Ce n’est pas facile, de décider si j’ai envie de rencontrer mon père, ou même si j’ai simplement le courage de le faire. J’ai passé ma vie à ne pas savoir qui il est, à entendre les pires choses sur lui les rares fois ou ma mère le mentionner et pourtant, à en entendre Itziar, il n’est rien de toutes ces choses. Il est simplement un homme qui a pris de mauvaises décisions et qui est aujourd’hui en prison à cause de cela. Ma demi-sœur ne pense pas à mal de lui et elle le connaît bien mieux que moi alors je ne peux cesser de penser que peut-être il en vaut la peine, que peut être que le rencontrer est une bonne idée. J’ai besoin de me faire ma propre idée de l’homme qui l’est, de me faire un avis sur lui sans écouter les conneries de ma mère. "Je tiens pas particulièrement à lui en parler avant que tu rencontres papa. Je la connais, je sais qu'elle a tendance à en faire des tonnes et c'est selon moi pas idéal qu'il l'apprenne d'elle." J’hoche la tête. Effectivement ce n’est pas forcément une bonne idée qu’il apprenne les choses de cette manière, c’est mieux qu’il les apprenne par moi je suppose. "Prends le temps qu'il te faut. J'imagine que ça doit pas être facile et que t'y trouves sûrement autant d'arguments pour que d'arguments contre." "Honnêtement, je crois que j’ai vraiment besoin de me faire ma propre idée de lui, tu vois ? J’ai passé ma vie à entendre des conneries et je crois que j’ai simplement besoin de savoir qui il est vraiment." J’avoue à ma sœur. Il me faudra juste quelques semaines, mais je suis persuadé que je finirais par faire ce voyage.

Je prends alors quelques bouchées du repas qu’à préparer Itziar et boit quelques gorgées de sangria. Elle est vraiment surprenante la blonde. Elle aurait pu réagir de tonnes de manière différente, elle aurait pu me traiter de menteur, me foutre à la porte ou ne jamais vouloir apprendre à me connaître, mais elle a fait tout le contraire. Elle a été surprise par la nouvelle bien sûr, mais elle semble avoir envie de me connaître, tout comme j’ai envie d’apprendre à la connaître. Les liens de sangs n’ont jamais signifié beaucoup pour moi, jusqu’à ce qu’elle débarque dans ma vie. Cela ne fait peut-être que quelques semaines que nous nous connaissons, mais nous apprenons doucement à nous connaître, à nous découvrir et j’apprécie vraiment ce que je découvre chaque jour. "Oui on me l'a déjà dit une fois ou deux." Je ris un peu alors qu’elle reprend la parole. "C'est pas comme si t'avais fait éclater un lourd secret de famille ou quoi que ce soit alors, oui c'est surprenant et c'était la dernière chose à laquelle je m'attendais, mais pour moi c'est que du positif. C'est pas tout le monde qui se découvre un frère à vingt-six ans." Elle n’a pas tort, mais tout le monde n’a pas envie de se découvrir un frère à cet âge là. "Je suis contente que tu sois dans ma vie aussi. On a le même sang, maintenant que je sais que t'existe, ce serait pas envisageable de faire comme si t'existais pas." Je lui adresse un sourire sincère. Je suis vraiment touché qu’elle prenne les choses comme ca. "Je suis vraiment content que tu penses comme ca. Et à vrai dire, je suis content que t’existe aussi." Je viens prendre une gorgée de sangria.

"Allez, dis moi en plus sur toi. Tu as quelqu’un dans ta vie ? Un mec ou une nana ? Tu fais quoi dans la vie, ou tu aimerais faire quoi ?" Je relève le regard vers elle. "Tu parles espagnole couramment du coup non ?"

