Je venais d’avoir une conversation avec mon rédacteur en chef du Brisbane Times. Il en avait assez que je l’appelle tous les jours ou le harcèle de message pour pouvoir revenir travailler. Mon médecin n’était pas pour et lui non plus car je n’étais pas en condition pour revenir au bureau, surtout avec mes béquilles. Il m’appelle alors ce matin pour me dire qu’en contrepartie, il veut bien me concéder un ou deux articles que je peux couvrir depuis chez moi. Une personne de forte influence australienne veut bien témoigner pour nous d’une association qu’elle a ouverte, venant en aide aux enfants orphelins à Bali. Comme celle-ci n’est pas sur Brisbane, cela se fait en visioconférence et donc il est d’accord pour que je le fasse depuis chez moi. Je le remercie chaleureusement, lui disant que je lui promettais de ne plus remettre en cause les quelconques décisions qu’il prendrait dans le futur. Car il était bien habitué à mon caractère où je me permettais toujours une remarque en réunion sur ce qu’il a pu décider. Je sais que ça l’agaçait mais au fond, lui et moi nous entendions très bien. Aussitôt raccroché, je rentre en contact avec la dite personne. Dans une heure, nous nous appelons pour réaliser l’interview. Je pars vite me préparer car ma tenue cocooning et mes cheveux en bataille vont lui faire regretter de nous avoir choisi.

L’interview est maintenant terminée, je referme mon ordinateur. J’attrape mes béquilles et me dirige vers la cuisine pour me faire un thé et prendre quelque chose à grignoter. J’ai retrouvé un semblant de sourire et cela me redonne un coup de boost au moral. Alors que l’eau dans la bouilloire commence à frémir, j’entends sonner à ma porte. Je regarde machinalement mon portable, peut-être que quelqu’un m’a averti de sa visite et que je n’ai pas entendu. Mais non rien, aucun message. Intriguée, je m’approche de celle-ci, toujours munie de mes béquilles. Je regarde par le judas et « Jax ? » je dis en ouvrant la porte. Il s’agissait de la dernière personne que je m’attendais à voir. Je me souviens très bien de notre dernière rencontre, houleuse, datant de début septembre… Et depuis, ça avait été le silence radio « Entre je t’en prie ». Je me décale alors et referme la porte derrière lui. J’avance un peu en direction de la cuisine ouverte sur le salon « Je ne m’attendais pas à te voir ici… ». Je préfère jouer la franchise dès le départ « J’allais prendre du thé et des cookies… T’en veux ? ».

Surprise, oui je l’étais. Voir Jax sur le pas de ma porte me surprenait car je ne pouvais oublier notre dernière rencontre. Il m’avait repoussé, ne voulant plus avoir à faire à moi. Je lui avais cependant envoyé un message, la veille de mon accident, lorsque mon père est revenu. Il m’a donné les vraies raisons de son départ et m’a parlé d’un frère… La connexion s’est tout de suite faite dans mon cerveau et j’ai prévenu Jax par message. Un message laissé sans réponse, ce qui au fond, ne m’étonnait même pas. Ce message je l’avais relu il y a peu et j’étais triste de ne pas avoir eu de nouvelles… Donc quand je le vois, je suis incapable de lui fermer la porte au nez. Je ne peux pas lui en vouloir… « Je ne pensais pas venir ici non plus ». J’ignore d’ailleurs comment il a pu avoir mon adresse, mais il est fort probable qu’Adam y soit pour quelque chose. Comme pour la suite de ses paroles « J’ai appris pour ton accident de surf. Comment