Je suis restée aux côtés d’Amos pendant tout le début de la soirée, tantôt accrochée à son bras, tantôt les siens passés autour de ma taille et posé au creu de mes reins, à me foutre des sollicitations extérieur et du monde qui nous entoure. Si j’ai eu peur au début de notre relation de l’afficher au grand jour et surtout au sein du Club, j’ai dépassé ça il y a longtemps. J’ai cru qu’en me voyant au bras d’un homme ceux du Club seraient satisfaits, auraient enfin l’impression de m’avoir cernée et enfin mise dans la case de compagne de plutôt que de membre des rangs du gang à part entière. J’ai craint d’y être réduite à ce statut mais force est de constater que, prompte à écraser tous ceux qui se sont risqués à des remarques, j’ai fait taire les machistes et mauvaises langues et prouvé que je savais être les deux : une cold bitch et une amante, une complice et une femme amoureuse.

Sollicitée d’une tape sur l’épaule par l’une des serveuses du sous sol transformé en casino, je me suis retournée en le toisant. Amos s’est éloigné, vaquant à ses occupations et ses responsabilités de maître des lieux. « Oui ? » J’ai levé un sourcil, étonnée, avant de me retrouver avec un verre que je n’ai pas commandé entre les mains. « C’est de la part de la cliente là bas. La rousse. » Un air toujours surpris sur le visage j’ai penché la tête pour apercevoir la jeune femme en question et ma moue perplexe s’est transformée en un sourire amusé. Ariane. Que fait-elle ici ? Je suppose que si elle venait souvent, je l’aurais remarquée plus tôt et j’en déduis qu’elle doit en être à son premier rodéo. J’ai congédié l’employée, avant de me diriger d’un pas conquérant - je suis chez moi ici - vers la rousse qui m’observe, appuyée contre le mur du fond et loin des tables de jeu. « C’est toi qui me files cette fois ci ? » Je n’y crois pas une seule seconde mais l’idée me fait rire. Bien plus que lorsque j’ai compris que c’était ce qu’Halsey faisait réellement. « Pas de chance, quand j’ai le choix je ne bois que du Scotch. » Et ici j’ai ma bouteille personnelle qui m’attend dans l’une des salles de l’étage. Pourtant, je trempe les lèvres dans la boisson choisie par mon interlocutrice. « Tu joues pas ? » Aux cartes ou à la roulette. Au delà de ça, je me demande qui l’a emmenée. Il faut être initié pour pénétrer à l’intérieur du bar et des salles de jeu du Club, les videurs refoulent tout inconnu non muni du mot de passe à l’entrée. « Crésus joue aux cartes ? » Que je devine, puisque ça colle au personnage dont elle a vaguement dessiné les traits.



@Ariane Parker

« C’est toi qui me files cette fois ci ? »
« T'aimerais trop ça, avoue. »

Saül parle affaires avec ses potes de table et ça me suffit pour m'être tirée sans même un regard de plus par-dessus l'épaule. C'est qu'il peut bien être incroyablement beau quand il est concentré, n'en reste qu'il me fait royalement chier quand il oublie qu'on est ici pour gagner et non pour serrer des mains et conclure des ententes de j'sais pas quoi pour j'sais pas plus qui. J'aimais mieux la version où on gobait du whisky des cigares aux lèvres et de la poudre sous le nez. On peut pas tout avoir, apparemment.

« Pas de chance, quand j’ai le choix je ne bois que du Scotch. » elle me fait rire, à hausser du sourcil et à froncer du nez comme si j'avais craché dans son verre - la méfiance est une qualité. Mais elle découvrira bien vite qu'avec moi, quand t'es du bon côté, t'as pas besoin de t'inquiéter. « Une bière contre une bière. J'suis une fille polie. » j'insiste ridiculement sur les derniers mots, elle en croira rien du côté politesse de la chose. Mais au moment où je l'ai repérée vêtue comme une reine dans son reinaume, y'avait la curiosité de savoir elle sortait d'où cette fois-ci mêlée à l'envie de discuter avec quelqu'un qui parlera pas de petits caractères comme s'il s'agissait d'une finalité en soi. « Le scotch viendra après. » cette fois-ci, on est pas pressées par des stands qui puent la poussière. On a tout notre temps.

Il est confortable, le silence qui s'installe entre nous deux. « Tu joues pas ? » « Je jouais. Là, j'apprécie le spectacle. » où plutôt, je mate Saül sans la moindre gêne. La table intéressante aux hautes mises où on était postés pour à deux est en pause, le reste ne m'intéresse guère. « Crésus joue aux cartes ? » « Ça lui arrive. » de jouer oui, de gagner surtout. Du bout du doigt, je le lui pointe, qu'elle sache de qui je parle quand je réfère à une enfance où les comptes des mises de jetons devaient se prendre sur des papyrus. À ses côtés, Amos vient d'éclater de rire comme si Saül lui avait raconté la blague de l'année. Je parie qu'il m'a volé une des miennes, le goujat. « On potine sur qui ce soir? » Halsey n'est pas dans les parages, j'imagine que notre cible a donc le moindrement changé. Pourtant, il y en a toujours une.

« T'aimerais trop ça, avoue. » Elle égale à elle même Ariane. Elle ouvre la bouche et je pourrais fermer les yeux et avoir l’impression toujours entourée de vieilleries au milieu d’une foire d’antiquaire. Sauf que cette fois ci c’est moi qui suis sur mon terrain et que cette fois ci j’ai enfilé une robe bien plus seyante que le jean noir et ma veste en cuir choisies pour la filer. J’ai beau tenter de garder un air détaché ma curiosité aura un jour ma peau et là je me demande ce qu’elle fait là et qu’il l’a laissée entrer. « Je virerais le videur surtout. » J’esquisse un sourire avant de lever le verre qu’elle m’a offerte au niveau pour commenter son choix. Radine, la rousse.

