Cette rencontre me chamboule. Elle me replonge dans cette histoire sur laquelle j’ai préféré tirer un trait, laissée derrière moi, enfouir au plus profond de mon être pour ne pas avoir à revivre cette peine que j’ai ressentie quand tout s’est terminé entre nous. Pourtant, je ne sais pas si j’ai fait le bon choix. Surtout quand j’ai tendance à reproduire les mêmes erreurs, à m’attacher beaucoup trop vite, à espérer qu’il y ait plus et que tout devient rapidement difficile, compliqué, impossible. Mason a décidé de se noyer dans son chagrin, d’emprunter cette pente bien trop glissante, de refuser cette main tendue que je lui ai maintes fois proposées. Et indéniablement, me remémorer cette relation en le rencontrant sur cette plage me fait penser à l’échec de cette relation actuelle que je suis entrain de vivre. Et c’est peut-être aussi pour ça que Mason reçoit mes foudres de plein fouet, que je me défoule sur lui, que je ne mâche pas mes mots pour lui signifier la déception qu’il a été, le mal qu’il me fait quand il n’est pas l’unique responsable de mes blessures actuelles. La facilité peut-être de le trouver là sur mon chemin, tout comme aussi ce besoin de lui dire enfin ce que j’ai sur le cœur. De lui partager tout ce que je peux ressentir à son égard, le dégoût, la déception, l’indifférence. Parce qu’il est peut-être temps aussi que je me montre moins clémente avec lui, quand j’accepte encore de garder un semblant de relation amicale, d’aller surfer sur la vague avec lui, de prétendre que je peux arriver à n’être qu’une amie à ses côtés, de faire abstraction de tout ce que j’ai pu ressentir à son égard. Un amour peut-être trop grand, un amour qu’il ne méritait pas quand lui ne jamais su me montrer ce qu’il ressentait à mon égard. Qu’encore aujourd’hui, j’ignore s’il a pu m’aimer, ne serait-ce qu’un peu. Que je doute que ce fut le cas et que je me reproche d’avoir été aveuglée, de m’être épris bien trop rapidement de lui quand tout aurait dû me pousser à fuir, à baisser les bras. Surtout à des moments où il me repoussait, alors que je faisais tout pour qu’il s’en sorte, qu’il aille bien, qu’il remonte cette pente après la perte tragique de Tommy.
J’aurai aimé être celle qui l’aurait sauvé de tous ses démons, j’aurai aimé qu’il voit en moi celle qui lui fallait, j’aurai aimé rester à ses côtés bien plus longtemps que ces six petits mois… Ressentir, percevoir sans l’once d’une hésitation l’amour qu’il me portait, me sentir vivante à ses côtés, importante. Pas juste une distraction, pas juste présente quand lui en avait besoin. Mais finalement, avait-il vraiment besoin de moi ? Même ça, j’en doute quand je vois le mépris qu’il peut avoir à mon égard encore aujourd’hui. Alors, je lui tourne le dos, parce que je ne peux plus le supporter, parce qu’il faut que je me protège. Et pourtant… il m’appelle à l’aide, me suppliant dans un murmure de ne pas le quitter, une phrase qu’il aurait pu prononcer deux ans plus tôt s’il avait vraiment voulu me retenir. Chose qu’il n’a pas faite, j’ai l’impression qu’il le fait maintenant. Mais il est trop tard. Bien trop tard. C’est ce que je lui explique alors que j’accepte quand même de me retourner, que j’accepte de m’approcher de lui, de retrouver une proximité qui me rend vacillante. Parce que cet effleurement de ses doigts sur mon avant-bras quand il cherche à me retenir me font frissonner. Une proximité bien trop dangereuse, qui m’apaise pourtant, la colère ayant subitement disparu. Aussi vite qu’elle est arrivée, elle s’est évaporée dans l’atmosphère. Et c’est d’un calme déconcertant que je lui explique que je n’ai plus rien à prouver et qu’il n’y aura plus jamais de nous, malgré ses appels à l’aide. Je ne remarque pas le froncement de ses sourcils parce que je ne suis plus capable d’affronter son regard, alors que nous sommes si proches. C’est sa main qui viendra doucement me relever le menton, qui m’obligera à plonger mon regard dans le sien quelques secondes avant que je ne sente ses lèvres contre les miennes. Un baiser qui me replonge deux ans en arrière, qui me déchire encore plus le cœur alors que des larmes commencent à humidifier mes yeux. Parce que ça fait mal, que ce baiser me rappelle que j’ai été attachée à lui bien plus que je ne voulais me le laisser croire. Il est court ce baiser pourtant il me chamboule. Et encore plus lorsqu’il est accompagné de ces mots « C’était un baiser d’adieu ». En une fraction de secondes, en un claquement de doigt il n’y a plus aucun contact, comme si cet instant n’avait même pas existé. C’est lui cette fois qui s’éloigne, qui me tourne le dos. Je le regarde, figer sur place par ce qui vient de se passer, mes larmes perlant sans ménagement sur mes joues. Parce que je souffre à nouveau, qu’il a encore planté un couteau dans cette plaie béante, qu’il me balance à son tour en pleine face tout ce que j’ai essayé d’oublier… Oublier qu’il était encore important à mes yeux, qu’il comptait et que, même si le nous n’existera plus, je n’ai pas envie de le perdre et de le rayer définitivement de ma vie.
Mes pensées lorsque je rejoindrai ma voiture quelques minutes plus tard se tourneront vers celui qui ne quitte plus mes pensées désormais. Cette rencontre me fait me rendre compte que je ne pourrais pas me battre pour lui de la même manière que je l’ai fait pour Mason. Ce qui me brise encore plus parce que je sais, à ce moment précis, que le nous n’existera plus jamais non plus entre lui et moi…