| | | (#)Lun 16 Nov 2020 - 0:59 | |
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Better off dead
Elle le savait qu’elle aurait pas dû aller à ce putain de repas de Noël, elle l’avait dit à Savannah qu’elle ne voulait pas venir. Mais personne ne respecte rien dans cette famille, alors ce sont les menaces et le chantage de son aînée qui l’ont menée contre son gré à répondre à l’invitation du paternel. D’invitation, elle n’en avait que la vague apparence, il s’agissait d’une convocation. Malade ou pas, le vieux traitait toujours ses enfants comme s’ils étaient encore en couche-culottes. Ces réunions familiales n’apportent jamais rien de bon, mais celle-ci devait probablement détenir un record. Un secret de famille tellement incroyable qu’il semble sorti d’un mauvais scenario de film de série B, révélé par le paternel sur le déclin tant physique que mental et l’enfer qui s’ouvre sous leurs pieds. Les insultes, les reproches, la vaisselle qui vole (ça, c’est seulement la faute d’Ana), puis la strangulation, les coups, le sang et la dispersion de la famille. L’éclatement du groupe. Peut-on vraiment briser davantage quelque chose qui est déjà en mille morceau ? La réponse est oui, la famille Williams s’évertue à le prouver année après année.
Ana est hors d’elle quand elle sort du restaurant seule, pas même suivie par son neveu qu’elle a essayé de soutenir comme elle a pu, à sa manière à elle. Ils savaient tous, ils étaient tous complice de ce mensonge gigantesque et dévastateur, seuls les deux plus jeunes de la famille avaient été maintenus dans l’ignorance, dans l’obscurité. Damon et Ana, à côté de qui l’on faisait systématiquement des messes basses, les deux qui savaient qu’on leur cachait des choses depuis toujours. Elle en a découvert des secrets, petits comme gros, au cours de sa vie, Ana. Et pourtant, elle n’a jamais cessé de ressentir cette douleur dans sa cage thoracique à chaque fois qu’il lui était confirmé qu’on lui avait menti, qu’on avait omis volontairement des choses, dissimulé des informations, qu’on l’avait laissée sur le banc de touche sciemment. Ce soir, le vase ne déborde pas, il déborde depuis des années déjà. Ce soir, le vase vole en éclat. Elle sort du restaurant enragée, laissant ses frères se refaire le portrait et son neveu qui refuse sa main tendue, qui ne la suit. Elle en veut au monde entier et le pire, c’est qu’elle sait qu’elle n’est pas légitime à le vivre si mal, le principal intéressé dont la vie vient de voler en éclat c’est Damon, son neveu, qui vient d’apprendre que son père est en fait son oncle et inversement. Qu’elle ne soit pas directement concernée, n’aura rendue sa colère que plus insupportable aux yeux de la famille, ils considèrent tous qu’elle se mêle de ce qui ne la regarde pas, qu’elle était une intrus dans cette dispute et qu’il suffisait de l’ignorer pour qu’elle finisse par aller faire sa crise ailleurs. Comporte toi en adulte. Toujours la même rengaine. Tu nous fais honte. Les mêmes reproches. C’est pour ça qu’on ne te dit jamais rien, Ana. Les mêmes excuses. Les paroles de sa sœur résonnent dans son esprit, elle ressent toujours le poids du regard glacial d’Auden qui daigne se poser sur elle pendant quelques secondes et les mots crachés par Saül en boucle : « enfants gâtés, ingrats ». Comment peut-elle encore être déçue par eux tous alors qu’elle a vécu cela cent fois déjà ? Son poing droit s’écrase contre la carrosserie de sa propre voiture, puis l’autre, et encore, encore. Droite, gauche, droite, gauche, la douleur explose dans ses poings mais c’est presque agréable, ça lui permet d’évacuer une once de la colère emmagasinée en elle.
Elle finit par s’arrêter, les jointures en sang et s’engouffre dans la voiture qu’elle démarre en trombe. Ses mains sont douloureuses mais elle ne fait rien pour diminuer la sensation, au contraire, elle serre le volant de toutes ses forces. Elle roule vite, mettant le plus de distance possible entre elle et les autres Williams. Dire qu’elle a fui l’Italie et ses parents pour se retrouver dans l’exacte même situation ici, rien n’a changé, tout est pire en réalité. Loin des yeux, loin de l’espoir, loin de la déception. Savannah n’a pas arrêté de contrôler sa consommation de vin pendant le repas, Ana a réussi tout de même à descendre bien assez pour ne pas être autorisée à conduire, mais elle se sent toujours trop sobre pour ces conneries. Alors elle attrape une petite bouteille de vodka logée dans sa boîte à gants. Tout en conduisant et avec ses mains endolories, elle ouvre difficilement la bouteille et commence à la vider consciencieusement. Elle ne sait pas où elle va et pourtant l’instinct la mène directement dans un endroit qu’elle ne visite que quand elle souhaite se défoncer jusqu’à en mourir. La zone désaffectée, là où se trouvent les meilleurs squats et matelas crades pour se piquer loin des regards indiscrets de la bourgeoisie Brisbanienne. Elle gare sa voiture dans une ruelle sombre, elle est tellement cabossée qu’elle a l’air d’avoir été abandonnée là depuis des lustres. Elle n’a même pas la force ni l’envie d’entrer dans les bâtiments, de rejoindre les autres camés, quelque part elle se croit meilleure qu’eux. Parce qu’elle ne prend pas d’héroïne ou ne fume pas de crack. Mais elle veut disparaître, annihiler cette haine qui la ronge et ce qu’elle a pour ça, c’est de l’alcool et de la kétamine, mal dosé ce mélange mène à l’overdose à coup sûr. Elle le sait, mais elle choisit de l’ignorer, d’agir en connaissance de cause. Elle boit encore, elle a trouvé une demi bouteille de tequila dans le coffre, puis elle sniffe la kétamine et allonge son siège passager pour se laisser partir. Elle se sent déjà anesthésiée et son téléphone s’illumine. Elle le regarde d’un œil vitreux. Rappel : Demain, RDV Schäffer 15h. S’il la voyait maintenant, Schäffer, il verrait bien qu’elle était une cause perdue. Pourquoi est-ce qu’elle décide de l’appeler ? Un élan d’instinct de survie ? Une manière de lui prouver qu’il avait tord de vive voix ? Elle lance l’appel et quand elle l’entend décrocher, elle bredouille d’une voix faiblarde à moitié absente : « J’ai gagné mon pari. T’vas être putain de déçu... » Elle sent qu’elle sombre peu à peu dans les limbes, elle a eu le nez un peu lourd sur la kétamine. Elle sera bientôt aux abonnés absents. « T’aurais mieux fait d’me faire pisser dans un pot. Ahahah... » le rire n’a rien de joyeux, il est mou et sonne comme une fatalité. « Si j’crève, en fait, s’toi qu’ça f’ra l’plus chier, hein… T’vas perdre ton taf, j’te jure qu’c’est pas personnel... » Sa voix s’affaiblit de plus en plus mais pour l’instant, elle reste en ligne, elle est curieuse de savoir ce que l’électron libre va répondre à ça.