tu vas ? ». Je pourrais lui en vouloir de ne pas être venu plus tôt. Mais là encore, je n’ai pas envie de lui reprocher. Car je n’ai pas envie de me disputer avec lui alors qu’il revient vers moi. Prudemment. « Ca va, le pire est derrière moi ». Car oui, j’arrivais enfin à bouger sans grimacer, mes côtes étant bien moins douloureuses et je maitrisais à la perfection mes béquilles, arrivant à me débrouiller toute seule pour faire des gestes quotidiens. Enfin, ma réponse ne concernait que l’aspect physique, oui ça allait mieux. Le reste en revanche… « Je veux bien un café s’il te plait ». J’acquiesce et m’affère en prenant une tasse dans le placard et allumant la machine à café. En attendant que cela soit prêt, je me tourne vers lui « Et je suis venu m’excuser de mon comportement de la dernière fois ». Un sourire sincère apparait alors sur mon visage « Tu n’as pas à t’excuser… Je comprends… » Je marque une pause avant d’ajouter « En revanche, je m’excuse, moi, pour avoir été aussi incitante avec mes questions ». Car oui, je sentais qu’il y avait des zones d’ombres et cette ressemblance me chamboulait tellement que ma curiosité avait pris le dessus.  Le café finit de s’écouler, je pose la tasse sur le plateau préparé un peu plus tôt.  Ma tasse de thé la rejoint ainsi que les cookies « Ca te dérangerait de… » je lui montre alors le plateau. Avec mes deux béquilles, je ne peux pas vraiment l’amener jusqu’à la table basse. Je le gratifie d’un sourire et nous nous dirigeons vers mon canapé. Je m’installe après lui, laissant mes béquilles sur le côté. « Merci en tout cas de me rendre visite. Je suppose qu’Adam est celui qui t’a prévenu… ». Ma voix se serre un peu en parlant d’Adam car les choses étaient venus compliqués entre nous. Mais ce n’est pas le sujet, ce que je veux pour l’instant, c’est pouvoir discuter avec Jax… Je ne sais pas encore comment amener le sujet, délicat… Peut-être préférais-je au fond qu’il soit le premier à en parler.

« Je suis passé te voir à l’hôpital mais tu avais des examens. J’ai attendu un peu et après j’ai dû partir ». Mon regard se stoppe alors sur lui. Il était venu dès les premiers jours et ça je l’ignorais totalement. Ca me touche, vraiment. Même si, je me rends compte que j’ai dû lui faire du souci à lui aussi, même à une plus petite échelle que les autres. « De toute façon, j’étais dans un état lamentable donc tu n’as rien loupé ». Je préfère plaisanter, sourire aux lèvres plutôt que de montrer pour le moment que cette visite ignorée me faisait plaisir à apprendre. Peut-être que finalement ce laps de temps nous a été bénéfique aussi, nous permettant de prendre tout deux du recul sur la situation. Il se peut que ça m’aurait été difficile à gérer de le voir lui aussi à mon chevet. Nous nous excusons alors, autant l’un que l’autre, sur nos comportements, même si finalement, on se comprend mutuellement « Tu n’as pas à t’excuser non plus, c’est normal que tu veuilles des réponses ». J’apprécie ces paroles et je me dis que peut-être alors, aujourd’hui, nous arriverons à discuter de tout ça ensemble. Même si le sujet n’allait pas être évident à aborder, même s’il y a encore des parts d’ombre, des questions auxquelles ni lui ni moi ne pourront répondre. Mais au moins, nous pourrons peut-être parler à cœur ouvert, tranquillement, en acceptant d’entendre des choses cette fois. Je l’espère au plus profond de moi.

