Something must've gone wrong in my brain Got your chemical all in my veins Feeling all the highs, feeling all the pain
Univers alternatif › Brisbane, 2020. Le soleil du matin lui pique les rétines, et pourtant le brun se surprend à profiter du calme quelques secondes de plus, quelques instants durant lesquels il n’a rien d’autre devant les yeux que la chevelure de la brune à quelques pas de lui. Il ouvre un œil puis l’autre, cligne des yeux comme une hésitation silencieuse - après tout, ont-il vraiment besoin de sortir du lit? Elle n’a qu’à le rejoindre, et ils passeront la journée sous les draps, comme il ne le font jamais. L’idée est tentante, un peu trop même, et Clyde se surprend à oublier quelques instants ce qu’elle représente officiellement pour lui. Là, tout de suite, elle n’est rien d’autre que la vue qu’il préfère parmi mille autres au réveil, surtout lorsque pour une fois elle ne se jette pas sur lui pour lui reprocher telle ou telle chose dès la première heure. Elle s’amuse souvent à l’agacer, la brune, et même s’il s’en amuse suffisamment pour supporter ce petit jeu depuis des années, le calme a quelque chose de reposant qu’il se plaît à souhaiter plus souvent. Comme s’ils pouvaient l’être, calmes, comme si leur vie était autre chose qu’une succession de plans et de montées d’adrénaline et de toujours plus.
Ils ne savent pas se reposer, et c’est cet état de réflexion permanent qu’il capte sur le visage de la brune alors que les rayons lumineux coulent sur sa peau diaphane. Le rêve est terminé, la nuit s’est achevée - ils ne passeront pas la journée sous les draps, et Clyde le sait déjà. Alors il abandonne l’idée qui s’est un instant infiltrée dans son esprit et se lève à son tour, attrape machinalement le premier t-shirt qui lui tombe sous la main et se laisse glisser aux côtés d’Halsey. "Ça va pas?” Elle a sa tête du matin, celle qu’il n’a aucun droit de critiquer sous peine de finir dehors en caleçon - mais la tentation est trop forte, car il voit bien que quelque chose la dérange. Pourvu que ce ne soit pas lui ou quoi que ce soit qu’il ait pu faire, pour une fois.
Plongée dans ses pensées, Halsey n’entend même pas le bruissement des draps qui indiquent que lui aussi est réveillé et que bientôt, le calme du matin sera interrompu par une discussion qu’elle n’a pas envie d’avoir. Qu’elle ne devrait pas avoir. Parce qu’elle est réglée comme une horloge la brune, et que ce qui est entrain de lui arriver la met dans tous ses états, même si elle a fait en sorte de ne rien montrer jusqu’à aujourd’hui. Qu’attend-t-elle de lui exactement ? Quelle réaction la rassurerait ? Elle-même hésite à mettre des mots sur l’appréhension qui la tenaille, mais il est plus que temps qu’il sache. Lorsqu’il s’approche d’elle, la brunette se laisse aller un instant contre lui et profite de quelques secondes de répit avant de tout gâcher. Elle hume son parfum et ferme les yeux, se galvanise de son étreinte avant de poser son regard sur lui alors qu’il l’observe déjà en fronçant les sourcils. Il sait. Il sait toujours. "Ça va pas?” Difficile à dire, elle pourra répondre quand elle aura lu dans ses yeux ce qu’il éprouve pour elle, ce qu’il ressent en entendant ce qu’elle a à lui dire. Lèvres plissées, elle lui tend le café qu’elle a préparé – elle n’a presque pas dormi la brune, trop anxieuse – en espérant que ça l’aide à accuser le coup un peu mieux qu’elle. « J’ai du retard. » Comme toujours, elle ne tourne pas autour du pot Halsey. Elle le fixe et elle attend patiemment qu’il tire les mêmes conclusions qu’elle, celles qui provoquent son esprit angoissé par cette possibilité. Et déjà, elle s’en veut de sentir son rythme cardiaque s’accélérer en attendant de lui quelque chose qu’elle ignore elle-même. Elle s’en veut de se retrouver dans une situation qu’elle a toujours fait en sorte d’éviter, parce qu’elle est intelligente et qu’elle fait attention Et surtout, elle lui en veut déjà de la rendre vulnérable au point de lui faire parler de ça alors que quelques années plus tôt, elle aurait géré ça seule, comme elle en avait envie.
