« Ca dépend des jours… ». Le revoilà le Alec vague, qui réponds sans plus de détails, comme s’il cherchait à éviter le sujet. Je sens qu’il y a comme un mal être qu’il ne veut pas révéler. J’aimerai qu’il m’en fasse part, qu’il m’explique pourquoi il ressent comme un grand vide par moment, moins dans d’autres. Je pourrais pousser un peu plus, l’interroger davantage à ce sujet mais je préfère m’abstenir. Parce que je sens qu’il n’est pas à l’aise, que cette question fait partie de celle, de plus en plus nombreuses, pour lesquelles il semble difficile de répondre… Alors je ne fais qu’acquiescer d’un signe de tête. Cela ne nous empêche pas de poursuivre notre chemin en parlant ou en nous taquinant « J’oserais pas voyons ». Je lève les yeux au ciel alors qu’il s’approche de moi, joueur, effleurant mes lèvres. Mon regard plonge dans le sien, mordillant ma lèvre inférieure sans le quitter des yeux. Je serre un peu plus fortement ma main dans la sienne, entourant son bras de ma main libre en marchant ainsi quelques instants.
Il me propose au bout de deux heures de balade de nous rendre dans un petit restaurant non loin de là. J’accepte l’invitation, plaisantant au sujet du fait que je ne refuse jamais une invitation, surtout quand il s’agit de manger. « Et c’est exactement ça que j’aime chez toi ! ». Cela semble sortir spontanément et me fait sourire un peu plus. Cela me touche surtout car, même si ça peut paraitre anodin, il semble baisser un peu sa garde et j’ai espoir d’être sur le bon chemin avec lui… Je le tire légèrement vers moi après ça pour l’embrasser tendrement, sur la pointe des pieds, mes mains passant derrière sa nuque. Un regard échangé quelques secondes sans rien dire, je relâche mon étreinte et nous nous dirigeons vers le restaurant où nous prenons place. En attendant de commande, Alec s’intéresse un peu plus à ma vie sur Brisbane ou ailleurs « Tu as de la chance d’avoir pu bouger autant si jeune ! ». J’acquiesce doucement « Je m’en suis donnée les moyens. J’ai travaillé en parallèle de mes études en tant que serveuse dans un café sur le campus ». Un sourire amusé apparait alors sur mes lèvres « Je précise parce que je suis certaine que tu penses que j’ai été une sorte de fille à papa qui a eu tout ce qu’elle a voulu et l’a obtenu en un claquement de doigt… ». Peut-être aurait-ce été le cas si mon père n’était pas parti de ma vie à mes quinze ans, car autant lui que ma mère avait toujours tout fait pour moi, me mettant sur un piédestal, dont la chute fut plus que douloureuse. « Tu as des frères et sœurs ». Je tique un peu. Parce que je repense à cette rencontre fin juillet avec ce Jax, dont notre ressemblance a été souligné par un bon nombre. Mon silence dure une fraction de secondes avant que je ne tourne la tête doucement de droite à gauche « Non, je suis fille unique ». Enfin, avec un petit doute cependant mais je ne m’épanche pas davantage à ce sujet. « Et toi ? ». Naturellement, je lui tourne la question alors que le serveur approche pour nous demander ce que nous avons choisi.
