N’y pense pas. N’y pense pas.

Je répète le mantra inlassablement alors que j’attends devant la mairie. J’étouffe dans ce costume alors que je fume  ma cigarette nerveusement. J’ai promis à Molly qu’on irait à ce bal auquel j’ai été invité grâce à mon cabinet d’architecture qui a refait la maison du maire. Maintenant que j’y suis, pourtant tout me semble étouffant, il y a trop de lumières, trop de gens qui entrent dans le bâtiment. Je réalise trop tard que ce n’était pas une bonne idée, que je n’ai toujours pas digéré ma soirée d’anniversaire d’il y a une semaine et que les mots de Jill et son regard tournent inlassablement dans mon esprit, ravivant une douleur sourde qui refuse de partir.

N’y pense pas. N’y pense pas.


Au même moment je vois Molly sortir d’une voiture d’une voiture et sa robe est magnifique, elle est magnifique et toutes autres pensées disparaît de mon esprit parce qu’elle est là et que mes épaules se relâchent. J’éteins ma cigarette, m’approchant d’elle avant de venir déposer un baiser sur sa joue. « Tu es tellement belle. » Je souffle avec un petit sourire avant de me reculer. Je commence à m’habituer à cette nouvelle relation, celle où il ne se passera plus rien d’autre entre nous, celle où on essaye de reconstruire lentement une amitié qui n’a à vrai jamais vraiment existé. Il y a des jours plus durs que d’autres comme là alors qu’elle est si belle et que je me rappelle que j’ai tout fait foirer.

N’y pense pas. N’y pense pas.

Mon sourire se fait grand, mes yeux pétillent et je lui tends mon bras. « On entre ? » Quelques instants on arrive dans cette grande salle et comme toujours elle est magnifiquement décorée. La magie de Noel se ressent dans chaque coin de la pièce et mon regard se pose sur le visage de Molly pour voir son regard pétiller parce que je sais que ce lieu est à l’image de Noel qu’elle aime tant et j’espère au fond que cette soirée lui laissera un bon souvenir des fêtes de cette années, comme si cela pouvait effacer tout le reste. Un serveur s’approche de nous pour nous tendre un plateau de verres de champagne et on attrape une coupe.

@Molly Ivywreath  

J’ai mis des heures à me préparer et des jours à trouver une belle robe. Une qui allait pour les circonstances. J’ai opté pour une robe rouge avec un bustier pailletté, elle est plutôt moulante. Encore une fois, c’est bien loin des robes que j’ai pour habitude de porter. Je me suis maquillée et je suis allée chez le coiffeur. Jamais on ne m’a proposé ce genre de soirée, donc je voulais être parfaite. Et j’espère que ça sera suffisant.

Les heures passent et je finis par être en retard, je déteste ça. J’appelle un taxi et, bien évidemment, il se retrouve au beau milieu des bouchons. Et, pour la première fois, c’est Pete qui m’attend et moi qui sors en panique de la voiture. “Je suis désolée, j’ai pas vu l’heure passer, on a loupé quelque chose ?” Je parle trop, et je pourrais m’excuser une bonne dizaine de fois à cet instant. Mais il me coupe et je souris un peu trop en sentant son regard se poser sur moi. « Tu es tellement belle. » Je reste bloquée une seconde, et suis toujours étonnée qu’il ne se décide pas à m’engueuler. “Merci…” C’est presque un murmure et mes mains passent sur les plis de ma robe automatiquement pour être sûre qu’elle soit bien placée. “J’avais aucune idée de comment m’habiller je suis jamais allée à un bal.” Même le bal de fin d’année j’ai préféré ne pas y aller, personne n’avait envie de me voir là-bas alors j’ai travaillé.

« On entre ? » Je hoche la tête et passe mon bras en dessous du sien pour le suivre. J’ai encore du mal à apprivoiser mes talons mais je vais lutter pour ne pas me casser la figure. On entre et je suis émerveillée par toutes ces décorations. “C’est magnifique.” Je lâche son bras une seconde pour tourner sur moi-même et pouvoir regarder tout ce qu’il y a autour de moi. “Merci…” De m’avoir inviter, de vouloir être ami avec moi, de ne pas être sorti de ma vie du jour au lendemain. “Ce boulot a l’air sympa.” Autrement dit, si ce travail est sympa il ne devrait pas être obligé de partir pour travailler ailleurs pendant des mois. Je pince les lèvres, il peut faire tout ce qu’il veut, et je dois me rendre à l’évidence, il ne me doit rien et je ne lui dois rien, c’est bien mieux comme ça. J’attrape la coupe de champagne et trempe déjà mes lèvres dans le verre.