Quelques secondes supplémentaires, il profite de la brune qui se laisse aller contre sa poitrine, de l’illusion que tout va bien dans la bulle qu’ils se sont forgée à deux alors qu’il sent déjà que ce n’est pas le cas. Elle est trop silencieuse et en même temps trop agitée, il voit dans ses yeux qu’elle ne le regarde pas comme toujours, et cela n’annonce souvent rien de bon, et pire encore. Pourtant, elle ne le repousse pas et se laisse aller à son étreinte, comme si elle attendait de lui qu’il la soutienne vis-à-vis de l’inconnu sur lequel il n’arrive pas à mettre de mot. D’un geste ferme et pourtant si tendre, Clyde relève son visage vers elle comme pour la questionner silencieusement, lui faire comprendre qu’il sait, avant même que les mots ne franchissent la barrière de ses lèvres. Halsey se détourne un instant, juste le temps de lui tendre un café qu’il accepte sans rien dire, même s’il ne le touchera pas tant qu’elle ne lui en aura pas dit plus sur l’inquiétude qui s’infiltre au fond de ses yeux et qu’il sait lire comme la sienne. Alors il attend, silencieusement, un monde de patience dans le regard alors qu’il brûle pourtant de savoir ce qui vient ainsi gâcher la parfaite journée sous les draps qu’il s’est une seconde imaginé. “J’ai du retard.” Un sourcil se lève, puis l’autre, alors qu’il peine à comprendre ce qu’elle tente de lui dire - et que la vérité tient plutôt dans le fait qu’il n’en a aucune idée. Est-ce qu’il est censé savoir de quoi elle parle, alors que c’est pourtant la première fois qu’il entend de tels mots de sa bouche? Aurait-il oublié une information importante, une chose qu’il devait lui rappeler et qu’il a failli à se remémorer? Alors comme elle, il ne lâche pas son regard tandis qu’une moue d’incompréhension se fixe sur ses lèvres. “Je comprends pas, du retard de quoi?” En effet, il ne comprend rien.
Comme souvent, son agitation est directement perçue par le brun qui la connaît presque par cœur – ou en tout cas, il sait tout de ce qu’elle a bien voulu lui laisser savoir de sa personne. Et si la réciproque est vraie, aujourd’hui c’est sur elle que l’attention de Clyde est concentrée alors qu’il peine à savoir pourquoi elle est aussi silencieuse. C’est parce que pour une fois, elle ne sait pas exactement quoi dire la brune. Du retard, ça arrive à tout le monde, mais jamais à elle pourtant. En dépit du stress et d’une vie menée en dehors des sentiers battus, elle a toujours pu compter sur cette constante. Et à présent, même son corps la trahit et elle ignore dans quelle mesure elle est supposée s’inquiéter. Ce n’est pas comme si ça datait de la veille, mais plutôt d’une bonne semaine – autant dire une éternité à ses yeux. Alors elle se sert du café comme d’un moyen de glaner quelques secondes supplémentaires pour rassembler ses idées, pour lui faire comprendre la gravité d’une situation qu’elle ne maîtrise pas et qui lui file entre les doigts. Elle l’observe, les lèvres tremblantes et finalement, c’est une phrase abrupte qui se formule et qui laisse Clyde un peu perplexe, elle s’en rend compte. L’incompréhension accentue un peu plus les lignes de son front alors qu’il hausse un sourcil, puis l’autre, laissant un silence insoutenable s’installer. A quoi pense-t-il ? A nouveau, la brune se crispe en attendant qu’il réagisse, détestant se sentir ainsi impuissante. “Je comprends pas, du retard de quoi?” Sérieusement ? Les épaules de la brune s’affaissent quelque peu et elle plisse les lèvres, dépitée de devoir lui expliquer ce qui aurait pourtant dû couler de source en voyant son air affolé. « Du retard Wakefield, tu sais le truc qui nous arrive normalement tous les mois à nous les femmes… » Elle lève les yeux au ciel avant de pousser légèrement son épaule, comme dans une tentative de le faire percuter. « Ne me dis pas que je dois te faire un dessin. » Parce que ça serait au-dessus de ses forces et que là, elle a besoin qu’il atterrisse, qu’elle ne soit plus la seule à gérer la bombe à retardement qui vient de débarquer dans leur vie.