Je n’ai pas eu une enfance malheureuse, et j’ai eu la chance d’être élevé dans une famille où je n’ai jamais manqué de rien. Père médecin, mère avocate. Mais les choses ont fait que j’ai voulu m’échapper de Brisbane à mes dix huit ans, en partant vivre loin de celle qui me rappelait cette enfance heureuse, qui avait mal fini. Je la blâmais en partie et je la blâme toujours pour le départ de mon père à mes quinze ans. Alors oui, j’aurai pu être cette jeune adulte dont les études auraient été financés par ses parents, du moins par sa mère. Mais il n’en était rien parce que je voulais ne plus rien lui devoir. « Je comprendrais si tu avais juste à claquer des doigts pour obtenir ce que tu voulais, qui pourrait te résister ». Je souris à ses dires alors qu’il attrape ma main pour y déposer un baiser. « Vraiment ? » je dis alors d’un air enjoué « Donc à tout moment, je peux claquer des doigts et tu t’exécuteras love ? ». Je lui fais les yeux doux tout en riant doucement, attrapant sa main pour que nos doigts s’entremêlent. Tout était si agréable, cette journée paraissait parfaite et même si elle venait juste de commencer, je n’avais pas envie qu’elle se termine. Nous venons à parler encore de nos vies, de nos familles. Je lui demande si à son tour il a des frères et sœurs « Un frère, une sœur, une demi-sœur. Mes sœurs sont toujours aux Etats-Unis. Mon frère est ici. C’est lui dont je suis le plus proche. Il s’appelle Mitchell ». Je ne pensais pas Alec issu d’une famille nombreuse « Il travaille aussi avec toi au restaurant ? » je demande alors machinalement. Le serveur nous apporte alors nos plats. Je regarde mon assiette avec envie puis lève les yeux lorsqu’il dépose l’assiette d’Alec devant lui. Je n’ai encore rien dit, je n’ai même pas pensé à lui demander, du moins pas encore, qu’il prend les devants « Jte connais pique assiette, vas-y goutte ». Je tourne la tête doucement de gauche à droite et souris, amusé « Tu commences à bien trop me connaitre Alec… ». J’attrape alors sa fourchette et goûte son plat qui me faisait évidemment de l’œil, ne serait-ce que lorsqu’il a passé sa commande « Uhm… ». Je prends le temps d’avaler ma bouchée avant d’ajouter « Je ne pense pas que tu vas apprécier. On échange ? ». Je ris doucement avant de lui rendre sa fourchette. « Bon appétit ». J’attrape ma propre fourchette pour commencer à manger mon plat. « Alors Monsieur Strange, qu’est-ce que vous avez prévu ensuite pour continuer à me surprendre ? ». Parce que jusqu’à maintenant c’était le cas. De toute façon, peu importait qu’il ait prévu quelque chose ou pas mais ne serait-ce qu’être avec lui me suffisait déjà amplement.
« Peut-être ». J’apporte à mes lèvres mon verre d’eau, le regard joueur accompagné d’un sourire qui l’est tout autant. Alec me parle à son tour de sa famille, un sujet que nous n’avons jamais abordé lui et moi. Je l’interroge sur Mitchell, son frère, avec qui il semble proche. « Oui on l’a acheté ensemble. Enfin lui investie plus dans l’immobilier maintenant ». Connaissant très peu le background d’Alec, il me paraissait être quelqu’un qui, avec ce qu’il venait de me dire, avait réussi dans la vie en compagnie de son frère. Un dans le domaine de la cuisine, l’autre de l’immobilier, leur réussite semblait respectable « Vous avez réussi à vous faire une jolie petite place à Brisbane » dis-je alors en souriant sincèrement. Parce qu’Alec n’était pas originaire de la ville contrairement à moi et qu’il n’était pas toujours évident de s’acclimater à une nouvelle vie dans un nouveau pays.
Les plats arrivent et Alec finit par me proposer de goûter à son plat. Parce qu’il commence à bien me connaitre, parce que nous avons passé peut-être sans nous en rendre compte beaucoup de temps ensemble, il sait que j’ai cette fâcheuse manie de toujours vouloir piquer dans l’assiette des autres. La tête qu’il avait faite la première fois que je lui avais fait le coup me restait en mémoire et me faisait d’ailleurs sourire. Parce qu’il ne s’attendait pas sûrement à ça. « T’es comme un livre ouvert Mia ». Je pourrais me sentir un peu offensée… Mais je le prends comme un compliment surtout quand je sens que ce côté-là de ma personnalité lui plait. Pourtant, il y a des choses qu’il ignore sur moi et que je camoufle notamment par mon sourire. Cette blessure béante laissée par mon père, qui me fait un mal de chien encore aujourd’hui. Parce qu’elle a été creusée au fil des années par d’autres personnes… Et j’espérais au fond de moi qu’Alec n’en ferait jamais partie… « Je suppose que je dois dire merci ? ». Je joue l’ignorante mais le petit sourire qui étire mes lèvres me trahit. Je goûte alors à son plat, délicieux, et feint une excuse pour faire un échange « Tu rêves ! ». « T’es pas très gentleman ». Je ris doucement, avant d’attaquer à mon tour mon assiette. Ma curiosité et surement une part de mon impatience me font demander à Alec la suite du programme. Parce que je suppose qu’il y a sûrement une suite, lui qui m’a dit ce matin qu’il avait sa journée off. Et parce qu’aussi je n’ai pas envie que cela s’arrête, appréciant ce temps passé en sa compagnie « Il y a le Lake Somerset pas loin, ça te dirait qu’on aille se faire un tour de bateau ? Otis risque de plonger à l’eau par contre et après se coller à toi je préviens ». Son air enthousiasme me donne le sourire et du baume au cœur. Je le regarde quelques instants, tendrement, sans vraiment m’en rendre compte, restant un court instant silencieuse « Ca me semble parfait. Et si je finis mouillée, sache que tu le seras aussi » je lance sur un air de défi. Nous terminons de manger, Alec insiste pour m’inviter. J’attrape sa main délicatement « Merci ». Je dépose un rapide baiser sur sa joue et nous sortons du restaurant.