Pour l’instant, la conversation est banale, plus ou moins. Je finis de nous préparer de quoi boire et grignoter. Avec mes béquilles, je ne peux pas prendre le plateau moi-même et réclame de l’aide à Jax « Non pas du tout, je m’en occupe ». Je le remercie donc d’un sourire, je me sens bizarrement plus à l’aise que lors de nos rencontres précédentes. Nous nous dirigeons vers le salon, nous installant sur le canapé. Celui-ci donnait sur une grande baie vitrée avec vue sur toute la ville. Une vue que ces dernières semaines je me lassais d’observer cependant. Je n’ose pas aborder le sujet la première alors je le détourne ou le repousse du moins en demandant si c’est bien Adam qui lui avait appris la nouvelle « Oui c’est Adam ». Cela ne m’étonne pas et j’aimerai lui envoyer un message à ce moment même pour l’en remercier. Mais les choses sont encore compliquées entre nous alors je préfère me raviser. « J’ai pas vraiment compris ton SMS que tu m’as envoyé juste avant… ». Il ne termine pas sa phrase mais par ses gestes je comprends qu’il fait référence à mon accident. Mon regard se baisse alors, ramenant mes pensées aux souvenirs de ce jour où je lui ai, en effet, envoyé ce message : il m’a tout avoué… Nos questions ne sont pas infondées Jax… J’ai une rage telle en moi si tu savais. Pourquoi je ne suis pas étonnée ? Ils n’ont fait que me mentir, toute ma pitoyable vie. Je soupire alors, me tourne comme je peux, tout en gardant ma jambe gauche tendue, vers Jax pour le regarder en face « Je suis désolé, je t’ai envoyé ça sur le coup de l’émotion. Je venais de retrouver mon père alors que cela faisait quinze ans que je ne l’avais pas vu. Et… » Ma gorge se serre car je sais que nous allons rentrer dans le vif du sujet et parce que repenser à cette rencontre me replongeait inéluctablement dans une immense tristesse et colère à la fois. Je soupire avant de continuer « Il m’a avoué les véritables raisons de son départ… Pour t… retrouver mon frère ». Je fais un lapsus involontairement. Mon regard est triste, je crains aussi la réaction de Jax, je n’ai pas envie de le blesser. Je poursuis alors « Je sais que ce frère est plus âgé que moi car apparemment, ma mère n’a jamais voulu que je le sache… Selon les dires de mon père, tout est de sa faute… Il n’a fait que penser à … » Je m’arrête car je manque encore de faire un lapsus « lui. Une partie de lui était partie quand ils ont dû le laisser…». J’observe Jax, je lui balance beaucoup d’informations d’un coup. Mais je me dois de les partager avec lui. Parce qu’on sait très bien qu’au fond, lui et moi nous sommes posés les mêmes questions « Il l’a recherché partout aux Etats-Unis, pendant toutes ces années. Et il n’y ai jamais parvenu. Il pense même qu’il n’existe peut-être même plus… ». Ce sont les mots de mon père qui sont restés bien ancrés dans ma tête. Pourtant, lorsqu’il les a prononcés, j’ai pensé tout de suite à Jax… Mais je n’ai strictement rien dit à mon père.

L’abcès était crevé. Je n’aurais jamais pensé en me levant ce matin recevoir une visite de Jax et encore moins réussir à aborder le sujet avec lui. Car nos doutes étaient partagés et qu’il était temps qu’on ait des réponses à nos questions. Cette ressemblance visiblement évidente entre nous car remarquée par de nombreuses personnes de notre entourage respectif, nous avait poussé à nous méfier l’un de l’autre. Je voyais en Jax quelqu’un qui débarquait en sachant des choses mais qui me les cachait. Quant à lui, il préférait me fuir car j’imaginais que son passé avait été difficile. Ces questions en tout cas cela faisait trois mois que nous nous les posions. Avec le retour de mon père, nos doutes ont été confirmés… J’ai appris que j’ai bien un frère et qu’il est bien de mes deux parents respectifs. Un frère qu’ils ne peuvent avoir eu qu’avant moi… Et qu’ils ont abandonné. Les raisons ? Je les ignore. J’ai été incapable de confronter davantage mon père à ce sujet, de lui poser des questions. Idem avec ma mère que j’ai vu plusieurs fois depuis mon accident. Ces révélations m’ont comme tétanisés alors que j’ai toujours pu me montrer virulente envers elle quand j’avais besoin de réponses… Alors pour l’instant, avec Jax, je me contente de lui dire ce que je sais, et finalement ce n’est pas grand-chose. Mis à part lui retranscrire les paroles de mon père qui expliquait finalement les raisons de son départ… Pour retrouver une part de lui qui avait disparu le jour où ils ont dû l’abandonner… « Tu peux me vanter ses mérites mais cela ne changera pas le fait que je n’ai absolument pas envie de le rencontrer et je n’ai absolument