Un plaid dans une main, un autre dans l’autre main, je n’arrive pas à me décider. J’adore faire du shopping pour les décorations, en particulier depuis que je viens d’emménager dans mon propre appartement. Ca me fait bizarre de ne plus habiter chez Isaac, d’avoir à nouveau un appartement à moi. Un appartement que je partage avec mon meilleur ami, Dorian, mais un espère qui m’appartient vraiment. Cela fait des années que ce n’est pas arrivé. D’abord j’ai vécu avec David, puis ensuite je suis partie chez mon frère et dans les deux cas, à part la chambre à coucher, je n’ai jamais vraiment pu décorer à mes goûts. Avec Dorian, je n’ai pas ce problème. Mon meilleur ami m’a laissé choix complètement libre pour décorer notre appartement, « tant que cela ne fait pas trop girly » il avait précisé. Cependant, il me connaît, il sait que je ne suis pas la fille qui ferait une décoration tout en froufrou et dans les couleurs roses barbies. Je me perds quelques secondes la tête relevé vers les étagères du haut et c’est en baissant la tête que mon regard s’arrête sur un visage familier. Indécise, je finis par mettre les deux plaids dans le caddie. Après tout, nous sommes deux à la maison, alors si l’un ne plaît pas à Dorian, ça serait le mien. Une fois cela fait, je me dirige vers le rayon des coussins. Je me perds quelques secondes la tête relevé vers les étagères du haut et c’est en baissant la tête que mon regard s’arrête sur un visage familier.

Shiloh. Cela fait des années que je n’ai pas vu la blonde, que je ne l’ai pas croisé et que nous n’avions même échangés de messages ou d’e-mail. Au début de l’année 2018, quelques mois après mon emménagement avec David, nous avions perdu contact, et elle est une des rares personnes que je n’avais jamais recontacter l’an dernier, après le procès. Shiloh n’a jamais aimé David, dès la première fois où je lui avais présenté mon petit ami. J’avais appris qu’elle était partie s’installer à Sydney, et je suppose que je m’en suis un peu servie comme excuse pour ne jamais reprendre contact. Shiloh a pourtant toujours été quelqu’un d’important dans ma vie, elle avait été ma meilleure amie pendant tellement d’années que sa présence m’a toujours manquée, d’une manière ou d’une autre. « Shiloh ? » Je demande comme pour avoir une confirmation alors que je suis certaine que c’est elle. Elle n’a pas changé en presque trois ans, pas vraiment. Je lui adresse un sourire. « Je…Wow ca fait une éternité. » Et je suis bien consciente que c’est en grande partie ma faute. « Comment tu vas ? Je croyais que tu vivais à Sydney… » J’ai envie de venir la serrer dans mes bras, parce qu’elle m’a manqué il faut bien l’avouer, mais tellement de temps à passer que je n’ose pas. « Ca m’fait plaisir de te voir… » Je finis par lui avouer.

@Shiloh Atkins

La tête perdue dans mes pensées, j'arpente les rayons du magasin sans réellement prêter attention au contenu des étagères. Tout me semble fade alors que je zigzague entre les allées, l'esprit complètement tourné vers Sydney. Hier, à trois reprises, Lawrence a tenté de m'appeler. Il a fini par laisser deux messages vocaux sur ma messagerie et un bon nombre de textos également. Je n'ai rien écouté, je n'ai rien lu, mais depuis mon téléphone semble peser une tonne au fond de la poche de mon jean. Je ne pense qu'à cela, j'en tremble presque à l'idée qu'il vienne me chercher à Brisbane. Je devrais écouter ce qu'il voulait me dire pour me préparer à une éventuelle visite de sa part, mais je n'en ai pas la force. Je n'ai même pas su trouver les mots pour en parler à Lucia qui a pourtant été si compréhensive depuis le début. Elle seule pourrait comprendre, mais je suis trop inquiète à l'idée de réveiller chez elle de vieux souvenirs qu'elle préférerait voir rester à jamais au fond d'un tiroir. Alors, je garde tout cela pour moi et je cherche à m'occuper malgré la peur qui me tiraille l'estomac. Mon envie balance entre ce désir de rester dehors pour m'échapper mentalement et un besoin instinctif de rester plaquer dans l'appartement de la jeune femme. Ma présence dans ce magasin semble être un compromis presque criant même si je sais d'avance qu'en sortant d'ici, c'est à plat ventre que je rejoindrais l'appartement qui me sert de cocon de protection dernièrement. Au fond de moi, je sais que Lawrence n'entrera pas dans un magasin comme celui-là qu'importe sa motivation. Je gagne du temps, tout en cherchant un cadeau pour Lucia, quelque chose pour la remercier de son accueil chaleureux.  

La tête perdue dans mes pensées, je sursaute comme jamais lorsque quelqu'un prononce mon prénom dans mon dos. Si la voix n'avait pas été aussi féminine, je crois que j'en aurais laissé échapper la tasse entre mes mains pour mieux m'enfuir en courant. « Je…Wow ça fait une éternité. » Et seulement, je réalise qu'il s'agit de quelqu'un que je connais. Quelqu'un que je connais très bien. « Oakley ? » Il me faudra encore un instant pour prendre pleinement conscience que c'est bel et bien la jeune femme qui se tient face à moi. « Comment tu vas ? Je croyais que tu vivais à Sydney… Ça m'fait plaisir de te voir… » Un sourire tout ce qu'il y a de plus poli se dessine sur mes lèvres alors que déjà, j'aimerais trouver une excuse pour disparaître. Je ne suis pas prête pour tout ça, retrouver des gens que j'ai connu avant. « Je... Je suis rentré il y a quelques jours seulement. » Est-ce que ce sera définitif ? Je n'en sais rien malheureusement. « C'est vrai que ça fait longtemps... » Bien avant qu'elle ne disparaisse avec son copain, eux qui ne vivaient que par le prisme de leur couple. Elle nous avait tous oublié Oakley, on n'était plus assez bien à ses yeux du moment où elle est partie vivre avec David et je n'avais jamais cherché à reprendre contact. Alors désormais, face à elle, le cœur battant un peu trop fort de la frayeur que je m'étais faite toute seule, je ne sais quoi lui dire. Comme si je ne savais même plus entretenir une conversation. « Je cherche un cadeau pour une... » Lucia n'est pas une amie. « Une connaissance. » que je finis par balbutier timidement comme pour justifier ma présence ici. Toujours se justifier de tout, c'était devenu mon quotidien.

