3 mars 2015. 5.30pm. Je rentrais dans notre chambre d’hôtel suivi de Lukas. Nous nous affalions à l’unisson sur le lit « J’en peux plus » « Je ne t’ai pas forcé à le faire ». Je tournais alors mon regard vers lui, souriante « Je sais. Mais je ne regrette pas.. Tu as eu une excellente idée lov’ ». J’approchais alors mon visage du sien pour échanger un tendre baiser. Notre périple autour du monde durait depuis plus d’un an désormais. J’avais, pour moi, rencontré l’homme de ma vie, celui avec qui chaque jour était merveilleux. Cela faisait deux jours que nous étions arrivés à Mexico city et, aujourd’hui, nous nous étions rendus au volcan Ixtaccihuatl. Nous n’avions pas fait l’ascension en entier mais la randonnée qui se trouvait aux alentours étaient bien éreintante. Je m’assoupis assez rapidement avant que Lukas me réveille quelques heures plus tard. La journée n’était pas terminée, il avait prévu de m’amener quelques part « On n'est pas venu à Mexico pour dormir ». Je bougonnais un peu « Si je te dis fiesta… ». J’ouvrais un œil puis l’autre, avant de me lever soudainement. Il en fallait peu pour me motiver. Lukas et moi aimions visiter de beaux monuments la journée ou des lieux touristiques typique du pays mais nous aimions aussi tout deux découvrir les meilleurs lieux pour faire la fête. Et on savait qu’à Mexico, nous ne risquions pas d’être déçu. Du moins nous l’espérions…
9.00pm. Nous arrivions dans un bar où l’ambiance générale semblait sympathique. Lukas et moi trouvions une table et commandions deux tequilas. Autant faire dans le cliché le plus total. Nous discutions tous les deux de notre journée, refaisant celle-ci du début à la fin. Nous étions tellement dans notre bulle que je ne remarquais pas encore la foule qui grossissait dans le club. Je ne faisais pas non plus attention aux personnes un peu louche qui avaient fait leur apparition.
10.00pm. « Une danse ? »J’acquiesçais alors, attrapant mon petit sac et la main que me tendait Lukas. Sur la piste de danse, nous dansions au rythme des musiques typiquement mexicaines. Il me faisait virevolter, m’entraînant tout contre lui pour que je suive le rythme de ces pas. J’étais obnubilé par lui, et uniquement par lui. Pourtant, une seconde d’inattention plus tard, ce n’est plus dans ses bras que je me retrouvais… Mais dans ceux d’un autre homme « Salut, beauté » « Lâche la ! » Je me débattais pour me défaire de l’emprise de l’homme mais il avait une poigne telle, que je ne pouvais rien y faire. L’homme en question regarda ses comparses, riant du fait de la phrase de Lukas « Dégages, elle est avec nous maintenant ». Mon sang ne fit qu’un tour, je me débattais encore plus fort. Lukas ne chercha pas plus longtemps et frappa l’homme en question. Cependant, un de ses collègues vint et lui assena un gros coup « Laisse le ! » criais-je. Autour de nous, les gens continuaient à danser comme si rien n’était… A cet instant, j’avais peur…
***
28 mars 2015. Cette histoire était bien derrière nous désormais. Cela nous avait refroidi pendant quelques jours mais finalement, nous nous en étions bien sortis. Notre périple continuait son cours et ce soir, nous avions décidé de nous rendre au jardin flottant de Xochimilco. Notre périple au Mexique touchait à sa fin et nous voulions profiter jusqu’au bout. Des locaux nous avait conseillé la visite de ces jardins, qui étaient si particuliers surtout de nuit. C’est donc aux alentours des vingt heures que nous nous rendions sur place. Lukas, muni de son appareil photo, pris plusieurs clichés qui servaient notamment à alimenter notre blog. J’étais admirative du décor qui s’offrait devant nos yeux. Les couleurs y étaient spectaculaires, les gens semblaient heureux, tous souriants comme toujours ici. La joie de vivre, communicative, me fit enlacer Lukas tendrement. Un je t’aime se glissa dans ses oreilles, il en fit de même en me regardant droit dans les yeux. Ma main glissa dans la sienne alors que nous avancions en direction d’une gondole. La foule était importante, pourtant, je me sentais suivi… Je tournais la tête et je cru voir une tête plus ou moins familière. Quelqu’un que j’avais eu l’habitude de voir durant mon séjour, au moment importun dans le bar, au détour d’une rue, d’une visite… Non je devais halluciner, la fatigue sûrement « Ca va ? » « Oui, oui » fis-je à l’attention de Lukas. Je retournais encore la tête et c’est là que je le reconnus sans nul doute. C’était lui… Qu’est-ce qu’il faisait encore ici. Je m’arrêtais net, Lukas ne comprenant pas « Mia ? ». Je lâchais alors sa main sans lui répondre et tourna les talons en direction de l’homme que je suspectais de nous suivre depuis le début « Est-ce encore une coïncidence que l’on te croise ici ? Ou tu vas finir par me dire la véritable raison de toutes ces rencontres ? ». Je trouvais cela louche de le voir toujours dans les environs alors que nous ne le connaissions ni d’Eve ni d’Adam. Il nous avait peut-être sauvés la mise le soir du trois mars mais, pour autant, je le suspectais de nous suivre pour de toute autres raisons… Lukas me rejoignit, me prenant par la taille délicatement « Qu’est-ce que tu fous encore là toi ? » fit-il à l’attention de Geo.