« Une bière contre une bière. J'suis une fille polie.  »
« Et moi je suis mère Teresa. »

Elle s’embarasse pas de politesse la jeune femme, et si elle ne me connait pas encore par coeur je doute qu’elle puisse me prendre une une sainte ou pour une femme avec la main sur le coeur. « Le scotch viendra après. » « Faut que je t’en offre d'abord c’est ça ? » Je la provoque d’un sourire avant de reporter mon attention sur la salle, jouant à un nouveau jeu : trouver son gars, puisque pour porter un décolleté comme ça c’est avec lui qu’elle est venue. « Je jouais. Là, j'apprécie le spectacle. » Je tourne la tête dans sa direction pour voir sur quelle table ses yeux sont braqués. Mes yeux attrapent le profil de mon amant, et j’observe ses convives. « Ça lui arrive. » Elle pointe du doigt l’un des hommes autour de la table que j’avais déjà identifiée comme la cible de son attention. « Saül Williams c’est ton crésus ? » Je ne le connais que de réputation et parce qu’il n’en est pas à son premier rodéo lui. Il vient souvent ici, joue beaucoup avec Amos et je sais qu’ils ont même envisagé d’organiser une petite soirée privée pour plus de discrétion. Du reste, je ne sais pas grand chose de plus sur lui si ce n’est qu’il  dirige plus ou moins la boite où travaille ma demie soeur : j’ai fait mes devoirs. « Je comprends mieux comment Halsey a réussi à se dégoter un boulot. Elle est venue pleurnicher ? » J’esquisse un sourire et elle, elle cherche déjà une nouvelle cible. « On potine sur qui ce soir ? » « Je sais pas, tu connais une autre de mes demies soeurs ? Je préfère le savoir tout de suite si c’est le cas. » Dieu soit loué pour l’instant il n’y en a qu’une à gérer. J’observe Amos, je le détaille, je le vois rire aussi, pas aussi sincèrement que lorsqu’il est avec moi : je me targue d’être la seule à pouvoir lui tirer un éclat de rire sincère.



@Ariane Parker

Elle porte - avec dédain - la bière à ses lèvres, je roule des yeux en un rire. « Faut que je t’en offre d'abord c’est ça ? » « Si tu veux marquer des points de plus, c'est ton moment de briller. » elle a pas besoin de marquer le moindre point et encore moins de m'offrir un autre verre, mais jamais je le dirai ainsi. Préférant bien mieux profiter de ce qu'elle a de prévu au menu. On est chez elle là, de toute façon. Hâte de voir quel genre d'hôte elle peut bien être.

On est chez elle, moi et lui. « Saül Williams c’est ton crésus ? » ça étonne personne qu'elle sache de qui je parle, comme personne ne sera surpris que je ne crie pas haut et fort que oui, elle a bien pigé. On a encore les habitudes de se cacher bien fortes. « Tu penses qu'il est né avant ou après qu'ils soient allés sur la lune? » ça suffira pour acquiescer au commentaire, et encore plus pour le faire froncer de sa ride du lion si ses oreilles d'homme bionique entendent le commentaire au passage. Il entendra. « Je comprends mieux comment Halsey a réussi à se dégoter un boulot. Elle est venue pleurnicher ? » il est franc mon rire, au point où la suite est elle aussi totalement honnête. « Même pas, elle a fait ça comme une grande. Je l'ai su qu'après quand elle a menacé de montrer mes nudes au patron pour je sais pas quel coup vache j'avais bien pu lui faire. » c'est presque déçue que je l'ai appris bien après, qu'elle bossait avec Saül et que jamais mon nom n'avait été utilisé pour plaider à sa cause. Tu parles d'une occasion de la faire chanter qui m'est passée sous le nez. À la place, c'est elle l'effrontée qui en profite.

« Je sais pas, tu connais une autre de mes demies soeurs ? Je préfère le savoir tout de suite si c’est le cas. » alors on potine pas, du moins, pas sur personne d'autre que sur notre connaissance en commun. Au moins. « Ça nous aurait fait un plot twist incroyable, avoue. » que je lui apporte à chaque fois des preuves tangibles aux yeux brillants et à la bouche en coeur sur le fait que son père sait pas porter de capotes et/ou que sa mère a snobbé la pilule. « Mais non. Juste Halsey. Entre nous, elle suffit. » c'est tout un personnage et même si je l'aime autant que je la déteste, faire la blague de dégainer des demis sur la Terre en entier ferait chier tant le bordel ramené dans leurs sillages aurait le potentiel de tout casser. « Vous vous êtes revues, depuis. » et non, ça ne sonne pas comme une question. Pourtant ça ouvre la discussion ; ça s'est passé comment, cette fois-là?

« Si tu veux marquer des points de plus, c'est ton moment de briller. »
« C’est peut-être bien ton jour de chance. »

Pas parce que j’ai décidé de me la jouer grande âme ou grande dame, mais parce que je ne peux pas être à quelques mètres d’une bonne bouteille de scotch - et par bonne j’entends bien plus que bonne et hors de prix - et bonne des bières dégueulasses tout la soirée. Quelque part en cours de route je suis devenue picky et ce constat n’étonnera personne.