Je ne m’attendais pas à tomber sur Shiloh en venant ici chercher des décorations pour mon nouvel appartement. À vrai dire, je crois que je ne m’attendais pas du tout à revoir la jeune femme un jour. Si j’ai repris contact avec beaucoup de personne après avoir quitté David, la jeune femme était partie de Brisbane et je n’avais jamais vraiment cherché plus loin. Les années sont passées et nous n’avons jamais repris contact, même si il m’arrive pourtant assez souvent de penser à la jeune femme, à celle qui a longtemps été ma meilleure amie et avec qui j’ai toujours eu tellement en commun. Alors il me faut quelques minutes pour réaliser que c’est bien elle, mais elle n’a pas changé Shiloh, elle est toujours aussi belle. Il y a cependant ce petit quelque chose dans son regard, cette petite frayeur dans le fond, celle qui m’a habité pendant de très longs mois, mais je n’y prête pas trop attention. Cela me fait plaisir de la voir, après tant de temps et je me dis qu’après tout, il n’est peut-être pas trop tard pour une seconde chance. « Oakley ? » J’hoche la tête, comme pour lui confirmer que c’est bien moi et lui adresse un sourire.

Je ne peux alors m’empêcher de faire un peu ma curieuse, de lui demander ce qu’elle fait à Brisbane, parce qu’aux dernières nouvelles que j’avais, elle vivait à Sydney. « Je... Je suis rentré il y a quelques jours seulement. » Une nouvelle fois, j’hoche la tête. Quelque chose de trop me familier émane de la blonde face à moi, quelque chose qui me donne un peu des frissons mais je suis incapable de mettre le doigt dessus. « C'est vrai que ça fait longtemps... » Une pointe au cœur et je lui adresse un sourire désolée. Je sais bien que si nous avions perdu contact il y a quelques années c’est ma faute, à cause de ce que je vivais cette année-là. Shiloh n’avait jamais aimé David, dès le début et il faut croire qu’elle avait eu raison de ne pas lui faire confiance. « Je cherche un cadeau pour une... » Elle semble chercher ses mots. « Une connaissance. » « Tu veux un peu d’aide ? Peut-être que tu pourrais m’aider aussi un peu, je cherche des décorations pour mon nouvel appart. » Je n’ai pas envie que l’on se sépare tout de suite à vrai dire, je n’ai pas envie de voir mon (ancienne ?) amie s’éloigner déjà. Et sans vraiment réfléchir, je lui donne ses explications, que je lui aurais sûrement dû il y a des mois. « Tu sais je… Je suis désolée, d’avoir coupé un peu les ponts comme ca il y a quelques années… J’ai jamais voulu mais les choses étaient… » Je cherche mes mots à mon tour. Si parler de David, de ce que j’ai vécu à cause de lui est un peu plus facile à présent, cela n’en reste pas moins douloureux. « Disons que je vivais des choses compliquées et je ne savais pas comment y faire face… » Je finis par simplement lui dire. « C’est peut être un peu tard pour ca, mais je tenais à te le dire… Et, enfin si tu veux, tu pourrais venir dîner à l’appartement à l’occasion. » Je lui propose. J’ai un peu peur qu’elle ne m’envoie balader, et je l’aurais sûrement mérité, mais je n’ai rien à perdre à lui proposer.

Je ne sais pas à quoi, je m'attendais en venant faire des achats dans un lieu aussi fréquenté. C'est la même rengaine depuis mon retour comme un cercle vicieux duquel je ne saurais réellement m'échapper. Je refuse de rester enfermé dans l'appartement de Lucia tout autant que je refuse de croiser des personnes qui faisaient partie de ma vie d'avant, ici à Brisbane. Je voudrais rester seule, mais je ne le supporte pas, alors je sors et je croise quelqu'un. À croire que le monde à décidé de me narguer sans cesse. Cette fois, c'est Oakley qui croise mon chemin. Autant dire que cela fait bien longtemps que je n'ai pas vu la jeune femme et que je n'avais pas pensé à elle depuis un moment. J'en ai honte, parce qu'elle était ce que j'avais de plus proche d'une meilleure amie avant que nos deux vies ne deviennent diamétralement opposées. Et voilà que l'on ose à peine se parler et que je suis bien incapable de lever le regard dans sa direction. J'ai du mal avec les interactions ces derniers temps, comme si on allait me le reprocher dans la seconde. Alors je balbutie quelque peu, lui indique que je cherche un présent pour Lucia et attends désespérément qu'elle passe son chemin. « Tu veux un peu d’aide ? Peut-être que tu pourrais m’aider aussi un peu, je cherche des décorations pour mon nouvel appart. » Je voudrais lui dire que non, que je peux me débrouiller seule, mais ce n'est pas quelque chose que je sais faire, dire non. Alors je bégaye un peu plus, je crois que je commence même à rougir. « Euh... Si tu veux. » En réalité, je pensais acheter une bougie parfumée et vite partir de là, mais trop polie pour dire quoique ce soit, je me contente de lui sourire un peu avant de prétendre m'intéresser au contenu d'une des étagères face à moi. « Tu sais je… Je suis désolée, d’avoir coupé un peu les ponts comme ça il y a quelques années… J’ai jamais voulu, mais les choses étaient… Disons que je vivais des choses compliquées et je ne savais pas comment y faire face… » Je hausse un peu les épaules, ne sachant trop quoi lui répondre. « Tu vivais ton histoire, c'est tout. » C'est lui qui accaparait tout son temps, c'est avec lui qu'elle voulait passer du temps. Je devrais comprendre, mais je suis bien incapable de reconnaître le schéma qui se dessine sous mon nez. Le même que j'ai vécu avec Lawrence. « C’est peut-être un peu tard pour ça, mais je tenais à te le dire… Et, enfin si tu veux, tu pourrais venir dîner à l’appartement à l’occasion. » Une nouvelle fois, je hausse les épaules. « Oui, peut-être. » Pourquoi je me sens aussi tendue ? Pourquoi j'ai constamment envie de fuir dès que l'on me propose quelque chose ? « Je sais pas vraiment combien de temps, je vais rester. » Est-ce que je vais repartir à Sydney ? Je n'en sais rien. Tout me semble si flou et je voudrais qu'on me laisse un peu tranquille parce que j'ai la sensation que ma tête va exploser. C'est juste réellement compliqué et je crois que tout m'étouffe. « Mais dis moi, tu cherches quoi? » Tout pour me changer les idées, vraiment.