Le lac ne se trouvait pas si loin que ça. Après quelques minutes de marche, nous arrivons près de celui-ci. Les rayons du soleil se reflètent dans l’eau, l’endroit est verdoyant et nous sommes quasiment seuls. « Alors pour ce tour de bateau, je vais avoir la chance de découvrir un autre de tes talents cachés ou nous aurons droit à quelqu’un pour nous conduire ? ».
Parce que ce matin en me réveillant je ne pensais pas que nous passerions une journée tous les deux, je me rends compte que j’en apprécie chaque minute. Je me rends compte aussi que je m’attache de plus en plus à cette proximité, cette alchimie qui existe entre nous. Et surtout, je me rends compte qu’il me plait bien plus que physiquement, que je m’attache et que je pourrais très bien envisager une relation plus sérieuse avec lui. Notre relation actuelle n’est pas vraiment définie mais il est certain qu’elle n’entre plus dans la catégorie d’une relation sans lendemain. Parce que les lendemains ont été nombreux et le seront sûrement encore… je l’espère tout du moins. Alors, lorsqu’il m’annonce la suite du programme, mon sourire s’élargit davantage. Un tour de bateau sur le lac où il me prévient que je risque de finir mouillé par la faute d’Otis. Je le taquine à ce sujet, le menaçant quelque peu que si je termine mouiller, il le sera aussi « Tu parles trop vite Mia, pense au fait qu’il y a quelqu’un qui sait porter l’autre ». Son baiser dans mon cou me fait frissonner, comprenant très bien son allusion. Il est vrai qu’à ce petit jeu j’étais perdante, mais mon idée était tout autre « Qui te dit que je voulais utiliser la manière forte ». Un clin d’œil évocateur alors que nous prenons la direction de la sortie.
Nous voilà au lac, j’ai l’impression d’être au milieu de nulle part, une ambiance totalement différente de celle de Brisbane. Alec a proposé une balade en bateau sur le lac… Mais visiblement il n’avait pas utilisé le terme exact « Oh j’ai dit bateau ? J’aurai peut-être dû dire « barque » ». Il me montre celle-ci, suivant son indication du regard. Et en effet, pas la trace d’un seul bateau mais de simples petites barques qui impliquaient de solliciter nos bras « J’espère que t’as de la force dans les bras ? ». J’arque un sourcil, grimaçant un peu avant d’hausser les épaules « Je pourrais te surprendre ». Car je pratiquais le surf depuis longtemps et même si la force des bras n’était pas toujours nécessaire, il n’empêche que les activités sur l’eau ne m’effrayaient pas. Après avoir réservé une des barques, Alec et moi nous installons avec Otis, tout heureux de se retrouver sur cette petite embarcation. Je le caresse doucement alors qu’on s’élance sur le lac « Si tu as besoin d’une pause, je prendrai la relève ». Un sourire malicieux s’invite alors sur mon visage « Mais ces gros muscles devraient faire l’affaire non ? ». Je fais alors que, face à lui, alors qu’il rame doucement, je lui caresse les épaules. Je m’approche alors légèrement pour venir déposer un baiser tendre sur ses lèvres et me recule aussitôt pour le laisser avancer. Le paysage est magnifique, nous sommes au milieu de l’eau, seul. Un silence s’installe alors. Je me mets à le regarder, son regard intensément bleu étant mis en valeur par les rayons du soleil qui se reflètent dans l’eau cristalline du lac. Il semble apaiser, différent, plus ouvert que d’habitude. Je souris alors que nos regards se croisent « Tu sembles… apaiser » je lance alors doucement.