Elle pointe du doigt son crésus, son mari si je me souviens bien de notre dernière conversation et les pièces du puzzle s'emboîtent dans mon esprit quand je comprend que c’est Williams qu’elle désigne. Je repense à la discussion que j’ai eu avec Amos, à ce couple d’ami qui cherchait un endroit discret pour une partie de poker et dont crésus était la première moitié. Je me rappelle que l’homme d’affaire a envoyé une amie pour échanger de ça avec mon amant, et si d’un côté je me dis que le monde est vraiment petit, je suis également prise d’un vent de possessivité. On se ressemble un peu trop elle et moi pour que j’ai envie de la savoir dans un rayon de deux cent mètres autour de mon complice. « Tu penses qu'il est né avant ou après qu'ils soient allés sur la lune? » C’est une vraie question piège celle là. « Si c’est après c’est pas de grand chose. » J’exagère peut-être, mais c’est elle qui a commencé. « En tout cas il a connu la guerre du Viêtnam. » Il doit avoir pas loin de de l’âge d’Amos en fait, mais c’est plus drôle de l’imagine en fin de vie et Ariane dans le costume du vautour qui l’a épousé pour son argent et sa santé précaire. « Même pas, elle a fait ça comme une grande. Je l'ai su qu'après quand elle a menacé de montrer mes nudes au patron pour je sais pas quel coup vache j'avais bien pu lui faire. » « Elle l’a fait ? » Parce que c’est ça la vraie question. Comment elle les a obtenu les nudes, je préfère pas le savoir.

« Ça nous aurait fait un plot twist incroyable, avoue. Mais non. Juste Halsey. Entre nous, elle suffit. » Oh évidemment que ça suffit et je dirais même que c’est déjà trop. Mais au fond, je me dis qu’entre Halsey et moi la planète ne supporterait pas un ou une Blackwell supplémentaire, heureusement que Liam compte pour du beurre, un peu comme le coup d’essai. « Vous vous êtes revues, depuis. » Je hoche la tête. « Ouais on a regardé Mean Girls en se tressant des bracelet de l’amitié et en buvant du kir à la pêche. » Non, on a pas fait ça. « C’est la première fois que tu viens ici toi non ? » Est-ce qu’elle sait ce que c’est, ici ? Jusqu’à quel point ?



@Ariane Parker

« Si c’est après c’est pas de grand chose. » et un nouveau rire, un. Elle a le don de tenir la note avec du sérieux la blonde, et c'est tout à son honneur de piquer à ce point quand de ma main libre je salue le plus innocemment (faussement) Saül qui a détourné le regard vers moi une seconde une seule. « En tout cas il a connu la guerre du Viêtnam. » « Le tien aussi. » je raille, moqueuse, ayant bien sûr vu son regard à elle dériver sur Amos aux côtés de Crésus. C'est moi où elle laisse ses prunelles me scruter durement après que j'ai parlé de Taylor? On dirait presque qu'elle marque son territoire. Oh, cute.

Comme sa soeur l'avait initié ce jour-là avec Clyde. Ça doit être héréditaire. « Elle l’a fait ? » une gorgée de bière plus tard et j'hausse de l'épaule. « C'est pas à moi que tu devrais demander ça. » elle peut autant demander à sa soeur qu'à Saül, l'un l'autre m'a pas dit depuis. Et pour être totalement franche j'en ai absolument rien à battre de qui a vu quoi, de qui a montré quoi, et des raisons qui en sont sorties. On n'est plus au lycée, qu'on grandisse un peu.

Et qu'on passe à autre chose, le sourire en coin bien complice aux lèvres. « Ouais on a regardé Mean Girls en se tressant des bracelet de l’amitié et en buvant du kir à la pêche. » les cocottes qui me feraient presque pitié de s'être manquées aussi longtemps, quand bien même elle invente de toutes pièces ce qui sonne comme mon enfer et fort probablement le sien. C'est Clueless le vrai chickflick d'adolescentes, on sait toutes ça. « Je t'imaginais plus avec un fruit plus acidulé ; tu penses quoi de la cerise? » à sa voix d'ingénue s'ajoute la mienne, nuque arquée et paupières qui battent la mesure.

« C’est la première fois que tu viens ici toi non ? »
« On dirait presque que tu me dragues. Il est où mon scotch? »

Mon scotch, qui remplacera ma pinte désormais vide d'une longue et ultime lampée. Mais à question honnête vient réponse honnête. Ma tête se tourne vers elle, mon coup d'oeil lit l'intérêt au creux du sien. « Ouais, première fois. C'est cool, ça change. » des casinos de riches où Saül me traînait avant, des parties chez ses potes bourgeois desquels il s'éloigne de plus en plus sans que je m'en plaigne une seule seconde. « Et c'est une couverture, n'est-ce pas? » l'interrogation est aussi légitime que l'est mon ton, bien plus amusé que piquant. Rien à faire là aussi de quoi que ce soit ils veulent bien couvrir derrière leurs murs. C'est bien plus amusant ainsi.

« Le tien aussi. » Evidemment qu’elle a remarqué. Elle a même peut-être pas besoin d’être devin, elle m’a peut-être simplement vue me vautrer dans les bras d’Amos de façon éhontée, quand je savais pas qu’elle était là, quand j’ignorais qu’elle m’observait peut-être. Elle m’a peut-être vu le dévorer des yeux, elle m’a peut-être vue dévorer ses lèvres aussi : parce qu’aujourd’hui je ne me cache plus.

