« Hmm… Je sais pas encore. » L’idée que Cian puisse me faire du mal ne me vient même pas en tête. Jamais je ne pourrais l’imaginer comme cela, jamais je ne pourrais l’imaginer à faire quelque chose qui me mettrait mal à l’aise volontairement. La confiance que j’ai en lui est déjà bien plus élevée que celle que je n’ai jamais eue en David. Avec mon ex, j’ai toujours eu un doute dans le fond, quelque chose d’incertain, mais je n’y avais jamais prêté attention. Quand je suis avec Cian, je n’ai pas ce petit ressenti, et je crois que si je devais lui confier ma vie, je le ferais sans hésiter. J’ai confiance en mon ami, en ce papa qui donnerait tout pour sa fille. « Bouder, probablement. » Je ris légèrement en regardant le châtain, m’attendant presque à voir sa bouche former une moue adorable qui me ferait surement craquer. Mais à la place, c’est moi qui fais une moue avant de rire à nouveau. Je me sens bien avec Cian, réellement bien. Je peux être moi-même sans me sentir juger et j’ai l’impression qu’il a une connexion forte entre nous deux. Je l’observe quelques secondes avant que notre attention ne se tourne vers la petite qui ne cesse de sourire et de gazouiller dans son coin. Elle est heureuse, pleine de joie et cela m’attendrit au plus haut point. « Elle rampe déjà dans tout l’appartement. » Il lui fait des bisous à sa fille. « Dire qu’elle va bientôt avoir un an… » « Elle grandit vite hein ? » Je réponds avant de sortir mon portable pour prendre quelques photos d’eux. J’ai toujours adoré prendre des photos, capturer des moments que je ne veux pas oublier. Je demande alors à Ailis de me faire un petit sourire, même si elle en a déjà un énorme coller sur le visage. « Attends viens, on va faire mieux. » Il prend le téléphone de mes mains et je m’approche d’eux pour venir coller ma tête près des leurs. Une photo avec des sourires, et une avec des grimaces. « Tu me l’enverras ? »« Bien sur. » Je réponds à peine que les photos sont déjà envoyées.

Et les heures défilent, à parler de tout et de rien, à rire, à faire des grimaces à Ailis. Les heures passent et je me sens bien, heureuse, comme si je n’avais besoin de rien d’autre à ce moment précis. Mais la petite commence à fatiguée, à raler et je crois que nous comprenons tous les deux que c’est le moment de lever le camp. « On va rentrer, je crois. » J’hoche la tête et commence à remballer les affaires alors que le châtain s’occupe de sa fille qui se met à chouiner. « C’est rien ma puce, on va rentrer à la maison, retrouver tes jouets. » Nous voilà dans la voiture, la petite installée dans son siège, pleurant à chaude larme et je m’installe à côté de Cian. J’essaye de distraire la petite, tourné vers l’arrière, mais rien n’y fait. Je crois que la fatigue est un peu trop forte. Lorsque mon ami se gare devant chez lui il se tourne vers moi. « Tu peux encore fuir si tu veux. » Il rit et moi je secoue la tête. Je n’ai pas vraiment envie de partir, je n’ai pas envie de rentrer chez moi, pas tout de suite. « Elle est claquée… Vraiment, tu es pas obligé de rester. » Je pose ma main sur son bras et lui sourit. « Occupe toi de ta fille, et je m’occupe du reste d’accord ? » Je ne laisse pas vraiment répondre et m’occupe de décharger la voiture.

Une fois la voiture vide, les affaires ranger, sauf pour les affaires que je ne sais pas ou mettre, je vais dans la cuisine. Je fais comme chez moi, et me lance dans un repas improvisé. Je fouille dans les placards, en sort un paquet de pâtes, quelques poivrons et me lance. J’entends Cian lire une histoire à Ailis au loin, la petite ayant fini par se calmer et sûrement s’effondrer de fatigue dans les bras de son papa. Je fredonne doucement avant de remarquer la silhouette de mon ami. « Elle dort ? » Je lui souris. « Je me suis permise de commencer à cuisiner un petit truc à manger. » Je lui tends un verre de vin que j'ai servi venant d'une bouteille déjà ouverte dans le frigo. « Je me suis permise aussi, j'espère que ca te dérange pas... »