Cela me fait bizarre de revoir Shiloh après tant d’années. C’est si familier et pourtant tout semble avoir tellement changé entre nous. J’ai l’impression de retrouver ma meilleure amie, mais d’avoir également une étrangère devant moi. Elle n’a pas changé physiquement, pas vraiment et je l’aurais reconnu entre mille. Il n’y a que ce petit quelque chose en plus, ou en moins ? Ce petit quelque chose qui me perturbe, mais sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt. On dirait qu’il y a quelque chose d’éteint en elle, quelque chose qui semble faire qu’elle a l’air d’hésiter quand elle se retrouve face à moi. J’ai presque l’impression que si elle le pouvait elle partirait en courant, sans même un regard en arrière, mais elle n’ose pas. Elle fuit un peu mon regard. « Euh... Si tu veux. » J’ai cette impression de m’imposer et pendant l’espace d’un instant j’ai l’impression de me voir moi, il y a de longs mois maintenant. « Je veux pas te forcer… » Après tout, peut-être qu’elle est comme cela simplement parce qu’elle n’a pas envie de me voir, peut être qu’elle n’a pas envie de me parler, ou de renouer et je ne pourrais pas vraiment lui en vouloir. Après tout, c’est moi qui me suis éloigné, c’est moi qui n’ai pas sur gérer tout ce qu’il se passait dans ma vie et demander de l’aide plus tôt. C’est d’ailleurs pour cela que je m’excuse, d’avoir autant pris mes distances. Je tente de lui expliquer un peu, sans pour autant rentrer dans les détails, parce qu’elle n’a sûrement pas envie de connaître toute ma vie. « Tu vivais ton histoire, c'est tout. » Je lui adresse un sourire timide. Une histoire que j’aurais préféré ne jamais avoir vivre, mais qui m’a rendu comme je le suis aujourd’hui, plus forte.

Prenant mon courage à deux mains, je lui propose alors de venir diner à la maison un soir, de lui proposer que l’on rattraper un peu le temps perdu. Mais encore une fois, elle semble hésiter, et j’ai l’impression qu’elle n’en a pas envie, mais qu’elle répond juste oui par politesse. « Oui, peut-être. » « Si… Si tu as pas envie, je comprends, tu sais. » Je suis la seule à blâmer dans l’histoire et même si j’ai eu la chance de pouvoir renouer avec beaucoup de gens, peut être que ca ne serait pas le cas avec Shiloh. « Je sais pas vraiment combien de temps, je vais rester. » J’hoche la tête, sans rien ajouter. « Mais dis moi, tu cherches quoi ? » Alors que tout me faisait croire qu’elle voulait jusqu’à maintenant, elle semble soudain changer d’avis. « Oh euh… Un peu de tout, pour décorer mon nouveau chez moi. Je n’ai rien vraiment gardé de mon ancien appartement. » Cela que j’avais partagé avec David. J’avais préféré tout revendre, tout changer pour ne pas avoir ce rappel constant. Les choses que j’ai gardées de cette ancienne vie sont rare. « Des trucs à mettre aux murs, des coussins, des lumières, ce genre de chose. » Je lui adresse un sourire. « Je suis vraiment contente de te voir tu sais… » Je lui avoue.

C’est presque comme si on ne se connaissait pas toutes les deux. Comme si nos six ans d’amitiés n’avaient jamais eu lieu et qu’en réalité nous ne sommes que de lointaines connaissance. C’est tellement gênant que je voudrais juste pouvoir disparaître en claquant des doigts. J’ai beau cligner des yeux plusieurs fois, je suis toujours dans ce magasin, coincé entre deux allées de coussins fluffy et avec cette fille en face de moi, celle que je pensais connaître et qui n’est presque qu’une inconnue désormais. Elle tente de justifier son absence, le fait qu’elle a choisi David avant nous tous, mais je l’entends à peine. C’est trop tard, les années sont passées, c’est pas vraiment ce qui m’importe désormais. Je voudrais sortir de cette situation, mais c’est plutôt compliqué. Je n’ai jamais su tourner le dos aux gens volontairement, je ne sais pas être méchante. Ce n’est pas dans ma nature.