3 mars 2015. 10pm. La soirée, qui avait pourtant si bien commencé, me faisant me sentir bien dans ce beau pays qu’était le Mexique, vira au cauchemar en une fraction de secondes. C’était la première fois que ce type d’incident nous arrivait avec Lukas. Pourtant, cela faisait plus d’un an désormais que nous étions sur les routes du monde entier. Nous avions traversé de nombreux pays, en Asie, en Europe, nous avions même fait l’Afrique du Sud. Jamais nous ne nous étions sentis en insécurité. Et jamais je n’aurais pensé me sentir en danger au Mexique. Du moins pas dans une aussi grande ville qu’était Mexico City. L’homme m’avait empoigné, je ne pouvais plus bouger, bien que j’essayais de me détacher de son emprise. Quant à Lukas, il avait tout de suite réagi mais il était tombé sur plus fort que lui. Le voyant à terre, cela me fit crier. La foule autour de nous était si dense, que personne ne se rendait réellement compte de ce qui se passait. Pourtant, sortie de nulle part, quelqu’un vint nous porter secours. J’assistais à la scène impuissante. L’homme mit un coup à la gorge de celui qui avait frappé Lukas, qui perdit l’équilibre et tomba immédiatement à terre. Je fus enfin libéré de l’emprise de son pote « T’as fait quoi là ? Hein ? T’as fait quoi ? Tu nous connait pas, toi » « Casse-toi, emporte tes potes et casse-toi ». Je me précipitais alors vers Lukas pour voir s’il allait bien. Il allait sûrement avoir une belle ecchymose sur la joue mais il semblait reprendre ses esprits. « T’as envie que je te fasse la même chose ? ». Les deux hommes étaient à présent proche l’un de l’autre, j’avais peur que cela reparte aux coups de poings. Mais bizarrement, l’homme qui m’avait attrapé rebroussa chemin « On y va. Mais si on vous retombe dessus autant sur toi » fit-il en pointant son doigt sur Geo « que vous deux » en nous montrant cette fois Lukas et moi, « je vous ferai la peau ». La peur s’empara encore de moi face à ces menaces que je ne pouvais que prendre au sérieux. Lukas se releva et m’attrapa pour me serrer dans ses bras « Ca va ? » fit-il alors qu’il passait délicatement ses mains sur mon visage et me déposait un baiser sur le front. J’acquiesçais et reportais alors mon attention sur notre sauveur « Merci beaucoup » fis-je en lui souriant « Je ne suis pas sûre que nous nous en saurions bien sortis sans votre intervention ». Lukas lui tendit la main pour le remercier à son tour « Merci. On peut peut-être t’offrir un verre pour te remercier ? ».
28 mars 2015. L’homme qui nous suivait n’était pas un inconnu. Je savais qui il était, il nous avait sorti d’une sale histoire Lukas et moi vingt cinq jours auparavant. Il s’appelait Geo c’était au final la seule chose que je connaissais sur lui. Mais ce n’était pas la seule fois où nos chemins s’étaient croisés. Je trouvais à chaque fois que le hasard faisait bien les choses mais au bout d’un certain nombre de temps, je pensais que cela était de plus en plus étonnant. Pourquoi cet homme était toujours au même endroit que nous ? Je me sentais suivi lorsque nous marchions en direction d’une gondole. Je me retournais une première fois. Je ne voyais rien d’inquiétant, la foule étant là aussi assez importante. La deuxième fois, je le repérais avec ses cheveux longs cachant à moitié son visage. Pourtant, je savais que c’était lui. Je me dirigeais alors d’un pas décidé vers lui pour comprendre « Je suis navré. Si j’avais su que j’avais l’autorisation de visiter uniquement les lieux touristiques où vous n’êtes pas présente, mademoiselle, j’aurais revu mes plans ». J’arquais un sourcil, trouvant son excuse plutôt peu crédible. Lukas me rejoignit, reconnaissant lui aussi l’homme et l’interrogeant sur sa raison d’être ici « Je suis en vacances, je profite de mes vacances, point barre ». Même si cela était vraie, la probabilité était bien trop grande « Ne nous ment pas, que cela arrive une ou deux fois passe encore mais là, c’est à chaque fois. Est-ce que tu nous suit ? Qu’est-ce que tu nous veux au juste ? ». Je commençais à me demander s’il n’était pas de mèches avec les mecs qui nous avaient agressé le premier soir. Pourtant, il n’avait jamais eu de mauvaises intentions à notre égard, au contraire. « J’me tire. Bonne soirée ». Lukas se mit alors sur son chemin pour l’empêcher de fuir « Réponds lui ! Qui t’envoie ? ». Je rejoignais alors Lukas, contournant Geo pour lui faire à nouveau face. Je croisais mes bras sur la poitrine, décidait à ne pas lâcher l’affaire jusqu’à qu’il finisse par cracher le morceau. Les personnes qui me connaissaient le savaient d’ailleurs que trop bien. J’étais bornée et déterminée à obtenir ma réponse.