C’est souvent dans des moments comme celui-ci que je me mets à douter de tout. L’après-midi se déroulait à merveille, on passait un bon moment, Ailis semblait heureuse de faire ses petites affaires dans le sable. Mais j’ai laissé le temps s’égrener sans y prêter attention et désormais, bien trop fatigué par les événements de la journée, ma fille ne cesse de pleurer, refusant de quitter la plage, refusant les bras et tout ce que je pourrais bien lui proposer. Dans le fond, je sais que ce n’est rien de grave, elle est juste épuisée, tout ira mieux lorsqu’elle sera à la maison, en pyjama et prête à retrouver son lit. Mais je m’épuise à penser à ce que j’aurais pu faire pour éviter ses pleurs, je me fatigue à me donner des coups de fouets à la moindre de ses larmes, détestant l’entendre ainsi. Elle finit par trouver refuge dans le creux de mes bras et c’est le signal qu’il est temps de s’en aller. Dernier regard vers la plage, les sacs sur le dos et mon amie à mes côtés qui ne cesse de sourire qu’importe la détresse qui m’envahit.

« Occupe-toi de ta fille, et je m’occupe du reste d’accord ? » Un hochement de tête en signe de réponse et déjà le ballet se met en action. Comme un duo parfaitement rôdé, on entre chez moi, chacun trouvant son poste. Du coin de l’œil, je vois Oakley s’activer dans la cuisine pour préparer le biberon alors que je décide d’aller changer Ailis. On verra demain pour le bain, elle ne cesse de se frotter les yeux et sanglote encore bien trop pour que l’on s’embête avec tout ça. « Tu fais un petit sourire à papa ? » Pour toute réponse, Ailis met sa tétine à la bouche et tend les bras vers moi. Sourire aux lèvres, je la prends contre moi, embrasse son front une dizaine de fois. Tout ira bien, c’était une bonne journée.

Le rituel du coucher dure plus longtemps, Ailis ronchonne un moment jusqu’à l’histoire. En deux pages, elle s’est endormie contre moi et j’ai pu la glisser dans son lit après un dernier câlin. Armé du babyphone, je rejoins mon amie dans la cuisine. Elle a fait comme chez elle Oakley, fouillant dans les placards pour nous préparer à dîner, chantonnant un air connu. Sur le seuil de la porte, je l’observe, léger sourire aux lèvres. C’est peut-être ce qui me manque le plus depuis le départ d’Eavan… Partager le quotidien avec quelqu’un. J’ai longtemps juré être un véritable solitaire, mais l’Irlandaise était venue faire sa place dans ma vie et voilà que je deviens nostalgique. C’est idiot et je secoue la tête lorsque Oakley remarque ma présence. « Elle dort ? » « Oui, elle a sombré en deux minutes. » Et je sais que ce sera pour le reste de la nuit désormais. « Je me suis permis de commencer à cuisiner un petit truc à manger. » Je souris à nouveau hochant la tête. « Je me suis permise aussi, j'espère que ça te dérange pas... » « Pas du tout, merci. » C’est réconfortant d’avoir encore quelqu’un lorsque Ailis dort. Et la présence de la blonde est presque devenue habituelle à la maison, alors qu’à son âge elle doit avoir bien d’autre chose à faire. « Tu sais que tu es pas obligé de faire tout ça. » Ce n’est jamais ce que j’attends, jamais ce que j’imposerais. Je crois que je me prends trop la tête, la fatigue probablement. En silence, je prends une gorgée de mon verre de vin et m’éloigne un peu.

Nous avons à peine franchi la porte de chez l’Irlandais que je m’active. Je vide tout d’abord le coffre de sa voiture, ramenant tout ce qu’il faut d’en bas et rangeant ce que je sais ou range. Je passe ensuite dans la cuisine, faisant chauffer le biberon de la petite blonde alors que Cian profite de ce moment pour s’occuper de sa fille. En faisant cela j’ai cette sensation bizarre, celle d’être parfaitement à ma place. Je sais pourtant qu’Ailis n’est que la fille de mon ami, et qu’il n’est que mon ami, mais je me sens bien. Ces gestes me paraissent normaux, familier alors que je ne les aie jamais vraiment faits des tonnes de fois dans le passé. J’aime beaucoup cette petite famille, ce lien qui les unis et passer du temps avec eux aujourd’hui m’a complétement fait oublier le reste et cela m’a fait le plus grand bien. Je suis calme, apaisais et je crois que je ne pouvais pas rêver mieux au final. Je vais rapidement donner le biberon tiède au châtain avant de retourner m’activiter à la cuisine. Je suis sur que Cian ne m’en voudra pas si je m’active pour nous faire quelque chose à manger. A vrai dire, j’ai la dalle et je me doute que lui aussi pourrait bien manger quelque chose.

