Il a fallu trois jours pour finir par convaincre les médecins de me laisser rentrer chez moi. Trois jours à dormir, à ne pas me lever à chaque fois que les jumeaux chouinaient un peu. Trois jours à ronger mon frein, à prendre le traitement que l’on m’a donné, à assurer à la psychologue que tout allait bien et que oui, je n’allais pas me servir de mon poignet durant trois semaines. Un véritable cauchemar que j’ai, malgré tout, vécu aux côtés de Jill qui me surprenait à chaque jour de sa présence. Je m’attendais à la voir partir dès que ça irait un peu mieux, j’étais anxieux à cette simple idée, mais elle est restée. Chaque jour avec un nouveau sourire et des excuses silencieuses. Jusqu’à ce que l’on rentre chez nous, tous les quatre.

Malgré tout ce que je pouvais dire à l’hôpital, le voyage jusqu’à la maison m’a angoissé. Monter dans la voiture, réaliser que la dernière fois, j’ai bien failli me tuer, mais surtout tuer mes enfants, m’as heurté de plein fouet. Logan m’as fait la fête pendant près de vingtaine minute non-stop et après cela, j’étais épuisé. C’est sans trop penser au fait que Jill allait être seule avec les petits que je suis monté me coucher. Et c’est elle qui a géré tout du long tant les médicaments m’ont assommé et que j’ai passé la nuit sans même ouvrir un œil.

Je ne sais pas vraiment l’heure qu’il est lorsque je finis par émerger, je crois qu’il est tôt. Un mal de tête envie la moitié de mon crâne lorsque je finis par me lever du lit. La maison est calme et cela m’inquiète. C’est le cœur battant que je descends les escaliers… Pour finir par trouver Jill pencher au-dessus du berceau des petits. « Hey… » Ma voix est rauque de ne pas l’avoir utilisé depuis si longtemps. « J’ai trop dormi, hein ? » que je plaisante un peu, heureux de la voir, mais sans réellement savoir comment m’y prendre avec elle.

Ils sont enfin partis, ils ont détesté cet hôpital et cette infirmière à la con qui avait toujours quelque chose à redire. Elle a essayé de virer Jill et les bébés de la chambre une bonne dizaine de fois et Jill était à deux doigts de la tuer. Heureusement, les médecins ont décidé de dire à Bailey qu’il était prêt à rentrer seulement s’il était sous surveillance. Elle soupire au volant, le retour va être étrange et elle le sait. Elle n’est pas entrée dans cette maison depuis qu’il lui a dit de partir. Depuis qu’il a enlevé son alliance avant de la remettre quelques minutes plus tard. La route est longue et calme, elle est anxieuse Jill, elle ne sait pas comment tout va se passer mais cette fois elle n’a aucune envie de partir.

Les affaires et les enfants enfin dans la maison elle regarde autour d’elle. Bailey est épuisé et il monte pour aller se coucher. Elle voit les bébés, elle va devoir s’occuper d’eux toute seule pendant cette nuit et elle a moins peur, grâce aux conseils des jeunes infirmières. Elle ne peut pas demander d’aide à Bailey pendant de très longues heures. Elle fait les biberons, change les couche et créé beaucoup plus de liens avec Bowie qu’avec Tracy. C’est un autre problème, qu’elle arrivera peut-être à gérer un jour. Elle s’endort sur le canapé avant d’être réveillée par les gazouillis de Bowie qui n’a toujours d’yeux que pour sa maman. Elle passe du temps penchée au dessus du berceau avant de les monter tous les deux dans leur chambre qui n’était pas encore finie lorsqu’elle vivait ici. Elle s’arrête une seconde, peut-être même une minute en voyant que Bailey a fait toute la chambre. Un pincement au coeur, encore un truc qu’elle a raté. Son dessin est encore bien visible sur le mur et elle voit que Bailey a placé le berceau afin que les petits puissent voir l’oeuvre et ça la fait sourire un peu.

Les heures passent et elle dort peu, en proie à une insomnie qui ne fait pas bon ménage avec les heures de sommeil des bébés. Ils n’ont pas encore l’air décidé à faire leurs nuits mais elle s’adapte pour ce soir Jill. Il doit être presque midi quand elle remonte aux berceaux pour voir lequel est réveillé. Elle va devoir manger et les faire manger et Bailey n’est toujours pas réveillé. Elle entend sa voix dans son dos et elle croise son regard. “T’en avais besoin.” Elle s’éloigne un peu pour lui laisser la place, c’est certainement d’eux qu’il va vouloir s’occuper en premier. “Ils vont bientôt réclamer à manger.”

