Elle trépigne à l’entrée de l’appartement, elle s’énerve toute seule, elle agit comme un enfant stressé alors qu’elle n’a justement aucune raison de l’être alors qu’elle se sent bien mieux ici que nulle part ailleurs - quand bien même elle sait qu’elle ne devrait pas ressentir de telles choses. Elle a entendu le tiroir s’ouvrir parce qu’elle connaît le bruit de chaque chose, dans cet appartement. Elle sait à partir de quel point la porte grince lorsqu’elle s’ouvre, elle sait que le jet d’eau fonctionne mal lorsqu’il est allumé au plus faible. Elle sait que la machine à café fait toujours un bruit d’enfer. Elle connaît tout un tas de trucs qui jamais ne lui serviront, au final, si ce n’est peut être aujourd’hui alors qu’elle sait qu’il est en train de lui chercher ses affaires et qu’elle n’a pas à attendre bien plus longtemps.

Quand il revient, il sent le propre, il sent le café, il sent les croissants. Il a de nouveau ce regard d’adulte et non plus celui de petit con. Il est le premier Matt qu’elle a connu, son patron devenu ami. « Bonne journée. » Son patron qui a toujours, toujours été bon avec elle, peu importe ce qu’elle peut prétendre lors de ces instants où elle est énervée contre lui pour une raison ou pour une autre. Il n’aurait jamais continué s’il avait su qu’elle ne voulait pas jouer ; ça aussi elle le sait et c’est une des raisons pour lesquelles elle n’a aucun mal à prendre une plus large inspiration lorsqu’il l’embrasse sur le front.

Charlie aurait pu s’enfuir une fois ses biens entre ses mains mais elle n’en a nullement envie. Elle joue à la femme forte et indépendant, à celle qui sort les griffes et les crocs dès qu’elle le veut parce qu’elle le peut toujours mais ce n’est pas elle, tout ça. Elle n’est pas inquisitrice, elle n’est pas mauvaise. Elle ne joue pas avec le feu par simple plaisir de se brûler. Elle fait tout ça parce que c’est Matt et c’est lui qui l’intéresse. C’est avec lui qu’elle aime se sentir vivre et tout oublier, parce que le reste du monde ne la comprend pas et parce que la seule exception à cette règle, c’est Léo. Léo qu’elle aime plus que tout encore, Léo qu’elle ne veut pas aimer de trop de peur de lui faire du mal à son tour.

Matt, à qui elle sait avoir fait du mal aussi. Matt, autour de qui elle vient désormais passer ses bras alors qu’elle retient ses présents entre ses mains fermées. Sa tête se repose à nouveau près de son cou alors qu’elle ne dit rien de plus, ne fait rien non plus. Paupières closes, rythme cardiaque calmé, elle s’excuse à son tour dans un silence parfait. La jeune femme reste dans la même position pendant de longues secondes avant de l’embrasser une dernière fois, profitant de l’intimité pour poser ses lèvres contre les siennes et finalement franchir le pas de la porte pour cesser ce jeu qui n’en a que le nom. Pour aujourd’hui.