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| | | | (#)Mer 18 Nov 2020 - 16:49 | |
| Il ne s'attendait définitivement pas pas à un appel de la jeune Williams, pas alors qu'elle avait clamé son indépendance et sa capacité à toujours se démerder toute seule. Ludwig l'avait crue, du moins en partie, parce qu'il avait également constaté à quel point Anastasia était sensible et surtout, malheureuse. Arriverait donc forcément un moment où elle aurait besoin de quelqu'un pour l'aider à remonter la pente parce qu'elle allait s'effondrer, c'était une évidence quand on avait quelques bribes d'informations sur sa situation familiale. Schäffer avait été touché par les quelques récits que la jeune femme avait pu lui faire, même s'il savait que ce n'était que le haut de l'iceberg, que le début de tout un tas de mauvais événements qui l'avaient mise à mal durant de longues et nombreuses années. L'éducateur avait en tout cas pris conscience de la quantité de travail qu'il aurait à opérer auprès d'Anastasia, même s'il avait aussi d'ores et déjà réalisé qu'il devrait en souffrir de son côté pour réussir à la sortir de sa mauvaise passe. Etait-ce un problème pour un homme qui n'était même pas capable de rentrer chez lui après avoir fait une balade de quelques heures en compagnie de sa petite soeur? Toutes les excuses avaient toujours été bonnes à prendre pour Ludwig, lui qui se trouvait frustré en permanence, toujours en proie à un mal-être qu'il n'arrivait pas franchement à déterminer. Il s'était donc dirigé sans réfléchir vers un bar non loin de là: il n'allait pas boire, non, ce n'était pas un mode opératoire qu'il chérissait tant que cela pour effacer le flot de pensées difficiles qui venaient l'assaillir. Non, il comptait se mettre dans un état bien pire en trouvant une cible quelconque à charmer, lui le mari infidèle qui n'avait jamais su s'assumer entièrement. Au bout du compte, Schäffer se mépriserait encore plus de cette énième preuve de faiblesse mais que pouvait-il faire d'autre? Il se trouvait dans la plus terrible des impasses et ce, depuis près de vingt ans. La douleur était sourde mais il n'eut même pas le temps d'aborder sa victime de la soirée que son téléphone se mit à sonner, dévoilant les coordonnées de Williams. Ils avaient rendez-vous le lendemain, certainement qu'elle appelait pour annuler avec une excuse bidon. Ludwig avait déjà eu ce genre d'attitude de la part d'anciens patients mais bien vite, en décrochant, il capta qu'il avait bien tort. La voix de la petite blonde n'était pas la même que lorsqu'ils s'étaient rencontrés, signal d'alarme ultime. Il savait, du moins, il pressentait que ce qui la troublait était bien plus grave que tout ce qu'elle avait eu à subir jusque-là. "Je t'ai déjà dit que c'était pas possible ça. Tu m'expliques ce qui se passe, Ana? A défaut de ça, tu peux me dire où tu es. Il semblerait que t'aies besoin d'un coup de main, je me goure pas cette fois, hein?" Assumerait-elle qu'elle avait sombré cette fois-là? Ludwig n'en savait rien mais il s'empressait de quitter le bar, conservant sa frustration enfermée à double tour quelque part au creux de son âme. Quand un de ses patients avaient besoin d'aide, Ludwig sacrifiait tout, surtout lui-même. |
| | | | (#)Mer 18 Nov 2020 - 22:02 | |
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Better off dead
La voix de l’éducateur résonne dans le combiné au milieu d’un brouhaha ambiant, peut-être que lui aussi il passait sa soirée au restaurant avec des « êtres chers ». Quelle blague. Pourquoi est-ce qu’elle l’appelle ? Au lieu de se laisser sombrer, de s’assommer avec le doute de ne jamais se réveiller ? Elle pourra se dire que c’est de la faute à google qui lui a rappelé son rendez-vous. Elle pourra toujours se raconter qu’elle l’a fait pour l’emmerder, lui, pour lui gâcher sa soirée et sa vie entière. Mais ce n’est rien d’autre qu’un appel au secours qu’elle n’assumera jamais. La colère l’a quittée maintenant, anéantie par le cocktail d’alcool et d’anesthésiant, ne reste que la douleur de la trahison et de l’abandon. Alors inconsciemment, elle cherche à être rassurée par cet inconnu qui met plus de confiance en elle que toute sa famille réunie. Pourtant, elle le sait, elle vient de faire une énième connerie et il ne lui fera plus confiance longtemps. "Je t'ai déjà dit que c'était pas possible ça." Il ment comme il respire mais peu importe, Ana n’a pas l’énergie de le contredire. Elle se contente de lui glisser un innocent « si j’crève », elle ne cherche qu’à attirer son attention comme une enfant. C’est à Saül, à Auden, à Savannah qu’elle aimerait dire ces mots, c’est eux qu’elle aimerait voir accourir. Mais ils la détestent, ils la laisseraient probablement mourir sans y penser deux fois, se disant que ça leur fera des vacances. D’éternelles vacances de leur parasite de sœur. Droguée, mauvaise, instable, inutile. "Tu m'expliques ce qui se passe, Ana?" « L’repas d’Noël a été un succès... » se contente-t-elle de marmonner d’une voix pâteuse, presque comme si elle n’avait pas entendu sa question. "A défaut de ça, tu peux me dire où tu es." « Ils ont fait mieux qu’l’année dernière… » délire-t-elle à moitié et son rire est amer, presque douloureux.
"Il semblerait que t'aies besoin d'un coup de main, je me goure pas cette fois, hein?" Bien sûr qu’elle a besoin d’aide, elle a le cœur brisé, elle se sent plus seule que jamais et elle a, plus ou moins consciemment, consommé le cocktail parfait pour s’effacer de ce monde en douceur. Mais même au bord de l’évanouissement, elle réussit à se mentir à elle-même : « Non mais ça va… J’vais juste faire une sieste... » Elle sent la chape de plomb qui lui tombe dessus peu à peu, l’envie irrépressible de fermer les yeux et de se laisser plonger dans l’inconscience. Elle aura moins mal une fois que le silence et le néant l’envelopperont, elle en est persuadée. Sa tête a envie de raccrocher et de se laisser porter par le trip, peu importe où ça la mènera. Mais son corps sent peut-être que c’est la fois de trop et son corps lui envoie tous les signaux d’alarmes possibles parmi lesquels la panique qui vient subitement la prendre à la gorge, sa respiration qui s’accélère comme pour la maintenir éveillée un peu plus longtemps puis, la nausée qui veut évacuer le trop plein de vodka. Elle cligne des yeux, respire bruyamment dans le téléphone et conclut : « J’me sens pas bien... » Ah vraiment ? On aurait pas cru. Elle se concentre sur son téléphone, les yeux à demi-clos et elle envoie en deux clics les coordonnées GPS de sa position à Schäffer, puis elle échappe le téléphone sur le sol jonché de bordel de sa voiture, elle lutte quelques secondes encore, tente de rester consciente mais bientôt son corps ne répond plus et son esprit s’est endormi, elle n’a même pas eu l’énergie de régurgiter quoique ce soit.