C’est encore complètement dans les vapes que je me lève du lit. Il va falloir que je stoppe rapidement le traitement que m’a donné le médecin, je suis constamment somnolant et ce n’est pas compatible à une vie de jeune papa. Elle va râler, Jill, je le sais, mais on verra ça plus tard. Pour le moment, j’ai faim et j’ai besoin de m’assurer que tout, c’est bien passer pendant la nuit. Lorsque j’arrive au salon, je m’arrête une minute. Jill est là, pencher au-dessus du berceau des enfants, un léger sourire sur les lèvres. Ils gazouillent les petits amours, je les entends d’ici. L’image parfaite de se a quoi notre vie se devrait de ressembler. Mon cœur se serre à l’idée que désormais, je ne sais plus vraiment comment m’adresser à ma femme. L’hôpital a été une trêve dans nos problèmes, mais désormais dans cette maison, je ne sais plus réellement où je dois me situer avec la jeune femme. Malgré tout, un sourire se dessine sur mes lèvres alors qu’elle remarque ma présence. « T’en avais besoin. » Je hoche doucement la tête, écrase un énième bâillement et me frotte les cheveux qui doivent bien être en pagaille. « Ils vont bientôt réclamer à manger. » Je me rapproche lentement de ma petite famille, laisse ma main libre glisser sur le bras de Jill et murmure dans un léger sourire : « Merci. » Et dès qu’ils m’aperçoivent, les deux petits monstres se mettent à faire des sourires en coin. « Bonjour mes amours. » C’est en grimaçant comme jamais que je me penche vers eux pour embrasser leurs petites joues potelées. « Vous avez été sage avec maman ? » que je leur demande à eux autant qu’à elle. La maison est calme et Jill semble aller bien. Je tente d’interpréter les signes même si j’ai encore la sensation de naviguer dans un véritable brouillard. Pied nu, en tee-shirt, je frissonne un peu et finis par remarquer que les jumeaux sont en body à manche courtes. De ma main libre, j’attrape une couverture et viens la poser sur eux. « Faudra leur mettre un pyjama. » que je dis doucement.

Elle l’entend arriver dans son dos. Elle ne saurait pas dire combien de temps il a dormi, mais ça a duré longtemps. Rien ne l’a réveillé, et les conditions pour qu’il sorte était qu’il se nourrisse correctement et qu’il dorme dès qu’il en avait besoin. Ils ont tous les deux tout accepté pour rentrer le plus tôt possible. Les bébés sont là et Bailey se lève de sa nuit, tout se passe bien pour le moment. Elle a réussi à les gérer tous les deux pendant toutes ces heures où elles étaient toute seules. Elle s’est souvenue de tous les conseils qu’on avait pu lui donner pendant les premiers mois de la vie de ses enfants. Elle a pensé à Ginny et à Bailey, à tout ce qu’ils ont voulu lui apprendre quand elle ne faisait aucun effort. Il parle à ses enfants et elle le laisse faire, elle ne s’immisce pas entre eux. Elle sait qu’elle ne peut pas faire ça, elle risquerait de provoquer une engueulade et c’est tout sauf le moment. Ils ne savent pas où ils en sont, et ils n’auront pas cette discussion aujourd’hui, alors autant tout concentrer autour des enfants.

“Ils se sont encore réveillés toutes les 3 heures, mais ils ont pas beaucoup pleuré.” Et c’est le mieux, parce que Jill a encore beaucoup de mal à les entendre pleurer sans que ça ne fasse hurler les voix dans sa tête. “Ils doivent être là-bas…” Elle se tourne et elle cherche. Elle ne sait pas quoi lui dire, elle ne sait ni ce qu’il pense ni ce qu’il veut et elle ne posera aucune question. Elle cherche des pyjamas dans les sacs qu’ils ont ramené de l’hôpital. “Ou peut-être qu’il faut prendre ceux d’en haut…” Elle parle presque pour elle alors qu’il est encore penché sur les berceaux. Elle sort deux pyjamas d’un des sac. “Tu devrais te changer toi aussi.” Il a gardé son jogging de l’hôpital et Jill lui en sort un autre qu’elle a porté pendant quelques mois de sa grossesse. Elle pince les lèvres et laisse la nouvelle tenue sur le bord de la table. “Faut ranger les affaires j’ai pas eu le temps.” Elle aurait pu le prendre le temps entre deux questions et réflexions.

Ils gazouillent joyeusement les deux petits anges, agitant leurs bras et leurs jambes comme ils aiment le faire. Toujours coller l’un à l’autre. Bowie à sa jambe sur sa sœur, Tracy ne cesse de tourner la tête vers son frère. Ils vont bien, malgré l’accident et c’est ce qui me donne encore la force de tenir debout. « Ils se sont encore réveillé toutes les 3 heures, mais ils ont pas beaucoup pleuré. » Je hoche la tête, sourire toujours aux lèvres. « Ils hurlent moins, mais c’est vrai que les nuits complètes, c’est pas encore ça. » Ils ont perdu leur cri de nouveau-nés en quelques sortes même si Tracy sait très bien donner de la voix lorsque je ne vais pas assez vite à son goût. Bowie est de plus en plus calme, c’est un petit bonhomme qui se fait si discret que parfois cela m’inquiète. Les paranoïas d’un jeune père livré à lui-même, probablement. Ils ne sont pas assez couverts pour les températures encore fraîches du printemps et c’est clairement Jill qui va devoir m’aider sur ce coup-là. « Ils doivent être là-bas… Ou peut-être qu’il faut prendre ceux d’en haut… » « N’importe Jill, juste qu’ils soient couverts. » Je me souviens des conseils du pédiatre, les bébés ne savent pas réguler leur propre température, il faut donc faire attention avec ça. Puis ce n’est pas vraiment le moment qu’ils prennent un rhume tous les deux. Un malade à la fois, c’est déjà bien. « Tu devrais te changer toi aussi. » Elle me tend un jogging que je reconnaîtrais en mille. « C’est le tien maintenant. » Même s’il est de nouveau probablement trop grand pour elle désormais que son ventre à dégonfler et qu’elle est aussi mince qu’avant. « Pis je le perds de toute façon. » Parce que moi aussi, j’ai maigri, je le réalise pleinement que maintenant. Je soupire quelque peu et me contente d’enfiler une veste même si c’est assez compliqué avec mes côtes qui me font souffrir et se poignet si enflé et douloureux. « Ça va me gonfler ce truc. » que je ronchonne face à l’attèle qui me restreint dans mes mouvements.