Fredonnant, un peu perdue dans mon monde, je ne remarque pas tout de suite le châtain qui se tient dans le passage de la cuisine. Lorsque c’est le cas je lui offre un sourire et lui demande si sa fille dort. « Oui, elle a sombré en deux minutes. » Un nouveau sourire tendre alors que j’attrape un verre de vin pour lui tendre. Je dois bien avouer que j’ai un peu fait comme chez moi et l’espace de quelques secondes je me dis que j’aurais peut-être dû lui demander avant. Mais Cian n’a pas l’air fâché, au contraire. « Pas du tout, merci. » Me dit-il en attrapant le verre de ma main. Je me tourne alors à nouveau les plaques pour venir mélanger ce qui cuit. « Tu sais que tu es pas obligé de faire tout ça. » Je lui jette un coup d’œil et hoche la tête. « Je sais. » Je lui réponds simplement. La vérité, c’est que je n’ai pas envie de rentrer chez mon frère parce que je sais que je vais y être seule. Je n’ai pas envie que cette journée s’arrête, pas tout de suite du moins. « C’est prêt si tu as faim. » Je lui dis en commençant à remplir une assiette puis en lui donnant. J’aime bien cuisiner et j’espère qu’il aimera ce que j’ai préparé. Je sers une seconde assiette avant de venir m’asseoir face à lui. « Merci encore pour aujourd’hui Cian. Ce genre de journée c’est… Parfait. » Je lui adresse un nouveau sourire tendre. Je tends alors mon verre de vin vers lui pour trinquer. « A faire ce genre de journée plus souvent ? » Et passer plus de temps ensemble.

L'ambiance qui règne dans l'appartement semble aussi étrange que familière. Oakley fredonne dans la cuisine et vu l'odeur qui s'invite dans mes narines, elle est en train de nous préparer un bon petit plat. Ailis est endormie dans son lit et le calme retombe peu à peu dans l'appartement. Je passe par ma chambre pour quitter mon jean et enfiler un jogging un peu plus confortable, troquant mon tee-shirt contre un de l'armée abîmé par les années, une main dans mes cheveux pour tenter de dompter ma tignasse et je finis par rejoindre mon amie. C'est une soirée comme une autre, on est tombé dans une forme de quotidien qui m'angoisse autant que cela me rassure. Pourtant, c'est la tête haute que je pénètre dans la cuisine, laissant mes doutes dans le couloir. Ce n'est pas le moment de se prendre la tête, encore moins de partir dans tout un tas de supposition. C'est un simple dîner, avec une amie ou personne ne se fait des idées ou n'imagine quoique ce soit. Néanmoins, je me sens obliger de rappeler à la blondinette qu'en rien elle n'est obligée de faire quoique ce soit lorsqu'elle est ici. Il est vrai que c'est plutôt sympathique de pouvoir glisser les pieds sous la table sans se soucier de ce que je vais bien pouvoir me faire à manger, mais je ne veux pas qu'elle se sente redevable de quoique ce soit. « Je sais. » La réponse est simple et son sourire l'est tout autant. Il ne servira à rien de débattre pendant des heures alors autant profiter du moment.

Lui donnant un petit coup de main, pour ma conscience et tout ça, je finis par m'installer à table, salivant devant mon assiette pleine. « Ca à l'air délicieux » Et tel un vorace, je n'attends pas plus longtemps pour entamer mon assiette. Il faut croire que j'avais bien plus faim que ce que je pouvais imaginer, ce n'est pas les pauvres miettes que m'a filé Ailis à midi qui ont pu me rassasier. « Merci encore pour aujourd’hui Cian. Ce genre de journée c’est… Parfait. » Mon regard croise le sien alors que j'ai l'impression de la voir rougir un peu. « J'ai rien fait de particulier pourtant. » C'était une après-midi pour lui changer les idées et si la tactique de diversion à fonctionner je n'en suis que plus heureux. « A faire ce genre de journée plus souvent ? » Je lève mon verre à mon tour, venant le faire entrechoquer avec le sien. « Dès que possible, promis. » Même si j'ai épuisé mon quota de vacances pour l'année et que les prochaines semaines risquent d'être fortement rempli au travail. Sullivan a commencé à me reparler mission et je sais que je vais devoir faire face à cela plus tôt que prévu, mais ce n'est pas le moment de penser à tout cela. « Je suis sûr qu'Ailis a adoré la journée aussi. » que j'esquive, sourire aux lèvres et la bouche légèrement pleine.

