermer l’oeil. Elle a surveillé les bébés, restant à l’affût pour qu’au moindre pleure elle puisse s’en occuper et ne pas réveiller Bailey qui a bien trop besoin de se reposer. Elle s’est levée du lit 2 fois, apparemment les jumeaux ont décidé de dormir bien plus qu’elle n’en avait le souvenir. Les infirmières ne sont pas passées de la nuit et elle a géré Jill. Elle en a été capable une nuit et bien une seule. Seulement parce que les bébés ont été calme.

Elle a fermé les yeux juste une seconde, une seconde qui a dû se transformer en plusieurs heures parce que lorsqu’elle réouvre les yeux le soleil est levé et les médecins l’appellent pour sortir de la chambre. Elle soupire mais les rejoint en vérifiant rapidement que les jumeaux dorment à poing fermés. Elle attend, elle déteste toujours autant les médecins et les hôpitaux mais cette fois elle n’est pas à l’hôpital pour elle. Elle est ici pour sa famille, la famille qu’elle a voulu quitter il y a quelque temps déjà. Soupir de soulagement quand le médecin lui dit que les tests sont négatifs, enfin une bonne nouvelle. Il n’est pas malade. “Je…. je pense pas.” Elle ne sait pas s’il dort ou s’il laisse quelqu’un l’aider à la maison. “Comment ça vous ne savez pas ? Vous ne vivez pas ensemble ?” Elle déglutit, elle croise les bras sur sa poitrine. “Plus maintenant.” Et encore pour un moment très certainement. “Je ne suis pas là pour vous faire la morale.” Et pourtant elle a l’impression que c’est exactement ce qu’il va faire. “Mais ce n’est certainement pas bon pour lui. Il est épuisé, il a fallu se tuer et tuer les bébés. Il essaie de trop en faire et il va avoir besoin de quelqu’un pour l’aider.” Elle le sait Jill, et même si le ton du médecin est bienveillant elle le déteste. “Il doit garder son attelle combien de temps ? Il a pas le droit d’utiliser son bras pendant longtemps ?” Parce qu’elle sait qu’il va être invivable s’il ne peut pas prendre ses bébés quand il le souhaite, et qu’elle ne s’en sortira jamais si elle doit s’occuper des bébés toute seule. “Je vais revenir à la maison tant qu’il ne peut pas utiliser son bras.” Ca semble être la meilleure solution pas vrai ? “Il en a pour 3 semaines je pense.”

Elle l’entend qui se réveille et qui panique dans la chambre quand elle retourne à l’intérieur. “Je suis là.” Parce qu’elle sait que c’est elle qu’il cherche.

J’étais bien, juste là, dans les bras de Jill. Chose qui me paraissait encore surréaliste il y a quelques heures de cela. Pourtant, elle est là, elle n’a pas pris la fuite en courant dans l’autre sens. Elle veille sur nous, un peu. Et c’est comme ça que je finis par m’apaiser même si mon esprit cherche encore à donner un sens à l’accident. Je tente de me repasser la scène en boucle, mais j’ai comme un trou noir qui m’empêche de réellement comprendre comme j’ai pu atterrir dans un mur. Puis mes paupières sont devenues vraiment trop lourdes. Comme emprisonner dans un cocon rassurant, je me suis endormi en quelques minutes seulement.

Je ne sais combien de temps, j’ai dormi. Mon corps, dirait pas assez longtemps, mon esprit semble trouver cela comme une éternité tant j’ai du mal à émerger. J’ai mal au côté, le mal de crâne à disparu, mais mon poignet me lance comme jamais. Je tente de m’étirer, mais regrette vite mon action. Et c’est là que je réalise. Je peux bouger dans le lit sans heurter personne. Jill est partie. Mes yeux s’ouvrent si rapidement que je suis quelque peu aveuglé par la petite lumière de chevet. La chaise est vide, la pièce est plongée dans le calme. Elle n’est plus là. Et c’est ma vieille amie la crise d’angoisse qui prends le dessus. Je n’ai pas le temps de réaliser, pas le temps de me blinder. Elle me submerge telle une lame de fond, m’empêche d’agir, de penser, de réfléchir. Tout est noir, tout semble m’avaler tant, je perds pied. Je devrais m’habituer à ses départs, mais j’ai eu l’espoir de trop, il faut croire. Tout va trop vite, trop fort, trop mal. J’en oublie les enfants tant tout ce qui compte, c’est son absence.