Le brun voit bien qu’Halsey attend une réponse de lui, que ses lèvres tremblent presque tandis qu’elle sonde son regard à la recherche d’une réponse qu’il ne connaît pourtant pas. Il aimerait lui dire tout ce qu’elle souhaite entendre, qu’il l’aidera peu importe ce qui lui tourne dans la tête, mais il ne peut qu’être désemparé par des mots qui ne veulent rien dire. Elle a l’air déçue par sa réaction la brune, comme s’il se devait d’instantanément comprendre la signification derrière ses paroles, alors qu’il s’agit pourtant bien de la première fois que ce fameux retard semble être un tel problème. “Du retard Wakefield, tu sais le truc qui nous arrive normalement tous les mois à nous les femmes…” Et là, il percute, d’un coup d’un seul, d’un coup trop fort, à l’instant même où elle pousse gentillement son épaule tandis qu’il se fige et que tout sourire disparaît de ses lèvres. “Ne me dis pas que je dois te faire un dessin.” Non, merde, je sais pas, les pensées se bousculent et pourtant, aucune ne fait réellement sens face à la nouvelle qui prend très certainement la dernière place de tout ce à quoi il aurait pu s’attendre. “Merde…” Ce sera donc cette option-là - celle de la réaction d’un homme qui pousse un soupir de surprise, d’incompréhension, de panique déguisée et déjà de réflexion sur quand, comment, pourquoi. “T’es sûre?” Bien sûr qu’elle est sûre, idiot, qu’il pense instantanément alors que les mots franchissent la barrière de ses lèvres sans qu’aucune réflexion pertinente n’y ait plus sa place. Les questions se bousculent dans son esprit tandis qu’il la fixe enfin, à nouveau, pour tenter de soutenir la panique qu’il décerne et comprend enfin dans ses yeux. “C’est moi?” Comme si l’hypothétique bébé allait se matérialiser à l’instant, comme si tout était certain alors qu’Halsey elle-même semble être dans le flou le plus total, comme si son monde allait se transformer d’un instant à l’autre. Et il n’est pas prêt, oh non.
Elle parvient à prendre sur elle Halsey, elle arrive à ne pas céder à l’irritation parce qu’elle sait qu’elle a eu plus de temps que lui pour intégrer l’impensable. Elle sait aussi qu’il serait injuste de s’emporter alors qu’il semble vraiment tomber des nues et qu’à cet instant précis, elle semble parler une autre langue que la sienne. Dieu seul sait que la brune aimerait que ce retard soit d’un autre genre, mais peut-être que le karma a décidé de leur renvoyer l’ascenseur à tous les deux, ça ne serait pas étonnant après tout. La déception face à son manque de réactivité est palpable, mais l’air dépité de Clyde parvient surtout à l’adoucir, d’une bien étrange manière. Elle le taquine presque en lui proposant d’illustrer ses propos, mais la brune peut voir que la pièce tombe et qu’il comprend enfin ce qu’elle veut dire… ou presque. “Merde…” Effectivement, c’est un bon résumé de la situation. Lèvre mordue, sens à l’affût, Halsey attend que la surprise passe pour avoir enfin une vraie réaction, qu’elle sache enfin ce qu’il en pense. Parce que son esprit à elle est littéralement en ébullition et que la moindre parole mal placée risque de la faire vriller, la brune. “T’es sûre?” Un soupir s’échappe de ses lèvres et elle hausse un sourcil tout en se demandant si le dessin n’aurait pas été une bonne idée, finalement. “C’est moi?” Le visage de la brune se ferme, en même temps que la main qu’elle s’apprêtait à poser sur la sienne, comme dans un geste destiné à apaiser la panique qui commence à s’emparer de lui. « Non, je tenais juste à te l’annoncer avant de partir écouler des jours heureux avec ton voisin d’en face. » Elle secoue la tête et se détache complètement de lui pour attraper sa tasse de café sur le comptoir – officiellement – et pour mettre une distance de sécurité entre eux – officieusement. Au moins, elle sait maintenant que c’est la première fois qu’il se retrouve dans cette situation lui aussi ; sa réaction complètement nulle en est la preuve. Un soupir s’échappe des lèvres de la brune alors qu’elle le fixe tout en se demandant s’il va tenter de rattraper le coup ou s’enfoncer encore plus.