3 mars 2015. 10.00 pm J’étais reconnaissante de l’intervention que Geo avait fait. Sans lui, le type qui s’en était pris à Lukas aurait certainement fini par l’achever, en lui assénant suffisamment de coups pour qu’il ne puisse pas se relever. Et les deux hommes m’auraient surement amené avec eux. Je savais qu’il pouvait y avoir ce genre de problèmes au Mexique. Je m’étais renseignée à ce sujet avant notre arrivée et c’est pour cela que nous avions décidé de rester sur Mexico City. Mais comme quoi, nous aurions peut-être dû rester un peu plus sur nos gardes. Je regrettais déjà d’être sortie et je n’étais pas certaine de rester plus longtemps en ces lieux. La foule autour de nous faisait totalement abstraction de ce qu’il avait pu se passer. Était-ce par habitude ou juste parce que la foule était tellement dense qu’ils n’avaient vraiment pas prêtés attention ? Trop d’alcool dans le sang pour réagir ? En tout cas, Geo avait été réactif, arrivant immédiatement ne laissant pas plus de chances aux deux sales types de s’en prendre à nous. Nous le remercions Lukas et moi « Il y a des personnes mal intentionnées partout. Vous devriez rester prudent ». Je glissais alors ma main dans celle de Lukas, instinctivement. Cet incident allait certainement me trotter dans la tête pendant quelques jours « Nous pensions vraiment ne pas rencontrer un tel problème à Mexico City, nous nous étions renseignés avant… ». Et puis nous voyagions depuis plusieurs mois maintenant et c’était la première fois que cela se passait. Lukas proposa à l’homme de lui offrir un verre, la moindre chose que nous pouvions faire pour le remercier « Ce n’est pas la peine, vraiment. En fait j’attends quelqu’un ». Lukas n’insista pas davantage, « Ce n’est que partie remise, si nous venons à nous recroiser. Encore merci… On peut au moins connaitre votre nom ? ». Je regardais l’homme, l’examinant de plus près. Il semblait ne pas vouloir s’éterniser malgré son geste que l’on pouvait qualifier d’héroïque. « Faites attention à vous » J’acquiesçais en simple signe de répondre à notre ange gardien d’un soir… Je me tournais alors vers Lukas, j’étais encore en état de choc de ce qui venait de se passer… Il ne fallut qu’une fraction de seconde pour que le pire puisse arriver. Ma mine était triste, je n’avais pas besoin de m’exprimer davantage. « Viens, on rentre ». Il m’entraîna alors pour qu’on récupère au plus vite un taxi et retournions à l’hôtel. Notre soirée s’était terminée plus tôt que prévu mais elle n’avait désormais plus la même saveur. 28 mars 2015. Une chose importante à savoir sur moi c’est que j’étais borné et que, lorsque je souhaitais quelque chose, je faisais tout pour l’obtenir. En l’occurrence, ce soir, je voulais comprendre pourquoi nous croisions sans cesse Geo partout où nous allions. Il était peut-être lui aussi en vacances ici mais le fait de l’avoir vu également lors de nos deux jours à Cancun deux jours auparavant m’avait laissé perplexe. Trop de fois je l’avais aperçu, là c’était trop. Ce n’était pas anodin et pour moi, il nous cachait quelque chose. Lukas partageait mes doutes et était tout autant déterminé que moi à obtenir des réponses. C’est pour cela qu’il lui barra la route lorsqu’il tenta de s’échapper « Ecoutez, je suis en vacances un mois ici, ok ? Aux dernières nouvelles, je ne crois pas que l’on ai besoin de demander votre accord pour visiter le moindre lieu, ici ». J’arquais un sourcil, un mois ici et dans trois jours il repartait pour les USA lui aussi ? « Que tu sois en vacances en même temps que nous est un fait, mais toujours au même endroit ? Et puis, tu as cette façon étonnante de nous regarder par moment. Comme si… comme si tu nous suivais, il n’y a pas d’autres mots ». Je restais persuadé qu’il n’était pas honnête avec nous depuis le début « Puis pourquoi avoir refusé ce verre lorsque tu es venu à notre secours ? Tu nous aide et t’en va, prétextant que tu attends quelqu’un mais on ne t’a jamais vu accompagné depuis le début… » Non trop de choses ne tournait pas rond autour de lui. Je l’assénais de questions et ne le lâcherait pas de sitôt, l’obligeant à finir par dire la vérité. « Je suis navré que ce malentendu vous ai effrayé. J’admets qu’à votre place, j’aurais été déstabilisé également ». Lukas fit un pas en avant pour confronter Geo de plus près « Arrête de te foutre de nous maintenant, n’essaye pas de retourner la situation ! ». Lukas se voulait menaçant. Je m’avançais également mais pour apaiser mon petit ami. Je posais une main sur son torse pour le faire reculer un peu. Nous avions vu de quoi Geo était capable, je n’avais pas envie qu’il le fasse sur lui.
