Je me suis endormie dans ses bras, bercée par les quelques mouvements du catamaran amarré sur le fleuve de la ville. Je me suis habituée à y trouver le sommeil facilement et j’ai la sensation que les mouvements du bateau calment mes angoisses, celles liés à l’incertitudes, celles liées à la grossesse. Je n’ai pas encore eu le temps de me faire à l’idée : comment le pourrais alors qu’il y a un mois encore, je pensais que jamais je n’emprunterais ce genre de voie ? Que la maternité n’était pas quelque chose que je connaîtrais un jour et que ça m’allait très bien.

Je ne sais encore comment mais Amos a trouvé les mots. Certes, je n’ai jamais voulu d’enfant mais celui ci n’est pas n’importe quel enfant, je ne suis pas tombée enceinte du premier venu mais d’un homme que j’aime profondément, plus que je n’ai jamais aimé et il m’a convaincue d’envisager la chose. Alors je l’envisage et, si je ne l’ai pas encore complètement adopté, je commence à penser, parfois songeuse, à notre futur.

Mais pas cette nuit. Cette nuit je dors profondément sans me douter une seule seconde des tourments qui agitent mon amant, mon complice et mon amour depuis plusieurs jours, plusieurs semaines. Face aux rumeurs et aux bruits de couloirs qui disent que des événements inexpliqués s’abattent sur le ville et certains habitants nous sommes restés sourds et nous nous sommes contentés de nous retrancher dans le bateau pour mettre les voiles quelques jours. Nous sommes rentrés en début d’après midi et n’avons pas mis les pieds dehors, si bien que rien ne pouvait me préparer à ce qui nous attend et à ce réveil. J’ai été réveillée par un bruit, un bruit venu de l’extérieur mais c’est l’état de mon amant qui m’a alertée dès que j’ai ouvert les yeux. Je n’ai pas souvenir qu’il ait bu à outrance la veille, mais il semble pourtant en proie à un cauchemar particulièrement terrible : il gémit, il bouge et, pour le calmer, j’entreprends de le réveiller doucement, de lui caresser le bras et de me pencher sur lui en douceur. Sauf qu’il ouvre les yeux, m’observe avec horreur et que ses doigts se referment autour de mon cou. Il ne joue pas : il serre de toute ses forces et moi, surprise, je mets quelques secondes à me débattre. Il sert fort, il me fait mal et me prive d’air. En proie à la panique je tente de le repousser, je griffe, je le regarde avec de grands yeux ronds et, quand je réussi à lever un peu la pression de se doigts sur mon cou, j’arrive à articuler quelques mots, un cri. « Amos, Amos arrête. Arrête s’il te plait. » J’ai peur, j’ai mal et je suis sous le choc.

Je suis terrifiée puisque, l’espace d’un instant lorsque j’accroche mes yeux aux siens tandis qu’il accroche ses mains à mon cou qu’il presse de toutes ses forces, je ne le reconnais pas. Je ne reconnais pas cette lueur dans ces yeux, cette terreur, ce dégoût, et je ne me reconnais pas plus dans mon regard. Ce n’est pas moi qu’il voit et je n’ai pas le temps de me demander s’il est devenu fou - j’ai lu ce genre de faits divers, d’hommes abattant toute leur famille sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue et se réveillant le lendemain sans le moindre souvenir - ou si, en proie d’un mal qui m’échappe, il ne me reconnais simplement pas. Lorsqu’il le fait, je vois la surprise dans ses yeux et il lâche ma nuque comme si ma peau l’avait brûlé avant de reculer le plus loin possible, horrifié par son geste.