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| | | | (#)Mer 18 Nov 2020 - 22:42 | |
| Il s'attendait désormais au pire et pour cause, le timbre de voix d'Ana s'effaçait au fur et à mesure de la conversation, elle perdait le fil à coup sûr et lui ressentait tout le désarroi que ce genre de faits lui apportait. Ludwig en avait autant mal au coeur qu'elle, en comprenant que sa soirée s'était soldée en échec cuisant, comme la sienne en soit parce qu'il n'avait pas été là, qu'il jouait le rôle de l'homme invisible auprès de sa famille et qu'il essayait de mettre un costume de Superman dans sa vie professionnel. Le tout paraissait complètement idiot mais Ludwig mettait ses priorités dans le désordre, le tout devait justifier pourquoi ses choix étaient si mauvais depuis des lustres. Ce soir-là, il en ferait un autre qui ne serait pas aisé à assumer car il n'était qu'un éducateur, pas un psychologue ou un flic, encore moins un ambulancier, il n'était qu'un type lambda avec quelques connaissances de ci de là dans tous les domaines majeurs. Pouvait-on suggérer pour autant qu'il était qualifié pour gérer l'état de la jeune Williams? Probablement pas, il le savait au fond de lui alors que le timbre de la voix d'Ana s'étouffait toujours un peu plus, qu'elle ne répondait même plus à ses interrogations, qu'elle réagissait tout simplement par les émotions instinctives qui persistaient dans son corps engourdi. Elle s'était shootée, c'était une évidence, il n'y avait aucun besoin d'inviter Sherlock Holmes à sa tablée pour comprendre que c'était une tentative de suicide que Schäffer allait devoir maîtriser et il repensait à une autre femme qui était passée par là, une femme avec laquelle il avait tant partagé, une femme qu'il avait blessé parce que les frontières entre le privé et le professionnel avaient été détruites. Il se méprisait de recommencer, Ludwig, mais avait-il le choix à ce moment précis. "Putain Ana, tu t'endors pas, merde!" L'allemand parlait déjà dans le vide mais il ne le savait pas encore, hurlant dans le combiné tout et n'importe quoi, ce qui lui passait par la tête au moment où il reçut les coordonnées de localisation de la petite blonde. Ludwig ne réfléchit pas un seul instant pour accourir vers le lieu dit alors qu'il aurait dû appeler les secours, les laisser faire, ne pas se mêler de quelque chose d'aussi grave mais il était ainsi, il devait jouer au héros sans avoir la moindre qualification pour. Il arriva sur les lieux à une vitesse vertigineuse, hors d'haleine en ouvrant la portière de la voiture avec une force incroyable. Elle était là, perdue dans les limbes, déjà et Ludwig agit clairement par instinct, la forçant à régurgiter d'une main ferme, c'était certainement la seule solution viable pour qu'elle ne périsse pas dans l'instant. "Ana, tu me laisses pas cette merde aller plus loin. Tu te réveilles et tu te bats, je préfère que tu continues de me faire chier, je t'assure, vraiment." Il l'avait sortie de la voiture en lui hurlant dessus, tournant sa tête vers le bitume, il fallait qu'elle laisse cette drogue infâme s'évacuer de son système car son éducateur n'allait pas la laisser partir, pas alors qu'il était étendu sur le goudron lui aussi, tenant la tête de Williams de ses deux mains, son regard ne la lâchant pas. Elle allait rester avec lui, il se l'était juré et il ne pouvait pas réitérer d'autres erreurs du passé. Celle-ci, elle ne pourrait pas partir. Pas comme cela, en tout cas. |
| | | | (#)Mer 18 Nov 2020 - 23:50 | |
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Better off dead
Ana n’est plus de ce monde, ou plutôt elle en est totalement déconnectée, elle flotte dans un univers parallèle, elle ne pense à rien, ne ressent rien, le silence est absolu, le noir est complet, la solitude n’est pas pesante, elle y est même réconfortante. Pourtant, on l’appelle de l’autre côté, sans sentir les mains de Ludwig sur elle, ni la dureté du bitume sur lequel elle tombe à genoux, elle comprend qu’on vient de lui jeter un fil d’Ariane, une bouée à la mer. Dans le monde des vivants, les gestes de l’éducateur déclenchent son réflexe nauséeux et le contenu de son estomac se déverse sur le sol. Au moins, une bonne partie de l’alcool consommé se retrouve dans le caniveau. Pour la kétamine c’est trop tard, ce qu’elle a sniffé est déjà dans son système mais au moins le cocktail mortel vient-il d’être désamorcé. Après avoir régurgité, elle reprend de l’air comme si elle venait de manquer de se noyer, de refaire surface. Elle n’est toujours pas vraiment consciente mais les cris de Schäffer commencent à parvenir à sa conscience embrumée. "Ana, tu ne laisses pas cette merde aller plus loin." Qui me parle ? Qui est là ? "Tu te réveilles et tu te bats..." Elle fournit un effort considérable pour s’extirper de sa torpeur, entrouvrir les yeux et voir un visage flou face à elle. "...je préfère que tu continues de me faire chier, je t'assure, vraiment." « Saül ? » demande-t-elle avec un pâle sourire. Tu es venu..., pense-t-elle sans pouvoir l’articuler. Mais non, il n’est pas venu, il ne sait même pas que sa plus jeune sœur a décidé de faire encore des siennes, il est probablement en train de fuir ses responsabilités, le visage ravagé par les coups d’Auden.
Ana est à moitié présente, à moitié anesthésiée, elle ne sent aucune douleur, ne sent même pas la nausée qui remonte pour finir de lui faire évacuer les derniers restes d’alcool dans son organisme. Elle vomit à nouveau, le visage toujours collé contre le bitume, c’est un réflexe qu’elle ne contrôle pas et dont elle n’a même pas vraiment conscience. A nouveau, elle reprend son air comme après une tentative de strangulation et reconnecte un peu plus avec l’instant présent et son environnement. Elle ouvre les yeux au prix d’un énorme effort, essaye de regarder son frère, de faire le point sur son visage. Mais ce n’est pas son frère, ni Saül, ni Auden. C’est Schäffer qu’elle ne reconnaît même pas, pas tout de suite en tous cas. D’ailleurs, elle pose une question totalement hors de propos, pas vraiment consciente d’où elle est et pourquoi, n’ayant pas dans l’immédiat le souvenir de ce qu’il s’est passé ces dernière heures : « On a baisé… C’était bien ? » Ce ne serait pas la première fois qu’elle se réveille d’un mauvais trip à côté d’un inconnu. « Bwah laisse-moi pioncer maint’nant... » Rester éveillée était une lutte de tous les instants, l’anesthésie lui tendait les bras et si Ludwig ne continuait pas de la stimuler, elle allait sombrer à nouveau. Peut-être qu’elle se réveillerait tout de même, mais le risque d’une surdose de kétamine reste un arrêt respiratoire, alors peut-être qu’elle oublierait tout simplement de respirer.