pas envie qu’il sache que j’existe ». Il est en colère et je le sens, et je le comprends parfaitement. Par contre, il croit, à tort, que j’essaye d’arrondir les angles avec mon père et que je suis de son côté et tente de prendre sa défense. Je l’arrête alors tout de suite « Je me suis surement mal exprimé mais je ne te vante pas du tout les mérites de mon père. Je ne fais que te dire ce qu’il m’a dit à ton sujet. Je ne t’obligerai jamais et je ne prendrai surtout jamais cette décision à ta place de renouer avec mon père… ou ma mère. Tu es le seul à pouvoir en décider Jax ». Ma main vint se poser sur son bras « Je suis incapable encore aujourd’hui de supporter la présence de mon père dans la même pièce que moi… Il est venu à l’hôpital et je lui ai demandé de partir. Il m’a laissé le choix de revenir vers lui mais je n’en ai pas envie… Je ne pourrais pas lui pardonner ce qu’il m’a fait… » Ni même ce qu’il a pu faire à Jax avec ma mère. « Je veux bien t’aider à comprendre à trouver des réponses mais cela ne changera pas pour moi. J’ai déjà une famille et cela me suffit amplement ». Mon regard se baisse alors car malgré tout, cela me blesse de l’entendre dire ça. Pas vis-à-vis de mes parents car sa colère à leur égard est compréhensible. Mais envers moi. S’il s’avère être vraiment mon frère, alors j’aimerai avoir l’occasion de renouer avec lui et pourquoi pas, lier une vraie relation fraternelle dont la possibilité nous a été arrachée de par leur choix. Mais là aussi, je ne peux pas lui imposer le contraire. Alors je prends sur moi « Je comprends parfaitement ne t’en fais pas ». J’affiche un mince sourire avant de poursuivre « Pour avoir des réponses, je sais que je vais devoir confrontée mes parents… Et je le ferai, pour toi… pour nous deux ». Cela impliquait donc que je retourne vers mon père mais pour Jax, je le ferai. Nous avions besoin de réponses.

Je pense que Jax et moi sommes sur la bonne voie. J’apprécie qu’il soit venu me rendre visite, qu’il accepte enfin de parler ouvertement de cette ressemblance qui nous a tant troublé à tous les deux. Cela fait à peu près trois mois que je me posais des questions et j’avais définitivement besoin de réponses. Tout comme lui. Cependant, ces réponses, nous ne pourrons les trouver que si, déjà, nous nous allions l’un à l’autre. Si chacun partageait avec l’autre ce qu’il savait. Pour le moment, les seules choses que je sais sont celles que mon père a bien daigné me dire. Mais, rien n’explique pourquoi lui et ma mère ont abandonné Jax… Ce dernier, cependant, même s’il cherche des réponses ne veut pas renouer avec eux. Il ne veut même pas qu’il sache qui il est. Je respecte son choix et lui fait savoir « Je te remercie. Cela est vraiment important pour moi que tu ne leur dévoile pas mon identité. J’espère pouvoir vraiment te faire confiance ». Je sais qu’il en doute sûrement encore, et je peux le comprendre. Au fond, nous nous connaissons que très peu lui et moi. C’est dans son droit. Je pose alors ma main sur son bras, plantant mon regard dans le sien « Je te promets que je ne te trahirai pas Jax. Jamais ». Un semblant de relation fraternelle semble se créer à ce moment même, du moins de mon côté. Parce que s’il est vraiment mon frère, et mes doutes sont maintenant très minimes à ce sujet, au fond de moi, j’ai envie d’apprendre à le connaitre davantage et pourquoi pas développer cette relation qui nous a été interdite pendant toutes ces années… Pourtant, je sens que Jax est réticent, parce qu’il me fait comprendre qu’il a sa propre famille et qu’il ne veut pas que ça change… Alors, je n’insiste pas même si au fond cela me blesse. Mais, là encore, c’est son choix. « C’est toi qui vois ! Je veux bien aussi t’aider en sachant tout ce que je sais mais contrairement à ce que tu penses, je ne sais pas grand-chose sur mon abandon et sur mes parents biologiques ». J’acquiesce et je me doute qu’il ne doit pas avoir beaucoup d’informations. Et, au vu de ses dires quelques minutes plus tôt, je pense qu’il n’a jamais voulu s’y intéresser… Je me risque alors cependant « Tu n’as jamais voulu, à un moment de ton existence, en savoir plus ? ». J’avais envie d’ajouter si au fond de lui, une mince part de lui n’avait pas envie d’avoir des réponses quand même. Mais finalement, en venant à ma rencontre, en acceptant de m’aider, c’est qu’il le voulait un peu. « Même si tu ne sais rien, tu peux peut-être me raconter ton enfance justement… » Parce que la dernière fois que j’ai essayé d’en savoir plus il s’était fermé. Et que désormais, il serait sûrement propice à m’en dire plus, sans tabou.