Itziar hoche la tête. Elle comprend ce qu'il veut dire. Elle comprend qu'il ait envie de connaître l'homme sans qui il ne serait jamais venu au monde. Elle ne sait pas ce que sa mère a pu lui raconter sur Antonio. De ce qu'elle a pu comprendre du caractère de cette dernière, elle a comme l'impression qu'elle en a dépeint un portrait qui l'arrangeait elle. Un portrait pas vraiment proche de la réalité. Elle comprend, parce que c'est une chose d'avoir Itziar pour lui donner sa version des faits. Sa vision de leur père, mais s'en est une autre de se faire sa propre idée. Itziar n'est peut-être pas objective. Elle a toujours eu une excellente relation avec son père, il l'a toujours chérie et gâtée comme une princesse. Malgré ses déboires et la déception qu'elle avait pu ressentir à la chute de son super héros personnel, elle ne lui en tenait pas vraiment rigueur, préférant se dire que l'erreur était humaine. C'était peut-être réducteur et idéaliste, mais elle n'était pas capable de plus. Elle comprend donc qu'il veuille se faire sa propre opinion. Elle ne sait pas s'il a envie de nouer de quelconque liens avec lui. La question ne se pose peut-être pas pour l'instant, Antonio étant en prison pour encore un petit moment, ce n'est vraiment pas l'idéal pour ce genre de choses. Matthias n'est obligé de rien. Elle ne s'immiscera pas dans tout ça, le laissera faire son propre cheminement et décider de ce qu'il veut ou ne veut pas faire. Elle, elle est simplement contente de pouvoir apprendre à le connaître et qu'il veuille développer une relation avec elle. Elle aurait respecté son choix s'il avait simplement voulu se faire connaître. Se serait présenté chez elle ce fameux jour, lui annonçant qui il était avant de s'en aller et d'en rester là. Elle n'aurait pas forcé les choses, considérant qu'elle avait la position la plus aisée dans cette histoire. Bien sûr, il venait chambouler sa vie, il n'y avait pas de doute là-dessus. Elle avait un frère qu'elle découvrait à peine, mais elle avait eu la vie facile et n'avait pas grandi en sachant qu'il lui manquait une partie d'elle-même. C'était pour ça qu'elle le laisserait faire les choses à son rythme. "Ca me viendrait pas à l'esprit de penser autrement." Se contente-t-elle de répondre en haussant les épaules. Elle ne faisait que ce qui lui semblait normal. Logique, même.

Ils avançaient à leur rythme finalement, sans se presser, sans forcer non plus. Ils se découvraient l'un l'autre et pour Itziar, ça lui semblait couler de source. Il n'y avait pas cette distance un peu étrange qu'on pouvait ressentir quand on était amené à côtoyer des inconnus, que ce soit des camarades de classe ou des nouveaux collègues. Peut-être était-ce le lien familial qui les unissait qui rendait les choses plus simples. Ils faisaient partie de la même famille, même si c'était encore un peu difficile pour l'espagnole à réaliser pleinement. De ce fait, ils ne se connaissaient pas, mais n'étaient pas des étrangers pour autant. Un sentiment qu'elle avait un peu de mal à expliquer, voire même à comprendre. Parce qu'ils ne connaissaient rien l'un de l'autre et les questions qu'ils se posaient étaient des plus banales puisqu'il fallait bien commencer quelque part. Pourtant, elle pouvait déjà ressentir un certain sentiment de fraternité qui les unissait et qui rendait leur relation particulière, spéciale. Elle ne peut s'empêcher de sourire à sa première question. "T'es bien curieux toi ! C'est parce que tu veux remplir ton rôle de grand frère et aller casser les dents de ceux et celles qui me briseraient le coeur ?" lui répond-elle en plaisantant avant d'ajouter "Mais non, j'ai personne dans la vie, ma dernière vraie relation remonte à 2017. Depuis je papillonne, si on peut dire ça comme ça, quand la bonne personne se présentera, je le saurai." Elle hausse les épaules, pas du genre à se soucier de ce genre de choses. Elle vogue au gré des vents, sans se prendre la tête. "Et toi ? Tu m'as dit que tu étais marié depuis trois ans quand on s'est rencontré. Elle est pas là ?" Parce qu'elle est curieuse elle aussi et qu'elle n'est pas du genre à se gêner pour poser des questions. D'autant plus quand c'est Matthias qui lance le sujet. Pour elle, ça équivaut à lui tendre une perche qui ne demande qu'à être attrapée. Elle a remarqué qu'il n'y avait qu'eux deux ce soir et elle ne sait pas si c'est le hasard où si c'est plus compliqué que cela. "Et du coup à par mon job au bar, je suis encore à la fac, j'ai un dernier semestre à valider avant d'obtenir mon Bachelor en communication et management. Après ça, pour te dire, j'ai aucune idée de ce que je vais faire. Probablement continuer à bosser au bar avant de trouver quelque chose d'autre." C'était le flou et elle essayait de ne pas trop y penser, parce que ça voulait se plonger un peu trop dans la vie d'adulte, la vie un peu plus sérieuse et ça, elle n'était pas encore prête à le faire. "Mais sinon oui, oui, je parle espagnol. C'est ma langue maternelle. Pour tout te dire, j'ai vécu à Madrid toute ma vie avant de tout quitter en avril 2017. Après qu'il a été arrêté quoi. Et après avoir été larguée en terrasse d'un café." Elle hausse de nouveau les épaules. Elle disait cela avec un certain détachement maintenant, parce que c'était de l'histoire ancienne, mais ça n'avait pas toujours été le cas. "D'ailleurs quand j'ai débarqué je parlais quasiment pas anglais, c'était l'enfer." Son anglais n'était pas forcément parfait maintenant et elle avait toujours un accent qui ne laissait pas de doute quant au fait qu'elle était étrangère, mais elle avait quand même fini par s'en sortir. Elle n'avait pas eu le choix de toute façon.