Moi, je prends une grande respiration, je fais rentrer de l’air dans mes poumons, les mains appuyée contre le matelas et sous le choc. J’ai le souffle court mais je respire et, finalement, je relève un regard bourré d’incompréhension vers mon amant. « Oh mon Dieu. Je suis désolé. Je... » Je masse ma nuque et la peau de mon cou, les lèvres entrouvertes, le cerveau qui redémarre difficilement. « J’ai fait un cauchemar. Un ignoble. Ce n’était pas toi. Ce n’est pas après toi que j’en avais. » Un cauchemar ? Mais qu’étais dans celui ci ? « Tu veux un verre d’eau ? ça va ? Tu... » Il pose une main sur mon épaule et je ne le repousse pas et, si je relève vers lui un regard terrifié et horrifié, c’est son geste qui le motive, pas lui. « Est-ce que je peux… te prendre dans mes bras. Je peux ? » Je hoche la tête doucement et, nageant toujours dans l’incompréhension - on n’étrangle pas quelqu’un à cause d’un cauchemar et il avait les yeux ouverts pendant de longues seconde - je pose ma tête sur son épaule et j’enroule mes bras autour de sa nuque. « Je veux bien un verre d’eau. » Mais après, pour l’instant je me rassure de ses bras, comme une victime qui se rassurerait auprès de son bourreau. Je me recule doucement pour pouvoir noyer mon regard dans le sien. « Un cauchemar ? Mais qu’est ce que c’était ? » Un frisson me parcourt l’échine et, à voix basse, bien que j’ai peur de réveiller sa culpabilité, je rajoute. « T’avais les yeux ouverts. Je te jure que t’avais les yeux ouverts pendant que tu... » Pendant que tu serrais ma nuque comme si je n’étais qu’une poupée de chiffon pour me priver de tout mon air.

« Je suis désolé. Tellement. » Si je n’ai pas toujours fréquenté des hommes équilibrés et bienveillants, je n’ai jamais pensé mon compagnon capable d’agir de la sorte, de tenter de me faire du mal ou, pire, d’attenter à ma vie. Mais je ne peux nier ce que j’ai vu : il a tenté de m’étrangler et il était réveillé. Dans quel état de transe ou d’inconscience était-il ? A présent qu’il a repris ses esprits je ne m’inquiète pas, je n’ai pas peur à ses côtés mais par contre je ne peux m’empêcher de craindre pour notre futur. « C’était étrange. J’étais enterré vivant et une femme, morte, recouverte de… je ne sais trop quoi, a tiré de son abdomen un cordon ombilical… et elle a essayé de m’etranger. Je me suis défendu. » Je fronce les sourcils et, instinctivement, je pose une main sur mon ventre à peine rebondi. Mes formes de femme enceinte, je les cache encore aisément puisque j’ai à peine dépassé le première trismestre. « Ce n’est pas possible… que j’ai eu les yeux ouverts que… Je dormais, Rae. Je ne peux pas te faire du mal. » Interdite, je me dis que s’il est si persuadée que ça d’avoir fait un cauchemard je sais ce que j’ai vécu et, d’autre part, qu’il angoisse certainement à cause de mon état. Mais n’est-ce pas lui qui m’a convaincue que si je ne voulais pas d’enfant celui ci n’était pas n’importe lequel, c’était le nôtre ? S’il a peur au point de s’en rendre malade, littéralement, pourquoi ne me l’a-t-il pas confié ?

« Si je ne dormais pas, comment tu expliques que tu étais si laide. Que j’ai pas reconnu la chambre ? »
« Laide ? »  

Semi amusée, semi perturbée, je me lève du lit et je le suis jusqu’à la salle de bain où, ouvrant le robinet d’eau, il se mouille le visage. « Est-ce que… est-ce que tu penses que je deviens fou ? A cause de ... » De quoi parle-t-il ? De l’alcool ? De ma grossesse ? D’autre chose ? Je suis persuadée et si ses mains autour de mon cou m’ont réveillée, je suis encore trop peu alerte pour réfléchir convenablement. « Je sais ce que j’ai vu... » Je murmure, encore effrayée par la scène. « Est-ce que tu as peur de... » Je ne termine pas ma phrase mais, la main gauche appuyée sur la chambranle de la porte, je dépose l’autre sur mon ventre. « A ce point ? » A t’en rendre malade ? A être plongé dans des rêves qui semblent si vrais qu’il tente de m’étrangler au réveil ? « Est-ce que c’est de ça qu’il s’agit ? » Je tente d’aborder le sujet en douceur mais, sans nul doute, je suis heurtée.