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| | | | (#)Sam 21 Nov 2020 - 23:28 | |
| Il n'allait pas la laisser partir aussi aisément, c'aurait été mal connaître le Schäffer si Ana pensait une seule seconde qu'il acceptait son sort. Elle avait abusé, il l'avait capté dès les premières secondes où il réussit à la sortir de son véhicule pour qu'elle recrache une bonne partie de ce qu'elle avait ingéré. Ce n'était pourtant pas suffisant pour effacer la moindre trace de drogues dans son système nerveux et Ludwig le savait pertinemment, même s'il n'avait jamais été un consommateur de ce genre de substances. Son métier l'avait forcé à se renseigner sur le sujet parce que des addicts, il en avait eu à la pelle sous son conseil et il en avait sauvé fort peu, du moins à son goût. Tout était tenu trop à coeur par l'éducateur, il le savait pertinemment mais il s'évertuait à donner le meilleur de lui-même, et ce, même s'il avait le pire en face de lui. Là, c'était la pire version de la jeune Williams à qui il avait affaire parce qu'elle s'était laissée submerger par ses émotions au cours d'une énième déconvenue familiale. Cela, Ludwig le comprit quand elle choisit de le nommer par un autre prénom que le sien: il était évident qu'il devait s'agir de son frère, celui qu'elle avait mentionné lors de leur première rendez-vous. Les présentations avec ce Saül avaient été faites à ce moment-là et Schäffer se doutait qu'il s'agissait encore de lui pour que la jeune femme termine dans cet état. Il se garda bien de commenter ou de l'interroger parce que l'urgence était ailleurs. Il était plutôt question de la garder parfaitement éveillée dans les minutes à venir, le temps que les effets de sa drogue se dispersent et qu'elle puisse enfin retrouver un semblant de capacités de réflexion. Cela dit, Ludwig fut légèrement rassuré au moment de l'entendre poser cette question qui aurait pu paraître totalement déplacée de la part de n'importe qui d'autre mais c'était le signe que Ana était encore là, quelque part à l'intérieur de cette carcasse décharnée sur le sol. "Si le coït te met dans cet état, je sais pas s'il est bien réalisé, ma vieille." Il fallait qu'il la fasse réagir de toutes les manières qu'il connaissait parce qu'elle était piquante, Williams, qu'elle ne pouvait jamais rien laisser passer et qu'elle lui murmurait qu'il fallait la laisser dormir. La plaisanterie aurait pu être bonne mais Ludwig la secoua pour qu'elle garde les yeux parfaitement ouverts. "Hors de question. Me force pas au seau d'eau glacée. Parle moi plutôt de ta soirée, non?" Dans ce genre de contexte, si elle lui parlait, l'éducateur aurait tout gagné. Du moment qu'il la sauvait, tenant son visage à deux mains pour qu'elle sente qu'elle n'était pas seule dans cette lutte unique. Il resterait là, à l'accompagner tout le long de ce chemin si tortueux. |
| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 3:12 | |
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Better off dead
Il suffirait qu’elle ferme les yeux, qu’elle abandonne l’instant présent, pour être replongée dans cette douce inconscience, ce coma chimique rassurant, cet ailleurs enviable. Mais elle sent des mains froides sur son visage, cela la maintient en connexion avec la réalité, pour l’instant en tous cas. C’est un homme qui lui parle, une de ses conquêtes ? Ils viennent de le faire ? "Si le coït te met dans cet état, je sais pas s'il est bien réalisé, ma vieille." C’est là qu’elle reconnaît sa voix, à travers le brouillard épais qui emplit son esprit, elle comprend qui est celui qui essaye de la retenir =, de l’empêcher de sombrer. « Schäffer ? » souffle-t-elle pas assez consciente pour écorcher son nom volontairement. Puis elle exige qu’il la laisse dormir. Qu’est-ce qu’il fait là ? Qu’est-ce qu’elle fait là ? Où est-elle d’ailleurs ? Trop de questions, faire la sieste semble une meilleure option que de chercher des réponses. Mais il a secoue énergiquement et elle proteste d’un mou : « Hé... » "Hors de question. Me force pas au seau d'eau glacée. Parle moi plutôt de ta soirée, non?" Elle écarquille les yeux pour essayer de garder ses paupières hautes, pour essayer de faire le point sur sa vision floue. Oui, il est là Schäffer. « Ma soirée ? » Qu’est-ce qu’elle a fait de sa soirée ? Impossible de s’en rappeler pour l’instant, elle sent pourtant que ce n’est pas loin, noyé dans le bordel de ses pensées hyperactives engluées par l’anesthésiant. « Je t’ai appelé? » Elle en a un vague souvenir, flou et irréel, comme si elle l’avait rêvé.
Elle plisse les yeux en considérant ce qu’elle a dans son champs de vision, un trottoir, un mur, le tout plongé dans la pénombre, ses propres jambes étendues sur le sol, ses mains posées dessus. Ses mains en charpies, elles devraient probablement être douloureuses mais elle ne sent rien, elle regarde ses jointures écorchées, contusionnées, rouges sang, comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art. « J’étais énervée... » C’est le moins qu’on puisse dire et malgré la kétamine qui étouffe tout, dès qu’elle se souvient du sentiment, elle le sent qui naît à nouveau dans sa poitrine, une rage qui comprime sa cage thoracique tel un étau. Alors même qu’elle ne sait plus consciemment pourquoi elle est en colère, elle le ressent avec violence. Nébuleuse, elle appuie ses paumes sur ses paupières et grogne de frustration, elle essaye de se concentrer, de récupérer les dernières heures de sa vie, de faire le vide dans son esprit encombré pour y trouver le chemin vers sa mémoire. Mais rien n’y fait, elle est perdue dans le labyrinthe de son esprit. Elle veut laisser sortir sa fureur, crier, mais c’est sans compter sur son corps ralenti, ramolli, étouffé par la drogue : « Putain !... » rage-t-elle sans parvenir à donner à sa voix la conviction et la force nécessaire pour traduire la colère qui bouillonne en elle.
Les minutes passent, l’éducateur essaye de la maintenir dans la conversation, elle pique du nez à plusieurs reprises, se fait secouer, rouvre les yeux, lutte encore un peu, la colère aide à la raccrocher à la réalité, si douloureuse soit-elle. Puis peu à peu, de manière imperceptible d’abord, l’effet de l’anesthésiant s’estompe. La première chose qu’elle ressent, avant même la douleur ou les souvenirs qui affluent, c’est le froid, elle a froid, elle a l’impression qu’elle est en train de geler sur place. Elle se met à trembler, ou peut-être qu’elle tremblait déjà. « J’ai froid. » Elle sent le trottoir froid et humide sous elle, le froid de la carrosserie contre laquelle elle est adossée, elle est glacée jusqu’aux os. Pourtant, l’hiver est bien loin de Brisbane, la soirée n’est pas caniculaire mais elle est aussi très loin d’être fraîche. L’esprit d’Ana commence à s’éclaircir peu à peu mais elle n’en a pas moins des réactions imprévisibles, elle se blottit sans prévenir dans les bras de Ludwig, cherchant un peu de chaleur humaine, du réconfort aussi, même si elle ne l’avouera pas, jamais. « Ça y est. Je me souviens... » Elle a envie de faire marche arrière, de repartir dans son nuage d’ignorance, d’oublier leurs regards à tous, leur trahison, mais c’est trop tard. « Putains d’enfoirés... »
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| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 13:57 | |
| Evidemment, ses souvenirs étaient on ne peut plus floues, résultat d'une consommation excessive de substances qui maltraitaient des neurones déjà mis à mal en temps normal. Ludwig tâchait néanmoins de la garder connectée à l'univers autour d'eux, même si ce n'était pas une mission aisée quand il la voyait s'assoupir une à deux fois par minute alors qu'il s'évertuait à trouver de nouvelles tactiques pour lui faire rouvrir les yeux. Il hochait la tête parce qu'elle avait enfin capté qu'il s'agissait de son éducateur, après un bon quart d'heure à dériver sur n'importe quelle tête qu'elle pouvait connaître. Ana était vraiment dans un sale état et Schäffer se doutait que sa soirée avait dû être infernale, même si elle n'était pas à même de tout lui raconter à l'heure actuelle. Tout ce qu'il pouvait faire pour l'heure, c'était de murmurer ou hurler, selon les circonstances pour qu'elle retrouve un semblant de contact avec ce monde. La jeune femme eut besoin d'encore pas mal de temps pour retrouver toute sa rage et tout son flegme légendaire, Ludwig apparaissant aussi patient que possible alors qu'Anastasia lui indiquait qu'elle commençait à avoir froid. Selon l'expérience du brun, il savait que cela suggérait qu'elle retrouvait plus ou moins toutes ses capacités et c'était une bonne nouvelle. Il se sentit instantanément soulagé alors qu'il cueillit la petite blonde entre ses bras, s'osant à retirer sa veste, superflue pour lui, afin de la poser sur ses épaules, à elle. Devait-il la laisser parler ou bien rager? Ludwig pensait comprendre qu'elle se refaisait le film des événements et il lui laissa encore quelques minutes supplémentaires pour se remettre dans les circonstances qui l'avaient amenée à cette situation désespérée, sur le bitume d'une zone non fréquentée, alors que l'univers lui demandait expressément de revenir à elle. "Qu'est-ce qui s'est passé, Ana?" Il lui demandait avec une certaine douceur, n'osant pas poser trop de questions parce qu'il n'était pas question de faire s'envoler le rythme cardiaque de la jeune femme après autant d'épreuves liées à la drogue. Ludwig savait être patient quand le contexte le nécessitait et il savait, ce soir-là, qu'il allait devoir déployer toutes ses compétences pour aider Ana à voir plus loin. L'aider à se remettre du pire, pour enfin faire face à son meilleur. Du moins, le grand Schäffer l'espérait ainsi. |
| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 20:48 | |
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Better off dead
Ana est dans les bras de l’éducateur, celui qu’elle croit mener à la baguette depuis qu’ils se sont rencontrés, celui qu’elle croit manipuler en se jouant de lui et de son complexe du sauveur. Elle s’y sent bien, dans cette étreinte, elle le sent lui placer un vêtement sur les épaules pour l’aider à se réchauffer. Elle serait bien restée là à ne penser à rien, elle aurait bien aimé oublier ce qui l’avait menée là, mais la colère qui s’est réveillée en elle ne fait qu’enfler quand elle se souvient. Le repas, les mensonges révélés, la violence des gestes, des mots, des regards, l’abandon encore. Elle ne devrait pas en vouloir à Damon de vouloir gérer la nouvelle à sa façon, seul, mais elle n’y peut rien, elle l’a vécu comme une énième trahison, comme une énième porte claquée au nez. Elle se tend contre Schäffer, sa mâchoire se serre, elle se sent encore mal, vaseuse et nauséeuse, mais tous les détails de la soirée lui reviennent. Grelottant contre l’homme, elle lâche une insulte, grognée entre ses dents, à l’attention des membres de sa famille et de leurs secrets de famille. "Qu'est-ce qui s'est passé, Ana?" La question lui semble ridiculement simple et elle ne sait pas trop comment y répondre. Ce qui fait le plus mal, ce n’est pas ce qu’il s’est passé, c’est ce qu’il ne s’est pas passé. La confiance qui n’a jamais été donnée, les explications qu’elle ne recevra jamais, les excuses encore moins. « J’voulais pas y aller à leur putain d’repas d’merde... » rage-t-elle, mais en même temps, si elle n’y avait pas été, elle n’aurait jamais su la vérité... Ou alors elle l’aurait appris bien plus tard.
Schäffer n’est pas son éducateur en cet instant, il est son chauffage personnel, il est une oreille attentive, il est là, tout simplement. Et elle a des choses à lâcher. S’exploser les mains contre la carrosserie de sa voiture et frôler l’overdose n’ont visiblement pas suffit à la soulager, elle a besoin que ça sorte. Alors, ses réserves sur lui et ce qu’elle peut lui confier s’envolent, elle ne se pose même pas la question, elle vide son sac. « Y avait tout l’monde, les vieux, les frères et sœur et leurs +1… » Les +1, une façon assez désobligeante d’exclure de la famille les femmes de ses frères et le boy toy de sa sœur. Pourtant, ils sont bien plus intégrés dans la famille qu’Ana, ils savaient eux… En tous cas, elles, elles savaient les épouses Williams. « Damon aussi, mon neveu... » celui qui est au centre de la révélation du soir. Mais celui sur lequel elle a envie de cracher son venin pour le moment, c’est le patriarche de la famille. « Putain, mais il peut pas crever plus vite, le vieux ? Parce que, pour un mourant, il est toujours putain d’efficace pour nous traiter comme d’la merde... » Rien que de parler de lui, elle commence à s’échauffer toute seule, elle sent toujours le froid mais elle ne tient plus en place. Elle quitte les bras de Schäffer le repoussant comme si c’était lui qui se montrait collant et se moque tout en essayant de se mettre debout sur ses jambes chancelantes : « T’es amoureux ou quoi ? » Ce n’est qu’une façon de nier qu’elle a elle-même cherché à se blottir contre lui, elle n’est plus une enfant après tout, c’est une dure à cuire, elle n’a pas besoin de câlins, elle n’en a jamais eu besoin. Elle s’appuie contre la voiture pour trouver un équilibre précaire et la contourne en enjambant littéralement Ludwig pour se rendre vers le coffre de son tacot. « Le connard il lâche une putain de bombe nucléaire et après, il me dit quoi ? D’être digne, de me comporter comme une putain de dame… Que comme d’habitude je leur fais honte à tous. C’est eux tous la putain de honte, merde ! » Elle s’acharne sur le coffre et essaye de l’ouvrir. Depuis un certain carambolage, la carrosserie un peu froissée rend l’ouverture de la malle arrière un peu compliqué. Elle tire dessus de toutes ses forces qui sont peu de chose, surtout vu dans l’état dans lequel elle se trouve. « Fait chier putain ! »
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| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 21:15 | |
| En un sens, Ludwig était bien content de ne pas se sentir si proche que cela du reste de sa famille, en dehors de sa soeur bien entendu. Ses parents, il se devait de les croiser plusieurs fois par semaine mais jamais il n'abordait réellement les vrais sujets et c'était certainement mieux ainsi car, que dirait-il en apprenant que leur fils prodige allait se taper de parfaits inconnus dans des ruelles juste pour évacuer sa frustration d'être un homme emprisonné depuis son adolescence? Ils ne seraient définitivement pas ravis d'apprendre de telles nouvelles et de toute évidence, le grand brun ne se sentait pas assez à l'aise avec eux pour leur dévoiler tous les petits secrets qui peuplaient sa vie et il y en avait, pour ainsi dire, des tonnes. Non, il ne disait rien et se disait qu'il avait une chance inouïe de ne pas avoir une famille aussi grande que celle qu'Ana semblait avoir. En tout cas, c'était ce qui ressortait de son discours alors qu'elle détaillait le nombre de personnes qui avaient été présents à ce fichu repas qui l'avait mise dans tous ses états. Schäffer écoutait attentivement en la gardant contre lui, sentant qu'elle frissonnait encore de la descente que procurait la drogue une fois les pires moments traversés. Elle ne devait pas se rendre compte de son côté qu'elle avait échappé de peu au pire: non, Williams agissait comme s'il était question d'un quotidien parfaitement banal et Ludwig avait la sensation que c'était plus ou moins le cas. Il était pour le moins triste de s'en rendre compte maintenant alors qu'elle évacuait sa haine sur son patriarche sans qu'il ne puisse réellement comprendre ce qui clochait chez lui, Ludwig n'avait que trop peu d'éléments sur leur vie de famille. Il la laissa dire, il la laissa même quitter ses bras avec une douleur évidente collée aux traits parce qu'elle comprenait sûrement qu'elle avait fait preuve de vulnérabilité avec lui en se perdant entre ses bras. Il fallait qu'elle s'en défende, Ana, qu'elle remette la faute sur lui d'une manière ou d'une autre parce qu'elle ne ressentait jamais la moindre faiblesse, principe de base. "Si seulement c'était aussi simple, hein?" Si l'affection, l'amour et tout ce qui liait les êtres humains entre eux était si transparent, il n'y aurait probablement pas de telles crises qui se passeraient dans des zones désaffectées. Ludwig finit par se relever, voyant Ana lutter avec le coffre de sa voiture. "Une bombe nucléaire de quelle type?" Il se posta juste derrière elle et appuya avec une certaine force sur l'ouverture du coffre, sentant que le tout cédait sous la pression. "Tu cherches quoi là dedans, exactement?" Pourvu que ce ne fut pas une autre dose de drogue ou une carabine pour en finir avec elle-même parce qu'il la sentait particulièrement démunie à ce moment-là et c'était quelque chose qui aurait dû l'effrayer mais Schäffer ne se courbait que très peu face aux douleurs d'autrui. "Tu vas les revoir?" Est-ce qu'elle avait le choix? Autant que lui, oui, lui qui parlait encore à ses parents malgré tout. Il essaya de sourire en conservant ses yeux dans les siens, ne cherchant pas à lui faire dire toute la vérité mais seulement ce qui lui permettrait d'évacuer une once de ses émotions négatives. Si seulement c'était possible. |
| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 22:31 | |
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Better off dead
Elle s’énerve contre le père, la base du problème, la racine pourrie de cette famille en putréfaction. En plus d’avoir insulté tout le monde et d’avoir balancé le plus gros secret de famille qu’on puisse imaginer, il avait ressorti à Ana le discours qu’il lui a tenu toute sa vie, la faisant sortir pour de bon de ses gonds. Elle les a fui, elle est partie à l’autre bout du monde pour s’éloigner de ses parents et il faut qu’il vienne mourir dans ses pattes maintenant. "Une bombe nucléaire de quelle type?" Putain, mais s’il savait ! Si le monde savait ce qu’il s’était passé entre les murs des demeures des Williams… Et après tout, ce n’est plus un secret et de toutes façons personne ne lui a demandé de le conserver, personne ne lui a fait confiance comme toujours. De toutes façons, si on lui avait dit la vérité, elle se serait insurgée que Damon soit gardé dans l’ignorance de ses propres origines. S’acharnant sur le coffre alors que Schäffer la rejoint, elle répond : « Le genre de bombe qui fait qu’mon neveu a appris qu’son père n’est pas son père. Que ce connard de Saül a volé l’gosse et que le vrai père, c’est mon autre frère, Auden. » Est-ce qu’il a réussi à suivre ? Parce qu’avec son esprit un peu brumeux, Ana n’est même pas sûre d’avoir expliqué correctement et de ne pas s’être perdue. La rage lui monte aux joues, les larmes de furie débordent de ses yeux et elle les essuie aussitôt, voulant camoufler toute trace de faiblesse comme toujours.