Le dîner se poursuit entre conversation et silence confortable. La nuit est tombée, l'air qui s'échappe de la fenêtre est bien plus frais. La raison voudrait que je la laisse rentrer chez elle, l'ambiance actuelle me demande de lui donner une excuse supplémentaire de rester. « On se regarde un film ? » que je propose doucement. Demain c'est le weekend, je ne suis pas de garde avant Lundi, je n'ai pas à surveiller ma montre. « Promis, cette fois je m'endors pas. » Comme la dernière fois ou la fois d'avant même. « Deal ?! »

Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas senti aussi à l’aise avec un homme, pas depuis tout ce que j’ai vécu avec mon ex. Bien sûr, tout cela est sans compter Isaac, Dorian et Loan, qui sont des amis proches que j’ai depuis tellement d’années qu’ils sont comme une famille pour moi. Alors de me sentir aussi à l’aise avec Cian, d’avoir cette confiance en lui, c’est nouveau pour moi. C’est un peu comme un terrain inconnu et pourtant c’est agréable, vraiment agréable. Il me met à mon aise et lorsque je commence à faire à manger dans son appartement, en fouillant dans les placards, je n’ai pas l’impression de faire quelque chose qui dépasse les limites. Je passe beaucoup de temps ici depuis quelque temps et prendre l’initiative de nous faire quelque chose à manger avec qu’il s’occuper de sa fille me parait évidente. Lorsque l’irlandais revient, après avoir couché Ailis il me fait comprendre que je n’ai pas besoin de faire cela, mais pourtant ce n’est pas comme un contraire pour moi, bien au contraire. J’ai l’impression d’avoir une petite place avec eux.

Je dépose alors les assiettes sur la table où c’est installé le châtain. « Ca à l'air délicieux. » Me dit mon ami et je lui adresse un sourire avant de m’installer en face de lui. Ca ressemblerait presque à un diner romantique, presque. Je secoue légèrement la tête à cette idée avant de remercier Cian pour cette après-midi que nous venons de passer ensemble. Cela m’a fait le plus grand bien, et je suis presque sur qu’Ailis est tellement fatigué qu’il aura peut-être le droit à une longue nuit sans réveil. « J'ai rien fait de particulier pourtant. » Peut-être à ses yeux ce n’est rien, mais pour moi c’est beaucoup. Le simple fait qu’il est pris le temps de venir chez moi, de me proposer de passer l’après-midi avec lui et Ailis, ca signifie beaucoup à mes yeux. Je tends alors mon verre pour trinquer avec lui. « Dès que possible, promis. » Je lui adresse un sourire et bois une gorgée de mon verre. « Je suis sûr qu'Ailis a adoré la journée aussi. » J’hoche la tête. « J’en suis persuadé aussi. Et elle aura des photos pour que tu lui racontes tous ses souvenirs quand elle sera plus grande. » Je me promets déjà d’imprimer les photos que j’ai faites aujourd’hui pour les offrir à Cian, mais aussi pour en mettre chez moi, au milieu de celle avec ma famille, avec Dorian, avec Loan et avec d’autres amis.

Le dîner se fini et j’aide rapidement Cian à ranger un peu la cuisine. « On se regarde un film ? Promis, cette fois je m'endors pas. » Je laisse échapper un rire. « Alors si tu t’endors pas, je ne peux pas refuser. » Je n’ai pas envie de refuser en réalité. Je devrais sûrement rentrer, le laissé profiter un peu de sa soirée, mais j’ai encore envie d’être à ses côtés. « Deal ?! » « Je crois qu’on devrait faire un pari. Si tu t’endors je gagne quelque chose. Parce que je crois que t’as dit la dernière fois. Ou même les deux dernières fois. » Je lui dis pour le taquiner. Je me laisse tomber dans le canapé et attrape une couverture avant de lui faire signe de venir s’asseoir à côté de moi. Mon épaule se repose doucement contre la sienne. « Alors, quel film monsieur ‘promis je m’endors pas’ ? » Je lui adresse un sourire.

Tout semble tomber dans une certaine facilité. On ne se marche jamais dessus, chacun trouvant sa place, dans une aisance qui pourrait faire sourire. Elle a su préparer juste ce qu’il fallait, ouvrir la bouteille sur laquelle je lorgnais depuis des jours sans jamais trouver le temps de me poser pour enfin la savourer. Bébé dort et pour la première fois depuis ce qui me semble être une éternité, alors que cela se compte en jours, je peux avoir une conversation d’adulte. On ne s’aventure pas sur des débats sans fin, mais c’est réellement agréable de parler d’autre chose que de couches, de petits pots ou même de stratégie de combat. Ce n’est qu’une simple conversation, entre amis et c’est tout ce qu’il fallait pour bien débuter ce week-end.