J’ai passé ma vie à ignorer qui est mon père, à m’imaginer qui il pouvait bien être. J’ai passé des années à me dire qu’il était sans doute parti parce qu’il n’avait pas voulu de moi, tout comme ma mère m’a toujours fait comprendre qu’elle ne voulait pas de moi non plus. J’ai toujours eu tendance à croire les mensonges de ma mère à son propos, à croire que c’est simplement parce qu’il n’était pas un homme bien. Et pourtant depuis que j’ai rencontré Itziar, tout semble prouver le contraire. Tout ce qu’elle me dit sur lui, malgré le fait qu’il est en prison depuis quelque temps, ne semble pas correspondre à ce que j’ai toujours pensé et ce que l’on m’a toujours dit. Je crois que c’est à moi de me faire une idée au final, de me dire si j’ai envie de le connaître ou non. Je sais que la décision ne va pas être facile à prendre, que le rencontrer le sera sûrement encore moins, mais au final c’est ce qu’il y a de mieux à faire. J’ai besoin de savoir qui il est vraiment, de le rencontrer. Mais heureusement, Itziar semble comprendre ma décision et semble comprendre que ce n’est pas évident pour moi non plus. "Ca me viendrait pas à l'esprit de penser autrement." Je lui adresse un sourire.

On apprend à se connaître doucement avec Itziar et je dois bien avouer que plus j’en apprends sur elle et plus je l’apprécie. Elle a l’air simple Itziar, sans trop de prise de tête c’est ce qui me plaît. Je suis content de savoir qu’elle ne m’a jamais fermé la porte au nez et qu’elle ne semble pas prête à le faire. Je suis content de savoir que j’ai une sœur à vrai dire. Curieux, je finis alors par la questionner un peu, pour savoir si elle a quelqu’un qui partage sa vie. "T'es bien curieux toi ! C'est parce que tu veux remplir ton rôle de grand frère et aller casser les dents de ceux et celles qui me briseraient le coeur ? Mais non, j'ai personne dans la vie, ma dernière vraie relation remonte à 2017. Depuis je papillonne, si on peut dire ça comme ça, quand la bonne personne se présentera, je le saurai." J’hoche doucement la tête en riant un peu. Je ne suis pas un grand bagarreur, mais je crois que si quelqu’un fait trop de mal à Itziar j’en serais surement capable. "Ben oui, faut bien que je prenne le rôle au sérieux. Mais bon si t’as personne, ca règle la question." Je lui réponds avec un sourire. "Mais tant que t’es heureuse. C’est ce qui compte." J’ajoute avant qu’elle ne s’intéresse à moi et à mon mariage. "Et toi ? Tu m'as dit que tu étais marié depuis trois ans quand on s'est rencontré. Elle est pas là ?" Je secoue la tête. "Non, elle a un week-end entre copines. On s’est marié en 2017 ouais, ca faisait un peu plus d’un an qu’on était ensemble." Je ne suis pas sur que lui avouer que mon mariage est compliqué, qu’il bat fortement des ailes ne soit une bonne idée, alors je garde cette information pour moi, pour le moment.