A cet instant, Clyde en oublie presque le regard que la brune pose sur lui, ses yeux qui sondent les siens à la recherche d’une certaine réaction, comme s’il y en avait une bonne et une mauvaise. Et pourtant, plus rien n’est calculé chez le brun, tant il tombe de haut face à cette annonce qu’il n’a jamais imaginée. Bien sûr qu’il a conscience des risques, qu’il s’est toujours assuré lui-même de faire attention, mais jamais oh grand jamais il n’aurait justement pensé que l’impensable puisse se produire. Il ne veut pas d’enfant maintenant, n’en veut sans doute même pas tant il n’y a pas songé jusque là, car sa vie ne ressemble en aucun cas à celle d’un père, et le relation qu’ils possèdent avec Halsey est elle-même loin de correspondre à un couple. Ou peut-être que si, et quand bien même la jeune femme représente davantage à ses yeux qu’il ne lui a jamais dit, le mot enfant ne fait pas partie du vocabulaire qu’il souhaite prononcer, ni aujourd’hui ni demain. Pourtant, le retard est réel et tout espoir de doute qu’il aurait pu avoir s’envole lorsqu’elle lève les yeux au ciel devant sa remarque stupide - et pourtant pas autant que celle qui suit. Il n’y peut rien, Wakefield, mais les neurones ne se connectent plus tout à fait tant il est en état de choc. “Non, je tenais juste à te l’annoncer avant de partir écouler des jours heureux avec ton voisin d’en face.” Il la voit soupirer puis s’échapper d’entre ses doigts, pour attraper son café alors qu’il se rend bien compte qu’un fossé se crée entre eux à cet instant-là. Il n’a sûrement pas la réaction qu’elle attend - qu’attend-elle, d’ailleurs? - mais il est incapable de feindre les émotions qui le frappent soudainement. “Désolé, j’suis con.” Oui, mais c’est toujours bien de l’avouer, et au moins elle n’aura pas à prononcer les mots elle-même. Malgré tout, il n’y tient plus de la voir mettre de la distance entre eux au moment même où tout semble pourtant les rapprocher, alors il comble cet espace d’un pas avant de venir saisir une mèche de cheveux et de la repousser derrière le visage de la brune. “Depuis quand tu… enfin, t’as beaucoup de retard?”
En l’espace de quelques secondes, la brune peut littéralement voir passer la palette d’émotions qui traverse les yeux de Clyde lorsqu’il réalise ce qu’elle essaie de lui faire comprendre. Elle sait parfaitement ce qu’il ressent, parce que ça ne doit pas être très loin de ce qu’elle éprouve depuis quelques jours. Un mélange de déni, de peur et d’incompréhension, parce qu’avoir un enfant n’est tout simplement pas quelque chose qu’elle veut. Ou qu’elle pense vouloir. Étrangement, ce retard provoque un sentiment nouveau en elle et l’oblige à faire face à une question qu’elle ne s’était jamais posée. Depuis toujours, elle ne pense qu’à elle et se bat pour obtenir ce dont elle a été privée de naissance, agissant en toute impunité sans jamais se soucier d’écraser quiconque sur son passage. Et si le brun parvient peu à peu à percer l’épaisse coquille dont elle s’entoure volontairement, ils sont loin d’être conformes à l’idée que l’on se fait de parents. Ils ne sont même pas un couple, ou en tout cas pas dans le sens habituel du terme. Halsey regrette qu’une chose pareille puisse leur arriver et elle craint déjà les dommages que cela causera à leur relation, déjà persuadée qu’elle sera blessée d’une manière ou d’une autre dans le processus, quel qu’il soit. Clyde ne parvient pas à la rassurer alors qu’il sous-entend malgré lui la possibilité qu’il ne soit pas concerné, comme s’il ignorait que cela fait bien longtemps qu’elle n’a plus jeté son dévolu sur qui que ce soit d’autre. “Désolé, j’suis con.” Au moins, il en était conscient. Elle baisse un instant les yeux, la brune, et se concentre sur sa tasse de café pour éviter qu’il ne voit le trouble qui s’empare d’elle. Il ne supporte pas la distance et se rapproche d’elle rapidement, replaçant une mèche en laissant sa main se poser sur son visage, l’obligeant à relever le nez vers lui. “Depuis quand tu… enfin, t’as beaucoup de retard?” Elle fait la moue, ignorant ce qui peut être considéré ou non comme « beaucoup », parce qu’elle n’y connaît rien et que cette discussion lui semble improbable, comme un rêve dont on voudrait se réveiller. « Environ une semaine. J’ai pas voulu t’inquiéter en t’en parlant tout de suite, mais c’est la première fois que ça m’arrive, alors… » Alors, ça voulait forcément dire que le pire était en train d’arriver, non ?