« Faut ranger les affaires j’ai pas eu le temps. » Je hausse les épaules. « C’est pas grave, on verra plus tard. » Cette maison n’a pas été rangée depuis une éternité pour être honnête. Je n’avais pas vraiment la tête à faire le ménage ou même le temps. « On commande quelque chose à manger ? » que je finis par lui demander alors que mon ventre gargouille avec force et tandis qu’elle enfile les pyjamas aux enfants. Bowie râle un peu durant l’opération. « Il aime pas trop quand on lui passe des trucs par la tête. » Il pleure toujours quand je dois l’habiller et ça ne dure jamais plus que le temps de passer le col. « Faudrait trouver d’autres pyjamas qui se boutonnent. » que je réfléchis un peu tous seul dans mon coin reprenant mes habitudes de solitaire. « Tu vas vraiment rester ? » que je demande alors, sorti de nulle part, mais ayant besoin d’une réponse là sur l’instant.

Elle le regarde se rapprocher des enfants. Quand l’un est proche d’eux l’autre s’éloigne, c’est comme ça depuis l’hôpital. Ils n’arrivent pas à gérer cette situation, à savoir comment ils peuvent bien s’organiser alors que Jill n’a pas été là pour eux depuis la naissance. “Les médecins ont dit que ça pouvait durer jusqu’à 6 mois.” Et ce serait terrible parce que la fatigue n’arrangera rien entre eux. Et elle aimerait que ça s’arrange Jill, elle aimerait vraiment. Elle ne le forcera pas, c’est encore à lui de décider s’il la veut dans sa vie ou non. Mais elle sait maintenant qu’ils seront obligés de rester proche l’un de l’autre pour toujours, il y a des enfants en jeu désormais. Elle cherche des pyjamas et la conversations reste centrée sur les jumeaux, c’est bien plus simple comme ça. Ils resteront peut-être comme ça jusqu’à ce que Bailey puisse enlever son attelle. Elle trouve les bons pyjamas et ne répond pas à Bailey, qu’est ce qu’elle pourrait bien lui répondre ?

Elle lui tend un jogging qu’elle a mis pendant des mois. La réponse du jeune homme la laisse pantoise et son bras tombe le long de son corps. Ses lèvres se pincent et elle l’écoute. Il n’y a plus de partage, juste des affaires qui sont à elle ou à lui. “S’il ne va plus à personne autant le jeter.” Et jeter tous les souvenirs qui vont avec. Elle soupire, le dépose sur la table et retourne fouiller dans les sacs sans chercher quoi que ce soit. “Il va falloir que tu tiennes 3 semaines.” Sinon les blessures peuvent s’aggraver et ce n’est pas le but de la manoeuvre, bien au contraire.

La maison est mal rangée, la seule pièce en ordre est la chambre des petits. Elle ne sait pas quoi dire Jill, alors elle parle de tout et de rien pour combler les vides pendant que Bailey ne se concentre que sur les jumeaux. “Pizza ?” Elle meurt de faim et n’a pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Elle commence à fatiguer aussi mais elle tente de se concentrer sur autre chose. Elle prend Bowie pour lui enfiler un pyjama et il chouine un peu. “Même quand il pleure il est pas vraiment bruyant.” Elle sourit en plantant son regard dans celui de son fils qui la regarde comme si elle était la plus belle chose du monde. Elle commence à le regarder comme ça lui aussi. Il parle, et elle n’a même pas vraiment l’impression qu’il s’adresse à elle jusqu’à sa dernière phrase. “T’as besoin d’aide ici, je te laisserai pas tout seul.” Autrement dit, elle ne partira pas s’il ne lui demande pas de le faire.

« Les médecins ont dit que ça pouvait durer jusqu’à 6 mois. » Je croise son regard presque apeuré et déjà une question me brûle les lèvres. Est-ce qu’elle va nous fuir pendant six mois ? N’être là que pour les bons moments et jamais quand ça ne va pas trop pour eux ? On devrait avoir cette discussion, on devrait mettre les choses à plat, mais je n’en ai pas le courage. Pas maintenant, alors que je viens tout juste de rentrer de l’hôpital. Je voudrais pouvoir me reposer, avec mes enfants, loin des médecins. Et si Jill a décidé de rester encore un peu, ce n’est que du bonus. « C’est pas grave si ça leur prends un peu de temps. » Peut-être que ce n’est pas le moment de lui dire que je n’ai pas fait mes nuits avant mes uns ans. Ils s’en fichaient mes parents, c’est Marie qui s’occupait de moi constamment. C’est bien pour ça que je fais tout différemment.