"Et du coup à par mon job au bar, je suis encore à la fac, j'ai un dernier semestre à valider avant d'obtenir mon Bachelor en communication et management. Après ça, pour te dire, j'ai aucune idée de ce que je vais faire. Probablement continuer à bosser au bar avant de trouver quelque chose d'autre." J’hoche une nouvelle fois la tête. "Tu as encore un peu de temps pour trouver ce que tu veux faire de ta vie." Pour ma part j’ai toujours voulu bosser dans la réalisation ou dans la photographie et j’ai la chance d’avoir réussi et de pouvoir aujourd’hui en vivre. J’ai la chance de vivre de ma passion même si ce n’est pas un domaine facile tous les jours. "Mais sinon oui, oui, je parle espagnol. C'est ma langue maternelle. Pour tout te dire, j'ai vécu à Madrid toute ma vie avant de tout quitter en avril 2017. Après qu'il a été arrêté quoi. Et après avoir été larguée en terrasse d'un café. D'ailleurs quand j'ai débarqué je parlais quasiment pas anglais, c'était l'enfer." "Tu te débrouilles super bien en tout cas. T’as encore un petit accent, mais franchement c’est pas flagrant. Je suis même surpris que tu parles si bien anglais en 4 ans." Je lui avoue et viens boire une gorgée de sangria. "Et ne me demande pas de parler espagnole parce que j’en suis absolument incapable. Il faudrait que j’apprenne." Je ris un peu.

Il veut prendre son rôle de grand frère au sérieux, il le dit en plaisantant et ça la fait rire, Itziar. Même si elle n'a personne de qui se plaindre en ce moment. Pas de cœur brisé à l'horizon non plus. Elle ne s'en plaint pas pour autant. Bien au contraire. Ca avait été suffisamment douloureux et compliqué de se remettre de sa dernière rupture, elle ne recherchait pas spécialement à renouveler l'expérience pour que Matthias puisse aller remonter les bretelles d'un ou d'une partenaire qui l'aurait laissée tomber sans aucun scrupule. "Non personne. Après tu pourras toujours aller casser les dents de mon ex quand on ira à Madrid. Je pense qu'il y habite toujours." Elle rit quand même quand elle dit ça. Elle a tourné la page Adrián depuis très longtemps, n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien faire de sa vie en ce moment et s'en fichait pas mal. Il n'était pas fait pour elle, elle n'était pas faite pour lui. Il l'avait larguée de manière un peu lâche et pour une raison qui n'avait rien à voir avec leurs sentiments mutuels à l'époque, mais c'était comme ça. Elle était heureuse aujourd'hui. Elle l'était depuis longtemps maintenant. Elle n'était pas du genre à se laisser abattre. Cette rupture avait amené beaucoup de bon dans sa vie. Ca avait été la goutte faisant déborder le vase qui l'avait conduite jusqu'à Brisbane. C'était ce qui avait déclenché ce besoin chez elle de noyer son chagrin dans des bras inconnus et avait donc mis Lara sur son chemin, un soir où elle se sentait un peu plus seule que d'habitude, à la recherche d'un peu de chaleur humaine. Le début d'une amitié qui allait durer. Elle n'aurait aussi sans doute pas rencontré Matthias si elle n'avait pas posé ses valises à Brisbane. N'aurait pas rencontré un seul des précieux amis qu'elle s'était faite ici d'ailleurs. Non, finalement, si elle devait le revoir, elle le remercierait plus qu'autre chose puisqu'il lui avait fait sauter le pas, malgré lui, de prendre ses affaires et quitter l'Espagne pour démarrer une nouvelle vie ailleurs. D'autant plus qu'elle était certaine que beaucoup d'autres choses l'attendaient dans le futur et que la liste des remerciements ne ferait que s'agrandir. "J'suis heureuse, oui. T'as pas à t'inquiéter pour ça." Elle n'était pas du genre à se prendre la tête de toute façon, si elle avait des petits coups de mou, ça ne durait jamais bien longtemps avec elle. En général, il lui suffisait d'aller surfer ou de passer la soirée avec quelques amis pour que ça aille mieux. Elle parle ensuite à Matthias de sa femme. Il l'a mentionnée lors de leur première rencontre. Elle s'attendait même à la voir ce soir quand ils avaient convenu que le dîner se passerait chez l'australien, alors, elle ne pouvait s'empêcher de demander. Elle fait oui de la tête quand il dit qu'elle est en weekend avec des copines. "Tu me la présenteras ? Tu lui as parlé de moi ?" qu'elle demande, toujours un peu plus curieuse. Elle aimerait bien la connaître sa femme. Parce que ça fait d'elle sa belle-sœur. En quelque sorte. Demi-belle-soeur, si ce terme existe.