Win : Des hurlements qui viennent des quais retentissent, assez fort pour interpeller les deux amants.
So close : Le bateau est secoué, cause d'un phénomène inconnu, et en observant les hublots Raelyn et Amos constatent que l'eau est couleur rouge sang.
Fail : Rien ne se passe pour l'instant.

« Je ne dis pas que je ne te crois pas, j’essaie de comprendre. » Je comprends qu’il soit désarçonné : je le suis également et je ne suis pas celle qui s’est conduite en étrangère, pas celle qui a tenté d’attenter à sa vie dans une sorte de transe : si je suis encore sous le choc, je ne doute pas une seule seconde qu’il n’a rien voulu de tel. Ce qui me tracasse en revanche, c’est la pensée qu’il puisse douter, qui puisse remettre en question notre décision de garder l’enfant que je porte après un départ sur les chapeaux de roues. Aurais-je dû me fier à sa première réaction plutôt que de le croire lorsqu’il a affirmé qu’elle était due au choc ? Aurais-je dû conserver mon rendez vous dans cette clinique ? Je suis trop effrayée par la perspective d’avoir un enfant pour être capable de le faire si lui doute. « Non ! Pourquoi j’aurais peur ? » Il parcourt la distance qui nous sépare pour poser ses mains sur mon ventre, si peu arrondi que pour l’instant mon état ne se voit pas. « Je n’ai pas peur d’avoir un enfant avec toi. Ce dont j’ai peur c’est d’avoir foutu un truc en l’air là-dedans. Tu sais, l’alcool… » Je l’observe et, dans ses yeux, je lis qu’il est sincère. Je respire un peu mieux mais je ne peux m’ôter de la tête que le monstre de sa transe était armé d’un cordon ombilical et avait des allures de maternité. « Viens là. Si j’avais des doutes, je te le dirais, mais je n’en ai aucun. » Il m’attire à lui et je niche ma tête dans son cou. « C’était un mauvais rêve. » Même s’il avait les yeux ouverts. « Y’a rien qui cloche chez toi. » Et du reste, il a à peine bu hier soir.

Une secousse met fin à notre étreinte. « C’était quoi ça ?  » Je fais signe que je n’en sais rien et, alors que je le suis dans la pièce principale, je me fige d’horreur en apercevant la couleur de l’eau. « Rae, dis-moi que je ne rêve pas encore s’il te plait ? » La gorge nouée par l’angoisse je secoue la tête. Amos retrouve son sang froid plus vite que moi et me tend des vêtements que j’enfile à la va vite. « Mais qu’est ce que c’est que ça ? » La couleur de l’eau plonge la pièce dans une lueur angoissante et la panique me donne l’impression de suffoquer. « J’arrive pas à respirer, faut qu’on sorte d’ici. » Sa main dans la mienne, il me guide jusqu’au pont et, au lieu de me rendre compte qu’il ne s’agit que d’un prolongement d’un mauvais rêve que nous partagerions, mes yeux se posent sur le fleuve rougit. Impossible de ne pas penser à du sang et mes doigts se referment autour de ceux d’Amos, mes ongles s’enfoncent même dans sa chair lorsqu’un murmure aux allures menaçantes mais peu compréhensible pour moi nous parvient aux oreilles. « Et, ça, tu l’entends, pas vrai ? Dis-moi que je ne suis pas fou ? Et là tu la vois ? » « J’entends, mais je comprends rien. » Je me demande s’il arrive à percevoir le sens des mots du murmure et je lève les yeux vers lui, constatant qu’il fixe un point à l’horizon. « Si je vois quoi ? Qu’est ce que tu vois ? » Puisqu’en suivant son regard, moi je ne vois rien.