Non Geo n’avait définitivement pas brillé dans sa discrétion pendant tout leur séjour à les suivre. J’avais arrêté de compter le nombre de fois que je l’avais vu au même endroit que nous. Peut-être s’agissait-il d’un acte de bienveillance de sa part ? Après tout, il nous avait sauvé la mise le premier soir, peut être que depuis, il avait décidé de nous suivre pour s’assurer qu’on aille bien ? Uhm, cela restait quand même très peu probable et étrange. On ne le connaissait absolument pas, on ignorait même comment il s’appelait. Puis il avait refusé notre invitation donc il n’y avait pas d’attaches ou de liens entre nous « Eh, c’est le procès de ma vie privée ? Je suis encore libre de choisir si je veux boire un verre, ou non. Et tout comme je n’ai pas à me justifier de mes déplacements, je n’ai pas à me justifier des personnes qui m’accompagnent ou non » Plus ça allait, moins je le trouvais crédible. J’arquais un sourcil, croisant mes bras sur ma poitrine. Lukas commençait alors à perdre patience, déterminé à en découdre s’il le fallait avec l’homme devant nous. Je fus obligée d’intervenir pour le calmer « Je n’ai pas à me justifier de comment je vis ma vie, encore moins auprès de gosses. Foutez-moi la paix ». Je sentais Lukas bouillir, faisant un pas de plus vers Geo. « Arrête » soufflais-je à Lukas. Ça n’allait rien résoudre d’en venir au poing. Puis je n’avais pas envie de le voir à nouveau à terre comme lors de notre première soirée ici. Une fois m’avait suffi. Si je me montrais d’un calme olympique envers Lukas, en revanche, lorsque mon regard se posa à nouveau sur Geo, la colère et la détermination reprirent à nouveau le dessus « Des gosses peut être oui mon vieux, mais écoute moi bien ! Je sais qu’autant tu pourrais cogner mon petit ami mais moi tu ne me feras rien. Autrement, tu ne serais pas venu à notre secours l’autre soir. Alors, arrête de trouver tes excuses bidons, tu es aussi mauvais à ça que pour nous suivre en douce ». Je voulais le mettre devant le fait accompli et ne lui donnait d’autre choix que tout nous dire « C’est simple. Sois-tu nous avoue tout maintenant et tout se passera bien ou alors je préviens les flics là-bas. Vu ta tronche, ils t’arrêteront sans hésitation. Tes allures de junkie ne les laisseront pas indifférent et je pense que tu sais mieux que nous comment les autorités sont ici. Pas très tendre ». Je marquais une pause, faisant un pas de plus vers lui, alors que Lukas restait derrière moi « Alors, qu’est-ce que tu décides ? ». Il fallait que Geo sache à quel point je pouvais être bornée par moment. Mais là, mes raisons étaient fondées, et je le savais.