Ludwig ouvre le coffre. "Tu cherches quoi là dedans, exactement?" Elle ne lui répond pas tout de suite, elle se penche à l’intérieur et farfouille parmi le bordel qui s’y trouve. Bouteilles d’alcool vides, canettes de bière vides, une couette et un oreiller, toujours là depuis l’époque où elle vivait dans sa voiture, des vêtements, puis finalement, elle saisit la batte de baseball qu’elle cherchait. Elle appartient à Damon, elle lui a bien proposé de s’équiper de cet outil pour venir passer ses nerfs sur n’importe quelle objet brisable avant de se barrer du restaurant mais il n’a pas voulu l’accompagner. S’il était parti avec elle, probablement qu’ils seraient en train d’insulter les Williams en pétant des trucs dans une décharge et qu’Ana n’aurait pas fait ce qu’elle a fait. Mais Ana ne pense pas à ce qu’elle a fait, ni à ce qui aurait pu arriver si elle n’avait pas appelé Schäffer, elle brandit la batte : « J’cherche ça ! ». Elle commence à s’éloigner d’un pas peu assuré, laissant le coffre béant. De toutes façons, elle ne compte pas trop s’éloigner. "Tu vas les revoir?" Ce n’est pas comme s’ils se voyaient toutes les semaines, ils passent d’ailleurs le plus clair de leur temps à s’éviter, surtout depuis l’accident de voiture avec Saül. Puis l’ultimatum d’Auden. « Peut-être qu’ils sont en train de s’entretuer et qu’il restera plus personne… C’est p’t’être le meilleur scenario possible. » Qu’ils crèvent tous… Elle ne le pense pas vraiment, ou peut-être que si. Elle a vu ses frères s’attaquer violemment devant le restaurant, elle a pris la sortie latérale pour fuir tout ça, tout ce bordel, mais est-ce qu’ils se sont arrêtés à temps cette fois ?
Ana s’avance dans la ruelle sombre, un cul de sac entouré de bâtiments désaffectés aux vitres déjà fendues et brisées. Elle a les doigts crispés sur l’arme, la colère lui fait l’effet de lave en fusion dans ses veines, elle a mal aux mains mais elle s’en moque, elle l’occulte. Elle balance un coup dans une vitre qui s’effondre en une pluie de bris de verre. Ses mains brûlent mais elle s’en fiche et frappe la vitre à côté, prenant son élan, trop d’élan. Ses gestes désordonnés et mal coordonnés ne lui permettent même pas de viser correctement la surface en verre. La batte frappe le mur, ses mains meurtries et douloureuses lâchent l’arme sous le choc. Celle-ci tombe par terre et ce sont ses bras qui plongent en avant et frappent les morceaux tranchants de verre. Elle est entaillée et la colère qui l’anime ne fait que redoubler. Elle ne peut même pas passer ses nerfs correctement ! « AH PUTAIN DE BORDEL DE SAC A BITES DE MERDE ! »
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| | | | (#)Dim 22 Nov 2020 - 22:47 | |
| Elle était imprévisible, Ludwig le savait depuis les premières secondes de leur rencontre, de cet air méfiant qu'elle conservait bien ancrée sur ses traits dès qu'elle se trouvait face à lui. Le grand brun avait conscience de la femme qu'elle était, de tous les efforts qu'il allait falloir déployer pour pouvoir s'en sortir plus ou moins bien avec Ana. Il était clair qu'elle n'allait pas se laisser approcher aussi aisément et Schäffer pouvait au moins comprendre cette décision, de toujours faire attention à qui on parlait de soi car un secret n'était jamais aussi bien gardé que par soi-même. A ce sujet, l'allemand était un véritable spécialiste: il ne parlait d'ailleurs jamais de lui et ce ne serait pas cette nuit-là qu'il commencerait parce qu'il était question de la jeune Williams, de celle qui venait d'apprendre le pire secret familial de tous les temps. Durant une longue minute, Ludwig resta consterné, sûrement parce qu'il n'était pas tout à fait certain d'avoir compris ce que voulait dire Ana. "Tu veux dire que l'oncle est en fait le père? Qu'est-ce que... Ah ouais, ta famille, ça a l'air coton." C'était clairement un euphémisme parce que Ludwig n'avait jamais entendu parler d'une telle histoire, ce ne devait pas être courant le vol de marmots au sein d'une seule et même famille. Pourtant, il en fallait beaucoup pour déconcerter l'éducateur: à croire que Anastasia avait un don particulier en la matière, elle qui n'avait pas l'air de s'inquiéter de soin état d'il y avait quelques minutes encore, toute pimpante qu'elle était en s'armant d'une batte trouvée dans le bazar de son véhicule et Ludwig se mit à déglutir, clairement apeuré de ce qu'elle était capable de réaliser dans un tel contexte. "J'en doute un peu, tu sais." Il y aurait toujours quelqu'un de sa famille pour la ramener sur Terre, ou en enfer justement, Ludwig ne pouvait pas tant juger la question. Il en resta donc là, suivant la jeune femme un peu plus loin, elle qui tenta par tous les moyens de casser une vitre avec sa nouvelle arme mais elle ne réussit qu'à se blesser toujours un peu plus. Schäffer s'approchait tout doucement d'elle au moment où la batte tombait à terre, certainement qu'elle allait avoir mal et il n'était pas un spécialiste des blessures de ce type mais il allait une nouvelle fois essayer de gérer la situation avec le peu de compétences qu'il avait. "Je peux?" Demanda t-il alors qu'il montrait à Anastasia qu'il comptait attraper sa main pour regarder si un bout de verre était entré sous sa peau. "Il aurait peut être fallu que je choisisse de devenir infirmier avec toi... Je crois que tu peux plus rien taper avec cette main-là ce soir. Un sac de boxe avec l'autre, peut être mais va savoir si tu vas pas te la casser." Il se mit à lui sourire en ne sachant pas tellement si sa plaisanterie valait le coup, il n'avait pas tant d'alternatives au final. "Il faudrait que j'ai un peu de matos pour nettoyer ça alors peut être qu'on devrait pas rester là." Aucune idée d'où ils pourraient réellement aller pour aider Ana, Ludwig, de toute évidence, s'attendait toujours au pire. Mais de là, peut être, que le meilleur pourrait naître. |
| | | | (#)Lun 23 Nov 2020 - 21:19 | |
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Better off dead