Il s’en veut de ne pas avoir la réaction escomptée, Clyde, et pourtant il s’agit bien là d’une des rares situations dans lesquelles tout contrôle lui échappe, tandis que sa façade si bien maîtrisée s’effrite sous l’effet de l’impensable. Cela ne lui est jamais arrivé - du moins pas à sa connaissance - et il n’a donc jamais eu à faire face à ce genre de nouvelles, encore moins de la part de quelqu’un qui compte pour lui. Car Halsey n’est pas n’importe qui, et à la différence de la première venue envers laquelle il aurait sans doute bien moins de scrupules, la brune compte bien davantage pour lui que tout obstacle ou problème qui se mettrait en travers de leur chemin. Il sont coincés à deux pour les dix années à venir, comme pour les dix déjà passées, et cette certitude se retrouve chamboulée par cet événement imprévu bien différent de ce qu’ils ont l’habitude de gérer. Il ne s’agit pas d’un plan en trois ou quatre étapes, d’un processus minutieusement calculé et dénué de tout sentiment personnel - non, pour une fois, ils sont concernés tous les deux par ce bouleversement si personnel, là où leurs passés respectifs restent une zone de flou que chacun d’eux entretient religieusement. La réalité est claire, pourtant, et s’il y a bien une chose qu’ils partagent, il s’agit de celle-là : les enfants ne font pas partie de leur équation. Pourtant, la brune est l’élément central de celle de Clyde, et il ne peut donc malgré tout supporter de la voir s’éloigner de lui. Sa main court le long de nuque, comme pour la rassurer sur le fait qu’il est là et le sera toujours, quand bien même il est paumé et sans doute un peu trop con sur l’instant. “Environ une semaine. J’ai pas voulu t’inquiéter en t’en parlant tout de suite, mais c’est la première fois que ça m’arrive, alors…” “Moi aussi…” Enfin, pas dans ce sens-là. Au fond, l’idée de lui en vouloir de ne pas en avoir parlé plus tôt ne traverse même pas son esprit, car cela ne changerait sans doute rien à la situation actuelle. “Y a un risque, tu penses?” Car il s’agit bien d’un risque, et non pas d’une chance, en tout cas pas alors que Clyde est encore en train d’encaisser la nouvelle. “T’as un test?” Comme si n’importe quelle femme se baladait avec une tripotée de tests dans son placard de salle de bain, évidemment - en tout cas, une chose est sûre, le placard de sa propre salle de bain qui ne trouve qu’à quelques mètres ne comporte rien de tel, lui.