On tente de discuter, mais tout semble si bizarre. Je ne sais pas vraiment lui dire que non, je n’ai pas vraiment envie d’aller dîner avec elle, mais en même temps, j’aimerais tellement pouvoir renouer avec elle. Je me sens perdue dans une situation aussi simple et tout cela me donne uniquement envie de pleurer au milieu de cette allée. Pourtant, je tente de garder un air sérieux. « Si… Si tu as pas envie, je comprends, tu sais. » « Non, non, c’est pas ça… » que je marmonne doucement avant de baisser le regard. Je ne sais quoi lui dire de plus en réalité. Je vais encore bégayer comme une idiote, alors je préfère changer de sujet de manière bien plus radicale. Parler de ce qu’elle cherche dans ce magasin, c’est simple, non ? C’est même un jeu d’enfant comparer aux restes, soyons honnête.

« Oh euh… Un peu de tout, pour décorer mon nouveau chez moi. Je n’ai rien vraiment gardé de mon ancien appartement. » Je hoche la tête et commence à regarder un peu autour de nous pour voir ce qui pourrait éventuellement être intéressant pour elle. Il y a vraiment pleins de belles choses dans cette boutique. « Il te faut des bougies, c’est toujours ce qu’il faut dans un appartement. » Puis c’est aussi un peu ce que je cherchais pour Lucia. Une grosse bougie dans un beau présentoir qui sentirait une odeur rassurante, qui serait aussi sereine et calme que la jeune femme qui m’accueillit sans jugement. « Des trucs à mettre aux murs, des coussins, des lumières, ce genre de chose. » « Je crois qu’ils ont de joli tableaux ici aussi. » Je n’ai pas mis les pieds dans ce genre de magasin depuis un moment, mais je peux encore prétendre m’y connaître un peu après tout, non ? « Je suis vraiment contente de te voir, tu sais… » Son aveu me laisse sans voix, mais je ne peux m’empêcher de lui sourire malgré tout. « Ca me fait plaisir aussi. » Parce que cela reste la vérité, mon amie m’avait manqué. « Tu m’as manqué. » que je murmure doucement avant de l’entraîner dans une autre allée, prétendant que tout va bien, une fois encore.

Il y a quelque chose de tellement différent chez Shiloh, quelque chose que je devrais surement reconnaitre, mais pourtant, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Elle a l’air plus renfermé, plus distante et je mets ça sur le fait que nous ne nous sommes pas vus depuis des années, que notre amitié n’est plus ce qu’elle était. Il m’arrive encore de me sentir coupable d’avoir repoussé les gens autour de moi, et quand je me retrouver face à Shiloh, je ne peux m’empêcher de ressentir un peu de ça, en plus de ce pincement au cœur. Je ne me rends compte que maintenant à quel point elle m’a manqué, à quel point j’aimerais que les choses puissent redevenir comme avant. Alors je tente de lui expliquer maladroitement, de mettre des mots sur ce que j’ai vécu avant de lui proposer de venir un jour dîner à l’appartement. Je n’ai pas vraiment réfléchi en lui proposant cela, je n’ai pas pensé qu’elle n’a peut-être pas envie de renouer, pas envie de redevenir amie avec moi. Je remarque son regard hésitant, perdu, ses yeux qui fuient un peu les miens, tout les signes que j’avais et je suis pourtant incapable de mettre le doigt dessus. « Non, non, c’est pas ça… » A-t-elle peur de quelque chose ?

Mais avant que je ne puisse reprendre la parole, dire quoi que ce soit sur la situation, elle change complètement de sujet et me demande de quoi j’ai besoin. Il me faut quelques secondes pour secouer un peu la tête et lui répondre que je lui à la recherche de décorations pour mon nouvel appartement. Shiloh a toujours eu un bon sens pour la décoration, pour les couleurs, cela lui vient de sa passion pour la fabrication de vêtements. « Il te faut des bougies, c’est toujours ce qu’il faut dans un appartement. » J’hoche la tête. Il est vrai qu’en plus j’adore cela, alors c’est une idée parfaite. « Je crois qu’ils ont de joli tableaux ici aussi. » Je dois avouer que cela fait des années que je n’ai pas mis les pieds dans un magasin de décorations, alors je la suis. Elle semble savoir un peu mieux que moi. Je finis alors par lui avouer que je suis vraiment contente de la voir, de pouvoir à nouveau discuter avec elle. Je me doute que les choses ne pourront jamais redevenir comme avant, mais au moins j’ai pu m’excuser, avoir une chance de renouer un peu avec ma meilleure amie. « Ca me fait plaisir aussi. Tu m’as manqué. » Qu’elle avoue, un peu à demi-mots mais cela me donne le sourire et me réchauffe le cœur. Ma main vient alors naturellement se poser sur son bras, comme avant pour marcher à côté d’elle.« Tu m’as manqué aussi... »

Nous nous arrêtons dans le rayon des bougies, et je regarde un peu les parfums proposés. « Tu travailles toujours dans ta fabrication de vêtements ? » Je lui demander avant de venir prendre une bougie pour la sentir. Je la repose et fais de même avec quelques autres bougies avant d’en tendre une vers la blonde. « Tu penses quoi de celle-ci ? » Je lui tends pour qu’elle sente. « J’aime bien, ca fait frais et… Reposant. »