Je ne comptais pas me démonter devant le personnage qui se tenait devant moi. Je ne savais pas d’où il sortait mais il n’y avait rien d’honnête dans sa manière d’agir et de prétendre que c’était le simple hasard si nous nous étions autant croisés durant notre séjour. Non, il cachait plus qu’il ne voulait le dire. Je savais que je ne prenais pas de risques en l’affrontant, contrairement à Lukas qu’il n’aurait certainement pas hésité à frapper comme les sales types auxquels nous avions eu à faire lors de notre première soirée dans un bar de la ville. Pourtant, l’homme ne se démontait pas, me faisant croire qu’il serait capable d’en venir aux mains avec moi. Ce qui ne m’effraya pas pour autant, ce n’était que du pipo à mes yeux « Tu veux vraiment parier ? ». J’étais plantée devant lui, j’avais même fait un pas de plus à son encontre pour lui montrer qu’il ne m’effrayait pas. Si moi, je ne réagissais pas, cela fut trop pour Lukas qui bondit immédiatement vers l’inconnu, déterminé en lui en coller une « Je vais te faire la peau, oses la toucher, j’en ai rien à foutre de finir à terre ! » Je me retournais alors vers Lukas, déposant à nouveau mes mains sur son torse pour l’empêcher d’avancer davantage « Il n’osera pas me toucher, il bluffe » fis-je d’un ton plus calme. Je m’approchais de lui pour lui murmurer quelque chose à l’oreille « Fais-moi confiance ». Mon regard s’attarda quelques instants dans le sien, je voyais très bien son air inquiet mélangé à son énervement. Je me retournais alors vers l’homme en le menaçant ouvertement. J’étais capable à cet instant t’interpeller les policiers pour qu’ils viennent l’arrêter, le trouvant bien trop louche et finalement pas si bienveillant que ça. « Petite peste » fut la réponse que l’homme me donna. Il riait en disant cela, ce qui m’étonna et me fit me mettre en colère car il semblait finalement en avoir rien à faire de mes menaces. Mais cette impression ne fut que de courte durée « Tu ne manques pas de cran, Mia McKullan ». Lukas et moi échangions un regard, ne comprenant pas comment il pouvait connaitre mon nom. Ce qui finalement était encore plus flippant et me montrait que j’avais eu raison de me méfier. Ce mec était définitivement louche « Comment tu connais mon nom ?! ». L’homme continua de passer aux aveux, finalement, mes menaces avaient marché à la perfection « On m’a engagé pour veiller sur toi pendant trente jours ». J’étais bouche bée, ne comprenant pas qui aurait pu demander une telle chose… Vraiment « Qui ? Qui t’as engagé ? ». Les seules personnes qui auraient pu demander ça aurait pu être ma mère… ou alors… Non, ce n’était pas possible « Ne me dis pas que… » Je ne pus finir ma phrase car pour moi il n’était pas possible qu’il se soucie de moi alors qu’il daignait à peine me donner des nouvelles depuis son départ. Je parlais évidemment de mon père… Et si finalement ce type le connaissait ? Mon regard, plein d’assurance quelques secondes plus tôt, s’était transformé à un regard perdu dans le vague, triste et perdue « Ne me mens pas, c’est mon père c’est ça ? ». J’avais pris mon courage à deux mains pour oser le dire.
« Je n’ai pas la prétention d’être le type le plus à même pour assurer cette mission. Mais ça, je suppose que tu t’en es rendue compte, hein ? ». J’haussais alors les sourcils, ça c’était clair « Lamentable même ». C’était sorti tout seul mais ce n’était que la vérité. « Rassure-toi, ton calvaire touche à sa fin ». Il était hors de question qu’il continue sa mission, même s’il restait encore trois jours avant notre départ « Oui il se termine dès maintenant ! Je n’ai pas besoin de chaperon… ». Enfin presque pas, car sans lui, pas sûre que nous serions encore là en train de profiter de notre séjour au Mexique « Et comme ça tu seras aussi libéré de ton côté ! ».
Dix ans. Dix ans que je n’avais plus eu mon père en face de moi. Et je me retrouvais, à l’autre bout du monde, avec ce qui semblait être un ami à lui. Ou peut être un simple larbin qu’il avait payé pour me suivre. Plus rien ne m’étonnerait venant de lui. L’homme qui était devant moi et dont j’ignorais toujours l’identité, me confirma que c’était lui qui l’avait missionné de me surveiller. Comment osait-il me faire ça ? Il n’avait pas suffisamment de cran (pour rester polie) pour venir le faire lui-même. Il me montrait encore une fois sa lâcheté « Comment veux-tu que je te mente. Tu es aussi têtu que lui ». Cette remarque me laissa de marbre. Normalement, du moins lorsqu’il était encore le papa le plus merveilleux du monde à mes yeux, j’aimais les