« Je suis là. » Sa voix qui résonne au loin, mais qui en rien ne m’apaise. Pris dans l’idée délirante qu’elle m’a abandonnée, je ne vois pas Jill se poster devant moi. Il me faudra quelques secondes supplémentaires pour trouver la force de planter mon regard dans le sien. « C’est parce que j’en vaux pas la peine que tu pars tout le temps, hein ? » Je ne sais plus si j’ai mal à cause de l’accident ou si c’est simplement devenu un sentiment général et lassant qui a pris place dans ma vie sournoisement. « Tu peux le dire, je sais bien que je suis qu’un bon à rien. » C’est ce que mon père disait tout le temps, elle a raison, je ne suis pas quelqu’un avec qui on voudrait faire sa vie.

Elle est sortie seulement quelques minutes, le temps de discuter avec le médecin et faire un point sur l’état de Bailey. Elle est fautive, elle le sait, et les médecins lui font bien comprendre. Personne n’est capable de savoir ce qu’elle ressent, tout le monde la regarde avec un air de dégoût quand ils comprennent qu’elle a été capable d’abandonner son mari et ses enfants en bas âge. Elle déteste ces regards et tous ces jugements. Elle a envie de frapper la totalité de la planète mais elle doit se concentrer sur les 3 membres qui sont les seuls à compter pour le moment. Les minutes passent et elle entend du bruit dans la chambre de Bailey. Il est réveillé et doit sûrement être en train de la chercher. Il n’a pas la force de faire une nouvelle crise d’angoisse, il n’a même plus la force de tenir debout et le médecin a été clair. Il doit se reposer et il ne partira pas d’ici tant qu’il n’ira pas mieux.

Elle s’annonce et se rapproche doucement de lui alors qu’il panique tout seul dans le lit. Elle serre les dents, elle le connait ce regard fuyant et perdu et c’est déjà trop tard. Elle se rapproche doucement, il ne faut pas que les bébés se mettent à hurler, ça ne ferait qu’augmenter les angoisses du brun. Elle se rassoit à ses côtés et les mots qu’il prononce sont comme des poignards dans le coeur de Jill. Elle est la pire des femme de tous les temps, ça n’a aucun sens. Elle veut être avec lui et elle l’aime, mais elle ne le fait jamais de la bonne manière. Est ce que c’est elle qui doit tout changer ? Elle en serait incapable et ça la terrifie. “C’est pas toi…” Elle est là la dure réalité. Il n’a jamais été le vrai fautif. “Tu mérite tellement mieux que tout ça.” Tellement mieux qu’elle. Et pourtant, cette fois, elle ne lui dit pas qu’elle a envie de s’éloigner. Parce qu’elle veut juste rester à ses côtés pour le calmer. “T’es pas un bon à rien arrête.” Elle l’a mis dans un état pitoyable, seulement avec des mots et un départ, elle veut se promettre que ça n’arrivera plus jamais. “Je suis désolée…” Parce qu’elle ne s’était pas encore excusée pour tout ça.