Incapable de me lancer pleinement dans une conversation qui se veut emplie de bons souvenirs et de faux-semblant, je tente de gagner du temps. Cela tombe bien, on est dans un magasin empli de merveille qui permet de détourner l’attention de qui que ce soit. En quelques secondes, je force son regard à se balader sur les rayons plutôt que sur mon visage, obséder par l’idée qu’elle pourrait encore voir la marque qu’il a su laisser là. Elle semble surprise et un peu perdue Oakley. Elle doit penser que je lui fais payer son absence quand en réalité, je voudrais juste trouver la force de passer un temps avec elle. Est-ce qu’elle insistera de trop si on venait à passer un moment ensemble ? Est-ce que profiter de l’instant présent me ferait oublier tout ce qui se trame dans un coin de ma tête ? Sans lui laisser le temps de souffler, je l’entraîne dans un rayon puis un autre. Entre les bougies et les décorations en tout genre. Toute distraction sera bonne à prendre, le temps pour moi de faire bonne figure, le temps de ravaler ma triste pour afficher le masque de circonstances. « Tu m’as manqué aussi... » C’est acté, comme graver dans la pierre. On n’avait pas su garder contact, on c’était perdue de vue. Est-ce que cela compte réellement comme une deuxième chance ? J’en doute fortement, mais le temps d’un après-midi, peut-être, cela aura le mérite de représenter mon salut.

On flâne encore un peu, mon regard se pose sur les bougies, je m’interroge sur l’odeur qui plairait le plus à Lucia. Je m’interroge sur tout, pour ne penser à rien. J’ai besoin de cette distraction, de l’instant suspendu du temps pour souffler un peu. « Tu travailles toujours dans ta fabrication de vêtements ? » Ses questions me ramènent à la réalité, celle où je n’ai pas de travail. « J’ai fini un stage récemment, mais je pense que je vais retourner à la maison de couture de mes débuts. » Chez les Weatherton, les premiers à m’avoir pris en stage. Je n’ai pas encore eu le courage d’aller voir James, mais je compte bien tenter le coup à un moment. « Et toi, tu fais quoi maintenant ? » Parce que je ne sais même pas si elle avait continué dans la danse et le sport ou non. Je ne sais plus rien d’elle en réalité et c’est presque effrayant. « Tu penses quoi de celle-ci ? » Elle me tend une bougie aux couleurs bleutées de l’Océan. « J’aime bien, ca fait frais et… Reposant. » « Manque plus que le bruit des vagues. » que je plaisante quelque peu « Tu devrais la prendre. » que j'ajoute avant de jeter mon dévolu sur une belle bougie blanche dans un pot de décoration et à la senteur du linge propre. « Ca serait bien pour un cadeau non ? Je connais pas très bien la personne. » Je ne la connais même pas du tout, mais je fais au mieux, je lui dois bien cela à Lucia. Le silence s’étire un peu et mon regard ne cesse de se diriger à nouveau vers celle qui a pendant si longtemps été mon amie. « Tu… Tu aurais le temps pour un café ? » C’est rien un café, ça donne une chance, sans s’engager complètement.

Elle m’a manqué Shiloh, cette bouille familière, ce petit sourire, même si il y a quelque chose de différent chez elle. Mais je ne cherche pas plus loin, je ne fouille pas parce qu’au fond je crois que j’ai peur que cela la fasse se braquer et qu’elle ne parte. Je n’ai pas envie qu’elle parte, pas tout de suite, j’ai envie de passer un peu de temps avec elle, d’apprendre à la connaître à nouveau, et même si elle semble hésiter quelques instants, elle fini par accepter. Je lui avoue donc à mon tour qu’elle m’a manqué et je prends doucement son bras alors qu’elle m’entraîne vers des rayons. J’ai l’impression qu’on se donne une nouvelle chance, qu’en apprenant doucement à se réapprivoiser aujourd’hui on pourra peut-être se retrouver un peu comme avant. Alors je la suis, je regarde les rayons et je finis par lui demander si elle bosse toujours dans les vêtements. Lorsque nous nous connaissions elle était passionnée par ca, toujours à avoir des bouts de tissus un peu partout pour de nouvelles productions. « J’ai fini un stage récemment, mais je pense que je vais retourner à la maison de couture de mes débuts. » J’hoche la tête et lui souris. « Oh, c’est cool ca ! » « Et toi, tu fais quoi maintenant ? » Je me tourne complètement vers mon amie. « Je suis coach dans une salle de sport, à mi-temps. Et je fais toujours beaucoup de danse. J’ai tourné dans quelques clips vidéos cette année et ca m’a ouvert quelques portes donc j’en fais de temps en temps. Ca me plaît bien. » Je lui adresse un sourire avant de reprendre la parole. « J’ai pas encore perdu l’espoir de pouvoir vivre de la danse un jour. » Je ne baisse pas les bras, pas encore.

Arrivées dans le rayon de bougies, j’en choisi plusieurs à sentir avant de me tourner vers elle pour lui demander son avis. J’ai l’impression de revenir quelques années en arrière, quand nous passions tout notre temps ensemble. « Manque plus que le bruit des vagues. » Tout ce que j’aime. « Tu devrais la prendre. » J’hoche la tête et en glisse une dans mon cadi avant d’en prendre une autre qui me plaît. « Ca serait bien pour un cadeau non ? Je connais pas très bien la personne. » « Oui, c’est une bonne idée, c’est une odeur assez neutre. » Je devrais surement poser un peu des questions, parce que je suis curieuse, mais je ne dis rien. « Tu… Tu aurais le temps pour un café ? » Je suis un peu surprise de sa proposition alors qu’il y a quelques minutes elle avait l’air de vouloir fuir le plus rapidement possible, mais au fond je suis vraiment contente qu’elle me le propose. « Oui, oui bien sur. J’ai autant de temps que tu veux. » Je lui adresse un nouveau sourire. « Tu sais ou tu veux aller ? »

