Elle se fait même pas chier à faire semblant de vouloir fouiller quoi que ce soit, c'est qu'on est presque en terrain libre et sympa ici. « J’ai jamais eu l’impression de dire un truc aussi idiot mais, je sais pas pourquoi j’ai envie de te faire confiance. » ses mots claquent comme sa langue, pourtant elle finit par rigoler Rae. Alors je rigole moi aussi. « C'est idiot. Mais je pense la même, alors ça fait de nous deux belles connes j'imagine. » le sarcasme est fort probablement la langue qu'on maîtrise le mieux autant elle que moi. La seconde d'après, j'allonge ma silhouette vers le bureau et attrape l'une des clopes de son paquet. C'est mon briquet qui l'allume par contre, et qui craquera pour la sienne aussi. Je sais partager.

« Et avec ce type de référence tu penses encore que t’es une millénial ? » ouais bon j'ai pas de rides et aucuns cheveux blancs. Qu'elle critique, moi je me complais dans ma génération aux allures pathétiques. « Tu consommais avant Scarface, Crésus, ou Picsou je sais pas j’arrive plus à suivre ? » là par contre, c'est ma petite fierté du moment qui glisse entre une expiration et une inspiration de plus. « L'inverse. » la cendre va docilement salir son cendrier, j'étire ma nuque d'un côté et de l'autre lorsqu'un fin sourire vient se dessiner sur mes lèvres carmin. « Je lui ai tout appris ; il serait rien sans moi que veux-tu. » elle dénotera les railleries dans le ton, pourtant la réponse reste la même derrière l'exagération. Il était clean avant que la vilaine Ariane n'arrive dans les parages. Oups.

Ses sachets qu'elle exhibe comme le Graal, comme un cadeau d'hôtesse nouveau genre. « Considère que la première est pour moi. Si ça te plait, et ça va te plaire, je te rencarderais avec un de mes gars, quelqu’un de confiance. » « Trop d'honneurs. » même si ça ne sonne pas comme un merci poli de bonne famille ç'en est un, je l'assure. Elle le comprendra Rae, d'un coup d'oeil un seul. « J'te ferai une fiche d'appréciation, et je rédigerai un joli petit témoignage de cliente satisfaite pour votre site web. » mes doigts attrapent les présents, les manipulent délicatement jusqu'à ce qu'ils trouvent une place bien sage dans mon sac. Je partage, j'ai dit. Et si Saül n'est pas là, la neige reste en attente de l'être elle aussi. « La prochaine fois, ce serait cool qu'on se croise pas au hasard. » que je finis par additionner à la conversation, lui laissant mon numéro comme la fille facile qu'elle n'a pas cessée de me cataloguer depuis le début de la soirée.

« C'est idiot. Mais je pense la même, alors ça fait de nous deux belles connes j'imagine. » Parle pour toi. Moi je peux me traiter de petite idiote mais je suis du genre à lever un sourcil, l’air imperturbable, quand on se met à le faire à ma place. Elle a de la chance de m’être vraiment sympathique Ariane, à un point que ça m’étonne. Peut-être est-ce son aspect légèrement masculine ou complètement bonhomme qui la rend moins chiante que toutes les autres femmes, moi exceptée. Quoi qu’il en soit je me contente d’un rire sarcastique et bref quand beaucoup auraient eu le droit à de l’indifférence. Elle ose et elle a du culot, à se montrer si à l’aise en plein territoire inconnu.

Mais là où elle m’intéresse, c’est quand elle attrape à deux mains et de toutes ses forces la perche que je lui tend. Moi, bien que l’appréciant, je suis du genre à penser affaires en toutes circonstances. Williams et un gros poisson et par conséquent, Ariane une jolie canne à pêche. Ils se droguent tous les deux, et je profite de l’occasion pour lui poser plus de questions que je n’en aurais posé à un client lambda : je ne suis pas trop certaine de comment fonctionne une amitié entre femmes mais je suppose que cela commence par s’intéresser un minimum et je dois bien admettre ça, elle est intéressante la rousse.

« L'inverse. »
« L’inverse ? »
« Je lui ai tout appris ; il serait rien sans moi que veux-tu. »
« Je vois. »

Depuis combien de temps entretient-elle une liaison avec lui ? Il est marié depuis des années, ce n’est un secret pour personne et je doute d’avoir l’épouse parfaite en face de moi. Cela nous fait un point commun, un que j'abhorre puisque le mariage d’Amos n’est qu’un détail administratif, pas une réalité, mais dans les faits, c’est un point commun. « Elle sait sa femme ? Que tu lui as tout appris ? » Un sourire amusé étire mes lèvres alors que je tourne les talons pour aller chercher dans le coffre de quoi, je l’espère, capter un peu de son attention. Je le dépose sur la table, je ne le jette pas de façon désinvolte puisque, même si je suis sobre depuis des années, la cocaïne et moi avons partagé une histoire passionnelle et pleine de rebondissements. « Trop d'honneurs. » Un sourire amusé étire mes lèvres et, ma clope entre les doigts puisqu’elle sera mon unique poison du soir, je m’appuie contre mon bureau. « J'te ferai une fiche d'appréciation, et je rédigerai un joli petit témoignage de cliente satisfaite pour votre site web. » « Mets moi une bonne note sur Tripadvisor, ça attire les touristes ça. Tu peux même dire que les lasagnes du restau sont à tomber, vous devriez aller y faire un tour d’ailleurs. » Le restaurant qui porte le même nom que l’organisation, la jolie façade à notre trafic que tout le monde à part Alec ne considère pas comme une réelle activité. Je la vois sortir sa carte et je m’approche, curieuse, pour l’attraper entre ses doigts. « La prochaine fois, ce serait cool qu'on se croise pas au hasard. » J’observe le numéro, et, un sourire provocateur sur les lèvres, je sors mon téléphone pour composer son numéro et faire sonner le sien. « Ça serait cool. Mais ce sont les gens qui me contactent, pas moi qui contacte les gens. » Elle à mon numéro elle aussi maintenant. Peut-être même qu’elle sera une exception à cette règle, peut-être pas.



@Ariane Parker