Je l’observe habiller Tracy en première, petite princesse qui se laisse faire sans râler. Jill en profite pour me tendre un jogging que je reconnais immédiatement. Je voudrais l’enfiler, faire comme si de rien était, mais l’idée même me met mal à l’aise et Jill l’interprète en quelques secondes seulement. « S’il ne va plus à personne autant le jeter. » « Non. » La réponse est immédiate tant je me souviens d’elle enceinte portant ce pantalon usé par le temps. Quand nous étions encore si proches l’un de l’autre et que l’on passait notre temps sur le canapé pour profiter de nos instants à deux. Tout est si différent aujourd’hui, mais personne ne jettera ce jogging. « J’irais me changer après. » Parce qu’il est là le problème. Je ne me vois pas lui montrer ce corps abîmé et les traces qui traînent çà et là sous le coton. Non, pas maintenant. « Il va falloir que tu tiennes 3 semaines. » « L’enfer. » Je n’ai jamais été très patient avec moi-même et je déteste dépendre des autres. Autant dire que trois semaines sans pouvoir me débrouiller seul s’apparente à un cauchemar. Un vrai qui s’additionne au reste. Comme si on ne pouvait pas nous laisser un peu tranquille.

J’approuve l’idée de commander une pizza, ce sera parfait pour le déjeuner. On se prendra la tête sur les courses demain. Elle se met à habiller Bowie, la jeune maman et ce que je vois me réchauffe un peu le cœur. Il la regarde comme la huitième merveille du monde et elle lui sourit tendrement. Il est imperceptible, mais il est bien là, ce lien qui commence à naître entre eux. Je veux y croire même si nous sommes si distants, même si rien ne sera réglé aussi facilement. « Même quand il pleure, il est pas vraiment bruyant. » Ses quelques mots me serrent le cœur alors que je me rapproche des deux. « Toi aussi, t’as remarqué. » Il est silencieux notre Bowie. Toujours souriant, mais jamais à se faire entendre. Je viens caresser sa joue du bout des doigts, mon corps bien plus proche de celui de Jill, soudainement. Il gazouille notre bonhomme à voir ses parents ensemble. Un mélange de petits sons de bébé qui me font fondre à chaque fois un peu plus. « T’as besoin d’aide ici, je te laisserai pas tout seul. » Je sursaute presque à ses mots tant nous nous sommes rapprocher et que cela sonne comme un murmure sur ma peau. Nos regards se croisent et je jurerai entendre mon cœur qui accélère un instant. Avant que la réalité nous rattrape. « Tu m’as déjà laissé tout seul alors que j’avais besoin de toi. » Je me mords la lèvre et recule quelque peu pour partir dans la cuisine. Il faut que je commande les pizzas.

Jill se demande si les petits feront leurs nuits tôt, s’ils les laisseront au moins avoir un nombre d’heure de sommeil décent dans quelques jours ou dans quelques mois. Mais Bailey a raison, ils ont le temps pour faire leurs nuits et ils iront à leur rythme. Ils n’ont pas le choix de toute façon. Alors elle se tait Jill, elle ne fait que hocher la tête en acceptant le ton distant qu’emploie l’homme qu’elle aime. Les vêtements volent et elle était prête à donner un jogging qu’ils ont partagé pendant des semaines mais il n’en veut pas. Elle ne peut plus le mettre non plus, alors autant l’abandonner. Mais Bailey n’est pas d’accord. Elle relève les yeux vers lui et capte son regard. “T’as certainement d’autres joggings en haut.” Qui lui vont, et qu’ils n’ont pas partagé. Elle aime faire ça pourtant Jill, elle adore voler des choses dans ses placards pour traîner dans la maison. Elle ne l’a pas fait en revenant ici, et ça aussi, c’est un changement qu’elle n’aime pas forcément. “T’as intérêt de la garder pendant le temps qu’il faudra.” Il n’a pas le droit de négocier sur ça, et elle sera là pour s’assurer qu’il ne fait pas d’écart.

Elle habille Tracy puis passe un peu plus de temps avec Bowie. Elle le prend dans ses bras quand il chouine un peu après qu’elle ait passé le pyjama sur sa tête. Elle le berce et se concentre sur le petit garçon, sans entendre tout de suite Bailey qui se rapproche d’elle. “Il est tellement calme.” Et c’est étonnant en connaissant les deux parents. Tracy, elle, sait donner de la voix, elle crie dès que ça ne va pas et ça peut durer des heures. Le souffle de Bailey se retrouve au dessus de l’épaule de Jill et elle tourne légèrement la tête vers lui. Ca fait des semaines, des mois qu’ils n’ont pas été aussi proche et elle se tait une seconde. Une seconde hors du temps. Elle lui dit qu’elle ne partira pas et c’est Bailey qui s’éloigne. Elle serre les dents quand elle l’entend parler et que Bowie le regarde s’éloigner. Elle le dépose dans son berceau avant de se tourner vers Bailey qui s’est éloigné dans la cuisine. “Qu’est ce que tu veux que je te dise Bailey ?” S’il n’est pas capable d’accepter les excuses qu’elle a déjà faite, qu’est ce qu’elle peut bien faire du plus ? “Je suis là maintenant.” Et ça n’a même pas l’air de lui plaire plus que ça.