Clyde commence à intégrer l’idée, elle le sent, et elle se demande si lui aussi a été suffisamment brisé dans le passé que pour ne pas avoir envie de faire vivre la même chose à un enfant ; le sien. Pour l’instant, tout reste de l’ordre de l’hypothétique, et la brune s’efforce déjà depuis une semaine de se persuader que ça le restera, mais cette conversation rend la chose bien trop réelle, bien trop possible. Elle sent sa peur, la brune, mais elle voit aussi qu’il est toujours là et qu’il n’a pas inventé une excuse pour s’enfuir de son propre appartement en l’abandonnant sur place – oui, elle s’était aussi préparée à cette éventualité là. Au contraire, il se rapproche et comble la distance qu’elle a essayé de mettre entre eux, de peur de ce qu’il pourrait dire ou faire de ce qu’elle vient de lui avouer. La main du brun se veut rassurante contre sa peau et elle s’autorise à relever les yeux vers lui et même à esquisser un sourire fébrile dans sa direction. C’est bien la première fois qu’elle se retrouve dans une situation aussi merdique, Halsey, et à voir l’air déboussolé de Clyde, il est dans le même état d’esprit qu’elle. “Moi aussi… Y a un risque, tu penses?” Elle plisse les lèvres pendant qu’elle réfléchit, parce que lorsque cela concerne leur vie sexuelle, les possibilités sont pratiquement infinies. « Peut-être, rien n’est infaillible, tu le sais bien. » Ils se protègent – quand ils y pensent, de moins en moins avec les années – mais de son côté, la brune est rigoureuse avec sa contraception – plutôt mourir que d’engendrer quelque chose venant de l’un de ses précédents mariages ou de ses aventures d’un soir. “T’as un test?” Elle secoue la tête avant de laisser échapper un rire face à l’ironie de la situation. Elle se rappelle de sa mère, qui pratiquait le test de grossesse comme un sport national, qu’elle a toujours critiqué face à ses choix et ses nombreux avortements guidés par un manque d’intérêt et la peur d’assumer des responsabilités supplémentaires – qu’elle n’assumait déjà pas de base. « Non, je t’avoue que j’avais encore l’espoir que ça soit une fausse alerte. Tu sais, le fait d’en acheter un ça rendrait ça trop… réel. » Elle se plonge à nouveau dans sa tasse de café sans le lâcher des yeux ; elle n’a pas besoin de lui mentir en prétendant être heureuse, et ça lui fait du bien. « Tu veux qu’on en fasse un? » Soit ils se confrontent à la réalité, soit ils se confortent dans le déni. Quel programme.
Il n’y a pas grand chose qui peut rassurer le brun en cet instant, si ce n’est le sourire timide qu’Halsey lui offre, comme pour tenter de cacher sa propre fébrilité qui ne pourrait qu’alimenter celle de Clyde. Elle a eu davantage de temps pour encaisser la nouvelle, et pourtant, il est plus que tout conscient qu’elle est la première concernée par cette situation, même si elle n’est pas seule dans l’histoire. Alors il doit se reprendre pour elle, pour éviter de se figer et de devenir un problème de plus qu’elle devrait gérer alors qu’elle doit sans doute être plus perdue que jamais. “Peut-être, rien n’est infaillible, tu le sais bien.” Le brun se fustige intérieurement de cette question encore une fois si inutile - bien sûr qu’il y a un risque, comme partout, comme tout le temps, pour à peu près l'entièreté des composants de toute une vie. Cela ne leur dit pas si le risque est avéré, et à sa connaissance, il n’y a qu’un test qui pourrait leur faire franchir le pas si terrifiant entre les hypothèses et la réalité. Du positif comme du négatif, dans tous les sens du terme. “Non, je t’avoue que j’avais encore l’espoir que ça soit une fausse alerte. Tu sais, le fait d’en acheter un ça rendrait ça trop… réel.” Il la comprend mieux que jamais, alors que l’idée de la voir tenir ce bâtonnet entre les mains l’effraie lui aussi, comme s’il portait déjà l’assurance que quelque chose avait changé entre eux. La perte de l’insouciance, en quelque sorte, et peu importe l’issue de ce fameux test. Alors il laisse ses mains se perdre un peu dans les cheveux d’Halsey, colle ses lèvres à son front avant de souffler quelques secondes, de tenter de reprendre ses esprits terriblement embrumés. “Je sais…” Il ne sait pas grand chose, mais il imagine, et surtout, il serait prêt à imaginer n’importe quoi si cela pouvait la soulager un peu. “Tu veux qu’on en fasse un?” On? Aux dernières nouvelles, une seule personne est supposée pisser sur le stick, non? Clyde relève un sourcil surpris un instant, avant de réaliser qu’elle ne fait que l’inclure dans ce choix en prononçant cette phrase. Il aimerait que tout cela ne soit qu’un rêve, qu’elle n’ait pas à l’inclure dans quoi que ce soit, et pourtant il ne songe pas un instant à s’enfuir et à laisser la brune à ses problèmes. Car ce sont leurs problèmes, et ils doivent donc faire un test. “Comme ça on sera fixé? Peut-être que ça sera négatif.” Et ce peut-être est lourd de conséquences. “Tu veux que j’aille en acheter un?” Inutile de préciser qu’il n’est pas tout à fait à l’aise avec l’idée, mais ce serait le moindre des mal de cette journée.