comparaisons. Maintenant, je prenais ça comme une insulte. Cependant, je devais reconnaitre que sur ce point, il n’avait pas totalement tort, j’avais pris de nombreux côtés de son caractère. Lukas s’approcha de moi, posant délicatement sa main dans mon dos. Il savait que cela me touchait même si je ne le montrerais pas face à l’inconnu « Et je peux savoir pourquoi toi ? Tu es un simple idiot qui travaille pour des gens aussi stupides ou tu es ami avec lui ? ». Je résistais à l’envie de me défouler, lui dire qu’il pouvait faire passer le message à mon père qu’il aille tout simplement se faire voir. Sa réponse avait été un choc pour moi, j’avais eu un haut le cœur par son acquiescement. Mais je ne voulais pas le montrer. Mon père n’en valait pas la peine « Je n’ai pas été ton chaperon, Mia ». Je n’en étais pas aussi sûre « C’est vrai, stalker serait sûrement plus approprié ». J’avais croisé mes bras sur ma poitrine. En fait, peu importait le titre que je lui donnais, ce que je retenais c’était que mon père était derrière tout ça. J’avais des millions de questions qui brûlaient mes lèvres, j’avais envie d’assassiner de questions l’homme devant moi. Pourtant, il semblait décider à me parler plus sérieusement, bien qu’il ne me connaissait pas finalement « Je vais partir, ne t’inquiètes pas pour ça. Mais avant, écoute, Mia… ». J’arquais un sourcil, surprise. Qu’allait-il m’annoncer ? Ma mère aussi était derrière tout ça ? Mon père était à Mexico et voulait me voir avant mon départ ? Je sentis une boule de stress se formait au fond de moi « Je peux pas te dire quoi faire. Même si je le pouvais, tu n’en tiendrais sans doute pas compte, et je ne pourrais pas t’en blâmer ». Non visiblement l’homme comptait me donner une sorte de leçon de morale, vu comment il commençait… « Tu te sens sûrement mal maintenant. Parce qu’un inconnu t’a suivi, parce qu’il est envoyé par ton père, alors que tu lui en veux terriblement. Mais même si tu lui en veux, que tu préférerais ne plus jamais entendre parler de lui, laisse-lui du temps. Laisse-lui l’occasion de rattraper ses erreurs. Peut-être qu’il ne les réparera pas, sans doute même. Mais t’as quoi, vingt-cinq ans ? Tu souhaites vraiment faire une croix sur ton père à cause d’une mauvaise décision de sa part ? ». J’étais pétrifiée sur place par ses mots qui me glacèrent le sang. En contrepartie, je ressentais aussi une colère qui montait peu à peu et qui allait certainement finir par sortir. Ce qui n’était pas bon signe. Pourtant, je n’eus pas le temps de réagir, car l’homme semblait déterminé à partager le fond de sa pensée « Ce que je veux dire… C’est que si tu continues comme ça, un jour, ta colère disparaitra. Elle se changera en amertume. Tu regarderas en arrière, et tout ce que tu auras, c’est des regrets. Ça te rongera car tu ne pourras pas rattraper le temps perdu ». Là, il me mit devant le fait accompli. Je n’avais jamais envisagé les choses de la sorte. Pourtant, je ne voulais pas l’entendre. Je ne voulais pas imaginer que, plus tard, il y aurait certainement des regrets. Un jour peut-être, je me rendrais compte qu’il est trop tard… Je sentais des larmes me montaient mais je ne me laisserais pas aller « Je sais que je ne suis personne pour toi. Mais je connais ton père depuis un bon moment maintenant. Le soir où je l’ai rencontré, il avait une photo de toi à la main. Je n’ai jamais vu de regard aussi vide de ma vie, et crois-moi, j’en ai croisé pas mal. Il n’aurait pas dû agir ainsi, sans doute, t’espionner n’était pas la meilleure des idées. Mais il est mort d’inquiétude pour toi et était au pied du mur lorsqu’il m’a demandé de l’aide. C’est un geste maladroit de la part de l’homme qui t’aime le plus dans ce putain de monde. Le seul qui t’a aimé, t’aime et t’aimera sans faille. Le seul sur lequel tu pourras encore compter dans quarante piges ». Il avait fini, je l’avais écouté jusqu’au bout sans dire mot, ce qui était rare de ma part. Lukas me regardait depuis un moment, il me connaissait et savait que mon silence ne présageait rien de bon. Je baissais le regard alors que celui-ci n’avait pas quitté l’homme depuis le début de son monologue. Ce ne fut que de courte durée, reposant mes yeux sur lui pour enfin lui répondre « Tu n’es pas à ma place. Tu ne sais pas ce que j’ai pu ressentir à son départ. Je n’avais que quinze ans ! Une période à laquelle j’avais le plus besoin de lui ! Non il a préféré partir, sans se retourner, sans se demander ce que sa fille allait devenir. Sa princesse qu’il m’appelait » je riais faussement « laisse-moi