Elle aurait aimé que ses rêves deviennent réalité. Que tout ce qu’elle avait évoqué pour plaisanter ne soit pas qu’un pur fantasme. Elle aurait aimé rencontrer le prince charmant. L’homme qui l’extirperait du monde sordide dans lequel elle évoluait, l’homme qui la couvrirait des yeux, l’homme qui l’aimerait sans condition. Elle avait voulu y croire, et avait espéré un conte de fée qui n’était jamais arrivé. Les années avaient passé, et Naomi s’était rendue à l’évidence : Pretty Woman n’était qu’un film. « Ne rêve pas trop. » Répondit l’Australienne, amusée par l’hypothétique situation dont il parlait. Son corps se souleva d’un léger rire, et elle poursuivit : « T’auras pas tout gratos, mon petit père. Il y aura forcément des contre-parties. » Elle l’obligerait à porter les courses, à l’amener d’un endroit à un autre, ou à lui servir des cocktails alcoolisés et colorés lorsqu’elle serait au bord de sa piscine pour parfaire son bronzage. « Mais je serai juste avec toi, promis. » Assura-t-elle d’une voix douce.


Elle écarquilla les yeux lorsqu’aster lui fit soudainement prendre conscience que les moments dont ils parlaient dataient d’un autre temps, d’une autre époque. « Voilà qui ne nous rajeunit pas. » Fit remarquer Naomi en faisant la moue. 2007, il y a treize ans de cela. Sur le sommet d’une colline, à Brisbane, en compagnie d’amis d’Asher. Beaucoup de champagne, beaucoup de rires, beaucoup d’amour, aussi. Naomi gardait un souvenir impérissable de cette soirée, qu’elle faisait clairement figurer dans son classement des meilleurs soirées. « Une éternité, oui… » Répéta l’escort-girl, frissonnant en sentant l’étreinte d’Asher se resserrer autour de son corps voluptueux. À cet instant précis, les mots n’avaient aucune utilité ; ils auraient été clairement superflus. Tous deux étaient replongés dans leurs souvenirs, et Naomi pouvait presque encore sentir les doigts d’Asher se glisser dans sa chevelure ondulée. Il avait fait ce geste des centaines de fois, avec une tendresse que personne n’avait jamais su égaler. « Je serais vraiment contente. » Admit l’Australienne en souriant, s’imaginant déjà tournoyer dans les bras d’Asher au sommet de la même colline où ils avaient déjà vécu un changement d’année. « Tu n’y couperas pas, Buckley. » Commenta-t-elle en riant, ses bras se nouant dans le cou d’Asher. Une danse, ce n’était pas le bout du monde. Ses paupières se fermèrent, et elle se laissa porter par ses souvenirs. « On prend les mêmes et on recommence ? » Demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils. Elle se demandait si Asher fréquentait encore les mêmes personnes. Et, plus encore, si ces mêmes personnes accepteraient de voir Naomi (re)débarquer, ne serait-ce que le temps d’une soirée. « Tu pourrais peut-être proposer à ton frère. Ça lui changerait les idées. » Ou pas, en fait : ce n’était peut-être pas la meilleure des idées qu’elle avait eu, ce soir. Dan était probablement trop instable et trop déprimé pour être en mesure de passer le Nouvel An avec eux. « Enfin, peut-être pas : je ne voudrais pas être obligée de m’interposer entre vous. » Sans parler du fait qu’elle ne ferait clairement pas le poids.

« Ne dis pas ça, je pourrais être tentée d’en abuser. » Gloussa l’Australienne, alors qu’Asher lui promettait ce qu’elle voulait. Elle préférait en rire, consciente que son ancien compagnon ne serait jamais en mesure de lui offrir tout ce qu’elle souhaitait. Physiquement, d’abord ; Naomi s’était résignée, et avait fini par se faire une raison. Elle n’avait même pas attendu la fin de leur relation amoureuse pour aller chercher une passion qui lui manquait vivement. Cependant, l’Australien lui offrait quelque chose dont elle avait cruellement manqué, tout au long de sa vie : une famille. Pas de sang, évidemment, mais une famille qu’ils avaient tous les deux choisis. Il était la personne dont elle était le plus proche, la personne en qui elle avait une confiance aveugle et à qui elle confierait volontiers ses soucis et autres tracas. « Pauvre de toi. » Ajouta-t-elle, partant dans un franc éclat de rire. Elle était heureuse qu’il soit là, qu’il ait choisi de rester ce soir. Il lui avait beaucoup manqué, au cours des derniers mois.


Les anciens amants évoquèrent ensuite les souvenirs du passé, et notamment une soirée de Nouvel An mémorable. Décor idyllique, invités prestigieux, et champagne à profusion : tout était réuni pour que la soirée soit parfaite. Ils avaient bu, ri, dansé, et s’étaient amusés dans la plus grande légèreté. Naomi en gardait un beau souvenir, même si elle avait pas mal occulté les autres participants. À cette époque, la relation d’Asher et de Naomi étaient à son apogée ; ils étaient sur un petit nuage. « Les gens changent. » Murmura l’Australienne, alors qu’Asher lui confiait ne plus fréquenter ses amis de l’époque. À vrai dire, elle n’était pas franchement surprise : ils ressemblaient plus à Dan qu’à Asher. Ils étaient riches, arrogants, et présomptueux. Chacun se pensait plus intelligent, plus fort et plus riche que l’autre ; la compétition entre eux étaient incessante, et franchement malsaine. Naomi l’avait vite compris, et tout aussi rapidement accepté. Pour se hisser parmi les plus hautes strates de la société, elle était prête à tous les sacrifices. Elle s’estimait heureuse d’être tombée sur Asher, qui était une véritable exception dans ce monde. Un homme gentil, doux, intègre ; un homme qui l’avait sincèrement aimée, contrairement à de nombreux autres. Pour lui, elle n’avait jamais été qu’un nom sur une liste, ou une plastique à exhiber en public. Non, définitivement, le moule dans lequel Asher avait voulu rentrer avec tant d’acharnement n’était pas fait pour lui. Il valait bien mieux que ça, et avait mis du temps à l’admettre. « Et nous, on reste. »  Inébranlables. Forts et déterminés. Convaincus et complice. Ils n’étaient plus un couple, mais restaient un duo qui faisait des envieux. Et Naomi espérait que cela durerait encore longtemps. Très longtemps.


Elle sentait la respiration de son ancien petit-ami ralentir, alors qu’il réajustait sa position pour être le plus confortablement installé possible. Il dégageait une chaleur corporelle naturelle, qui commençait à faire somnoler Naomi. « Bonne nuit. » Murmura-t-elle, ses doigts logés dans les cheveux clairs d’Asher. Son absence de réponse lui donna une indication sur son état. Sur le point de tomber dans les bras de Morphée, Naomi eut pourtant la force de se redresser légèrement pour déposer ses lèvres sur la chevelure de son ami. Une marque de tendresse, secrète et discrète, que Naomi accordait à peu de personnes. Elle agrippa le drap de son lit, qu’elle fit remonter jusqu’aux épaules carrées d’Asher, et ferma les yeux. Elle était persuadée d’une chose : sa nuit serait calme et reposante, si elle restait enveloppée dans les bras protecteurs de son meilleur ami.