Elle est complètement d'accord avec lui, quand il lui dit qu'elle a encore du temps pour décider ce qu'elle veut faire de sa vie. C'est le genre de choses qui lui met un petit coup de pression, une fois de temps en temps quand elle se rend compte qu'elle arrive rapidement à la fin de son parcours universitaire. Jusqu'ici, ça lui avait toujours paru lointain, là, ce n'était plus que l'affaire de quelques mois et elle était toujours autant dans le flou que trois ans plutôt. Elle ne faisait pas grand-chose pour changer ça, cela dit. Elle ne cherchait pas à savoir ce qui pourrait la passionner outre mesure. Comme pour le reste de sa vie, elle vivait au jour le jour, sans se mettre la pression. "Tant que j'ai mon job au bar, il y a rien qui presse. C'est clair que ce n'est pas LE job, mais je pense qu'il y a bien pire. Je le quitterai pas avant d'être sûre." C'était sa bouée de secours. Il lui tenait à cœur de bien faire son travail pour garder son poste tant qu'elle le souhaiterait. Un moyen de ne pas avoir à se prendre la tête pour chercher quelque chose d'autre ailleurs. Ca avait déjà été suffisamment compliqué à son arrivée, elle n'avait pas envie de se retrouver dans la même situation. Bien que, comme elle l'expliquait à Matthias, à l'époque elle était loin d'être bilingue, ce qui avait ajouté une difficulté supplémentaire. "J'ai pas eu le choix que d'apprendre vite. J'avais un niveau très très basique, mais je crois qu'à un moment ton cerveau comprend qu'il faut carburer et tout emmagasiner. Puis j'étais entouré de gens qui parlaient qu'anglais H24, je crois que j'étais en survival mode. L'accent par contre je pense qu'il partira pas, mais ça ne me gène pas. Apparemment ça me donne un certain charme." Elle rit lorsqu'elle lui sort sa dernière phrase. Ce n'était pas elle qui venait d'inventer ça. C'était ce qu'elle avait pu entendre de nombreuses fois, sans vraiment trouver où pouvait être l'attrait. En revanche, si ça pouvait servir ses intérêts, elle se fichait bien du pourquoi du comment. "T'as vraiment zéro connaissance ou tu connais deux trois mots ? Je pourrai t'apprendre, mais je suis pas une super prof' alors je saurai pas trop comment faire à part t'apprendre des mots ici et là." Ou alors, elle pourrait lui parler exclusivement en espagnol en espérant qu'il se comporte comme une éponge et absorbe tout pour devenir bilingue en un claquement de doigt. Ça semblait très improbable. "Papa parle anglais donc t'auras pas de mal à communiquer avec lui. Ma mère est pire que ce que j'étais en arrivant donc là, ça sera un peu plus limité, mais ça me gène pas de faire la traductrice. Puis bon des fois on peut très bien se comprendre sans parler la même langue." Il y avait bien des moyens de communiquer. Surtout en 2020.

"Non personne. Après tu pourras toujours aller casser les dents de mon ex quand on ira à Madrid. Je pense qu'il y habite toujours." Je laisse échapper un rire. Je dois avouer que je n’y connais pas grand-chose en famille, surtout en grand frère. J’ai toujours été un gamin unique, un gamin qui a juste vécu avec sa mère, et maintenant me voilà devenu un grand frère. Je sais bien qu’il ne doit pas y avoir de guide pour devenir un frère, qu’il ne doit pas y avoir une seule manière de devenir cela, mais je tente de découvrir ce nouveau rôle. Je connais des gens qui ont des frères et des sœurs bien sûr, mais toute relation est différente. Jean par exemple n’est pas proche de son frère jumeau Holden. Avec Itziar les choses semblent plutôt simples et je dois avouer que cela me soulage. Ca me soulage qu’on soit s’entendent bien, que les conversations soient faciles entre nous. Alors je tente de lui faire comprendre que je suis là, que ce soit pour casser la gueule de son ex comme elle dit, mais aussi pour faire quoi que ce soit. Je lui offre un sourire et lui demande alors simplement si elle est heureuse. Elle a l’air heureuse, mais je préfère ne pas me fier aux apparences et lui demande. Pour beaucoup de monde être heureux ca veut dire être en couple avec quelqu’un, mais pourtant ce n’est pas le cas. On peut très bien être heureux en étant célibataire et c’est d’ailleurs ce que me confirme ma demie-sœur. "J'suis heureuse, oui. T'as pas à t'inquiéter pour ça." Je lui adresse un sourire. "Alors c’est l’essentiel. Si tu es heureuse." A en parler de couple, je finis par lui parler de Jean, ma femme. Cela fera quatre ans cette année que nous sommes mariés et ce n’est pas évident tous les jours, mais pourtant je l’aime beaucoup. "Tu me la présenteras ? Tu lui as parlé de moi ?" "Oui, elle est au courant. Et je te la présenterais, promis. La prochaine fois que tu viens dîner elle sera là." J’aimerais beaucoup que Jean rencontre Itziar, qu’elles s’entendent, qu’elles deviennent peut-être amies. Cela me ferait vraiment plaisir. "Je pense que vous pourriez bien vous entendre en plus, tu sais." Je lui avoue avec un sourire.