Ce que je tente de cacher, ce sont mes instincts les plus primaires. Cette jalousie maladive finira-t-elle par disparaître un jour ? Non, bien sûr que non parce qu’elle fait partie intégrante de cette que je suis. Ces sentiments que je ressens, apprendrais-je à les appréhender assez pour museler ma possessivité ? J’en doute et, si j’ai confiance en lui, je ne peux m’empêcher d’avoir envie de grogner à l’idée qu’elle le connaisse, qu’ils aient échangé et que je n’ai pas été là. Et sur ce point là, je suis une piètre actrice. « Presque. Pas tout à fait. » Il en a vu des zones de conflit pourtant mon amant, de bien plus près que la majorité des individus.

« C'est pas à moi que tu devrais demander ça. » Je me sens l’âme d’une lycéenne, le genre bully évidemment, quand je lui demande des détails là dessus. « Je suppose que si t’avais eu envie de me raconter comment elle a mis la main dessus dans un premier temps tu l’aurais fait ? » A comprendre : j’aurais bien aimé, ça m’intéresse. Ca m’intéresse pour me moquer, pour la houspiller, et parce que ça dissimule peut-être une info sur Halsey et que je les prend toutes. « Je t'imaginais plus avec un fruit plus acidulé ; tu penses quoi de la cerise ? » « Mon parfum préféré de chupa chups. » Je réponds du tac au tac : j’aime la dynamique de mes échanges avec la rousse. « Les Mon Chéri par contre c’est un buzzkill. Le Coca Cherry aussi. » Oh wait, on s’en fout d’apprendre à se connaître à ce point. Mais on sait jamais, si l’idée de m’offrir des chocolat à l’anniversaire de notre rencontre lui prenait…

« On dirait presque que tu me dragues. Il est où mon scotch ? »
« Je te drague ou je joue les videurs, au choix. »
« Ouais, première fois. C'est cool, ça change. » J’esquisse un sourire gorgé de fierté. Le Club, c’est mon bébé. Le Club, c’est la chose à laquelle j’ai dédiée ma vie et je suis particulièrement fière aussi de la façon dont Amos a façonné les salles de jeu, dans lesquelles il évolue comme un poisson dans l’eau.
« C’est Amos qui gère les tables. » Je le précise, je suis obligée.
« Et c'est une couverture, n'est-ce pas ? » Elle tout sauf idiote Ariane, et mon sourire s’agrandit.
« Ouais le luste vient bien de la couverture du dernier catalogue IKEA. »
Je tourne la tête dans sa direction, j’arrête de fixer le vide et je l’observe, un air énigmatique au fond des yeux.
« Et tu voudrais que ce soit la couverture de quoi ? »



@Ariane Parker

Les fameux nudes, elle a l'air d'y tenir bien plus que moi Rae et ça me fait rire, bien sûr que j'en sors hilare. « Je suppose que si t’avais eu envie de me raconter comment elle a mis la main dessus dans un premier temps tu l’aurais fait ? » on ne peut plus banal, en fait, presque comme un coït interrompu tellement l'histoire lui apparaîtra décevante. « Oh c'est facile ça ; on voulait la faire réagir du coup je me suis mise à poil devant elle et son gars. » j'hausse de l'épaule, donnant l'impression qu'il s'agit juste de manigance de biatch facilement glissées à l'horaire un peu n'importe quand dans ma semaine ; ce qui est amplement le cas. Next.

Et la cerise, elle? « Mon parfum préféré de chupa chups. » j'éclate de rire, chose commune quand la blonde est dans les parages apparemment. « Les Mon Chéri par contre c’est un buzzkill. Le Coca Cherry aussi. » « Ça en fait plus pour moi. De coca cherry, j'veux dire. » les Mon chéri entendus et abusés ça et là en France et surtout, sur-tout de la bouche de ma mère qui tombe amoureuse comme elle respire. J'en ai fait une écoeurantite aiguë à force. « Je te drague ou je joue les videurs, au choix. » elle tape en plein dans le mile, entre un battement de paupières et un autre, aussi faussement qu'exagérément charmée. « Mon combo préféré. »

Le regard qu'elle a, celui qui couve l'endroit, il est presque émouvant. Où est le scotch pour célébrer qu'on a l'air d'avoir un coeur toutes les deux? « C’est Amos qui gère les tables. » je sais que je retiens, pas du tout ici pour faire dans le territorialisme quand je la sens ainsi avec le sien. Ça le dit, il est à elle. De toute façon, ce ne sont pas les tables en soit qui m'intéressent, mais bien le reste. Surtout ce qu'on ne voit pas.

Oh, l'ingénue. « Ouais le luste vient bien de la couverture du dernier catalogue IKEA. » la fourbe qui s'amuse. « Et tu voudrais que ce soit la couverture de quoi ? » et me voilà qui jubile bien plus qu'une gamine à la veille de Noël. « Ouhhhhh : c'est le moment où je fabule sur le pourquoi du comment et où tu me diras absolument rien en échange? Love it. » j'ai tout mon temps, et surtout, je le prends. Quand une inspiration et un balaiement des yeux de la pièce plus tard, je tente au fur et à mesure des inspirations qui vont et viennent. « De la drogue, ça serait un classique. » trop évident, quoi que peut-être justement le fait qu'on s'y attende camoufle une potentielle bonne réponse. « Des armes, ça serait fun.  » je ne me souviens plus de la dernière fois où je suis allée au stand de tir avec Wyatt d'ailleurs ; faudra remédier à ça. « T'as l'air trop fière et trop loyale pour que tu gères de la prostitution en secret par contre - » elle peut dire ce qu'elle veut, elle dégage beaucoup trop de prestance pour traiter des humains comme des animaux. « - mais si vous importez de l'alcool de contrebande j'te dis de suite je suis à la recherche d'un emploi d'été. » une fille tente.