Me réveiller seul dans cette chambre d’hôpital réveille alors les pires des angoisses. Celles enfouies au plus profond depuis des années. Marquer au fer rouge par les propos que mon père a toujours eu à mon sujet. Bailey, qui n’était jamais assez bien pour quoique ce soit et surtout pour qui que ce soit. Obliger de le marié de force pour qu’il est un semblant de vie normale. Brider par des années de reproches, que j’ai toujours souhaité enterrer et qui ne cessent de me sauter à la gorge depuis que tout semble aller de travers avec Jill. Cela ne devait pas se passer comme ça. On c’était promis que tout irait bien, que l’on pourrait enfin vivre notre vie sans que personne ne décide quoique ce soit pour nous. On se devait d’être heureux tous les deux. Pourtant, la lune de miel semble déjà terminer. Il ne reste que les regrets, les reproches et le mal-être. Malgré sa présence, j’étouffe. Malgré ses mots, je redoute déjà son prochain départ. Rien n’est comme avant, chaque moment où elle s’éloigne semble sonner la fin d’une histoire vieille de dix ans qui ne tiennent plus la distance, qui ne peut accepter deux enfants. Tout semble si compliqué et impossible que je me noie. Je me perds à chaque seconde, malgré le regard bienveillant qu’elle porte sur moi. « C’est pas toi… Tu mérites tellement mieux que tout ça. » Tout cela sonne comme un énième au revoir. Une phrase si clichée que je refuse de l’entendre, secoue la tête comme un enfant, tant je n’arrive pas à m’apaiser pleinement. « T’es pas un bon à rien arrête. » Ses mots tendres qui se superposent à ceux de mon paternel, la dureté de ce que je m’inflige sans réellement en prendre conscience. Mon regard qui se perd sur nos enfants qui dorment encore, ses mains sur ma peau qui me rappelle à l’ordre et nos regards qui se croisent. « Je suis désolée… » Mon souffle qui se coupe, l’agitation qui s’apaise. Tout prend une autre dimension quand ces trois mots résonnent en moi. Elle s’excuse et je plie pour retourner contre elle.

Les minutes s’enchaînent, le silence dure, mon rythme cardiaque retrouve sa normal. Je suis épuisé, à bout, prêt à céder de tous les côtés. « Je veux rentrer à la maison. » Ce n’est pas ici que je pourrais aller mieux, alors que je me sens contraint et forcé. Qu’importe la douleur, je veux retrouver ma maison, mon chien. Les enfants ont besoin de leur quotidien, de leurs peluches et tout le reste. « Tu sera pas obligé de rester. » que je murmure doucement, parce que je n’ai pas la force de lui imposer quoique ce soit, parce que j’ai compris qu’elle ne voulait pas être avec nous tout le temps. Je lui laisse le choix même si le mien n’a jamais réellement changé. Je l’aime et je voudrais qu’elle reste, mais la forcer ne fera qu’empirer les choses. Lui laisser le choix de partir si c’est ce dont elle a besoin, sombrer un peu plus lorsque la porte claquera derrière elle, mais en silence cette fois. Malgré tout, mes doigts cherchent les siens et mon cœur se serre lorsque je remarque une chose. « Mon alliance… » La bague que j’avais enlevée, puis remise et qui a disparu de mon annulaire. « Elle est où mon alliance ?! » Je peux pas l’avoir perdu, pas ce symbole-là.

Elle est de nouveau assise sur le lit et elle le garde dans ses bras pour qu’il se calme. Ce sont des habitudes qu’ils ont prise depuis des années déjà, des choses qu’elle fait automatiquement parce qu’elle n’aime pas qu’il soit dans cet état sous ses yeux. Elle n’aime pas qu’il soit aussi mal à cause d’elle. Elle parle et tente de le calmer, se concentre sur sa respiration en laissant glisser ses doigts dans ses cheveux à un rythme régulier. Il se colle un peu plus contre elle après qu’elle se soit excusée sans l’avoir prémédité. Elle s’excuse pour des milliers de choses et il le sait très bien. Elle avait besoin de tout ça, de toute cette phase où elle était perdue pour se rendre compte qu’elle détesterait perdre la famille qu’ils ont voulu créer depuis des mois. Elle peut peut-être vraiment essayer et arrêter d’avoir peur de tout.

Elle se tait, attend qu’il se calme ou qu’il reprenne la parole. La route va être compliquée mais elle ne va pas l’abandonner cette fois. Elle pince les lèvres quand il recommence à parler. “Les médecins ne veulent pas te laisser partir tant que tu n’iras pas mieux.” Elle sait que ce n’est pas dans un hôpital qu’il ira mieux, parce qu’il est exactement comme elle. Mais elle ne veut pas se battre contre l’hôpital en entier parce qu’il veut sortir. “Je vais pas te laisser seul dans cet état.” Elle restera comme ça tant qu’il ira mal, et ils discuteront de la suite des événements plus tard. Ils ont le temps pour ça, et elle n’a pas envie d’en parler tout de suite, pas après tout ça.