« T’as certainement d’autres joggings en haut. » Tout un tas même. Des joggings pas lavés et repasser depuis des semaines. Des fringues qui traînent de partout. Celle que je suis allé chercher au plus loin dans mon placard pour avoir encore un peu l’odeur de toi. Je me tarde bien de lui dire tout ça, que j’ai pas envie de porter ce jogging parce qu’il a perdu son odeur il y a de cela des semaines déjà. J’ai épuisé tous les tee-shirts et son oreiller sent désormais le lait pour bébé un soir où Bowie à régurgiter sans prévenir. Plus rien ici ne sent comme elle et il est là mon malheur. Têtu, je me contente de hausser les épaules préférant me plaindre de mon attelle qui déjà me gêne bien trop. « T’as intérêt de la garder pendant le temps qu’il faudra. » « Oui, on verra. » Je le vois le regard noir qu’elle m’adresse et je retiens un soupire. « C’est pas franchement pratique avec deux bébés. » Et ils seront toujours ma priorité, même si je dois me faire un peu mal, même si je vais devoir trouver une nouvelle façon de faire avec eux durant les semaines à venir.

C’est comme ça, sans prévenir, qu’on se retrouve l’un à côté de l’autre, pencher au-dessus de notre fils. Il en profite Bowie, tout blotti contre sa maman, les yeux grands ouverts. Il babille joyeusement tandis que mon regard croise celui de Jill. Juste une seconde. Assez pour réaliser qu’avant je serais venu embrasser ses lèvres et qu’aujourd’hui, je ne sais pas si je dois rester auprès d’elle ou reculer de trois pas. C’est elle qui prendra la décision pour moi, lorsqu’elle parle de rester pour m’aider. Si je n’avais pas eu l’accident, elle ne serait pas dans cette maison. Il avait fallu que je fonce dans un mur pour qu’elle réalise ? Si j’avais su, je me serais foutu en l’air bien avant ça. Effrayer par mes propres pensées, incapables de retenir quelconques paroles, je prends de la distance avec la jeune femme. Casser la magie du moment. Dur retourner à la réalité, une fois encore. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise Bailey ? » Toutes les choses importantes, tout ce qui devrait être dit à cet instant pour sauver ce qui reste de nous. N’importe quoi en réalité qui ne me donne pas l’impression de lui mettre un couteau sous la gorge à chaque fois qu’elle passe un moment avec nous. « J’en sais rien Jill. » que je soupire frustrer ne pas trouver les mots juste pour lui dire. « Que tu me le prouves, que ça soit pas une énième illusion qui ne durera qu’un temps. » Mon regard se perd sur le plan de travail, je n’ai plus vraiment la force de croiser son regard. « Je me suis perdu sans toi et c'est pas normal. » Je me perds encore là dans cette cuisine qui me semble si froide malgré tous les souvenirs qu’elle renferme. Je me fais peur parfois, je n’ai pas touché à mon piano depuis si longtemps que ça en devient inquiétant. Pourtant, je sais, au fond de moi, que tout ne s’arrangera pas en un claquement de doigts. « Tu m’as souvent demandé du temps en dix ans. » Du temps pour elle, du temps pour fuir. « C’est mon tour d’avoir besoin de temps. » Accorde moi au moins ça.

Le jogging est oublié, Bailey se changera quand il le voudra et Jill se résigne à se concentrer rapidement sur les bébés. Elle soupire, et il râle à cause de son attelle. Il est bon lui aussi pour les changements de sujet et elle secoue la tête. “Y’a pas de on verra. Vaut mieux pour toi que je te vois pas en train de faire 1000 choses sans cette attelle.” Elle ne sait pas ce qu’ils sont, mais elle a promis d’être là pour lui aux médecins. Elle ne lui a pas dit à lui, ils ne disent plus rien l’un à l’autre et c’est triste ça aussi. C’est non négociable, et elle lui fait comprendre en un seul regard. Elle sera là pour s’occuper des jumeaux. “Si tu lâches pas un peu tu vas finir à l’hôpital encore une fois.” A cause de la fatigue ou d’une nouvelle blessure. Il sait que ce rythme de vie n’est pas viable, et pourtant, il n’a pas envie de changer quoi que ce soit.

Le moment avec Bowie était beau, ils ne devraient vivre que des moments comme ça depuis 2 mois. Mais non, il a fallu que Jill veuille s’éloigner de toute cette vie là. Elle la pose la question pour crever l'abcès, qu’est ce qu’il veut à la fin ? Qu’est ce qu’elle peut faire de plus pour qu’il arrête d’être aussi distant. Il n’a jamais été comme ça, et elle a l’impression de ne plus rien contrôler. “Tu me laisse même pas l’occasion.” Parce qu’il s’imagine le pire alors qu’elle donne le meilleur à ses enfants depuis quelques jours. Elle fait des efforts qu’il ignore parce qu’il préfère s’imaginer qu’elle va partir de nouveau. Et comment elle pourrait promettre une chose pareille ? Il la connait, il sait qu’elle est instable, imprévisible. Et c’est en partie pour ça qu’elle a préféré fuir et les abandonner. Parce qu’elle ne veut pas les embarquer dans ses chutes à répétition, comme si elle était incapable d’être heureuse de la bonne manière.

Il s’est perdu sans elle, et elle le sait. Elle sait au fond que tout ça est de sa faute. Elle réfléchit à ce qu’elle peut répond, et elle n’a pas envie de lui dire à quel point elle est toxique pour lui. Ce n’est pas normal de se détruire pour une personne, et pourtant ils font toujours ça l’un pour l’autre. “Prends du temps pour toi.” Elle est là pour gérer, et il a besoin de temps. Elle baisse un peu les yeux sur ses pieds et cherche quelque chose à faire. “Commande les pizzas, je…. je vais ranger.” C’est mieux ça plutôt que de ruminer dans le salon. Et elle lui tourne le dos, prête à monter à l'étage.