Pour une fois, la brune ne sait quoi dire pour le rassurer alors qu’elle-même est en proie aux doutes et à l’appréhension. Elle ne veut rien de tout ça car elle aime sa vie telle qu’elle est ; imprévisible et pleine d’adrénaline. Un enfant, ça apporte tout l’inverse et Halsey n’a rien d’une mère, qu’on se le dise. Elle est trop égoïste et elle l’assume. Et puis qui voudrait apporter un bébé dans un monde aussi tordu, hein ? Elle se doute que pour Clyde, c’est pareil. Ils ne sont pas bien différents dans le fond, et ça la rassure. Il ne manquerait plus qu’il la regarde dans le blanc des yeux en lui avouant qu’il a toujours rêvé d’être père, et le cauchemar atteindrait son apogée. Non, pour l’instant il s’agit d’un risque et à défaut de lui faire part d’un désir de paternité, il lui demande si elle a un test avec elle pour affronter la réalité à deux. Il ne l’abandonne pas, au contraire, il se rapproche d’elle et l’embrasse sur le front dans un geste protecteur. “Je sais…” Elle sourit et se laisse aller contre lui alors qu’il lui insuffle le courage qui lui manquait depuis quelques jours, celui qui la pousse à lui proposer de faire ce test afin qu’ils soient fixés une fois pour toute. “Comme ça on sera fixé? Peut-être que ça sera négatif.” Peut-être oui, elle l’espère. Parce que si jamais l’issue du test est positive, la brune ignore comment elle réagira. Elle ne veut pas suivre les traces de cette mère qu’elle méprise, mais elle ne peut pas se faire à l’idée de mettre un frein à tout ce qu’elle veut faire pour un enfant qu’elle ne désire pas. “Tu veux que j’aille en acheter un?” Elle pose son front contre son torse avant de relever les yeux sur lui et de paraître déterminée, autant que possible. « On y va ensemble. » Elle se détache de lui et file à la salle de bain pour retrouver une allure plus convenable. En cinq minutes, la brune est prête et le rejoint alors qu’il semble l’attendre, un air un peu paumé sur le visage. Au fond d’elle, Halsey espère que ce test parviendra à estomper leurs doutes et la peur qui lui noue l’estomac. « Prêt ? » L’ironie de la question ne lui échappe pas, et à lui non plus.
Si une chose est certaine au milieu de toute cette panique, c’est qu’ils font front et ne se lâchent pas une seconde - comme ils se le sont presque promis depuis tant d’années, sans en avoir jamais prononcé les mots. Alors, lorsque le brun propose de se lancer dans ce qui ressemblerait plus ou moins au moment le plus gênant de sa semaine, Halsey le retient. “On y va ensemble.” Il hoche la tête, pas suffisamment sûr de lui en cet instant pour lui intimer de rester à l’appartement tandis qu’il s’occupe du côté pratique - après tout, Halsey n’est pas en sucre, et pas même cette potentielle nouvelle ne le ferait changer d’avis à ce propos. Lorsqu’elle apparaît à nouveau cinq minutes plus tard, alors qu’il a lui-même rapidement enfilé une tenue socialement acceptable, il a les yeux perdus dans le vide. Comme s’il essayait de faire sens de ce qui n’en a pourtant pas, de prendre une décision quant à quelque chose dont ils ne sont pas sûrs. Seul un test les aiguillera davantage et les fera tomber encore plus bas qu’ils ne sont maintenant, mais il n’est pas question de se défiler maintenant que la bombe est lâchée. “Prêt?” La brune elle-même n’a pas l’air convaincue par sa question. “Pas vraiment, mais on a pas le choix.”
****
Une fois de retour à l’appartement, Clyde se retrouve à faire les cent pas à peine la porte passée, bien trop impatient de connaître la vérité qu’il ne veut pourtant pas entendre. Alors qu’Halsey s’empare du test hors du sac de carton qui peine pourtant à cacher toute l’incertitude qu’il contient, le brun l’arrête en posant délicatement la main sur son bras. “Qu’est-ce qu’il se passe si c’est positif?” Mauvaise idée que de spéculer sur la possibilité plutôt que d’affronter la vérité, mais il a besoin de savoir, de se préparer.