Énoncer à voix haute les révélations de la soirée rend le tout encore plus incroyable, comme si Ana vivait dans un épisode perpétuelle des feux de l’amour ou d’un autre soap opéra aux rebondissements scénaristiques douteux. Mais pourtant, c’est la vérité. L’éducateur met quelques instants à assimiler l’information, pas étonnant. "Tu veux dire que l'oncle est en fait le père? Qu'est-ce que... Ah ouais, ta famille, ça a l'air coton." Quel bel euphémisme. C’est coton chez les Williams dis donc, je dirais même plus, c’est pas folichon ! Mais non, c’est pas coton, c’est juste putain de chaotique ! « Une bande de sacs à merde. En coton les sacs, si t’y tiens... ». Au moins Schäffer se montre utile et ouvre le coffre pour qu’Ana puisse mettre la main sur la batte de Damon. Ana a déjà occulté, semble-t-il, qu’il s’est montré autrement utile en venant lui sauver la vie. Si on lui demande de raconter cette soirée, elle n’utilisera probablement jamais ces mots, elle avait fait un bad trip tout au plus. C’est beau une telle capacité à se mentir à soi-même. Elle s’imagine sa famille décimée par leur tendance à communiquer à coup de poings (ou de vaisselle envoyée directement à la gorge, chacun son style). "J'en doute un peu, tu sais." De quoi ? Qu’elle soit débarrassée d’eux ? Ou qu’un enterrement groupé soit une bonne chose ? De toutes façons, elle ne l’écoute plus, elle a cette rage qui lui donne l’impression que sa cage thoracique va voler en éclat à chaque inspiration. Elle veut décharger cette énergie destructrice et puisque les substances n’ont pas suffit, il ne lui reste que la bonne vieille méthode d’exploser des trucs en poussant des cris bestiaux.
Ce n’est pas la première fois qu’elle évacue sa frustration ainsi. Mais là, dans cet état second, c’est beaucoup moins efficace et impressionnant que ce qu’elle a en tête. C’est même ridicule et pitoyable et surtout ça ne la soulage pas du tout, ça la met encore plus hors d’elle. Elle s’entaille la main, ça n’est pas bien profond mais ça saigne bien plus franchement que ses contusions précédentes. "Je peux?" se risque-t-il en désignant sa main pour l’ausculter mais elle retire sa main. Elle est trop agacée, elle n’arrive même pas à manier une batte de baseball sans se blesser et elle ne compte pas accepter une quelconque aide. Elle n’a besoin de l’aide de personne, Ana. Elle lui tourne le dos en examinant sa main sous les timides rayons de la lune. "Il aurait peut être fallu que je choisisse de devenir infirmier avec toi... Je crois que tu peux plus rien taper avec cette main-là ce soir. Un sac de boxe avec l'autre, peut être mais va savoir si tu vas pas te la casser." Il essaye d’être marrant apparemment. Ou il essaye de limiter les dégâts ? Mais Ana s’en moque de l’état de ses mains, elle a envie de foncer contre la façade poings en avant, de se détruire les os contre la brique si nécessaire, tout pour se débarrasser de cette sensation d’impuissance, de cette douleur, de ce mal-être bien plus profond qu’une simple colère. Elle se contente de pousser un grognement entre ses dents serrées. Laisse-moi tranquille, ferme-là putain... Mais il ne se tait pas. "Il faudrait que j'ai un peu de matos pour nettoyer ça alors peut être qu'on devrait pas rester là." Elle se retourne vers lui, elle n’est plus sur la défensive, elle passe directement au stade offensif. « Mais tu fous quoi là, d’abord, toi ? » Elle le toise comme s’il venait de lui cracher au visage, et le ressenti n’est pas loin de ça, car il l’a vue. Il la voit dans toute sa fragilité et c’est insupportable pour Ana. Il est là parce qu’elle l’a appelée ? Non, mauvaise réponse. « Pourquoi t’as pas appelé une putain d’ambulance ou tu m’as pas balancée aux flics direct, hein ? » Il a pris des risques inconsidérés encore et pourquoi ? Qu’est-ce qu’il croit, en fait ? Qu’est-ce qu’il cherche en réalité ? « Tu veux jouer les putains de super-héros, hein ? Ou t’as cru qu’on était amis peut-être ? Mais t’es rien, putain, t’es qu’un putain de pigeon ! » Le voilà donc : son échappatoire, le réceptacle de toute sa colère. Il a beau n’avoir aucune responsabilité dans ce qui tourmente Ana, il a beau simplement vouloir l’aider, c’est lui qui s’est pointé, c’est lui qui va prendre. Elle le pousse sur le torse avec toute la force dont elle dispose, ce qui est bien peu de chose, mais l’effet de surprise le fera peut-être chanceler. « C’est quoi ton putain de problème en fait ? T’es un putain de tordu ? » Il faut bien qu’il ait un problème pour prendre de tels risques juste pour elle, il est forcément tordu pour la laisser vaquer à ses occupations, lui offrir une confiance qu’elle ne mérite pas et la sauver de ses pires instincts tout en voulant lui éviter des ennuis avec la justice…
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| | | | (#)Mer 25 Nov 2020 - 16:03 | |
| Il n'allait pas lui demander beaucoup plus que ces quelques explications, Ludwig n'ayant que trop conscience du caractère réfractaire d'Anastasia. En tout cas, elle avait l'air de retrouver toute sa tête au fur et à mesure, l'éducateur ne sachant pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose dans le fond. En effet, cela voulait aussi dire que son explosivité allait refaire surface, qu'il n'aurait plus la moindre maîtrise des événements avec quelqu'un comme elle, autant dire que Schäffer allait devoir trouver des parades parfaites en moins de dix secondes de réflexion. En un sens, tant mieux pour lui qu'il ait un instinct ravageur car il n'avait pas à se poser des centaines de questions lorsqu'il était en perte de vitesse face à un patient qui avait besoin de lui: il se contentait d'agir, en espérant que ses mots seraient suffisants, que la rage s'estomperait d'elle-même. Pourquoi cette constance dans son optimisme? Ludwig n'en avait aucune idée, c'était certainement sa seule manière de tenir quand on constatait le désastre qu'était sa vie privée. A ce sujet, il n'avait plus le moindre espoir et c'était probablement pour cette raison qu'il mettait tout en oeuvre pour ces quelques rencontres qu'il faisait dans le cadre professionnel. Il n'y avait que dans ce genre de contextes destructeurs que Ludwig se sentait utile parce qu'il en avait sauvé quelques-uns, pas forcément des centaines, tant de personnes ne désirant pas être aidées mais c'était déjà mieux que rien du tout. Dans quelle catégorie irait Ana? Il aurait aimé le savoir alors qu'elle en rajoutait un peu sur le dos de sa famille étrange, l'allemand n'osant pas répondre, juste hocher la tête face à un tel élan de haine envers eux. Il la comprenait, c'était le pire dans cette situation d'ailleurs parce que Ludwig ressentait plus ou moins la même chose pour ses parents, eux qui avaient toujours cherché à se débarrasser de leur fille, leur aîné les empêchant toujours d'agir en trouvant la parade idéale. Ce ne serait potentiellement pas toujours le cas parce que, comme sembla le dire Ana juste après, il n'était pas un super héros, il n'était déjà pas un excellent être humain mine de rien, que pouvait-il réparer? A