Elle respire un peu mieux mais ne bouge pas. Elle commence à bouger uniquement quand il cherche son alliance. “Tu l’as remise ?” Elle a ce flash, ce moment où il a déposé son alliance sur la table avant de la virer de la maison. Elle regarde sa main et l’alliance n’est pas à sa place. Elle pourrait commencer à paniquer aussi mais au lieu de ça elle appuie sur le bouton qui appelle les infirmiers. “On va la retrouver, ils ont dû la mettre quelque part dans tes affaires.” Elle l’espère de tout son coeur.

Ce sont finalement ses excuses qui m’aideront à me calmer. Ce n’est pas souvent que ces quelques mots sortent de la bouche de Jill. Au cours de toutes nos années de relation, je ne suis pas persuadé de les avoir entendus très souvent. Je sais combien cela lui compte, à quel point elle est en train de réaliser pour finir par le murmurer là, dans cette chambre d’hôpital. Mon corps et mon esprit cessent de lutter pour venir s’effondrer contre elle. Qu’importe ma rancœur, qu’importe ce qui se passe entre nous ces derniers temps, j’ai besoin de l’avoir près de moi. Besoin qu’elle me sorte de là aussi. « Les médecins ne veulent pas te laisser partir tant que tu n’iras pas mieux. » J’aurais dû m’en douter. Accident de voiture, avec des enfants, manque de sommeil, perte de poids. Ils vont vouloir me garder en observation. Probablement me faire passer tout un tas de test divers. M’envoyer voir un psy. « Je vais pas te laisser seul dans cet état. » Trop fatigué, pour analyser ses paroles, je me contente de hocher la tête. « Dis-leur ça. » Elle est ma femme après tout, elle sait, elle, que je ne pourrais pas éternellement rester dans cette chambre, que ce n’est jamais ici que je me sentirais bien. « Je veux pas rester ici. » Et il est hors de question que les jumeaux ont le droit de sortir et que l’on me force à rester dans cet hôpital. « S’ils partent, je pars avec eux. » Papa poule au rendez-vous.

Je voulais me reposer, vraiment. Jusqu’à ce que mes yeux se posent sur nos mains, jusqu’à ce que je réalise qu’il me manque quelque chose. « Tu l’as remise ? » Énième rire nerveux provoqué par la fatigue et les nerfs qui lâchent petit à petit. « A la seconde où t’as laisser claquer la porte derrière toi. » Je ne sais pas pourquoi j’ai enlevé mon alliance sous ses yeux ce soir-là. Je voulais qu’elle m’écoute, je voulais la provoquer. C’est probablement une de mes plus grosses erreurs, ce qui nous a mener là, droit dans le mur. Et ce soir, ce symbole de notre relation a disparu. « On va la retrouver, ils ont dû la mettre quelque part dans tes affaires. » Mes affaires. Je me souviens avoir vu un sac en plastique quelque part dans la chambre. « Derrière toi. » Là juste sur la chaise. Elle est en train de fouiller dedans Jill lorsque l’infirmière pas franchement sympa arrive dans la chambre. « Monsieur Fitzgerald va falloir arrêter tout ce cirque. » Yeux arrondis par la surprise, je la regarde en bégayant. « Je cherche mon alliance. » Elle m’écoute à peine la vieille, s’agite dans tous les sens et viens se poster devant Jill. « Madame, je vais vous demander de partir, les visites sont terminées. » « Non ! » Non, elle ne part pas. C’est hors de question. « Je vais emmener les petits à la pouponnière. » Et c’est le coup de grâce. Je me lève si vite que j’en ai la tête qui tourne. « Vous ne touchez pas à nos enfants. » Et ma voix gronde de manière sourde.

