« On va crever avant que les secours viennent nous chercher. » « J’ai toujours trouvé que t’étais plus optimiste que moi, tu sais. » parce qu’à sa place, je nous aurais donné à peine le temps de pousser l’étagère. Elle aurait pu lui tomber dessus, ou alors ç’aurait été sur moi. On aurait pu même libérer un autre nid de bestioles de l’autre côté du mur, et se retrouver avec le visage complètement boursoufflé sur notre lit de mort – charmant, les magazines à potins auraient adoré titrer ma tête comme ça.

Pourtant, ce n’est certainement pas en jouant de notre sens de l’humour en commun particulièrement douteux qu’on risque de faire quoi que ce soit dans le bon sens du terme. Et donc, je pense à des solutions et je les défile toutes dans ma tête, je ressors l’instinct de survie que j’ai pu jouer de tous les acabits sur grand écran rien que pour finir par réaliser que de toutes les nunuches que j’ai bien pu personnifier celles qui ont survécu ont toujours été les plus ingénieuses du lot. Le miel donc, ou du caramel salé, même chose.  « Etale ça au dessus du montant de la porte. Si les insectes entrent, ils vont le sentir direct. » il est fier Léo, je lui souris donc au mieux, glissant mon doigt dans le pot rien que pour valider le sucré de la marchandise avant de m’exécuter comme s’il s’agissait exactement du plan qu’on avait prévu ce soir. C’était une suite de j’ai jamais aujourd’hui qui nous vaudrait des shots à fois, le jour où on raconterait le tout. J’ai jamais vu un gars derrière la caisse d’un supermarché avec un shotgun pointé sur moi. J’ai jamais entendu des sauterelles mettre à mort le même type. J’ai jamais eu les doigts collés de caramel en l’associant automatiquement à une potentielle survie.

Potentielle hen, parce que quand le bruit et autres bourdonnements derrière la porte n’augurent rien de bon même si l’idée de base l’était. « Il faut vraiment qu'on prévienne les autres. Si Ariane se lance à notre poursuite et qu'elle est blessée, c'est une autre genre de bête qui va se lancer à notre poursuite pour nous massacrer. » « Au moins elle engueulera les sauterelles jusqu’à sa mort, ça nous donnera une bonne distraction pour filer. » finalement, je suis peut-être la plus optimiste des deux.« J'ouvre pour prendre le téléphone de Jeff. Si ça tourne au vinaigre... » clairement.

Mais ça par contre, je tolère pas. Entre une inspiration sérieuse et un soupir qui l’est tout autant je secoue la tête de la négative, serre les dents et finis par acquiescer autant pour qu’il me lâche que parce que seul un mensonge le motivera à avancer. Y’a moyen de soigner ses mains comme y’a moyen de le rescaper si les taons décident de l’attaquer. Je peux pas croire que je tiens à bout de bras un reste de bois d’une des palettes de l’entrepôt prête à défoncer quelques insectes que ce soit quand il ouvre la porte et tombe nez à nez avec – rien. Bon, le cadavre de Jeff ressemble à rien, du coup on y est quand même.

« Prends le téléphone. J’ai tourné plus de films d’action que toi je sais manier ça. » ouais, bon la vérité c’est que j’ai toujours été du genre à aimer les armes, mais c’est pas le moment de parler de ma passion pour les stands de tir ou pour les Colt vintage. « [color=#336666]Reste plus qu’à attendre.[color] » et le plan, c’est de se planquer. De se caler entre les sacs de chips et de téléphoner à qui que ce soit peut venir nous rescaper. C’est là où je pense à la bouteille de vin cachée dans mon hoodie, que je ressors le plus fièrement possible. « [color=#336666]on était venu pour acheter à boire, de toute façon.[color] » autant goûter sur place.