« Non jamais ». Par sa réponse, je sens qu’il y a une énorme rancœur envers ceux qui l’ont abandonné… Mes propres parents. Je me plaignais moi-même de l’abandon de mon père quand il a décidé de partir alors que j’avais quinze ans. Un abandon qui m’avait poussé à me demander pourquoi il était parti ? pourquoi il ne m’avait pas pris avec lui… Et surtout est-ce qu’il m’aimait vraiment ? Mais en même temps, je me trouvais égoïste de penser comme ça quand lui avait été seul dans un orphelinat sûrement pendant des années. Parce qu’en attendant, j’ai eu la chance de grandir entourer par deux parents aimants, qui m’ont donné tout leur amour, me choyant plus que de raison. Et désormais je me dis que, peut-être, ils se sont comportés comme ça avec moi pour rattraper ce qu’ils n’ont pas pu donner à leur fils, abandonné cinq ans plus tôt… Et cela me rend triste, me déchire le cœur pour lui. La haine qu’il peut ressentir… Je la comprends parfaitement. Je lui demande alors de m’en dire plus sur son enfance, chose qu’il s’était refusé de faire jusqu’à maintenant. Et quand je vois qu’il n’émet aucune réticence, alors je me dis que lui et mois sommes sur la bonne voie « Je suis né sous X. J’ai été confié à l’orphelinat quelques jours après ma naissance. On m’a appelé Jax. J’y ai ensuite vécu pendant les cinq premières années de ma vie ». Je l’écoute attentivement, au point que je décide de ne pas l’interrompre… « J’ignorais à cette époque ce que c’était d’avoir une famille, d’avoir des gens qui compte plus pour vous que vous-même. J’étais un garçon qui faisait pas trop d’histoires même si j’avais ce besoin de faire des cascades tout le temps. J’avais l’impression que c’était une vie normale ». Au fond de moi, je ressens de la culpabilité. Que je ne devrais pas ressentir, car je n’y étais strictement pour rien. Mais je me dis qu’injustement j’ai eu droit à ce privilège de savoir ce que c’était qu’une vie de famille alors que lui ne savait même pas ce que c’était « Et puis je suis allé pendant plusieurs mois dans une famille d’accueil. Je me sentais différent, je m’y sentais bien, je comprenais enfin l’intérêt d’avoir une famille, un père, une mère, des frères et des sœurs. Ils devaient m’adopter mais cela ne s’est pas fait ».  Et là, je sens qu’il me raconte une partie sensible de sa vie, je remarque surtout la pause qu’il prend avant de poursuivre son récit. J’aimerai comprendre pourquoi cette adoption n’a pas abouti. Mais je ne cherche pas à brusquer Jax, il se confie déjà beaucoup à moi sans que je le pousse à en dire plus… Cela viendra petit à petit, sûrement « En revenant à l’orphelinat, j’ai demandé pourquoi je n’avais pas le droit d’avoir une famille et on m’a répondu que mes parents n’avaient pas voulu de moi à ma naissance. C’est à ce moment là que j’ai commencé à les haïr ». L’explication donnée à Jax dans des mots aussi durs étaient atroces à entendre pour un gamin de son âge. Cette haine est encore une fois pleinement justifiée. « Je suis sincèrement désolé ». Cela ne sert strictement à rien, je le sais, rien ne pourra effacer ce qu’il a vécu à cause d’eux. Pourtant, je me sens comme obligé de lui dire même si ces mots n’ont aucune valeur. Peut-être aussi pour m’excuser d’avoir pu « Je comprends pourquoi tu es en colère contre eux et c’est tout à fait justifier. Je regrette que tu n’aies pas eu la chance de connaitre la vie de famille durant ton enfance et que tu aies autant souffert par leur faute… Mais si désormais, tu as une famille aimante qui, elle, a su t’accueillir à bras ouverts, alors c’est tout ce qui compte finalement ». Je lui souris sincèrement, comme si je voulais le rassurer. J’hésite un instant avant d’ajouter, posant ainsi une question sur son passé « Tu dois sûrement connaitre Peter Mulligan? ».  Je sais que c’est le cas car ce dernier me l’a dit lorsqu’il est venu me voir deux semaines plus tôt.