Elle me parle ensuite de ses études, de son travail et je l’écoute avec attention. Je lui offre un sourire. Elle ne se met pas la pression Itziar, elle a l’air de vivre plutôt simplement, de prendre les choses jour après jour sans se mettre la pression et pour cela encore je l’admire. "Tant que j'ai mon job au bar, il y a rien qui presse. C'est clair que ce n'est pas LE job, mais je pense qu'il y a bien pire. Je le quitterai pas avant d'être sûre." J’hoche la tête doucement. "Oui, tu as bien raison. Tant que tu as quelque chose, c’est ce qui compte." Ce n’est pas forcément facile de savoir quoi faire de sa vie, de savoir quoi vouloir faire pour les quarante années à suivre. J’avais eu de la chance de trouver ma voie, ma passion rapidement, mais ce n’est pas le cas de tous le monde. Elle enchaine ensuite pour ma raconter comment elle a appris l’anglais, elle qui ne parlait apparemment qu’espagnol a début. "J'ai pas eu le choix que d'apprendre vite. J'avais un niveau très très basique, mais je crois qu'à un moment ton cerveau comprend qu'il faut carburer et tout emmagasiner. Puis j'étais entouré de gens qui parlaient qu'anglais H24, je crois que j'étais en survival mode. L'accent par contre je pense qu'il partira pas, mais ça ne me gène pas. Apparemment ça me donne un certain charme." Je ris un peu. "Oui, c’est vrai que ca a du charme. Tu dois faire un craquer de personne." Je lui réponds en riant à nouveau. "T'as vraiment zéro connaissance ou tu connais deux trois mots ? Je pourrai t'apprendre, mais je suis pas une super prof' alors je saurai pas trop comment faire à part t'apprendre des mots ici et là." "Je connais deux trois mots, genre holà, mais je dois avouer que je suis trèèèès loin d’être bilingue. J’aimerais bien que tu m’apprennes par contre." Je dois avouer que l’idée de pouvoir apprendre une deuxième langue peut être intéressante. Je n’ai jamais trop eu le temps, ou la motivation mais la famille est une bonne raison. "Papa parle anglais donc t'auras pas de mal à communiquer avec lui. Ma mère est pire que ce que j'étais en arrivant donc là, ça sera un peu plus limité, mais ça me gène pas de faire la traductrice. Puis bon des fois on peut très bien se comprendre sans parler la même langue." J’hoche une nouvelle fois la tête. "Je suppose que d’ici qu’on aille à Madrid je n’aurais pas le temps d’apprendre la langue, ca c’est sur." Je ris un peu. "Mais c’est peut être une bonne idée de m’y mettre."