« Oh c'est facile ça ; on voulait la faire réagir du coup je me suis mise à poil devant elle et son gars. » Je lève un sourcil et esquisse un sourire. Elle a l’air complètement frappée Ariane, et ce genre de culot c’est tout à fait le genre de chose qui me ferait exploser de rire, à une seule condition : « Si un jour t’essaye de me faire réagir comme ça il se pourrait que ce soit la dernière chose que tu fasse. » Il se pourrait. Je préfère prévenir, au cas où. Il se pourrait aussi que je lui arrache les yeux si elle osait faire ça devant Amos, puisque moi, c’est pas le problème.

« Ça en fait plus pour moi. De coca cherry, j'veux dire. »
« Parfait je garde le Scotch. »

Elle a du répondant Ariane, elle me fait bien plus rire et sourire que le reste de la population ou, plutôt, contrairement aux autres je ris pas à ses dépends mais avec elle. Y’en a-t-il d’autres, des comme elle et comme moi ? N’ai-je finalement jamais été misogyne mais ai-je toujours au contraire fréquenté les mauvaises femmes ? Je préfère croire que non, que c’est la rareté qui fait la beauté de la chose. « Mon combo préféré. » Je n’en doute pas. Elle a l’air d’être du genre tough love. « Si je te fous dehors du coup on deviendra meilleures amies pour la vie ? » Le pire c’est que ça ne me surprendrait même pas plus que ça.

« Ouhhhhh : c'est le moment où je fabule sur le pourquoi du comment et où tu me diras absolument rien en échange? Love it. » J’étire un immense sourire qui veut lui dire que c’est exactement comme ça que ça va se passer. Elle se doute que, si jamais elle a raison, je peux certainement pas confirmer ou infirmer ses théories. « Bien sûr que non, t’as une visite guidée après, promis. » Je croise les doigts de façon ostentatoire histoire de ne pas aller en enfer parce que j’aurais brisé une promesse, ça serait dommage de bien se conduire toute ma vie pour échouer là dessus. « De la drogue, ça serait un classique. » Un classique ? Ne lui a-t-on jamais dit que parfois, les classiques c’est ce qui marche le mieux ? « Des armes, ça serait fun. » J’aime sa définition de fun. Faudrait que je demande à Amos de m’apprendre à m’en servir, c’est dommage d’en trafiquer sans savoir les utiliser correctement. Pas un fusil à pompe, une jolie arme de poing comme celle que j’ai enfermée dans la console de l’entrée chez moi. « T'as l'air trop fière et trop loyale pour que tu gères de la prostitution en secret par contre. » Je lève un sourcil et mon sourire mystérieux ne se décroche pas de mes lèvres. Si elle savait à quel point je le suis pas, trop fière et loyale pour, peut-être pas gérer - mais tolérer ça ? « Mais si vous importez de l'alcool de contrebande j'te dis de suite je suis à la recherche d'un emploi d'été. » « Crois moi t’as pas envie que je sois ta tutrice de stage. » Quoi que j’aimerais bien lire un rapport qu’elle aurait écrit, pour le fun. « Ah.. Attends… Pour la visite guidée on me dit dans l’oreillette que ça tombe à l’eau. Dommage. » Au moins j’aurais entendu ses théories et il faut d’elle est pas loin de la vérité sur tout. « Rien de tout ça en tout cas. C’est l'atelier de fabrication du père noël ici, je compte sur toi pour garder le secret parce que si on est découvert ça la fout mal. » En tout cas elle l’aura mérité son Scotch, je tiendrai ma promesse dès qu’elle finit son verre. « T’as une sacrée imagination. On t’a déjà dit que tu devrait écrire un bouquin ? » Un polar si j’en crois les premières choses qui lui sont venues à l’esprit.
 

@Ariane Parker

J'en ai absolument rien à foutre de son mec et si elle me le demande comme les gens normaux le font, je me ferai une joie de le lui confirmer. En attendant, elle me vend du rêve avec son scotch, mais encore plus avec le canevas blanc qu'elle me laisse pour m'amuser à imaginer ce qu'ils cachent vraiment ici en pensant que personne entrant dans le coin ne voit clair dans leur jeu.

« Bien sûr que non, t’as une visite guidée après, promis. » qu'elle me permette de douter, autant que je roule des yeux devant l'effort minime qu'elle met à la clé. L'énumération se passe crème ; pour elle, tant elle ne laisse absolument aucun rictus vendre quoi que ce soit. Ce serait mentir de dire que ça m'étonne, ça le serait encore plus de dire que je suis déçue. Qu'elle dise un truc ou qu'elle se taise à jamais, là aussi, rien à battre. Le mystère m'a toujours bien plus plu que le reste de toute façon. « Crois moi t’as pas envie que je sois ta tutrice de stage. » de best friends forever à tutrice, c'est qu'elle les prend tous les rôles. On dirait presque qu'on est en train de devenir des genre de base d'amies ou un truc du genre ; fun, fun. « Ah.. Attends… Pour la visite guidée on me dit dans l’oreillette que ça tombe à l’eau. Dommage. » ouais bon c'est semi pour le sens de l'humour et l'exagération qui va avec, mais bon, elle peut pas les avoir que des qualités. « Rien de tout ça en tout cas. C’est l'atelier de fabrication du père noël ici, je compte sur toi pour garder le secret parce que si on est découvert ça la fout mal. » d'un trait je termine mon verre, voyant ses prunelles dériver vers l'endroit où, lovées contre le bar, semblent se conserver les bouteilles les plus chères. « T’as une sacrée imagination. On t’a déjà dit que tu devrait écrire un bouquin ? »