Elle ne bouge pas d’entre ses bras, elle reste sur le lit et elle restera le temps qu’il faudra. Leurs souffles sont de plus en plus calmes et ça la rassure Jill. Elle n’a pas envie de bouger maintenant qu’il est calme. Elle restera là tant qu’il la laissera être à ses côtés. “Je sais mais t’en as besoin.” Qu’il le veuille ou non, même Jill ne pourra rien faire pour convaincre les médecins de le laisser partir. Il a besoin de repos et de se remettre de ses émotions. Le séjour à l’hôpital ne durera que quelques jours, Jill saura s’en assurer, elle ne supportera pas non plus de rester trop longtemps dans les parages. “Personne va partir.” Et même pas elle.

Ils appuient sur le bouton qui appelle les infirmières, et Jill regarde le doigt nu de Bailey pensant qu’il n’avait pas remis son alliance pendant tout ce temps, qu’il était juste passé à autre chose, qu’il s’était résolu à ne plus avoir envie qu’elle soit dans sa vie. Mais, finalement, peut-être qu’elle avait tort Jill. Elle penche la tête sur le côté et prend quelques secondes pour comprendre. “Mais…” Ses yeux papillonnent et elle soupire en tournant la tête pour croiser son regard. “Pourquoi ?” Il avait toutes les raisons d’essayer de l’oublier, de laisser l’alliance traîner dans la maison jusqu’à ce qu’elle prenne la poussière. Mais il s’est accroché encore une fois, ils finissent toujours par s’accrocher l’un à l’autre.

Elle se lève pour fouiller dans le sac en plastique, elle retourne les affaires trop rapidement et n’a pas le temps de tout vérifier avant que la plus vieille des infirmière n’entre dans la pièce. Elle râle alors que c’est son métier d’aider les patients et elle demande à Jill de partir. Le rire qui traverse la barrière de ses lèvres est rauque, nerveux. Elle ne sortira pas d’ici. “C’est votre travail d’aider les patients, excusez nous de déranger votre 15ème pause clope de la journée.” Le sourire que Jill lui offre est condescendant au possible. Il va falloir retrouver l’alliance, et Jill sait très bien qu’elle ne peut pas abandonner Bailey sans qu’il ne fasse une nouvelle crise d’angoisse. Jill tourne la tête vers Bailey, il sait qu’elle ne va pas bien réagir face à cette conne mais elle le prévient d’un seul regard. “Je ne bouge pas d’ici.” Elle croise les bras et vient se planter juste devant la dame âgée. “Vous touchez aux berceaux et je me débrouille pour vous faire virer, ou pour faire de votre vie un enfer.” Elle ne le fera pas Jill, elle pourrait. Ils pourraient tous les deux, leurs noms sont connus et ils ont de l’argent, tout ce qu’il faut pour avoir tout ce qu’ils veulent ici. Il faut qu’elle les laisse rester ensemble et que l’alliance refasse surface. Elle tend la main et reste le plus calme possible. “L’alliance.”

« Mais… Pourquoi ? » Son regard qui papillonne vers le mien. Sa question qui me laisse sans voix tant elle sonne juste, tant je ne lui ai jamais réellement expliqué les raisons de mon geste. Il me semble absurde qu’elle veuille rester à mes côtés, il lui semble irréaliste que j’ai bien pu enfiler mon alliance à nouveau. Pourtant, elle est si simple la réponse, la véritable logique derrière tout ça. « Je t’ai épousé pour le meilleur et pour le pire. » Il est là notre pire à nous, notre rock bottom. Je ne sais pas réellement si on va pouvoir se sortir de tout ça. Je ne sais plus vraiment à quoi va ressembler notre avenir, mais elle est ma femme et ce n’est pas une dispute, un soir, un coup de trop, qui viendra complètement briser cela. « Je ne sais plus vraiment ce que l’on est Jill. » Des amis, des amants ? Un mélange de tout cela. Je ne sais plus… Le tout ressemble bien à des ennemis pour le moment. Et ce, je t’aime qui n’arrive pas à sortir, celui-là même qui reste coller à mes lèvres tant la trahison a été importante. « Je veux juste pas l’avoir perdu. » Mon alliance, que l’on a arrêté de chercher dans ce moment confession si inopportun.