« Alors si tu t’endors pas, je ne peux pas refuser. » Je retiens un éclat de rire avançant déjà une promesse que je ne serais jamais réellement sûr de pouvoir tenir. Ce n’est pas de ma faute si j’ai des jours bien remplie et que la plupart du temps, je suis incapable de rester éveiller tout le long d’un film. Ou alors c’est l’âge qui veut ça, mais je refuse d’admettre ce genre de chose. Alors, on dira que c’est simplement la fatigue d’un jeune père. Refusant d’entrer dans la taquinerie qu'Oakley semble vouloir lancer, je me contente de finir de remplir le lave-vaisselle pour que l’on puisse aller s’installer dans le salon tranquillement. « Je crois qu’on devrait faire un pari. Si tu t’endors, je gagne quelque chose. Parce que je crois que t’as dit ça, la dernière fois. Ou même les deux dernières fois. » Et cette fois, je suis incapable de retenir à réaction de gamin qui consiste à lui tirer la langue. « C’est même pas vrai, j’ai juste fermé les yeux deux secondes, la dernière fois. » Et louper la moitié du film, mais ça personne n’a besoin de le savoir après tout, non ? « Bon okay… Tu veux gagner quoi ? » Parce que ce n’est pas comme si j’avais beaucoup de choses à lui offrir. « Une journée de baby-sitting ? » que je tente en me retenant de rire à nouveau. « C’est bien ça non ? »

Le canapé est immense est pourtant, c’est l’un à côté de l’autre que l’on s’installe. Je récupère la télécommande et allume la télévision avant de chercher Netflix. « Alors, quel film monsieur ‘promis, je m’endors pas’ ? » « Tu préfères quel genre ? » Je me doute que film d’horreur soit une option, on va plutôt éviter les films à l'eau de rose, c’est le genre de truc que j'aime en particulier, on va pas se le cacher. « Pas de truc à l’eau de rose, s’il te plaît. » que j'insiste même, juste pour l'embêter. Je continue à faire défiler les vignettes avant de tomber sur Top Gun. « Ça te dit ? Tu connais ? » que je demande en tournant la tête vers elle. « Avec ça pour sûr, je m’endors pas. » Pas quand il s'agit de mon film préféré.

Je le charrie un peu Cian, je m’amuse à la taquiner, parce que je sais qu’il est quelqu’un avec qui je peux le faire, je sais qu’il ne se vexera pas. Et puis je me sens à l’aise avec lui, je me sens bien et tout se fait naturellement. Si avec certaines personnes, on a l’impression de devoir faire attention, de devoir faire semblant, de devoir se retenir, avec lui je suis cent pourcent moi et il n’a jamais rien contre cela. Il n’a pas l’air de prendre mal le fait que je me créer un peu ma place chez lui, que je trouve mon chemin dans la cuisine, fouillant dans ses placards, alors qu’il s’occupe de sa fille. Pendant le repas, on discute, on apprendre à connaître quelques choses en plus l’un de l’autre et cela me donne toujours le sourire. Il me propose un film, chose que je ne peux pas refuser et alors que nous finissons de ranger la cuisine, je trouve encore le moyen de le taquiner en utilisant les deux dernières fois ou il s’est endormi devant un film. Je ne peux pas lui en vouloir, il a une fille à s’occuper, et cela n’est pas de tout repos. « C’est même pas vrai, j’ai juste fermé les yeux deux secondes, la dernière fois. » Je ris un peu en l’entendant tenter de se défendre. « Deux secondes, t’es sûr ? » Parce qu’il a bien loupé la moitié du film. « Bon okay… Tu veux gagner quoi ? » Je fais mine de réfléchir. « Une journée de baby-sitting ? C’est bien ça non ? » Et il a l’air sérieux le châtain. « Hmm… Je pensais plutôt que tu me fasses un bon repas maison, ou un truc du genre. » Je réponds en riant.

Je me laisse tombé sur le canapé, mon épaule venant se caler naturellement contre celle de Cian. On aurait sûrement la place de s’étaler, mais pourtant c’est l’un à côté de l’autre que nous prenons place alors que je lui demande quel film il veut regarder. « Tu préfères quel genre ? Pas de truc à l’eau de rose, s’il te plaît. » Ca réflexion me fait sourire. « D’accord, pas de film à l’eau de rose. Mais pas de truc d’horreur non plus hein. » Je fixe mon regard sur la télévision où il fait défiler les films sur l’écran. Il s’arrête alors sur le Top Gun. « Ça te dit ? Tu connais ? Avec ça pour sûr, je m’endors pas. » « J’en ai entendu parler, mais j’ai jamais vu je crois. » Pas dans mes souvenirs tout du moins. Je descends un peu dans le canapé, et laisse le châtain lancer le film. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre pourquoi le film plait à Cian. « J’comprends pourquoi t’aime ce film. » Je lui jette un coup d’œil avant de reporter à nouveau mon attention vers la télé.