Il suffisait d’une inspiration. Un peu de temps, juste une seconde supplémentaire pour moi de trouver le rythme qui me conviendrait. Je ne voulais pas expédier Oakley dans un coin, pas alors qu’elle a été mon amie durant des années. Elle n’est pas n’importe qui, elle est Oakley. Alors j’inspire un bon coup, je replace mon sourire de surface et j’arpente les rayons du magasin en sa compagnie, en parlant de la pluie et du beau temps. C’est tout ce qui nous reste quand il faut cacher des secrets. « Je suis coach dans une salle de sport, à mi-temps. Et je fais toujours beaucoup de danses. J’ai tourné dans quelques clips vidéo cette année et ça m’a ouvert quelques portes donc j’en fais de temps en temps. Ça me plaît bien. » Je hoche la tête en souriant quelque peu. Cela ne m’étonne pas du tout qu’elle est choisie de se lancer là-dedans. « Ça ne m’étonne pas du tout que tu continues encore la danse. » Elle ne faisait que ça à l’époque, danser dès qu’elle en avait l’occasion et se moquer de moi parce que je n’ai aucun sens du rythme. « J’ai pas encore perdu l’espoir de pouvoir vivre de la danse un jour. » « Tu ne devrais jamais perdre l’espoir. » J’ai encore espoir que je pourrais vivre de la couture même si j’ai abandonné mon dernier stage qui était complètement parfait, même si j’ai totalement perdu confiance en moi. « La danse pour toi et la couture pour moi, hein ? » que je plaisante quelque peu.

On s’aventure dans l’allée des bougies et il semblerait que c’est simple de trouver notre bonheur. On choisi chacune une bougie, comme si de rien était, comme si on avait fait les boutiques ensemble il y a deux jours encore. C’est simple et je crois que c’est ce dont j’avais besoin dans le fond. Alors, sans hésiter, je lui propose que l’on aille boire un café ensemble. « Oui, oui bien sûr. J’ai autant de temps que tu veux. » Je hoche la tête souriant quelque peu. « Tu sais où tu veux aller ? » « On pourrait aller au Death Before Decaf ? » De toute manière, on finira par me retrouver. Je n’ai pas remis les pieds au café de Matt depuis mon retour et c’est un endroit qui me manque réellement. « J’ai vraiment envie d’un bon café et d’un des scones de Deklan. » C’est la meilleure chose qui soit dans cette ville, vraiment. « Et on pourrait discuter un peu. » que je propose timidement.

On se retrouve, un peu comme avant, comme si les années n’avaient pas passé et ca me fait du bien, ca me réchauffe le cœur. Elle a changé, j’ai changé, elle a vécu des choses et moi aussi durant ses années loin l’une de l’autre, mais au moins nous nous retrouvons, doucement. Les minutes passent et la conversation devient un peu plus facile un peu plus naturelle. Je lui adresse des sourires et elle me questionne sur mon boulot, alors je lui parle de mon boulot comme coach sportif et de mes avancés en danse. Je n’en suis pas encore là ou j’aimerais être mais les choses se développent, doucement et j’en suis heureuse. « Ça ne m’étonne pas du tout que tu continues encore la danse. » Elle me connaît Shiloh, elle sait à quel point la danse a toujours eu une place importante dans ma vie, à quel point cela a toujours été une partie de mon quotidien. « Tu ne devrais jamais perdre l’espoir. » Sa remarque me fait sourire et je viens reprendre doucement son bras. « La danse pour toi et la couture pour moi, hein ? » « Oui, voilà. Peut être qu’un jour on en viendra à bosser ensemble et que je porterais tes œuvres pour danser. » Je ris un peu, partant un peu la tête dans les étoiles en disant cela, mais après tout, il faut avoir des rêves dans la vie.

Une fois mon cadi un peu plus rempli, Shiloh me propose d’aller prendre un café. Si il y a quelques minutes elle semblait sur le point de fuir, la voilà maintenant à vouloir rattraper le temps perdu. J’hoche alors activement la tête et accepte son invitation avec plaisir et je lui demande où elle veut aller. « On pourrait aller au Death Before Decaf ? J’ai vraiment envie d’un bon café et d’un des scones de Deklan. Et on pourrait discuter un peu. » « Je suis partante. » Je lui réponds et c’est à mon tour de l’entraîner vers la caisse automatique. J’y passe mes articles, remplis un sac et paye avant de sortir du magasin avec mon amie. Nous marchons tranquillement jusqu’au café. « C’est comment de vivre à Sydney alors ? Je ne connais la ville qu’en tant que touriste. » Je lui demande en tournant la tête vers la blonde alors que nous pénétrons dans le petit café et allons nous assoir à une table un peu à l’écart. L’endroit est calme, seul quelques personnes sont assises à droite et à gauche. « Brisbane ne t'as pas trop manqué ? » Il faut bien avouer que je ne me vois pas vivre autre part qu’ici, dans cette ville que j’appel aujourd’hui ‘home’, ou j’ai mes proches. « Je suis contente que tu sois de retour… Même si c’est juste quelque temps. » Je lui avouer en prenant le menu pour y jeter un coup d’œil.

« Oui, voilà. Peut-être qu’un jour on en viendra à bosser ensemble et que je porterais tes œuvres pour danser. »
« Me lance pas sur le sujet, je pourrais avoir un million d’idées à la seconde. »

Elle a une silhouette parfaite pour tout un tas de vêtement, Oakley. Elle est grande et mince. En un clin d’œil, j’imagine une centaine de tissus, tout un tas de rendus différents. Quelques choses près du corps pour souligner les détails de chacun de ses mouvements, une robe fluide pour accentuer l’élan de ses jambes. C’est toujours comme cela dès lors que j’évoque ma passion. Le rêve, c’était retrouvé empiler dans un coin, les idées, c’était terni, avaient pris la poussière pour ne jamais vexer Lawrence, mais depuis quelques jours… Depuis qu’il ne respire plus constamment dans ma nuque, j’ai la sensation de retrouver cette inspiration qui faisait naître mon talent. Plus les jours passent, plus j’ai envie de coudre, de reprendre les points, de créer différemment. Je voudrais me donner une seconde chance, mais dans la minute qui suit, je me souviens de ses paroles à lui. Ce n’était que de la pacotille, des rêves d’enfant, rien qui ne pourra réellement aboutir. Je secoue la tête, baisse le regard sur mes chaussures et soupire en suivant dans le rayon suivant. C’est n’importe quoi Shiloh.