Win : Amos comprends le murmure de la créature qui explique l’épreuve aux protagonistes.
So close : Amos ne comprends pas le murmure mais ils aperçoivent un radeau sur le bord du quai.
Fail : Personne ne comprend le murmure, pas de radeau mais la momie de la vision d’Amos s’approche du catamaran.

Mes doigts se referment autour des siens lorsque nous montons sur le pont et, si je suis encore sous le choc de ce réveil brutal et des événements qui ne semblent avoir aucun sens, l’hébétement laisse place à la panique quand des murmures incompréhensibles mais comme crachés dans notre direction me parviennent. Moi, je n’en perçois pas l’origine et je jette des coups d’oeil effrayés tout autour de moi. « Moi non plus et c’est pas nécessaire pour comprendre que ce sont des menaces. » Mes doigts se resserrent autour des siens et je continue à observer les alentours, paniquée à l’idée d’être la proie d’une menace invisible. Invisible, elle l’est uniquement pour moi et en observant mon amant fixer un point d’un air terrorisé, je tente de savoir ce qu’il voit. « La femme là, qui vient vers nous, son sceptre à la main, un sceptre en forme de serpent. Elle vient vers nous. » J’observer ses traits se contracteur sous l’effet de la terreur et, lorsqu’il recule, se plaçant devant moi pour faire rempart entre moi et cette chose invisible qui semble le terroriser, je me demande si tout ça est dans sa tête.

Sauf que non. Je l’entends moi aussi le murmure, même si je ne comprends rien. Je la voix l’eau sanglante. Est-ce un cauchemar ? Ma question silencieuse fait écho à la sienne. « Ce n’est pas réel. Si j’ouvre les yeux je vais me réveiller. » « Je vois rien. Je la vois pas, où est ce qu’elle est, qu’est ce qu’elle fait ? » Pourquoi ce mal ne se révèle-t-il qu’à Amos ? Pourquoi y suis-je aveugle à défaut d’y être sourde ? « Ne me lâche pas. Quoi qu’il arrive, accroche-toi. » Mes doigts restent noués au sien et mes ongles s’enfoncent dans sa chair : le lâche n’a jamais été au programme. « Elle approche ? Elle est plus proche ? » Une vague macule mes chaussures de sang et je pousse un hurlement. Je tente de recule encore mais je me retrouve dos à l’extrémité du bateau quand, pour une raison qui m’échappe, mon amant se fige. Il se fige quelques secondes qui me semblent durer une éternité et, à leur terme, tourne son visage dans mon sens pour me regarder avec un regard que je reconnais, celui qu’il m’a lancé ce matin. J’ai peur, c’est ridicule puisqu’il s’agit d’Amos mais j’ai peur et j’essaye de dégager ma main de la sienne. Sauf qu’il la retient prisonnière à présent, il s’écrase et alors que je tente de lui échapper, je manque de trébucher. « Amos c’est moi. » Il n’a même pas l’air de me reconnaître. « Tu me fais mal. » Sa main lâche la mienne et, alors que je tente de prendre la fuite, il me rattrape en deux enjambés pour à nouveau serrer ses mains autour de mon cou. « Amos c’est moi, Raelyn. Ce n’est que moi, juste moi, s’il te plait. » Ma voix s'étouffe alors que ses mains se resserrent et je tente de trouver autour de moi quelque chose pour me défendre.  


Win : Raelyn arrive à atteindre Amos et à rompre l’hallucination.
So close : Sans le vouloir, Raelyn marche sur une sorte d’amulette qui se brise et elle trébuche, entraînant Amos dans sa suite.
Fail : Raelyn arrive à mettre la main sur un cendrier qu’elle utilise pour frapper Amos pour qu’il la lâche.