rire. Il t’a raconté que ce qu’il a voulu. Bien sûr, il ignore tout ce que j’ai traversé en attendant, tout comme toi. Tu ne sais pas que j’ai failli finir six pieds sous terre parce que j’étais tellement misérable, que je recherchais tellement l’attention que j’ai passé un an à enchainer les soirées à boire et à me droguer !? Il le savait ça ? Non bien sûr, il n’était pas présent ! ». Je parlais que très rarement de cette période honteuse de ma vie. Une période qui me replongeait dans des souvenirs douloureux que je préférais oublier désormais « Lui laisser du temps ? Lui laisser du temps pour quoi ? Dis-moi ?! Il n’y a rien qui puisse justifier ce qu’il a fait ». Je laissais exploser ma colère contre l’homme qui, au final, n’y était pour rien. Mais puisqu’il se faisait le messager du diable, alors autant lui répondre « Faire une croix sur lui n’est pas la chose la plus facile qu’il soit, peut-être que oui, je finirai par avoir des regrets. Mais je préfère avancer et l’oublier plutôt qu’attendre qu’il daigne un jour revenir vers moi ». Parce que je gardais toujours espoir, sans me l’avouer totalement. A ce moment même, j’avais au plus profond de moi-même, l’envie de le voir faire irruption au milieu de la foule. Mais je savais que cela n’était qu’un fantasme « Et comme tu le dis si bien, tu n’es personne pour moi, tu n’as pas à me donner de leçon de morale. Tu peux me dire ce que tu veux, essayait d’apaiser les choses pour que je lui pardonne, bien jouer au passage, ça marcherait presque. Mais tu peux clairement lui dire d’aller se faire foutre ! ». Sur ces mots, je détournais mon regard, ce n’était pas facile d’avoir des paroles aussi dures envers son propre père, bien qu’il m’avait fait énormément souffrir, et qu’il le faisait toujours. « Mia… » murmura alors Lukas, sentant que j’étais à deux doigts de craquer, voulant me serrer contre lui. Je tournais la tête à droite puis à gauche doucement, pour refuser et poursuivit alors, les larmes aux yeux mais me montrant toujours aussi déterminé « S’il m’aimait autant, il ne m’aurait jamais fait ça. Et si je ne peux pas compter sur lui aujourd’hui, je ne le pourrais toujours pas demain ».
Se prendre de plein fouet un retour dans le passé impromptu n’était jamais agréable. Surtout lorsque vous pensez avoir tourné la page, que tout était derrière vous et que plus rien ne pouvait vous atteindre à ce sujet. Pourtant, en une fraction de secondes, par un simple hochement de tête, je replonge. Je replonge dans des souvenirs douloureux, m’obligeant à repenser à l’homme qui était tout pour moi mais qui était désormais un inconnu… L’homme en question n’était autre que mon père. Je le haïssais à un point inimaginable alors qu’enfant, je n’avais d’yeux que pour lui. Je ne me trouve pas face à lui actuellement, mais face à un ami à lui. Parce que non, il n’a pas eu le cran de venir me confronter lui-même. Il a envoyé quelqu’un d’autre le faire à sa place. Est-ce que cela m’étonnait finalement ? Pas si sûr. L’inconnu devant moi tente je ne sais trop quoi. Il semblerait qu’en plus d’être le larbin de mon père, il soit aussi donneur de leçon. Après son long monologue, je lui balance à la figure tout ce que j’ai sur le cœur. Toutes les choses que je ne peux pas dire à mon père, toute la colère et la haine que j’éprouve à son égard, il se le prend en pleine face. Il lui fera certainement passer le message… « Ouais c’est vrai, je ne suis pas à ta place. Je te le redis, je suis pas venu ici pour te bourrer le crâne ou te dire que tu avais tort ». Il m’a donné l’impression du contraire pourtant. Comme s’il tentait de me faire changer d’avis pour que je pardonne à mon père. « Ne penses pas cependant que je ne peux comprendre ce que tu ressens ». Ses mots m’interrogent, je me demande ce qu’il entend par là. S’il pouvait comprendre, alors pourquoi chercher à me faire changer d’avis ? « Tu as mille raisons de lui en vouloir, d’être en colère. Il est parti à une époque où tu avais besoin de lui plus que jamais. Il n’aurait sans doute pas dû agir comme il l’a fait. Mais… Je sais des choses que tu ignores ». Et là, mon sang ne fait qu’un tour pourtant je tente de me contrôler et le laisse finir « Il sait à qui incombe la faute. Cette idée était celle d’un homme désemparé qui se mord chaque jour plus les doigts d’avoir agi ainsi ». Non s’en est trop, je ne peux pas en entendre davantage « Qu’est-ce que j’ignore ? Hein ? Dis-moi ! ». Je m’avance vers lui, je n’ai pas peur, il ne m’effraie pas. Lukas me retient à son tour, comme s’il craignait que je me