“Pas vraiment, mais on a pas le choix.” Et ça, c’était bien vrai. Rester dans le déni n’allait pas changer l’issue de cette histoire, quelle qu’elle soit. Elle n’est sûre de rien, la brune, mais elle refuse de le laisser acheter ce foutu test sans elle alors qu’ils sont dans ce merdier ensemble. Alors elle prend sur elle et s’habille pour affronter le monde extérieur et le regard de la caissière lorsqu’elle pointe l’article et que la brune se sent comme une gamine de quinze ans entrain de faire une bêtise. Pourtant, elle en a plus de trente et personne n’en a rien à faire qu’elle soit enceinte ou non. Sauf Clyde, bien entendu. Le pauvre s’efforce de faire bonne figure et elle fond bien malgré elle de le voir prendre sur lui de cette façon, parce qu’elle sait qu’il combat son instinct naturel de conservation. Elle aussi aurait envie de fuir à sa place et elle s’étonne presque de le voir la suivre jusque là et de revenir à l’appartement avec elle dans la foulée.
****
Elle sort le test du sac et relève les yeux vers lui, comme pour profiter d’un dernier instant d’insouciance avant de se confronter à la vérité qui se révélera sous leurs yeux. Dans un soupir, elle se dirige vers la salle de bain mais sent la main du brun la retenir doucement. Surprise, elle s’arrête et hausse un sourcil dans sa direction. “Qu’est-ce qu’il se passe si c’est positif?” Elle se mord la lèvre la brune, comme toujours lorsque quelque chose la tracasse et en cet instant, c’est la possibilité qu’elle soit enceinte et que tout change entre eux, pour toujours. “On verra… Ça ne sert à rien de penser au pire.” Lâche-t-elle en poursuivant son chemin vers la salle de bain dans laquelle elle s’enferme à double tour afin d’être sûre qu’il ne débarque pas si elle n’en a pas envie. Elle passe une main tremblante dans ses cheveux en relisant plusieurs fois la notice qu’elle connait par cœur à présent et puis enfin, elle le passe ce foutu test. Et là, le temps lui semble interminable… Son rythme cardiaque s’emballe et ses yeux restent fixés sur le bâtonnet qu’elle tient comme s’il s’agissait du Saint Graal. Elle peut sentir Clyde contre la porte, attendant la moindre réaction de sa part et de son côté, ses pensées partent dans tous les sens. Finalement, elle prend une inspiration et regarde le résultat… Et là, son souffle se coupe. Littéralement.
Il aimerait que la brune ait une réponse à lui apporter, et pourtant, elle est tout aussi désemparée que lui quant à l’issue possible de ce test. Il aurait dû s’en douter à l’instant même où elle a précisé qu’elle n’avait pas osé lui dire, ni même acheter un test - car cela rendrait tout bien trop réel, et même elle s’y refuse encore. “On verra… Ça ne sert à rien de penser au pire.” Ça ne sert à rien, et pourtant, c’est tout ce qui embrume l’esprit du brun, le pire. Impossible pour lui de voir la meilleure version de cette histoire, car il est bien trop habitué à songer à n’importe quel détail qui pourrait faire foirer un plan habituellement - et ce test, c’est loin d’être un détail. C’est un plan et même une vie entière qui prennent une tournure bien différente s’il se révèle positif.
Alors, il laisse la brune s’enfermer dans la salle de bain, n’insiste même pas pour qu’elle lui ouvre car il sait pertinemment que ce serait peine perdue. Pourtant, il se colle à la porte et se force à rester immobile, mission bien complexe alors qu’il meurt d’impatience et d’incertitude. Les secondes passent, les minutes, toutes plus interminables les unes que les autres, alors que le temps semble s’étirer pour mieux lui permettre d’imaginer encore et encore la pire option. Combien de temps est-ce qu’un foutu test de grossesse est vraiment censé prendre? Il ne suffit pas de pisser dessus et de regarder les couleurs? Un test doit forcément être simple, clair, que personne ne puisse se tromper quant à son interprétation - et surtout pas Halsey, il l’espère. Alors il n’y tient plus, se redresse et pose une main sur la porte tandis que sa voix s’enroue malgré lui. “Alors?” Le silence qui lui fait écho est la pire des réponses, et pourtant, il ne peut rien contre elle. “Je peux rentrer?” Quand bien même la porte fermée à clé l’en informe autrement, il tente, n’ayant plus à cœur d’attendre plus longtemps.
Accueil