« Tu n’as pas à être désolé. Cela n’est pas de ta faute, tu n’étais pas née et je ne veux pas que tu te sentes coupable d’avoir pu vivre dans ta famille et pas moi. Ce sont les actes de tes parents et tu n’es pas responsable ». Jax me rassure, me fait comprendre qu’il n’a rien contre moi. Ça marche mais je ne peux m’empêcher de culpabiliser quand même. Nous n’avons que cinq ans de différence, mes parents m’ayant eu très jeune, et pourtant, ils ont décidé de me garder, moi. De me choyer d’un amour démesuré alors que lui en avait été privé. Et avec ce qu’il me raconte en plus, j’apprends qu’il a dû attendre longtemps avant de trouver une vraie famille. Et cela me rend triste pour lui « Je sais que je ne suis pas responsable… Mais je me sens dans l’obligation de le dire quand même, parce que tu ne méritais pas ça Jax ». Mes sourcils sont froncés en lui disant ça, traduisant la tristesse que je ressentais face à son histoire et tout ce qu’il a pu traverser. « J’ai peut-être été un peu dur envers toi au début mais ce n’était pas contre toi. Je ne pensais pas revoir un jour une personne de ma famille et tant que je ne la connaissais pas, c’était plus simple de les détester ». Est-ce que je pouvais vraiment lui reprocher ? Non et à sa place, j’aurai certainement agi de la même manière. Peut-être même pire en éprouvant de la jalousie envers mon frère ou ma sœur qui lui, a eu la chance de grandir dans la famille, d’avoir été gardé finalement « Je comprends, ne t’en fais pas. Et… je ne te forcerai pas non plus et comprendrais si tu préfères garder tes distances avec moi ». Parce que je sens que la situation est compliquée pour lui, et que je ne le pousserais pas à avoir une quelconque relation avec moi, même si j’ai envie du contraire. Parce que j’ai envie de connaitre ce frère duquel on m’a privé pendant toutes ces années… Mais, je ne le pousserai pas s’il n’en a pas envie « Mais s’il s’avère que les McKullan sont bien mes parents, je n’ai pas envie qu’ils le sachent et qu’ils découvrent mon existence. Et surtout vu ce que tu me dis sur ton père, je veux qu’il vive le restant de ses jours en regrettant son geste ». Je me rends compte que Jax et moi nous rejoignons sur ce point, voulant tous les deux faire regretter à mon père ses choix… Pourtant, ça me serre le cœur aussi. Parce que malgré tout, j’aime mon père, et que son regard empli de tristesse autant quand il me parlait de ce fils qu’il a recherché pendant des années en vain aux USA et ses regrets de m’avoir laissé pendant toutes ses années me revient. Je reste silencieuse alors, ne faisant qu’acquiescer à ses dires.

« Oui je ne regrette absolument pas cela. La famille Collins est une famille parfaite hormis le fait que mon père ne soit plus avec nous. J’ai eu beaucoup de chances et heureusement, je ne sais pas comment j’aurai fini sans eux ». Je suis heureuse pour lui, heureuse de voir qu’il a connu une famille aimante « Je suis désolé de l’apprendre pour ton père ». Je n’osais pas lui poser davantage de questions, ne voulant pas paraitre indélicate ou être encore celle qui s’immiscer un peu trop. Alors je me contente de l’écouter et me permet cependant une question. Celle concernant Pete’ « Oui, je le connais, on était à l’orphelinat ensemble. Tu le connais ? ». J’acquiesce alors, un sourire sur les lèvres et les yeux qui roulent malgré tout « Oui, malheureusement ». Je ris doucement avant d’ajouter « On se connait depuis l’enfance lui et moi… Et disons que le Mulligan, faut le supporter. Mais c’est un de mes plus proches amis. Le plus chiant de tous évidemment ». Je souris alors parce que, bien qu’il soit pénible à souhait, j’ai besoin de sa personnalité déjantée dans ma vie. Et surtout de sa sincérité féroce et de cet amour vache qu’on se porte mutuellement. « Mais… le monde est petit ».