jette sur l’inconnu. « Désemparé ? Alors pourquoi il ne revient pas vers moi ? ». Ma gorge se serre alors, j’implose intérieurement, mon cœur semble lancer un appel de détresse, montrant une jeune femme qui a envie, au fond d’elle, de le retrouver. Lukas me retient par la taille, il sent que je flanche de plus en plus, que je ne peux plus tenir. L’homme tente un pas vers moi « Je ne cherche pas à te manipuler pour que tu lui pardonnes. Ca c’est ta décision, personne ne t’y forcera. Je ne suis clairement pas là pour ça. Sors-toi ça du crâne, on gagnera du temps ». Oui je suis détruite par l’absence de mon père. Bien que le temps passe, que je ne le montre pas à mes proches, cette absence est encore une plaie béante qui ne cicatrisera sûrement jamais. Je ne réponds pas, Lukas me tient par la taille, mon regard est au sol, je craque… silencieusement. « Peut être que je ne peux pas comprendre intégralement ta douleur » A ces mots je tourne la tête de gauche à droite, car non il ne peut la comprendre « Mais crois-moi, je sais ce que c’est d’avoir un père absent ». Mon regard se relève alors vers lui. Je tente de reprendre le dessus, essuyant d’un revers rapide les quelques larmes qui s’étaient échappé en silence « Alors si tu sais ce que c’est, comment tu es parvenu à pardonner à ton vieux ? Parce que j’ai bien compris que toi aussi tu as été lâchement abandonné ! ». Par ses mots, à deux reprises, il me le fait comprendre. Et j’ai envie qu’il me dise comment on peut pardonner un tel abandon à la personne en qui ont pensé pouvoir accorder une confiance aveugle. Une personne avec qui vous êtes lié par le même sang et qui n’est pas censé vous trahir de la sorte. Jamais. « Mia, tu as la possibilité de renouer avec ton père. Personne ne te demande de lui parler pendant deux heures, de le prendre dans tes bras et encore moins de lui pardonner… » Je frisonne à ses mots, rien que l’idée de pouvoir retrouver mon père à l’instant me fait devenir à nouveau de marbre, incapable de bouger « Mia, tu lui manques terriblement. Il a besoin de toi. » Non là je ne pouvais pas entendre ça. Je détache les bras de Lukas autour de ma taille et fonce, parcourant les quelques mètres qui me séparent de Geo « Parce qu’il a besoin de moi ? Vraiment ? C’est LUI qui a besoin de moi ? et MOI je n’ai pas eu besoin de lui ? Je n’ai pas besoin de lui ?! ». Je ne pensais pas me sentir aussi mal, que cela était encore possible après tant d’années. Mes jambes flanchent, je tiens bon mais plus pour très longtemps. La rage en moi est tellement forte qu’elle me fait aussi défaut « J’ai jamais vu quelqu’un se saigner autant pour sa fille. Alors tu peux me crier dessus si tu le souhaites, m’insulter ou t’en prendre à moi, si ça te soulage. Ca ne change rien au fait qu’il y a un type qui t’aime à en crever à des centaines de kilomètres d’ici qui s’échine à trouver un moyen pour te revoir ». Je recule comme si j’avais reçu un coup de massue en apprenant qu’il se trouvait non loin de là. Mais suffisamment éloigné pour ne pas m’affronter directement. J’inspire, profondément, j’essaye de reprendre le dessus. Je suis déterminée par ce que je m’apprête à dire « Je ne veux pas le voir ». Mon regard affronte de nouveau celui de l’inconnu « Tu peux lui dire que sa fille le déteste à un point qu’il peut considérer ne plus en avoir ». Je sens que mes paroles choquent même Lukas qui m’attrape alors par la main « Mia, tu ne peux pas dire ça… » « Si je le peux ! ». Je ne changerai pas d’avis. Je resterai sur ma position, elle est catégorique… et définitive dans ma tête. « Je ne veux plus jamais le voir, j’en ai rien à foutre qu’il s’en morde les doigts, qu’il culpabilise à mort. C’est trop tard, le mal est fait ». Je sais que mes paroles sont dures mais je cherche à me protéger…
Je fais un pas vers l’inconnu pourtant, plongeant mon regard dans le sien pour lui dire ces quelques mots « Je n’ai rien contre toi… ». Je me rends compte alors que, contrairement à lui, j’ignore tout de son identité « …inconnu… ». Je ne trouve rien de mieux à dire, laissant afficher un mince sourire « Je ne voulais pas m’en prendre directement à toi… Mais tu as choisi le mauvais camp ». Je ne lui dis pas pour autant qu’il doit choisir le mien ou qu’il doit choisir tout court. Mais que, malgré sa bonne volonté, rien n’y changera « Et merci… Merci d’avoir veillé sur moi pendant tout ce temps… ». Parce que l’homme devait sûrement avoir mieux à faire et parce que je n’oubliais pas ce qu’il a fait pour Lukas et moi le troisième soir de notre arrivée à Mexico.