Pourtant, je cherche à me battre contre mes démons. Pourtant, je n’ai pas envie de laisser mon amie entre ces rayons. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas renoué avec ceux qui constituaient mon petit cercle. Il m’a éloigné de tout le monde Lawrence. Non, on vivait simplement notre histoire. Je n’en sais rien. C’était différent, mais les habitudes d’avant me manquent. Alors, se retrouver dans ce café, en compagnie de celle avec qui j’ai tant partagé… C’est un comme souffle différent. « C’est comment de vivre à Sydney alors ? Je ne connais la ville qu’en tant que touriste. » Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que je cherche la réponse adéquate. Je n’y est connu que les soirées pailletée et les endroits où il voulait bien m’emmener. « C’est différent. » que j’assure sans réellement épiloguer. « Tout va à mille à l’heure. » Tellement que je passe mes journées à l’attendre lui, attendre que la session d’enregistrement soit terminé, attendre qu’il veuille me donner un peu d’attention. « Brisbane ne t'a pas trop manqué ? » « Pas vraiment. » Mensonge éhonté quand à chaque week-end je voulais lui demandé de rentrer, juste pour retrouver le temps passé. « Je suis toujours bien occupé là-bas, puis Lawrence à tout un tas d’amis. » Les amis de Lawrence jamais les miens tant il a cherché à m’isoler. La seule amie que je pourrais me concéder est en réalité sa meilleure amie à lui, Chloe. « Je suis contente que tu sois de retour… Même si c’est juste quelque temps. » Je hoche la tête incapable de dire quoique ce soit de plus tant le dilemme ne cesse de me ronger. Retourner là-bas auprès de lui ? Ou rester ici ? Il me manque plus que de raison, mais à chaque seconde manqué, s’ajoute le souvenir de sa main qui heurte ma joue. Emprisonné dans des souvenirs terrifiés, je sursaute lorsque le serveur s’approche de nous, lui lançant un regard terrifié.

« Me lance pas sur le sujet, je pourrais avoir un million d’idées à la seconde. » Bien sur qu’elle a des idées Shiloh, cela ne me surprend absolument pas de l’entendre me dire cela. Je ne retiens pas un léger rire en entendant sa réponse. Elle n’a pas tant changé au final, elle a toujours l’air d’avoir la tête qui déborde d’idées lorsqu’il s’agit de fabriquer des habits, tout comme c’est mon cas lorsqu’on me demande de créer une chorégraphie. Cela fait remonter des souvenirs d’il y a quelques années, lorsque je lui servais de modèle en échange de pouvoir la trainer faire du sport ou danser avec moi. Ca a fonctionné comme cela pendant des années, et au final j’ai encore certaines choses qu’elle m’a faites dans mon placard. « Tu sais, j’ai toujours les habits que tu m’avais faits. Je les mets souvent, surtout le t-shirt. Je sais pas si tu te souviens. » Je lui dis avec un sourire sur les lèvres. Ca me fait un bien fou de retrouver Shiloh, de la retrouver comme avant que David ne débarque dans ma vie.

Elle me propose alors un café et je ne peux pas refuser. Je vais donc jusqu’à la caisse avec elle, paye pour ce qui se trouve dans mon cadi et la suit vers Death before decaf. J’ai des impressions de déjà vus, mais c’est plutôt agréable de passer du temps avec elle. On reconnecte, doucement, et dans le fond j’espère vraiment qu’on ne se perdra pas une nouvelle fois parce que je n’en ai aucune envie. Elle compte Shiloh, même après tant d’années, même après tout ce que nous avons vécus toutes les deux, elle compte beaucoup pour moi et je sais que cela ne changera surement jamais. Je m’installe à une petite table avec elle dans un coin et saisis le menu avant de lui demander comment est Sydney. « C’est différent. » J’hoche la tête. « Tout va à mille à l’heure. » Je crois que je ne pourrais pas vivre à Sydney, avoir à courir partout tout le temps. Je suis bien ici, à Brisbane. « Pas vraiment. » Me répond-elle pourtant lorsque je lui demande si Brisbane lui a manqué. Elle a du s’y faire à cette ville ou tout va trop vite, et cela doit avoir surement plus d’opportunités pour le style de job qu’elle aimerait trouver. « Je suis toujours bien occupé là-bas, puis Lawrence à tout un tas d’amis. » Je fronce les sourcils. Lawrence ? « Lawrence ? C’est ton petit ami ? » Je lui demande, ne me rappelant pas vraiment que Shiloh avait quelqu’un dans sa vie lorsque nos chemins se sont séparés. En même temps, depuis 2018 il y a dû y avoir des tonnes de choses qui ont changé. « Tu es heureuse ? » La question sort toute seule, sans vraiment savoir pourquoi je lui demande cela, mais c’est tout ce qui compte, qu’elle soit heureuse.

Nous passons commande rapidement, je commande un thé glacé, parce qu’avec cette chaleur impossible de boire quelque chose de chaud, ainsi qu’un morceau de gâteau. Je suis toujours aussi gourmande alors je ne peux résister. « En tout cas, j’espère vraiment qu’on ne se perdra plus de vue… » Je finis par lui avouer quand le serveur s’éloigne.