J’essuie doucement mes joues pour y effacer les traces des larmes qui coulent. Cian aurait dû me prévenir qu'une partie du film est triste. Je suis toujours la première à pleurer en regardant un film, mais ce n’est encore jamais arrivé en regardant un film avec le châtain. Je renifle un peu et sens alors le regard de mon ami sur moi. « Te moque pas, c'est triste. »

« Deux secondes, t’es sûr ? »
« Je jure ! »

Elle a déjà deviné ma mauvaise foi. Je me suis probablement bien endormi les deux dernières fois, c’est bien mon genre après tout, Thomas m’en a assez fait la remarque. Ce n’est pas de ma faute, si les films finissent toujours par me donner une envie de piquer un somme. C’est probablement parce que mes heures de sommeils ce compte sur les doigts d’une main (et demi) depuis des années. Je refuse tout de même d’avouer la vérité, m’entête à lui dire le contraire et jure une fois encore que ce soir, je vais tenir le coup. En réalité, je ne suis persuadé de rien, mais il faut bien tenter après tout, je ne veux pas que la soirée se termine tout de suite. C’est bien plus simple d’argumenter sur un film et ma capacité à m’endormir comme l’éclair plutôt que d’admettre clairement avoir cette envie de la voir rester encore un peu. Même si cela veut dire perdre et lui devoir quelque chose à la fin du compte. « Hmm… Je pensais plutôt que tu me fasses un bon repas maison, ou un truc du genre. » Nos regards se croisent et l’espace d’un instant, j’attends qu’elle me dise que tout cela est une blague, mais elle semble plus sérieuse que jamais la blonde. Alors après un léger bug, voilà que j’éclate d’un rire franc. « T’as pas peur de l’empoisonnement toi ! » Non parce que toutes les personnes qui me connaissent bien savent que je ne sais pas cuisiner et que ça pourrait être dangereux pour elle, clairement. « Je suis vraiment à chier pour ça. » que je rajoute pour bien lui rappeler que ce n’est pas une blague. « Je peux t’emmener au restau par contre. » que je tente de me rattraper dans un sourire.

On finit par s’installer dans le salon pour se regarder un petit film et terminé cette soirée comme il faut. « D’accord, pas de film à l’eau de rose. Mais pas de truc d’horreur non plus hein. » Je hoche la tête et commence à allumer la télévision puis me brancher sur Netflix pour que l’on puisse trouver quelque chose qui nous corresponds à tous les deux. Et voilà que je trouve Top Gun au milieu de tout un tas de film, autant dire que je ne vais pas vraiment lui laisser le choix. « J’en ai entendu parler, mais j’ai jamais vu, je crois. » « Pardon ?! » Je me tourner vers elle, plus surpris que jamais. « T’as jamais vu Top Gun ? » Non là, vraiment, ce n’est pas le genre d’information que je peux supporter. « Okay on va remédier à ça, de suite ! » Et elle n'a même pas le temps d’approuver que je lance le film.

Au fur et à mesure que le film avance, je m’enfonce dans le canapé, installer confortablement. De temps en temps, il m’arrive de réciter les dialogues tant je le connais par cœur. « J’comprends pourquoi t’aime ce film. » Je ris un peu et croise son regard. « C’est toute ma vie ce film. » Tout ce que j’ai toujours aimé dans l’armée et surtout dans le fait de se retrouver là-haut dans le ciel. Maverick, c’est l’image du soldat que j’ai toujours été, celui qui va répondre à son supérieur sans même se soucier des conséquences. Et comme toujours, j’ai le cœur qui se sert lorsque le pilote perd son camarade de toujours. À chaque fois, je pense à Thomas et je suis rassuré de savoir qu’il ne sera jamais avec moi dans un cockpit. Connaissant la scène par cœur, je tourne la tête vers Oakley qui semble à deux doigts de pleurer et c’est d’ailleurs ce qui finis par arriver. « Te moque pas, c'est triste. » « Me suis pas moquer. » Je ne peux m’empêcher de sourire malgré tout et finis par passer mon bras autour de ses épaules pour la garder contre moi. Et pour lui changer les idées, je me mets à chantonner le theme song du film que je connais un peu trop par cœur également. « Et je te ferais dire que je dors pas. » que je fanfaronne comme un gamin.