« Y’a pas de on verra. Vaut mieux pour toi que je te vois pas en train de faire 1000 choses sans cette attelle. » Elle impose les règles sans même sourciller. Je la retrouve là, cette Jill que je connais si bien. Elle ne démordra pas et je sais par avance que l’on va se prendre la tête à ce sujet. « Je ferais attention. » On sait très bien tous les deux que si un des jumeaux pleurs, je vais complètement oublier la douleur et je vais m’empresser de tout faire pour le prendre dans mes bras. « Si tu lâches pas un peu, tu vas finir à l’hôpital encore une fois. » Elle est là, la véritable menace. Finir à l’hôpital pour un repos forcé. « Non ça ira. » Bien sûr que ça ira. Je ne referais pas l’erreur de prendre ma voiture. De toute façon, je n’ai plus de voitures. L’histoire est réglée sur ce point. Je vais faire un peu plus attention, c’est certains. Je refuse de retourner à l’hôpital. Même si j’ai encore horriblement mal aux côtes, le médecin m’as donné des cachets, je vais me blinder avec ça.

Le plus important pour le moment, c’est qu’il existe une certaine harmonie dans cette maison, pour le bien-être des enfants. Ces deux petits bébés qui n’ont rien demander et qui doucement nous aide à nous rapprocher. Pour mieux nous éloigner la seconde d’après, tant la réalité nous rattrape au galop. C’est si compliqué de pouvoir exprimer ce que je ressens et bien entendu tout sort de travers, tout va trop vite et déjà, on s’emmêle les pinceaux. « Tu me laisse même pas l’occasion. » « Elle est juste là l’occasion Jill. » Maintenant, alors que tout est allé trop loin, que je me suis trop perdu. Je ne donnerai plus autant, pas pour le moment. J’ai besoin de prendre du recul, de savoir ce qui est bon pour moi et ce qui ne l’ai pas. Tout a éclaté en mille morceaux à l’instant où elle a décidé de partir. Notre relation n’était basée que sur des fondations branlantes que l’on s’efforçait de maintenir debout depuis des années. Je voudrais trouver la force de lui accorder un nouveau départ tant je sais que l’amour que j’ai pour elle ne variera jamais. Ce n’est pas aussi simple quand petit à petit, je réalise à quel point ma dépendance envers elle n’avait rien de sain. Il faut détruire pour mieux repartir. Encore faut, il trouver l’impulsion qui nous fera repartir.

« Prends du temps pour toi. » L’autorisation qu’elle me donne de laisser le temps. Juste encore un peu. S’accorder le droit de souffler, de tout envisager à nouveau. Je vois dans son regard fuyant que c’est difficile et pour une fois Jill se retrouve à ma place. Quand je n’avais d’autres choix que de la laisser souffler sans quoi j’allais la perdre. Je n’ai pas le temps de dire quoique ce soit que déjà elle fait volte-face. « Commande les pizzas, je... Je vais ranger. » Je pourrais la laisser partir à l’étage, laisser la conversation là-dessus, laisser la tension entre nous. J’en suis incapable tant, je veux qu’elle comprenne, qu’en rien tout cela ne signifie la fin de quoique ce soit. « Jill. » Mon souffle se coupe avant qu’enfin, elle se tourne vers moi. En quelques secondes, je réduis la distance qui nous sépare pour finir par venir enrouler mes bras autour de sa silhouette. « Merci. » De me laisser le temps, d’être présente malgré tout. C’est tout ce que je peux lui offrir pour le moment, j’ose espérer qu’elle comprendra. Mes lèvres viennent effleurer son front juste une seconde avant de reculer de quelques pas.

Il fera attention, elle n’y croit pas une seule seconde. Elle va devoir le surveiller comme le lait sur le feu. “On est d’accord sur ce point.” Personne ne doit retourner à l’hôpital, mais elle ne le laissera pas aller aussi mal une nouvelle fois. Elle veut qu’il arrête de lui mentir, et elle veut qu’il apprenne à faire la part des choses, à penser à lui aussi de temps en temps. Il en a des tas de choses à régler Bailey, certainement autant que Jill. Il va devoir garder son attelle et soigner ses côtes, c’est non négociable et Jill sait lui faire comprendre. Elle l’obligera à rester allongé dans le lit s’il le faut. Elle souffle, s’occupe d’habiller les jumeaux et l’histoire est vite oubliée quand il se rapproche d’elle pendant quelques secondes. Le temps d’échanger un regard avant qu’il ne s’éloigne pour se rapprocher de la cuisine.

Elle l’a posé sa question, une question qu’il doit aussi se poser puisqu’il n’est pas capable de lui donner une réponse concrète. “Justement, et je suis toujours là.” Elle n’a pas fuit même si elle était seule avec les jumeaux pendant de nombreuses heures. Il devrait la voir l’évolution, mais c’est comme s’il avait décidé de mettre des oeillères pour ne voir que le négatif depuis des semaines. Elle voit dans ses yeux que tout a éclaté, tout a explosé en 1000 morceaux et elle essaie de les ramasser seule tant que Bailey ne veut pas le faire avec elle. Il a besoin de temps, et elle ne peut rien faire d’autre qu’accepter si elle veut que les choses s’arrangent. Elle ne peut pas imposer ses envies et ses choix alors qu’il a l’air d’être au bout du rouleau, il faut qu’elle se mette à l’écouter, elle aurait dû commencer à le faire il y a longtemps déjà. Elle ne sait pas quoi faire, n’aime pas le silence qui se fait entre eux et elle se prépare à monter pour ranger l’étage avant qu’il ne prononce son prénom. Elle se retourne doucement et le regarde dans les yeux. Il se rapproche doucement avant de la prendre dans ses bras. Elle l’enlace elle aussi et pose quelques secondes son front sur son torse. Il lui manque, mais elle ne dira rien à voix haute. Il recule et elle finit par monter. Elle passera plus de temps assise sur le lit à réfléchir plutôt qu’à ranger quoi que ce soit.