priori, pas grand chose à cet instant précis puisque la jeune femme se mit à vociférer, retirant sa main blessée d'entre celles de Schäffer pour mieux essayer de le faire fuir. Si seulement elle en était capable... Ludwig ne lâchait jamais rien, malheureusement pour elle. "Arrête tes conneries maintenant, Williams. Fais pas ta lâche comme ça en essayant de me faire fuir parce que ça t'arrange très bien de te retrouver toute seule à te défoncer dans des ruelles sombres. Tu m'as appelé, n'est ce pas? Tu voulais que je vienne. Tu voulais que je t'aide. Alors, laisse moi faire au lieu de gueuler parce que t'as pas l'habitude qu'on s'intéresse à toi sans arrière pensée." Il se doutait que la jeune femme avait toujours cherché l'attention dans des contextes plus ou moins brutaux, une conséquence de tout ce qu'elle avait eu à traverser et que Ludwig ne pouvait pas encore totalement appréhender. "Je cherche rien du tout, OK? Je suis pas un tordu ou un abruti fini. Je t'ai promis quelque chose, je vais jusqu'au bout de l'affaire et si ça te plait pas, Ana, et bien, t'as qu'à hurler dans le vide parce que je vais t'emmener à la pharmacie pour ta main quoique tu dises. Tu fais chier mais je t'aime bien, c'est le pire." Il n'aurait pas pensé cela et quelque part, c'était quelque chose qui le faisait sourire parce qu'elle était spéciale, Ana, à comprendre, à approcher mais Ludwig appréciait le challenge, raison pour laquelle il resta campé devant elle à attendre une nouvelle attaque. Comme s'il allait la laisser déguerpir maintenant. |
| | | | (#)Ven 27 Nov 2020 - 2:55 | |
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Better off dead
La frustration, la colère, la douleur, la solitude. Elle voit tout en noir, sa tactique pour passer ses nerfs s’est avérée contre-productive et Schäffer veut se prendre pour un infirmier. Mais Ana déteste avoir besoin de lui, elle déteste l’avoir appelé. Elle déteste avoir si désespéramment besoin de connexion avec sa famille alors que, si elle se contentait de la haïr purement, elle pourrait simplement s’en éloigner pour toujours et ne jamais en souffrir. Elle les hait si intensément et pourtant, ses frères et sœur sont sa famille et elle ne peut s’empêcher de sans cesse revenir vers eux. Se prenant un mur à chaque fois, venant s’y fracasser encore et encore. Elle se déteste de ne pas avoir réussir à se blinder après tout ce temps. Elle s’énerve. Schäffer ne s’arrête pas de parler et il focalise soudain sur sa petite personne toute la rage qui pulse dans les veines d’Ana. Elle le pousse et lui hurle dessus, mais il ne flanche pas. "Arrête tes conneries maintenant, Williams. Fais pas ta lâche comme ça en essayant de me faire fuir parce que ça t'arrange très bien de te retrouver toute seule à te défoncer dans des ruelles sombres. Tu m'as appelé, n'est ce pas? Tu voulais que je vienne. Tu voulais que je t'aide. Alors, laisse moi faire au lieu de gueuler parce que t'as pas l'habitude qu'on s'intéresse à toi sans arrière pensée." A vrai dire, elle se rappelle vaguement l’avoir appelé parce qu’elle a vu son nom sur son téléphone. Le rappel du rendez-vous du lendemain. Mais la suite est assez flou, qu’est-ce qu’elle lui a dit ? Est-ce qu’elle lui a vraiment dit de venir ? « J’ai besoin d’l’aide d’personne et sûrement pas d’un raté comme toi ! » Elle a beau jeu, Ana, de le traiter de raté alors que celle qui rate tout dans sa vie c’est elle. Mais elle a besoin de lui faire mal pour se soulager, un autre trait commun à bon nombre de Williams, et pour le moment, elle ne fait que brasser de l’air. Il ne cille à aucune de ses insultes ou de ses attaques physiques et ça l’enrage encore plus.
"Je cherche rien du tout, OK? Je suis pas un tordu ou un abruti fini. Je t'ai promis quelque chose, je vais jusqu'au bout de l'affaire et si ça te plait pas, Ana, et bien, t'as qu'à hurler dans le vide parce que je vais t'emmener à la pharmacie pour ta main quoique tu dises. Tu fais chier mais je t'aime bien, c'est le pire." Mais c’est qu’il ne comprend rien à ce qu’elle lui dit. Il n’est rien pour elle, elle n’est rien pour lui, tout juste un petit projet, un challenge peut-être. Mais qu’il ne dise pas qu’il l’aime bien, il la connaît à peine, il a passé quelques heures en sa présence et c’est tout. Qu’il ne dise pas qu’il l’aime bien alors qu’il fera comme tout le monde quand les choses deviennent difficiles, il l’abandonnera. Alors autant couper le cordon tout de suite. Il ne doit rien être d’autre qu’une machine à signer un papier, il ne doit pas devenir important. Elle se met à lui frapper le torse de ses poings ensanglantés et chaque coup lui arrache une grimace de douleur mais elle ne s’arrête pas et lui crie : « Mais putain, barre-toi. Laisse-moi tranquille, putain de merde ! J’en ai rien à branler de ta soit-disant promesse, de quoi tu m’parles ? Tant qu’tu signes le putain de papier, j’en ai rien à foutre du reste ! J’en ai rien à foutre de toi ! » A bout de souffle et de forces, Ana se détourne brusquement de Schäffer, elle laisse tomber ses poings ardents de douleur et retourne vers sa voiture avec dans l’idée de s’enfermer dedans pour qu’il ne puisse pas la traîner de force dans une pharmacie. Elle n’a pas envie qu’on la soigne, elle a envie d’avoir mal et de regarder le sang couler sur sa peau déchirée et couverte d’hématomes. Elle s’engouffre sur le siège conducteur et claque la portière puis appuie immédiatement sur le loquet pour verrouiller toutes les portières. Elle a oublié qu’elle a laissé le coffre ouvert, elle ne s’en rend même pas compte d’ailleurs et elle croit bâtement son véhicule hermétique à toute intrusion. Elle se penche sur le fauteuil passager et y récupère le sachet de Kétamine en poudre qu’elle agite devant la vitre fermée à l’intention de Schäffer, elle lui adresse un doigt d’honneur sanguinolent puis lui fait signe de partir et de la laisser. Juste une petite dose, juste de quoi retourner au pays du néant, juste de quoi enterrer toutes ces émotions trop violentes, trop douloureuses. Elle ne prête plus attention à Ludwig déjà, elle s’attend pourtant à ce qu’il se prenne pour superman et tente de péter une vitre, alors elle ne perd pas de temps et verse la poudre sur le petit plateau en métal et commence à aligner son rail du bout du doigt. C’est comme on dit, si la descente est si dure, alors autant ne jamais la laisser survenir et rester high pour l’éternité. Y en a qui l’ont fait, d’après ce que dit la légende.
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