« Je jure ! » Un léger rire et j’hoche la tête. Je me sens bien avec Cian ce soir. Moi qui avais commencé la journée difficilement, la tête plongée dans le brouillard et les souvenirs, Cian et Ailis ont été mon remède miracle de la journée. Ils ont débarqué sans prévenir, et au final cette journée c’était complètement transformé et ca me fait un bien fou. Avec Cian dans le coin, j’ai toujours un sourire sur les lèvres, toujours une petite phrase pour l’embêter, mais c’est ce qui me plait avec lui. Tout vient simplement, comme si mon rôle dans sa vie est tout tracés, comme si j’ai exactement cette petite place dans sa vie, et dans celle de sa fille. Cette place où je cuisine tranquillement avec qu’il s’occupe d’Ailis, ou je le charrie alors qu’il tente de prouver qu’il ne s’endort pas sans cesse devant les soirées films que nous faisons ensemble. Et puis celle ou je négocie qu’il me fasse un bon repas si il s’endort devant la filme. « T’as pas peur de l’empoisonnement toi ! Je suis vraiment à chier pour ça. » Je me souviens bien que Cian n’est pas un grand cuisinier, mais je m’étais simplement dit que je ne pouvais pas lui demander un restaurant, je n’en suis pas encore à ce point de courage je crois. « Je sais, pourquoi tu crois que je prévois toujours les anti-poisons quand je viens chez toi ? On sait jamais. » Je lui réponds avant un rire. « Je peux t’emmener au restau par contre. » J’hoche la tête. « Va pour un restaurant alors. » Je lui adresse un sourire.

Je me laisse tomber dans le canapé à côté de lui et lorsque je lui avoue ne jamais avoir vu Top Gun, il semble presque offusqué ce qui ne manque pas de me faire rire une nouvelle fois. « Pardon ?! T’as jamais vu Top Gun ? » Je secoue la tête. A entendre Cian, c’est comme si je venais de commettre un crime terrible. « Okay on va remédier à ça, de suite ! » Et en deux secondes, le choix du film est fait. Je m’installe un peu plus confortablement, prenant une couverture pour venir me glisser dessous alors que l’irlandais à mes côtés lance le film. Il ne me faut pas très longtemps pour comprendre l’amour de Cian pour se filmer, et pour comprendre pourquoi celui-ci lui plaît tellement. « C’est toute ma vie ce film. » Je lui adresse un sourire et continue de lui jeter des coups œil de temps en temps, le voyant prononcer les paroles en même temps que le film. Je crois que je suis exactement pareil devant ‘The Greatest Showman’. Si Cian est un fan de film de ce genre, pour ma part j’adore les comédies musicales et je crois que cela en dit beaucoup sur nous et nos passions. Et à mon plus grand désespoir, Top Gun devient triste, assez triste pour que je tente doucement de cacher les quelques larmes qui viennent mouiller mes joues. Je sens rapidement le regard du châtain sur moi. « Me suis pas moquer. » « Hmm… » Je réponds simplement alors, qu’à ma grande surprise, il vient passer un bras autour de mes épaules et fredonne à mes oreilles. A cet instant, je me sens bien, apaisée, calme et en sécurité alors que je viens me blottir un peu contre le châtain. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas eu cette proximité avec un homme, autre que mon frère et mon meilleur ami, mais pourtant je ne suis pas mal à l’aise. « Et je te ferais dire que je dors pas. » Je relève la tête vers lui. « Peut être que tu as appris à dormir les yeux ouverts et à parler dans ton sommeil. » Je réponds avant de rire un peu. « Bon okay, tu t’es pas endormi. Ca veut dire que je te dois quelque chose moi ? » Je lui demandant, plongeant mon regard dans le sien pour quelques secondes.

« Va pour un restaurant alors. »
« Encore faut-il que tu gagnes. »

Le clin d’œil que je lui lance n’est là que pour la taquiner un peu plus. Juste pour le plaisir de l’embêter et peut-être pour prouver que cette fois, je ne vais pas m’endormir. Même si je dois lutter tel un papi sur mon canapé, je ne fermerais pas un seul œil durant toute la durée du film. Je mets toutes mes chances de côtés en choisissant mon film préféré. C’est mon côté compétiteur qui ressort au milieu de tout ça. Je ne vais lui laisser aucune chance même si dans le fond, ça ne me dérangerait pas vraiment de perdre. Mon ego, lui, ne veux absolument pas perdre même si Oakley pourrait m’avoir avec un sourire. Je ne vais pas m’endormir.