Ah oui, c'est vrai. On a pas échangé sur nos boulots respectifs, ni sur nos couleurs préférées. Autant commencer par le commencement. « Mon éditrice serait soulagée d'entendre que ma meilleure amie et tutrice de stage me met la pression pour finir le manuscrit sur lequel je bosse en ce moment. » Sophie toujours sur mes talons à presser chacune des pages que je garde jalousement tant qu'elles ne sont pas à mon goût et certainement pas prêtes pour les yeux de qui que ce soit sauf les miens. « C'est quoi ta couleur préférée, sinon? » elle veut pas parler de son job secret de proxénète et vendeuse de dope, faut que je fasse avec les moyens du bord apparemment.

Bien sûr que je ne peux pas confirmer ses théories, que je ne peux me contente de réfuter avec humour et répartie et un seul message caché : bien tenté cocotte. Si je m’amusais à détailler les activités du Club comme une responsable commercial détaille son prospectus d’offres, il y a bien longtemps que je serais en taule et que le Club aurait mis la clé sous la porte. On s’est rencontrées une fois, là c’est la deuxième, je me vois mal le lui faire, ce tour du propriétaire que je lui promets avec ironie.

Par contre la facilité avec laquelle elle a supposé tout ça me confirme ce que je pensais déjà : c’est quelqu’un d’intéressant Ariane. Si beaucoup se seraient timidement risqués à avancer la théorie du trafic de drogue, elle a enfoncé les portes ouvertes Ariane et rajouté pas mal de délits à mon ardoise, délits dont le Club est coupable, pour tous, et moi avec je suppose. « Mon éditrice serait soulagée d'entendre que ma meilleure amie et tutrice de stage me met la pression pour finir le manuscrit sur lequel je bosse en ce moment. » « Me dis pas que toi aussi t’écris. » Elle, le toutou d’Halsey, et puis qui encore ? Je roule des yeux, je dépose ma bière à peine entamée sur le coin d’une table et je sors une cigarette de mon paquet. Je lui en propose une - elle sait que je suis polie - et finalement j’allume la mienne. Ici, on fume à l’intérieur si on en a envie. Je fume à l’intérieur si j’en ai envie. « C'est quoi ta couleur préférée, sinon ? » « C’est pour quoi, pour ma biographie ? » Je lève un sourcil et je l’observe, la clope coincée entre deux doigts, la fumée qui s’échappe. « T’as qu’à écrire ”elle portait souvent du vert, comme la couleur de ses yeux, ou du noir, comme la couleur de son âme”. Ou une connerie du genre. » Je décroise mes bras avant de lever le menton vers le plafond, ou plutôt le plancher puisque la salle de jeux se trouve au sous sol. « Tu le veux ton scotch ? » Pas ici, y’a trop de monde et si c’est l’univers d’Amos, le mien il est plutôt à l’étage. « Ma bouteille est là haut. » Ma bouteille ou plutôt ma réserve de bouteille.

Je l’invite à me suivre, et en chemin je lui glisse, un sourire en coin au bord des lèvres. « On est pas forcément juste l’atelier du père noël mais admettons que toi ou Crésus ait envie d’un nouveau jouet, tu me demandes. » Parce que je peux toujours la mettre en relation avec un dealeur. Business is business.

 

@Ariane Parker

« Me dis pas que toi aussi t’écris. » « C'est très à la mode, paraît, chez les milléniaux. Ça et être barista/DJ/instababe. J'ai choisi mes combats. » ridiculiser mes comparses me fait absolument rien, me moquer de nos stéréotypes m'éclate bien plus que le reste. J'imagine qu'elle aussi les a en aversion, les copiés collés de notre génération.

Oh, l'égoïste, la secrète qui garde sa couleur préférée pour elle. « C’est pour quoi, pour ma biographie ? » faudrait peut-être que je la flatte un peu plus dans le sens du poil si je veux y goûter, à son fameux scotch. « C'est mieux que pour ta rubrique nécrologique avoue. » « T’as qu’à écrire ”elle portait souvent du vert, comme la couleur de ses yeux, ou du noir, comme la couleur de son âme”. Ou une connerie du genre. » alors du vert, du noir. Classiques. Je sais même pas pourquoi ça m'intéressait y'a une seconde. Là, j'en ai plus rien à faire. Les éléments vont et viennent, les discussions prennent en ampleur autour de notre duo en solo et ils ont tous l'air prêts à se rincer les portefeuilles les uns les autres dans l'élan. « Tu le veux ton scotch ? » j'ai perdu Saül des yeux, il doit avoir filé dehors aérer ses fringues qui puent le cigare comme le bon petit neat freak qu'il est en permanence du moment où il se sent wild à fumer quoi que ce soit. Cute. « Poser la question c'est y répondre. » « Ma bouteille est là haut. » il est grand et il est charmeur aussi, le sourire qui remonte sur mon visage à en creuser des fossettes qui n'augurent rien de bon. « On dirait vraiment que tu me dragues. » et on dirait vraiment que je cède, la suivant vers les escaliers menant à l'étage - le sien au complet, dont je me doute.