Elle est curieuse, Itziar. Elle se demande comment est la femme qui partage la vie de Matthias. Il a l'air d'être quelqu'un de doux et attentionné. Elle se demande si sa femme l'est aussi. Est-ce qu'elle lui ressemble, ou est-ce qu'elle est son exact opposé. Elle ne va pas forcer pour la rencontrer à tout prix. Après tout, il n'y a pas de raison de se presser. Ils se découvrent petit à petit avec Matthias. Il a fait le plus dur. Il l'a trouvée à Brisbane. Le contact a été fait, maintenant, ils ont tout le temps du monde. "C'est vrai ?" demande-t-elle quand il lui dit qu'elles pourraient bien s'entendre toutes les deux. Itziar, elle, n'était pas bien compliquée. Elle était plutôt abordable comme fille, plutôt avenante aussi et il n'était en général pas difficile de nouer un quelconque lien avec elle. D'autant plus qu'elle était sociable et ne ratait pas une occasion de rencontrer de nouvelles personnes. "Vous vous êtes rencontrés comment tous les deux ? Et qu'est-ce que tu peux me dire à son sujet histoire que je sache un peu avec qui tu partages ta vie ?" Elle est curieuse. Elle ne prend pas de gant. Pas de pincette. Rien. Elle pose les questions comme elles lui viennent. Elle n'a beau pas énormément connaître Matthias, elle a déjà bien intégré qu'il faisait partie de sa famille. Sans distinction. Ca n'avait aucune importance que quelques mois plus tôt elle n'avait aucune idée de son existence. Encore moins de leur lien de parenté. C'était son frère et de ce fait, elle le traitait comme tel. Elle avait beau avoir été fille unique toute sa vie, elle savait à merveille endosser le rôle de la petite soeur qui va chercher les informations auprès de son grand-frère. Ca voulait aussi dire qu'elle ne le prendrait pas mal s'il ne voulait pas répondre, s'il estimait qu'elle dépassait un peu les limites de ce qu'il était prêt à lui dévoiler pour le moment. Elle n'avait pas de secret, elle, si ce n'étaient les déboires de son père avec la justice et Matthias était déjà au courant de cela.

Elle lui parle de son job. De son expérience en Australie aussi. Notamment des difficultés qu'elle avait pu avoir quand elle a débarqué et qu'elle parlait à peine anglais. C'est derrière elle tout ça. Elle a l'impression d'avoir appris rapidement. Que ce soit son job de serveuse que l'anglais. Elle n'a pas vraiment eu le choix. C'est sans doute pour ça. C'était soit elle s'adaptait, soit elle ne pourrait pas s'en sortir ici. Il était hors de question pour elle de faire demi-tour et de sauter dans un avion à destination de Madrid. Alors, elle s'était adaptée comme elle avait pu. Elle se rappelle que ça n'avait pas été simple au début, qu'elle s'était même demandé combien de temps il allait lui falloir pour pouvoir se débrouiller correctement et ne pas avoir à faire répéter leurs commandes aux clients. Elle ne se rappelle pas pour autant une cassure. Un moment où elle se serait rendue compte qu'elle avait fait un progrès phénoménal par rapport à la veille. Ca avait été progressif, mais ça s'était fait. Elle avait toujours son accent, qu'elle ne cherchait pas à gommer. Un atout charme dans 99% des cas. Comme si être étrangère la rendait un peu plus intéressante. Ça ne la gênait pas. Elle était fière d'être espagnole et le mentionnait avec plaisir dès que l'occasion se présentait. "Ah bah je peux pas te contredire, même si normalement je devrai faire la personne modeste et dire que non, je fais jamais craquer personne." Qu'elle répond en riant. Parce qu'elle sait qu'elle est jolie. Elle sait qu'elle plait, aussi et que ça n'a rien à voir avec son accent. Elle a confiance en elle et est donc parfaitement consciente de tout ça. Elle en joue beaucoup, il ne faut pas se leurrer. "Après, je te cache pas que ça semble être la chose que remarque tout de suite les relous qui se sentent pousser des ailes après trois verres." Parce qu'elle en croisait des types un peu lourds avec son job et qu'ils se comportaient tous plus ou moins de la même manière, ce qui commençait toujours par une petite remarque flatteuse sur son accent d'ailleurs. Matthias aussi aura un accent, lui aussi il pourra faire cette expérience. A l'envers. Quand ils iront en Espagne et qu'il s'essaiera à la langue que Itziar aura tenté de lui enseigner. "Surtout si tu m'as comme prof'." Lui répond-elle. Elle n'est pas douée dans ce domaine, surtout pour quelque chose aussi inné pour elle que sa langue maternelle. "Mais bon tu connais déjà un des mots phares. Tu peux au moins saluer, c'est toujours mieux que rien ! Je pourrai tenter de t'apprendre quelques trucs, mais je pense qu'il faudrait que tu m'aiguilles sur ce que tu voudrais savoir vu que tu pars de rien." S'il avait de bonnes bases, elle se contenterait de lui parler exclusivement en espagnol pour qu'il puisse s'améliorer, autant à entendre la langue qu'à la parler, mais Matthias n'en était pas encore là et cette approche ne l'aiderait probablement pas. "Heureusement quand même qu'on vit au XXIème siècle et qu'on a des traducteurs automatiques, puis à Madrid pas mal de gens parlent anglais puisque c'est un lieu touristique donc te mets pas trop la pression non plus." Déclare-t-elle avant d'ajouter "Tu seras avec moi de toute façon donc t'auras pas de soucis à te faire." Elle lui fera voir la ville en long en large et en travers. Des endroits touristiques à ceux appréciés des madrilènes.

