J’essaye de mettre Alec devant le fait accompli, de lui parler de ce que j’ai appris en faisant mes propres recherches. Parce qu’il m’a poussé à agir de la sorte alors que je m’en serai bien tenu. Non, ce genre de journalisme là n’était définitivement pas fait pour moi. Pourtant, j’ai usé de mes contacts pour trouver des informations. Ma meilleure amie en ait l’inquisitrice, elle qui m’a parlé vaguement de ce qu’elle avait pu entendre sur les Strange. Oui, car elle m’a mis en garde tout autant sur Alec que sur son frère Mitchell. Elle m’a conseillé de creuser un peu plus et c’est ce que j’ai fait. Par défaut ou par dépit, peut-être bien les deux finalement. Car Alec ne m’a jamais parlé de son passé, que très vaguement, ni même de ses envies, comme si quelque chose l’en empêché. Il a toujours été très secret sur de nombreux sujets que je jugeais pourtant anodin. Alors, à défaut d’avoir des réponses, oui j’ai cherché. Mais aussi par dépit, parce que j’ai besoin de savoir… Besoin de savoir ce qu’il me cache et qui justifie qu’il ne puisse pas s’ouvrir totalement et qu’il s’interdise d’être avec moi… A moins que je ne me sois fait que des illusions pendant tout ce temps, qu’il n’est fait que me faire miroiter, comme Adam me l’avait balancé en pleine figure. Je voulais croire le contraire, et pourtant… « Ecoute va dire ça à la police Mia, si tu estimes savoir la vérité ! ». Il me prend de haut et je ne le supporte pas, me faisant passer pour une fille stupide. Ma seule réponse sera un regard noir qui veut en dire long, contenant ma colère pour ne pas exploser trop rapidement.
Alors j’attaque d’une autre manière… Par les sentiments. Parce qu’il ne me reste plus que ce biais là pour réussir à le faire flancher, à défaut de l’avoir fait en évoquant son frère et son passé soupçonneux. Ce soir-là, il était venu me rendre visite, apprenant je ne sais comment mon accident de surf et il s’était montré si attaché, si inquiet… Que j’aurai été capable de flancher et de lui demander de rester, d’être celui qui me ramène chez moi et reste à mes côtés pendant ce long mois de convalescence. Parce qu’au fond, c’est ce que j’aurai voulu. Qu’il soit à mes côtés. Naïve, stupide le suis-je peut-être, mais je reste persuadé que le fait qu’il ai déposé des petits gâteaux sur le pas de ma porte et qu’il m’ait suivi aujourd’hui jusqu’à ce parc montre qu’une part de lui avait envie d’être à mes côtés. Alors, oui, je lui balance la dernière phrase qu’il m’a dite à l’hôpital. D’y repenser me déchire un peu plus ce cœur blessé par tant d’années de déception. Et ses paroles ne vont pas m’aider. Parce qu’évidemment, que cela le fasse flancher à son tour, aurait été trop beau. Il reste silencieux, ne réagit pas face à ce rappel. Et puis, la colère monte de plus en plus, fini par exploser par un geste qui vient à le repousser en arrière tellement je suis épuisé de tout ça, de cette situation entre nous, incompréhensible, contradictoire. Alec se saisit alors de mes poignées. Son emprise sur ceux-ci est forte à un point où instinctivement, je me débats alors que son regard froid se plante dans le mien « Laisse tomber Mia ». Son ton menaçant me glace le sang car je ne l’ai jamais vu de la sorte avec moi. Pourtant, spontanément sors un « Pourquoi ? », ferme et emplie de colère. J’ai arrêté de me débattre pour me libérer de lui alors que je ressens de plus en plus la douleur. Mon regard ne vacille pas, je veux qu’il me réponde coute que coute.
« Cette histoire ne te regarde pas, te concerne pas. Mon passé te regarde pas. J’ai pas à me justifier ». Et tout aussi instinctivement que quelques secondes plus tôt « Si lorsque celui-ci a une incidence sur ton présent ». Je me débats une fois de plus et il semble réaliser ce qu’il est entrain de me faire et relâche son emprise. Une de mes mains s’accroche à l’un de mes poignets pour le masser un peu. Je n’aurai jamais pensé le voir agir ainsi avec moi et je le regarde comme écoeuré de l’image qu’il me renvoie. « C’était une mauvaise idée. De venir te voir. A l’hôpital comme aujourd’hui ». Il creuse un peu plus cette blessure béante mais, contrairement aux fois précédentes, je ne lui ferai pas ce plaisir de lui montrer « Oublie tout ça, Mia. Ca en vaut pas la peine ». Tirer un trait sur notre histoire, ce qu’il y a eu, sur ce qu’il y aurait pu avoir, s’il ne se l’interdisait pas. En même temps que mon cœur se serre, ma colère explose encore plus lorsqu’il commence à partir « Fuis tu ne sais faire que ça. T’es qu’un lâche Alec ! ». Il me tourne le dos désormais et je sais comment ça va se finir. Il ne prendra sûrement pas la peine de me répondre. Il n’y a plus personne autour de nous, l’endroit qui était si chaleureux quelques minutes plus tôt est triste et silencieux. Les lanternes ont totalement disparu dans le ciel. Comme la petite lueur de complicité qui s’était ravivé quelques minutes plus tôt entre nous… Je le suis cependant pour ajouter « Tu ne fais que te mentir à toi-même, comment tu peux être honnête avec les autres après tout ! ». Je pique encore et encore, je cherche sûrement la confrontation … ou alors c’est le désespoir qui me fait me comporter de la sorte, essayant le tout pour le tout pour le faire peut-être réagir…