Le bureau ou whatever comment elle l'appelle est décoré avec bon goût, évidemment. Y'a de quoi faire pour y passer la soirée à s'y prélasser en fabulant sur des plans de domination mondiale et autres missiles à envoyer vers la Russie ou les États-Unis. « On est pas forcément juste l’atelier du père noël mais admettons que toi ou Crésus ait envie d’un nouveau jouet, tu me demandes. » elle ne dit rien mais elle dit tout finalement. « Hm hm. » et moi je laisse mes pas s'égarer docilement dans son espace, entendant le doux et rassurant bruit du scotch qu'elle verse avant de finir par la rejoindre, l'idée bien ancrée en tête. Et aucun détail de plus que ses paroles qui ne la vendent, ici. Fâchant. « Vous jouez à quoi, à l'atelier? » elle a pas besoin de donner trop de détails. Elle a pas besoin d'éparpiller des pièces de puzzle l'incriminant quand je veux juste une base. De quoi tirer moi-même mes propres conclusions l'oeil brillant la bouche en coeur. « C'est qu'on est des gens respectables et raffinés, tu sais. » parler au "on" n'a jamais été aussi fun, qu'on se le dise.

« C'est très à la mode, paraît, chez les milléniaux. Ça et être barista/DJ/instababe. J'ai choisi mes combats. » Je fais mine de la regarder des pieds à la tête, de la jauger pour deviner son âge quand je sais déjà pertinemment qu’il y a peu de chances qu’elle appartienne au groupe d’âge auquel elle se rattache. « Je veux pas te vexer Ariane, mais je suis pas certaine que t’aies l’esprit millénial. » Mais après tout, qu’est ce que j’en sais ? Peut-être a-t-elle gardé un esprit jeune malgré tout, même en vivant avec un Baby Boomer. « C'est mieux que pour ta rubrique nécrologique avoue. » Je doute d’en avoir une cela dit, de rubrique nécrologie. Je doute de mourir tranquillement dans mon sommeil et je me dis que ”elle a tragiquement perdu la vie lors d’une descente de flics” ou ”elle s’est éteint d’une overdose”, ça ferait tâche dans n’importe quel magazine. « Rappelle moi de choisir quelqu’un d’autre que toi pour l’écrire celle là. » Je suis sûre qu’elle glisserait tout un tas de conneries, persuadée que ça la ferait beaucoup trop rire de me dépeindre comme Marie Madeleine ou Mère Teresa en pouffant de rire comme une idiote derrière son ordinateur. Est-ce le genre de chose que l’on peut écrire dans un testament ? Je lègue mon Penthouse à Ariane Parker sous condition qu’elle se tienne éloignée de tout écrit me concernant ? « Tu devrais filer un coup de main au boy toy de ma soeur, ça semble être à la mode d’écrire sur moi en ce moment. » Même si, au fond, je doute que ce soit ce qu’il est en train de faire.

« Poser la question c'est y répondre. » Elle l’a tant réclamé son scotch en l’espace de cinq minutes que ce serait hypocrite de le refuser à présent, nous en conviendrons. « On dirait vraiment que tu me dragues. » « T’es plutôt une fille facile dans ce cas. » Parce qu’elle me suit sans opposer la moindre résistance, je pourrais la conduire à l'échafaud sous couvert de la promesse d’un verre qu’elle se ferait avoir. Je jette un coup d’oeil à la table, Amos est là, en train de se lever pour aller fumer, certainement, et je lui adresse un signe de la tête, un qui lui dit que je monte à l’étage, s’il me cherche.

Je nous emmène dans mon bureau ou plutôt, dans l’antichambre de la salle des stocks dont j’ai fait mon bureau. Je m’y suis installée il y a des années et, au fil du temps, tout le monde a intégré l’idée qu’il ne fallait pas m’y déranger et que j’y avais mes quartiers. Je la laisse observer : les livres de comptes sont dans un coffre fort et la salle des stocks sous clé : il n’y a rien qu’elle puisse tirer de la visite guidée à part la certitude que je ne suis pas un petit poisson de l’organisation et ça, j’espère qu’elle s’en doute déjà. « Hm hm. Vous jouez à quoi, à l'atelier ? » Je l’observe se balader dans la pièce en récupérant ma bouteille du moment sur l’une des étagères. Celle là, c’est comme si mon nom était marqué dessus, personne ne la touche sans subir mes foudres, personne sauf Amos. « C'est qu'on est des gens respectables et raffinés, tu sais. » « On a pleins de choses pour les gens respectables et raffinés, n’est-ce pas ce que je suis ? » On repassera peut-être pour la partie respectable. « Disons qu’on est doués pour exaucer les souhaits. On peut fournir les classiques, mais le but du jeu c’est aussi d’être adaptables. » On ne se transforme pas en service à la carte pour le commun des mortels mais Ariane est mariée à Saül, et Saül a de l’argent et n’est pas particulièrement réputé pour son honnêteté. « Tu vois, le père noël je te dis. » Quand aux classiques, je ne prends pas la peine ni le risque de m’épancher à ce sujet, on est pas des enfants en coeur elle et moi. « Pourquoi, y’a des jeux en particuliers qui t’intéressent plus que d’autres ? » Je lui montrerais pas le mien de jeu sans en savoir plus sur les cartes qu’elle a dans sa main.

 

@Ariane Parker

Son bureau donne l'impression qu'elle se la pète en permanence et je suis certaine que si elle m'entendait le penser elle en jubilerait comme une gamine dans un magasin de bonbons. « On a pleins de choses pour les gens respectables et raffinés, n’est-ce pas ce que je suis ? » tout sauf respectable mais tout particulièrement raffinée - elle le sait autant que moi. Mes yeux voguent sur les différents meubles et tiroirs, les placards et étagères qu'ils fouillent comme l'ancienne gamine pickpocket qui l'est encore pas mal aujourd'hui. Je touche pas non, pas tout de suite. « Disons qu’on est doués pour exaucer les souhaits. On peut fournir les classiques, mais le but du jeu c’est aussi d’être adaptables. » donc elle a accès à tout. Absolument tout. Elle se la joue faussement modeste, personne y croit et certainement pas moi. « Tu vois, le père noël je te dis. » un rire qu'elle partage, et ma liste adressée en courrier express au Pôle Nord que je commence doucement à aligner dans ma tête. Son atelier a des allures d'infinité.