"C'est vrai ?" J’hoche la tête, persuadé que Jean et Itziar pourraient bien s’entendre, et sûrement se liguer contre moi pour me rendre encore un peu plus dingue. "Vous vous êtes rencontré comment tous les deux ? Et qu'est-ce que tu peux me dire à son sujet histoire que je sache un peu avec qui tu partages ta vie ?" Jean et Matthias, Matthias et Jean, c’est une histoire compliquée, vraiment pas tous les jours facile et pourtant on s’accroche, tous les deux. Jean et moi nous sommes rencontrés en 2016, alors qu’elle venait m’interviewer pour ABC, ou elle travaillait à l’époque. Entre nous le contact est passé rapidement, et il n’a fallut que quelques mois pour que l’on partage notre premier rendez-vous. Quand on y pense, les choses sont allées plutôt vite, parce qu’en novembre 2017 nous nous sommes mariés devant nos familles et amis les plus proches. A l’époque cela semblait évident entre Jean et moi, comme quelque chose qui était censé arrivé. Nous nous entendions à merveille, nous partagions des passions, et les conversations étaient toujours intéressantes. Mais avec les années, avec le mariage les choses sont devenus compliqués et les disputes sont devenus assez nombreuses. Nous avons décidé de faire un an de pause avant de nous retrouver au début de l’année 2020 pour retenter de sauver notre mariage. Je l’aime Jean, vraiment, je tiens à elle profondément mais des fois je me demande si je la rends vraiment heureuse, si je suis vraiment celui qu’il faut. Je ne peux m’empêcher de penser que peut être nous serions mieux en tant que meilleurs amis qu’en tant que couples mariés. Mais Itziar n’a pas besoin de savoir tout cela. "On s’est rencontré pendant un interview. Elle bossait à ABC et elle m’a interviewait pour un film sur lequel je bossais à l’époque. On a accroché, on est devenus amis et le reste… Ca c’est un peu fait tout seul." Je lui réponds avec un sourire.

Heureusement pour moi, nous changeons un peu de sujet et en venons à parler du boulot de ma demi-sœur, de son apprentissage de l’anglais et de son accent qui apparemment à bien du succès quand il s’agit de trouver des mecs, ou des femmes d’ailleurs. "Ah bah je peux pas te contredire, même si normalement je devrai faire la personne modeste et dire que non, je fais jamais craquer personne." Je laisse échapper un rire. Je le comprends, l’accent étranger ca a quelque chose de charmeur. "Après, je te cache pas que ça semble être la chose que remarque tout de suite les relous qui se sentent pousser des ailes après trois verres." "Aaah oui, ca je veux bien te croire. Tu dois avoir sacrément du succès." Après tout, elle est jolie Itziar et avec son accent espagnol elle doit bien en faire craquer plus d’un(e). A parler de langue, j’en viens cependant à lui avouer que je ne parle pas du tout espagnol pour ma part. l’anglais est bien la seule langue que je maitrise. "Surtout si tu m'as comme prof'." Je ris à nouveau avant de prendre une gorgée de mon verre de sangria. "Mais bon tu connais déjà un des mots phares. Tu peux au moins saluer, c'est toujours mieux que rien ! Je pourrai tenter de t'apprendre quelques trucs, mais je pense qu'il faudrait que tu m'aiguilles sur ce que tu voudrais savoir vu que tu pars de rien." Elle n’a pas tout à fait tord, j’ai quelques bases, bien que ca s’arrête là. "Heureusement quand même qu'on vit au XXIème siècle et qu'on a des traducteurs automatiques, puis à Madrid pas mal de gens parlent anglais puisque c'est un lieu touristique donc te mets pas trop la pression non plus. "Tu seras avec moi de toute façon donc t'auras pas de soucis à te faire." J’hoche la tête avec un sourire sur le visage. "T’en que t’es là ca devrait aller." Je lui réponds.

Nous passons le reste de la soirée à parler un peu de tout et de rien, à en savoir un peu plus l’un sur l’autre tout en mangeant et buvant de la sangria. Je l’aime définitivement bien Itziar et le courant passe vraiment bien entre nous.

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