À chaque scène que je récite par cœur, je jette un coup d’œil vers Oakley. Elle semble apprécier le film, elle ne décroche pas et je voudrais la taquiner un peu, mais la laisse apprécier. Je ne peux m’empêcher de noter sa réaction au moment triste du film et tout de suite elle pense que je me moque d’elle. Je voulais juste voir si elle allait tenter de se retenir ou non, rien de plus. « Hmm… » « Eh je promets ! » Et la seconde d’après, juste pour qu’elle oublie ses larmes, je me mets à chantonner le theme song de Maverick, parce que faut bien l’avouer, je le connais par cœur. Mon bras qui glisse le long de ses épaules, l’aide à se rapprocher. Je soupire longuement, profitant de l’instant présent. C’est tout ce dont j’avais besoin pour me détendre à mon tour. Je ne m’étais pas senti aussi calme depuis un bon moment, il faut l’avouer. Mais je suis tout de même obligé de notifier que je ne me suis toujours pas endormi. C’est important de le rappeler. « Peut-être que tu as appris à dormir les yeux ouverts et à parler dans ton sommeil. » Un franc éclat de rire m’échappe. « Tu serais étonné de tout ce qu’on nous apprend à la Navy. » Je connais tout un tas de technique pour avoir un sommeil réparateur en moins de temps qu’il n’en faut pour claquer des doigts. « Je pourrais monter une tente dans mon sommeil. » Ou tuer quelqu’un, mais ça, elle n’a pas besoin de le savoir.

« Bon okay, tu t’es pas endormi. Ça veut dire que je te dois quelque chose moi ? » « Je crois bien que c’était le deal, oui. » Mais je ne me vois pas vraiment réclamer quelque chose. Encore moins lorsqu’elle se tourne vers moi et que son visage se retrouve étrangement proche du mien. Bien trop proche au point que je sens son souffle chaud sur ma joue. L’espace d’un instant, mon regard se perds dans le sien. Un instant qui semble durer un peu trop longtemps. Au point ou mon cœur semble rater un battement ou deux. Au point de retenir mon souffle avant de réaliser que tout ça est une belle connerie. Dans la seconde qui suit, je saute presque du canapé pour partir en sprint dans la cuisine, balbutiant en chemin. « Je vais nous refaire du thé. » Oui, c’est une bien meilleure idée.

« Encore faut-il que tu gagnes. » Je lève les yeux au ciel et m’enfonce un peu plus dans le canapé, dans une position confortable auprès du châtain. Perdu un peu dans notre monde à nous deux j’ai l’impression que rien ne pourrait nous déranger. Nous sommes bien tous les deux, comme parfaitement à l’endroit ou nous sommes censés être. De temps en temps, j’entends Ailis respirer un peu plus fort à travers le baby phone qui est posé sur la table basse devant nous. Je me concentre sur le film alors que l’irlandais assis à côté de moi récite de temps à autres les paroles du film ce qui ne manque jamais de me faire sourire. Je suis bien avec Cian, en confiance comme je ne l’ai pas été avec un homme depuis un moment. Vivre avec mon frère c’est différent, il est ma famille, mais passer du temps avec Cian est vraiment agréable. Si il connaît le film par cœur, pour ma part je le découvre et j’en verse quelques larmes. Je sens bien le regard de mon ami sur moi et je lui demande gentiment de ne pas se moquer. Devant un film il ne m’en faut jamais beaucoup pour me mettre à devenir émotionnelle ou à pleurer. « Eh je promets ! » Je lui adresse un sourire alors que je sens son bras se passer autour de mes épaules. C’est comme si j’y ai parfaitement ma place. Je ne peux cependant m’empêcher de remarquer que je semble avoir perdu mon pari et que Cian ne s’est pas endormi cette fois ci. « Tu serais étonné de tout ce qu’on nous apprend à la Navy. Je pourrais monter une tente dans mon sommeil. » Je ris un peu.

« Je crois bien que c’était le deal, oui. » Réponds l’irlandais alors que le générique du film défile à la télévision. Je me tourne alors vers lui et l’espace de quelques secondes, j’ai l’impression que tout s’arrête de tourner autour de nous. C’est la première fois que je me rends compte d’à quel point ses yeux sont bleu. Je remarque chaque trait de son visage et lorsque son regard croise le mien, c’est comme si mon cœur rate un battement. Des secondes qui semblent durés des minutes. Avant que je ne puisse réagir, Cian est debout, presque déjà à l’autre bout de la pièce. « Je vais nous refaire du thé. » Je me lève à mon tour et jette un coup d’œil à l’horloge. « Il est tard Cian, je crois que je devrais rentrer. J’ai des cours demain matin. » Je lui adresse un sourire, timide et viens alors me hisser sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. « Merci encore pour aujourd’hui. » Un nouveau sourire et je récupère mes affaires avant de quitter son appartement.

- FINI -