***

Les pizzas ont été mangé et les biberons ont été donné avant que les jumeaux ne se rendorment pour une sieste de quelques heures. Jill les a ramené dans leur chambre et a rejoint Bailey dans la chambre. “Par contre là tu dois aller te doucher, parce que l’odeur c’est pas possible.” Elle fronce les sourcils, léger sourire aux lèvres avant de secouer la tête. “Vas y ils dorment.” Elle profite de son absence pour ranger la chambre, comment est ce qu’il a pu laisser un bordel pareil ? Elle remarque que ses affaires ne sont plus exactement à leur place mais elle ne dit rien, il a sûrement fouillé dans les armoires pour trouver ce dont il avait besoin.

Les minutes passent et elle arrive à tomber sur des affaires qui ont l’air propre. Le tas d’affaires sales est énorme et elle sait qu’elle va mettre du temps à laver tout ça. Elle dépose un tee-shirt et un jogging sur le lit, attendant que Bailey sorte de la douche. Il y a quelques mois, elle l’aurait prise avec lui.

Le temps, c'est comme suspendu à l'instant où elle est venue se blottir contre moi. Rien est simple depuis des semaines, on vacille autant l'un que l'autre et si je suis bien incapable de la rassurer avec des mots, je peux le faire par des gestes. Ce n'est rien pour nous, un simple câlin là au milieu du salon, mais c'est un signe de paix malgré tout. Une promesse silencieuse que malgré le temps que je viens de lui demander, je n'oublie en rien ce qui nous unis et qui nous sommes l'un pour l'autre. J'ai besoin de me sortir la tête de l'eau avant de revenir vers elle. Aujourd'hui, après un tel accident, tout me paraît insurmontable. J'envisage l'avenir au jour le jour, mais savoir qu'elle ne sera pas loin me rassure bien plus que ce que je ne pourrais jamais réellement l'avouer.

Ce petit rien a au moins eu le don d'apaiser l'ambiance de la maison. On a pu partager un repas simplement entrecoupé par nos bébés qui étaient bien trop heureux d'avoir leurs parents en même temps, rien que pour eux. Même si je galère complètement de la main gauche, j'ai pu donner le biberon à Tracy qui a été incroyablement sage toute la matinée. Bowie lui a pu profiter d'un long câlin avec sa maman et c'est en les observant tous les deux, que j'ai compris le dicton : le fils à sa maman. Je me prends à espérer que cela va durer, que ce n'est pas uniquement parce que je suis blessé. On ne parlera pas de cela, de toute manière. On ne sait pas évoquer les vrais problèmes.

Les jumeaux se sont endormis et Jill les a mis dans leur lit. C'est bizarre, un peu, de ne pas les avoir collées à moi, mais je réalise à quel point je ne vivais que pour eux ces dernières semaines. Mon corps tire encore la sonnette d'alarme et c'est épuisé que je m'assois sur le bord de mon lit dans une chambre qui ne ressemble plus à rien. « Par contre là, tu dois aller te doucher, parce que l’odeur c’est pas possible. » Un léger rire m'échappe alors que nos regards se croisent. « Quoi? » que j'exagère de manière faussement offusqué. « Tu aimes pas le mélange lit d'hôpital et sueur ?! » Elle insiste et je finis par céder, une bonne douche ne me fera pas de mal.

Je reste près de quinze minutes à profiter du jet d'eau chaude sur ma peau, tentant de cataloguer les blessures visibles dont ce bleu énorme qui rassemblent beaucoup trop de couleurs de l'arc-en-ciel sur mes côtes. Me déshabiller a été une véritable torture et alors que j'enroule péniblement une serviette autour de ma taille, je réalise que jamais je vais pouvoir me baisser pour enfiler un pantalon. Lorsque je rejoins la chambre, Jill est en tornade de rangement et je m'en veux d'avoir laissé les choses traîner aussi longtemps. Alors, je laisse tomber ma serviette pour enfiler un caleçon, mais le processus me fait lâcher un cri de douleur. Je me retrouve essoufflé et surtout, j'ai mal. « Jill. » que je murmure lentement en regardant le jogging qui me reste a enfiler. « Va falloir que tu m'aides là, je peux pas me baisser. » Et je n'ose imaginer lever les bras pour enfiler un tee-shirt. Lui demander de l'aide, c'est la voir se rapprocher, c'est lui laisser voir les traces sur mon corps. Et là, sous son regard, je me sens vulnérable.