« Pourquoi, y’a des jeux en particuliers qui t’intéressent plus que d’autres ? »

La seconde d'après, je m'échoue dans un des canapés à portée. Qu'elle le voit comme une grande, une immense marque de respect que je n'ai pas foutu mes fesses sur sa chaise de patronne, ni même mes pieds sur son bureau. Parlant de pieds, ça étonnera personne que mes escarpins finissent à l'autre bout de la pièce quand mes envies remontent entre deux soupirs pensifs. « Je sais pas pour toi, mais moi je me fais chier à parler en codes. » mes bras se haussent et mes sourcils dansent, on est pas dans un mauvais film de flics où faut amadouer le grand méchant loup - louve, dans le cas de figure actuel - à en venir à se confesser.  « Si t'as envie de me fouiller pour voir si j'enregistre pas un truc pour son boy toy, be my guest.  » elle a dit que j'étais facile non? Ça devrait pas la surprendre que j'encourage le touché aussi facilement.

N'en reste que Clyde saura rien, pas plus Halsey, pas plus personne d'autre qu'elle, moi, et l'autre Crésus occupé au rez-de-chaussée. Paix à son âme de me laisser faire notre shopping ce soir. « Il aime se prendre pour Scarface, je suis plutôt en phase avec Mia Wallace. » un rire de plus, la neige que je demande l'oeil brillant. C'est qu'elle qui irait presque parfaitement dans la thématique de Noël, avouez. « Ah finalement, les codes c'est fun. » et ça donne de parfaites idées de costumes d'Halloween - je paierai cher pour le voir déguisé, d'ailleurs. Il en râlerait pour une éternité.

« Je sais pas pour toi, mais moi je me fais chier à parler en codes. » J’esquisse un sourire. « Je vois pas de quoi tu parles. » Je précise pas si je joue l’innocence quand aux codes en question ou si ça me fait simplement plus marrer que cela ne me fait chier. C’est elle qui est drôle et jeter un coup d’oeil circulaire à la pièce avant de s’installer sur le canapé, c’est elle qui est drôle à virer ses chaussures et à étaler ses bras sur le dossier façon man spreading. C’est elle qui est drôle à faire comme si, codes ou pas codes, ou était pas capable de se comprendre parfaitement. « Si t'as envie de me fouiller pour voir si j'enregistre pas un truc pour son boy toy, be my guest. » « C’est Crésus qui serait jaloux. » Et j’ai aucunement l’intention de la palper pour chercher un micro parce qu’on est est pas dans une série télé d’espionnage et parce que je suis persuadée qu’elle n’avait aucun moyen de savoir qu’elle me trouverait ici, aucun moyen de préméditer ça. J’ouvre un tiroir duquel je tire mon paquet de cigarette avant de m’en allumer une : je trafique certes de la drogue dans un milieu masculin et dangereux mais je reste persuadée que c’est le tabac plutôt que ces conneries qui me tuera. Je lui lance pas le paquet, je le pose sur un coin du bureau : c’est une grande fille qui peut se servir si elle en a envie. « J’ai jamais eu l’impression de dire un truc aussi idiot mais, je sais pas pourquoi j’ai envie de te faire confiance. » Elle respire ni l’intégrité ni l’honnêteté la rousse, mais j’ai envie de lui faire confiance avec moi et dans ce cas présent, voilà ce qu’il aurait fallu que je dise.

« Il aime se prendre pour Scarface, je suis plutôt en phase avec Mia Wallace. Ah finalement, les codes c'est fun. » Je hausse un sourcil. « Et avec ce type de référence tu penses encore que t’es une millénial ? » Je me fous de sa gueule mais j’ai compris, pas besoin de me faire un dessin. Comme tous les riches qui veulent le montrer et les gens puissants en recherche de sensations pour supporter leur quotidien de merde, c’est de l’or blanc que cherche le couple. « Tu consommais avant Scarface, Crésus, ou Picsou je sais pas j’arrive plus à suivre ? » Est-ce qu’elle se drogue depuis que par extension elle appartient elle aussi au monde des hommes d’affaires ? Ce serait cliché, mais le bon genre de clichés, ceux qui m’arrangent moi et mon petit trafic.

Je me lève et, dans une scène parfaitement théâtrale je le lui accorde, j’ouvre le petit coffre à l’arrière du bureau, celui qui n’est qu’un miroir des réserves du Club dans la salle d’à côté, celui qui contient de quoi offrir un échantillon aux gens comme Williams et Ariane. Parce qu’avec la/les bourse de Saül entre ses doigts - oups - elle est plus intéressante qu’un client lambda. Je tire deux sachets d’un gramme avant de refermer la porte du coffre et je les dépose devant elle. « Considère que la première est pour moi. Si ça te plait, et ça va te plaire, je te rencarderais avec un de mes gars, quelqu’un de confiance. » Je choisirais un des dealers en qui j’ai confiance, quelqu'un de discret et pas curieux : je suis plus vendeuse à la sauvette depuis des années. Et la drogue du Club est d’une qualité que je la met au défi de critiquer.



@Ariane Parker