Si je fus l'investigatrice de l'idée de se retrouver autour d'un café, désormais l'idée d’être en face à face avec la jeune femme sans aucun moyen de détourner l'attention me rends soudainement bien plus nerveuse. Mes doigts ne cessent de jouer avec le gobelet entre mes mains alors que la danseuse semble si ravie de nos retrouvailles. Ce n'est pas que je regrette d'être tombé sur elle, bien au contraire, mais je ne pense pas être réellement prête pour les discussions à cœur ouvert de deux amies qui tentent de rattraper le temps perdu après quelques années d'éloignement. Je vois bien qu'elle tente de s'intéresser à la vie que j'ai pu construire à Sydney, mais comment lui dire que j'étais partie emplie de rêves qui ne se sont jamais réalisés. Je pensais partir pour ma carrière, j'ai trouvé un homme qui m'a fait tourner la tête et aujourd'hui, je ne suis plus réellement sûre d'y avoir trouvé un réel bonheur. Répondre aux questions d'Oakley me semble être une véritable épreuve tant je refuse qu'elle remarque quoique ce soit. Est-ce qu'elle entend l'hésitation dans ma voix ? Est-ce que cela est visible que je pense constamment à Lawrence sans être sûre de réellement vouloir le retrouver ? J'ai l'impression d'être transparente et comme prise au piège dans une conversation que je n'ai jamais voulu mener.

« C’est pas toi qui devrais être désolée, tu sais. C’est moi qui me suis éloignée, c’est moi qui… Qui n’est pas su gérer ce que je vivais à cette époque. » Je fronce les sourcils ne comprenant pas réellement où elle veut en venir. « Disons que quand j’ai emménagé avec David les choses ont commencé à changer et… Enfin je me suis éloignée de beaucoup de monde. » Et mon souffle se coupe tant ce qu'elle est en train de dire, je pourrais le raconter également en changeant simplement un prénom. Tout me semble bien trop familier. J'ai emménagé avec Lawrence et les choses ont changé. Je ne voyais plus que par lui, il était devenu mon monde et je me suis perdue dans cette bulle qu'il avait créée autour de nous. Est-ce qu'elle sait ? Est-ce que c'est Nathan qui lui a parlé de quelque chose ? Tout s'accélère dans un coin de ma tête alors que je cherche déjà une issue de secours refusant d'entrer dans une conversation autour de mon petit ami. Cela ne la regarde pas. Cela ne fonctionne pas de jouer la carte de la compassion. Elle ne sait rien. Elle ne sait pas ce que l'on a vécu tous les deux, elle ne sait pas que Lawrence va mal à cause de sa musique qui démarre mal, que parfois, il a des idées noires et qu'il a besoin de moi. Comment elle pourrait comprendre, elle qui m'avait simplement évincé de sa vie sans se retourner? Je me perds dans mes pensées, j'angoisse à l'idée qu'elle me pose encore des questions, qu'elle insiste encore et encore. Les idées noires remontent de tous les côtés, me paralysent sur ma chaise, alors que soudainement, j'imagine ce que Lawrence pourrait bien penser de moi à cet instant. Je ne devrais pas être là, mais plutôt auprès de lui. Ce n'est pas une histoire de couple qui s'isole, c'est juste notre histoire à nous. Deux âmes qui se sont trouver et qui ne savent pas bien l’exprimer. Et pourtant, il m’a frappé et il n’a pas hésité. Tout explose dans mon esprit, je me perds dans des souvenirs, des hésitations et ce sentiment qu'Oakley est en train de me faire passer un véritable interrogatoire m’oppresse plus que tout encore. Et je ne veux plus rester là, alors qu'elle me parle en continu. « C’est moi qui suis désolée, j’ai jamais voulu perdre contact avec toi, tu sais. T’es ma meilleure amie. Mais on peut toujours arranger les choses maintenant, pas vrai ? » Je l'entends à peine la jeune femme. Je ne pense qu'à partir avant que ses questions ne continuent inlassablement sans que je ne sois en capacité d'y apporter une quelconque réflexion. « Je... Je me sens pas très bien, je vais y aller. »

Et dans la seconde qui suit, je me lève renversant presque ma chaise dans l'action pour mieux filer vers l'extérieur, prendre une longue bouffée d'air frais. Je devrais probablement retourner à Sydney, c’est la seule pensée qui m’obsède alors que je m’échappe au loin. Personne ne comprendra jamais ici.