Cette journée était étrange, mais Jill s’est surprise à trouver tout ça plaisant. Elle a aimé garder Bowie dans ses bras pendant près d’une heure et Bailey l’a aidé pendant toute l’après midi. Ils ont fait un travail d’équipe, c’est comme ça qu’ils auraient dû fonctionner comme ça depuis le début. Elle avance, elle y arrive petit à petit mais le chemin est encore long. Elle essaie de se familiariser avec son rôle de maman avant même de penser à son rôle de femme et à son couple avec Bailey. La nuit vient et les deux petits sont couchés. Elle les a tous les deux posés dans leur berceau et ils se sont naturellement enlacés l’un à l’autre. C’est impressionnant de voir à quel point ils sont fusionnels, c’est maintenant qu’elle voit quel genre de lien uni des jumeaux.

Elle range la chambre et envoie Bailey à la douche. Il reste un moment sous l’eau et elle fait des allers retours dans la chambre pour qu’il puisse dormir dans un environnement plus sain. Ils ont légèrement rit avant qu’il ne parte et ça la rassure Jill, ils ont toujours un lien, un lien fort que personne ne peut nier. Elle l’entend sortir et elle le laisse se débrouiller. Elle ne veut pas s’imposer, il a besoin de temps et d’espace et elle l’a bien compris. Elle finit de ranger ce qui traîne et s’apprêtait à sortir pour qu’il puisse se coucher tranquille mais il l’interpelle avant qu’elle n’atteigne la porte. “Te fais pas mal je suis là si t’as besoin d’aide.” Elle est là pour ça, pour l’aider lui et s’occuper des bébés. Il a besoin de soins et de se sentir mieux dans cette situation. Elle le rejoint et étend le jogging au sol. “Assied toi.” Elle le pousse légèrement par les épaules pour qu’il s’assoit sur le lit. Elle lui enfile son jogging avant de glisser ses doigts sur le bleu gigantesque qui s’étend sur ses côtes. “Tu t’es pas loupé.” C’est passé, et heureusement il n’a rien de grave mais elle continue de s’inquiéter Jill. “T’arrives à lever les bras ?” Elle attrape un de ses tee-shirt pour le glisser délicatement par dessus sa tête. “C’est mieux comme ça quand même.” Après une douche et avoir mis des vêtements propres. “Tu veux aller dormir ?” Elle ira s’endormir sur le canapé, comme elle l’a fait le jour d’avant, ou dans la chambre d’amis.

« J'avais vraiment laissé du bordel. » que je m'excuse à peine entrer dans la chambre qui a déjà retrouvé une apparence un peu plus normal. Je ne me rendais compte de rien lorsque j'étais seul, emprisonné dans mon idée que tout tournait autour des jumeaux, j'en avais oublié le reste. L'état de la maison n'est devenu qu'un maigre reflet du bordel qui a pris place dans ma tête. Perdu dans un rôle de père célibataire qui m'a été imposé et qui a fait voler en éclats la seule chose à laquelle je tenais tant. « Te fais pas mal, je suis là si t’as besoin d’aide. » Je suis là. Ces mots qui résonnent si bruyamment dans le calme ambiant. Elle est revenue. C'est tout ce qui devrait compter. C'est tout ce que je devrais voir, mais mes insécurités me rappellent à autres choses. Son départ, la dépendance de notre couple, les années de secrets qui ont finir par nous rattraper pour mieux nous exploser à la figure. On c'est perdu en cours de route, la grossesse nous avait menés sur un petit nuage et chacun de nous avait renier que l'arrivée des bébés allaient tout changer. Parfois, j'ai la sensation que l'on ne se comprendra plus jamais, que trop de choses on changer, mais ce soir, je profite encore un peu de sa présence à mes côtés. Assis sur le bord du lit, je la laisse m'aider à m'habiller. « Tu t’es pas loupé. » Tout mon corps frissonne dès l'instant où ses doigts frôlent ma peau. La réaction est instantanée et lui est entièrement réserver. Mon regard se lève pour chercher le sien. Juste quelques secondes, recréer cette bulle autour de nous. Avant, elle se serait penché un peu plus et je l'aurais embrassé. Avant. Ce soir, tout est timide. On marche sur des œufs comme deux inconnus qui ne savent plus vraiment qui est l'autre personne en face. « T’arrives à lever les bras ? » « Pas vraiment. » C'est le plus douloureux et j'ai l'impression d'être un enfant quand je grimace alors qu'elle me lève le bras avec douceur. Il fallait que je sois tout cassé pour qu'elle soit douce. C'est tout ce qui prime dans mon esprit d'homme au cœur piétiner depuis bien trop d'années.

À nouveau, nos regards se croisent. À nouveau, le temps semble comme suspendu alors que nous sommes là, l'un en face de l'autre. « Tu veux aller dormir ? » Pas sans toi que je retiens entre mes lèvres alors que déjà, elle semble fuir vers la porte. « Pas vraiment. » Reste encore un peu. « Mais je vais rester allonger, ça me fait trop mal quand je suis assis. » Cela se ressent rien qu'à ma respiration un brin laborieuse. En grimaçant, toujours, je finis par aller m'allonger de mon côté du lit, sans vraiment la lâcher du regard. « Tu vas dormir où ? » Jamais on avait envisagé de faire chambre à part dans cette maison. L'idée en presque douloureuse en réalité. « On se regarde un truc ? » que je propose dans la seconde d'après alors que déjà, j'allume le rétroprojecteur que j'ai monté là il y a des jours avec mon ordinateur. J'en oublie que je n'avais rien éteint la dernière fois et déjà se lance un épisode de série. La série préférée de Jill, celle que j'ai par mille fois jurés trouver absolument nul.