« Tu sais, j’ai toujours les habits que tu m’avais fait. Je les mets souvent, surtout le t-shirt. Je sais pas si tu te souviens. »
« Si je me souviens. » que j’avoue en souriant. « Je pourrais t’en refaire un. »

C’est simple de discuter avec Oakley. J’avais presque oublié à quel point, il pouvait être bon de se retrouver entre amis. À Sydney, j’étais toujours avec les amis de Lawrence. Ce n’était pas les miens, mais les siens. J’étais la pièce rapportée et je ne pouvais pas vraiment faire de nouvelle connaissance quand mon petit-ami contrôlait toutes mes journées. Je le réalise seulement maintenant alors que je tente tant bien que mal de tenir une conversation avec celle que j’avais perdu de vue. Et pourtant, lorsqu’elle me pose des questions sur ma vie à Sydney, c’est de lui que je parle en premier. En même temps… Il est – était ? – toute ma vie. Je prends avoir été très occupée quand en réalité, j’ai quitté mon dernier stage il y a presque un an désormais. C’est juste devenu une affaire de routine de mentir comme je respire. « Lawrence ? C’est ton petit ami ? » Je hoche la tête souriant tout de même à l’évocation du prénom de mon petit-ami. Il me manque, je ne vais pas le cacher. Je voudrais qu’il soit là, autant que je voudrais ne jamais le revoir. Je ne me suis jamais sentie aussi perdue et c’est pas vraiment ce que je voudrais évoquer avec la jeune blonde. « Tu es heureuse ? » Je ne m’attendais pas à cette question. Tout ce que je cherche à éviter depuis mon retour ici. « Oui, oui. » Elle ne verra pas mon regard fuyant, hein ? Elle ne va pas relever que ma réponse est loin d’être normale ? J’ose l’espérer en tout cas. « Il me manque. » que j’ajoute pour la forme. Pour noyer le poisson un peu.

Notre commande passée, elle repose son regard sur moi. « En tout cas, j’espère vraiment qu’on ne se perdra plus de vue… » Je souris un peu en haussant les épaules. « Oui, j’espère aussi. » Enfin, je crois. Je ne sais pas où je serais demain, alors c’est compliqué. « Je suis vraiment désolée, tu sais. » dis-je doucement sans trop oser croiser son regard. « C’était pas ce que je voulais. » C’est elle qui était partie et c’est lui qui avait fini de décider pour moi.

« Si je me souviens. Je pourrais t’en refaire un. » Me répond la blonde assise en face de moi. « Carrément ! » Que je lui réponds avec enthousiasme. J’ai toujours aimé les créations de Shiloh, et depuis le temps que nous ne nous sommes pas vus elle a sûrement dû s’améliorer, faire des choses encore plus jolies. L’idée de jouer à nouveau au model pour elle me fait doucement sourire et je ne serais pas du tout contre la proposition si elle venait.

Shiloh me parle alors un peu de sa vie à Sydney, cette vie qui a l’air un peu différente de celle qu’elle a eu à l’époque où on se connaissait ici. Cela fait des années que mon amie et moi avons perdus contact, depuis le début de l’année 2018, mais la retrouver me fait du bien. J’ai l’impression de recoller un morceau de ma vie d’avant, de cette vie que j’essaye de reconstruire depuis près d’un an et demi maintenant et c’est vraiment agréable. Je n’aurais jamais pensé revoir Shiloh un jour, du moins jamais vraiment parce que même Nathan n’avait plus vraiment de nouvelles d’elles depuis quelque temps, mais la surprise est plus qu’agréable. Je n’ai pas envie de perdre Shiloh une nouvelle fois, elle a une place importante dans ma vie et malgré tout ce qui a pu se passer, elle aura toujours une place importante. Je la questionne alors un peu sur le dénommé Lawrence, j’en devine un peu que c’est son petit ami et, sans vraiment réfléchir, je lui demande si elle est heureuse. Elle semble surprise par ma question et son regard fuit le mien. « Oui, oui. » Je lui adresse un léger sourire alors que pourtant je sais qu’il y a quelque chose. « Il me manque. » Qu’elle ajoute. Je devrais sûrement voir les signes, ses signes si familiers, mais elle cache bien les choses Shiloh et même si je sens bien que quelque chose cloche un peu, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Je me contente simplement d’hocher la tête.

Je finis alors par lui avouer que j’espère que l’on ne se perdra pas à nouveau de vue, et j’espère d’ailleurs secrètement qu’elle ne retournera pas à Sydney. « Oui, j’espère aussi. » Je lui adresse un sourire tendre. « Je suis vraiment désolée, tu sais. » Je fronce les sourcils alors qu’elle reprend la parole. « C’était pas ce que je voulais. » Je secoue la tête et viens doucement poser ma main sur la sienne. « C’est pas toi qui devrais être désolée tu sais. C’est moi qui me suis éloignée, c’est moi qui… Qui n’est pas su gérer ce que je vivais à cette époque. » Aujourd’hui je vais mieux, beaucoup mieux, j’ai guéris en grande partie, mais parler de cette période de ma vie n’en est toujours pas aussi facile. « Disons que quand j’ai emménagé avec David les choses ont commencé à changer et… Enfin je me suis éloignée de beaucoup de monde. » Je baisse les yeux quelques secondes avant de regarder à nouveau mon amie. « C’est moi qui suis désolée, j’ai jamais voulu perdre contact avec toi tu sais. T’es ma meilleure amie. » Es ou étais ? Je ne sais plus trop. « Mais on peut toujours arranger les choses maintenant, pas vrai ? » Je lui demande avec un sourire en espérant qu’elle ne sera pas opposée à l’idée.