win : le vin est bon, les chips sont délicieuses, Léo arrive à rejoindre les secours, la vie va bien JUSQU’À MAINTENANT
so close : le vin est dégueulasse, les chips sont étrangement bonnes et le téléphone n’a pas de réseau du coup les appels ne s’envoient pas de l’entrepôt – ils doivent sortiiir
fail : le vin est dégueulasse, les chips pareil et le téléphone arrête de fonctionner à la seconde où Léo compose les premiers numéros #mercureenrétrograde

J'aime pas trop la facilité qu'ont les choses à tourner au vinaigre, comme si une intervention divine désirait dur comme fer nous enterrer dans le sol. En attendant, la menace est aérienne, matérialisée par ces horribles bestioles. Elles n'ont pas encore réussi à me dévorer, j'ai même pu récupérer de quoi - peut-être, en vérité je n'ai pas énormément d'espoirs, désolé - nous sauver de ce mauvais pas. « Prends le téléphone. J’ai tourné plus de films d’action que toi je sais manier ça. » Je garde le téléphone, soudain regagné par un tout petit regain d'espoir. Y aurait-il un dieu du sauvetage des gens sur le point de se faire dévorer par des insectes, finalement ? Chloe a l'air plus déterminée que moi à nous sortir d'ici, cependant. Moi, j'aimerais pouvoir y rester jusqu'à ce que les choses se calment, dehors - mais quelque chose me dit aussi que ça ne sera pas le cas. On va peut-être devoir apprendre à vivre avec ces saletés et l'idée d'abandonner les hamburgers au profit des galettes aux hannetons me donne envie de vomir. « Une fois, j'ai failli tuer un type au stand de tir. » C'était l'époque à laquelle mon père me traînait - de force, ça semble être évident - au stand pour que je puisse "être un citoyen prêt à tout". Il ne s'attendait probablement pas à ce que son fils soit certainement beaucoup plus prêt à détruire la jambe de son voisin en retirant malencontreusement la sécurité du fusil qu'il m'avait mis entre les mains. J'avais détesté cette expérience - sans blague - et c'est ce jour là qu'il a décidé qu'il arrêterait d'essayer de faire de moi un parfait petit garçon, autant prêt à patiner derrière un palet, crosse en main, que prêt à inviter une fille à danser pour le bal du lycée.

Je ne sais pas si mon anecdote a beaucoup rassuré Chloe, néanmoins je me cantonne désormais à essayer de déverrouiller le téléphone. Bien sûr, personne ne répond aux numéros d'urgence. L'hôpital et la police me répondent par des "crrr" signalant que la ligne est probablement coupée à cause du nombre grandissant d'appels de panique provenant de gens coincés derrière des portes - ha non, ça, c'est nous. Je secoue la tête en raccrochant, me heurte désormais à l'écran verrouillé du téléphone. « Reste plus qu’à attendre. » Superbe. Très très rassurant, du coup. Et puis, juste quand j'essaie les basiques "1-2-3-4" pour essayer de déverrouiller le téléphone de notre ami mort, rien ne se passe. L'écran s'immobilise et voilà que l'appareil s'éteint. Décidément, nous sommes maudits. De l'autre côté de la porte, les bourdonnements s'affolent toujours autant, me faisant douter de la capacité de l'espèce humaine à survivre plus de dix minutes à tout ce bordel. « on était venu pour acheter à boire, de toute façon. »

Mais voilà, le vin est horrible. Les chips sont rances. « On est maudits. On va crever de faim et de soif et puis les derniers trucs qu'on aura mangé et bu, ça sera ces trucs dégueulasses. » Je m'imaginais mourir vieux, pourquoi pas riche, sans enfants et avec des chats à qui léguer toute ma fortune - inexistante. Ou alors peut-être avec Charlie et nos dix enfants, qui se battraient tous pour notre fortune commune - aussi inexistante que la première. Et alors que je pensais que la situation ne pouvait pas se dégrader plus que ça, la bouche d'aération se met à vibrer. Tout ce que nous avons entrepris pour la boucher cèdera bientôt. Je tourne les yeux vers Chloe. « J'étais quand même content de boire du vin dégueulasse en ta compagnie. »

Quand les bestioles débarquent, je suis prêt à les accueillir.