Le retour de l’infirmière désagréable n’arrange en rien les choses tant elle vocifère et cherche à virer Jill de la chambre. Mon regard affolé se pose sur celui de la brunette. J’ai beau avoir tout les doutes du monde sur ce que nous sommes devenus, je suis sûr d’une chose : je ne veux pas qu’elle s’en aille. « Je ne bouge pas d’ici. » Son ton et dur et ferme. Elle ne bougera pas et je peux respirer à nouveau, alors que la brunette attaque l’infirmière de plein front. « Vous touchez aux berceaux et je me débrouille pour vous faire virer, ou pour faire de votre vie un enfer. » « Ce n’est pas vous qui faites les règles. » qu’elle argumente la tête haute. « Toucher aux berceaux et je sors d’ici contre l’avis médical. » Et ce serait une faute professionnel de sa part, elle en a parfaitement conscience lorsque son regard se pose sur moi, tandis que je me tiens les côtes pour ne pas hurler de douleur. « Allonger vous Monsieur Fitzgerald. » « L’alliance. » Elle lui tient tête Jill et je pourrais en rire si je n’avais pas si mal. La femme souffle, mais finit par ouvrir le petit tiroir de la table de chevet pour me rendre le bijou. « On a été obligé de vous l’enlever pour des examens. » Cool. Je m’en tape complètement tandis que je fais glisser l’anneau à mon doigt. « Reposez vous. » Et voilà qu’elle s’en va, claquant presque la porte derrière elle. « Qu’elle conne. » Ce n’est pas dans mon habitude d’insulter les gens, mais c’est plus fort que moi. Épuisé, je finis par m’asseoir à nouveau sur mon lit et remarque que Tracy est réveiller. « Si je m’allonge, tu peux la poser sur moi ? » que je demande timidement. « Promis je ferais rien de dingue, juste un câlin. »

Il a remis son alliance et elle ne l’a jamais enlevé. Ce dernier symbole qui les retient l’un à l’autre. Dernier signe visible de leur amour ancré encore dans leurs coeurs. Un amour qu’ils ne se donnent pas correctement, une histoire qui n’a jamais été construite sur des bases saines, c’est ce qu’ils payent aujourd’hui. Ils doivent tout détruire et décider ensemble s’ils sont capable de se reconstruire ou si c’est simplement la fin de tout. La fin de 10 ans à se retrouver sans cesse. Elle demande pourquoi sans espérer de réponse, sans penser qu’il allait écouter et entendre. Elle reste abasourdie pendant un moment Jill. C’est elle le pire, ou celle qui le provoque du moins. Pourquoi ? Pourquoi il l’aime à ce point et comment elle est capable de lui faire autant de mal ? Ses dents se serrent mais elle ne dit rien, elle le sait qu’ils traversent le pire, encore pire que tout ce qu’ils ont déjà pu vivre tous les deux. “Je sais.” Elle ne sait pas non plus ce qu’ils deviennent, et elle a l’impression de n’avoir aucun pouvoir sur tout ça.

L’arrivée de l’équipe médicale les coupe, ce n’est que partie remise, ils l’auront cette discussion, un jour. Elle n’a pas le temps de réenchérir que Bailey s’y met lui aussi. Elle n’aime pas qu’il se blesse mais elle ne lâche pas le regard de l’infirmière. Jill ne bougera pas, qu’elle le veuille ou non. L’alliance ressort et Jill soupire de soulagement. Partie gagnée, tout le monde reste dans la chambre et le calme se fait de nouveau dans la pièce alors que Tracy a ouvert les yeux. Bowie dort encore profondément alors Jill les laisse dans le berceau en regardant Bailey s’allonger sur le lit. Elle hoche la tête et se rapproche du berceau pour attraper Tracy. Elle bouge dans tous les sens et Jill finit par la poser sur le ventre du brun en faisant attention d’éviter les bleus. Elle a pris sa place dans les bras de Bailey et Jill s’éloigne de nouveau. Elle leur laisse leur bulle et les regarde de loin en ayant l’impression qu’elle n’a pas besoin d’être là dès qu’un des bébé a un oeil ouvert. Mais elle ne bougera pas de la chambre tant qu’il ne sera pas sorti de l’hôpital, et le reste, ils verront plus tard.