Lorsqu’elle sort de la voiture, je découvre une robe que je n’ai jamais vu sur elle. Une robe rouge bustier, épousant ses formes à la perfection et mon regard, toujours attiré par la beauté sous toutes ses formes s’attarde sur chaque courbe, chaque paillette et je déglutis, me forçant à planter mon regard dans ses yeux pour ne pas perdre pieds.  « Je suis désolée, j’ai pas vu l’heure passer, on a loupé quelque chose ? »  Peut être, à vrai dire j’en sais rien et pour être honnête je m’en fous,  tout ce qui m’importe c’est qu’elle soit avec moi ce soir. J’ai besoin d’oublier ces dernières semaines et mon anniversaire et comme toujours bien malgré moi, quand je dois faire sortir Jill de mon esprit, c’est vers Molly que je me tourne.  Je coupe la flopée d’excuses que je sens venir par un compliment sincère. Belle est un euphémisme, elle est magnifique et j’aurais envie de passer des heures à la dessiner.  « Merci… J’avais aucune idée de comment m’habiller je suis jamais allée à un bal. » Je lui souris doucement. « Tu es parfaite Molly, arrête de t’inquiéter. »  Et à son image, j’ai envie que cette soirée le soit. Je veux oublier mes démons, le nuage sombre qui semble embrumer constamment mon esprit ces derniers jours.  Tout va aller bien. Tout doit aller bien parce que je lui ai promis une belle soirée et qu’il est temps que j’arrête de briser mes promesses.

Je connais cette salle depuis un bon moment pour m’y rendre tous les ans depuis quelques années. Aussi mon regard ne parcoure pas la salle mais se pose sur le visage de Molly, émerveillée par la salle autour d’elle et mon sourire s’élargit. « C’est magnifique.  Merci… »  C’est elle que je devrais remercier de m’avoir accompagnée.

« Ce boulot a l’air sympa. » Je ne me rends pas compte du sous-entendu, concernant mes départs multiples au fil des projets qui m’emmenaient à l’autre bout du monde.  « C’était un beau projet, le maire était très satisfait de la maison qu’on lui a faite, je pense qu’on va obtenir un nouveau bâtiment, une des plus hautes tours de Brisbane grâce à ça. Il y a moyen que je sois dessus. » Je souris satisfait, mon regard pétillant toujours quand je parle d’architecture, car elle est là ma véritable passion. Et si je suis sur ce projet, cela voudra dire que je vais devoir rester plusieurs mois à Brisbane. Sauf qu’actuellement, je serais presque prêt à partir en courant loin de la ville tant je ne me sens pas heureux en cette période de fin d’année. «  On verra. » On verra si je reste, on verra ce que je fais, peut être que je laisserais l’alcool décider dans une nuit de débauche. J’hausse les épaules, le visage moins heureux que d’habitude et je finis ma coupe trop vite, en reprenant immédiatement une. « Je suis content que tu sois là avec moi. » Je lui dis doucement, ma main serrant la sienne, ne la lâchant pas. « Alors tu veux qu’on fasse quoi en premier, découvrir le buffet, s'endiabler sur la piste de danse ? » Je n’ajoute pas l’option qui me plairait plus alors que je la regarde : celle de lui enlever cette robe et de disparaître dans la nuit avec elle. Ce n’est plus nous, ça ne le sera plus jamais, elle me l’a bien fait comprendre cette fois.

@Molly Ivywreath  

Le soleil s’est couché depuis un long moment, mais pourtant, il fait toujours aussi bon dans la ville de Brisbane. La température est plaisante à cette période de l’année même si j’ai toujours rêvé de vivre un Noël blanc comme on peut le voir dans les films. Je n’ai jamais quitté Brisbane à part pour ma lune de miel, et je regrette un peu de ne pas avoir voyagé plus. J’ai passé du temps à me préparer pour être parfaite et ça m’a mis en retard. Je déteste ça, et si je me laissais faire je m’excuserais des centaines de fois sans m’arrêter. J’espère qu’il ne sera pas énervé, je me demande même s’il n’est pas déjà entré au moment où je croise son regard. Mon sourire s’agrandit et je me rapproche de lui sans m’arrêter de parler. « Tu es parfaite Molly, arrête de t’inquiéter. » Et je m’arrête de parler en replaçant une mèche de cheveux. Je hoche la tête et le remercie d’un hochement de tête et d’un sourire. Il y a quelques semaines je l’aurais embrassé, mais aujourd’hui, je profite seulement de son compliment comme s’il venait d’un ami. Parce que c’est ce qu’on est devenus. Des amis.

La salle est magnifiquement décorée, tout est parfait. Je ne pouvais pas rêver mieux comme soirée et je ne remercierai jamais assez Pete pour m’avoir offert ce moment. « C’était un beau projet, le maire était très satisfait de la maison qu’on lui a faite, je pense qu’on va obtenir un nouveau bâtiment, une des plus hautes tours de Brisbane grâce à ça. Il y a moyen que je sois dessus. » Je hoche la tête; mais je ne me montre pas aussi enthousiaste que je le suis vraiment. Amie ou plus, je n’aime pas le voir partir sans savoir s’il finira par revenir. Son sourire est magnifique quand il parle de ce qu’il aime, de ses passions, et pour rien au monde je veux qu’il n’arrête ça un jour. « On verra. » “Fonce ! Fais ce qui te rends le plus heureux, que ce soit au travail ou n’importe où ailleurs…” Je me tourne vers lui et bois une gorgée dans ma coupe de champagne. “Faut pas que tu perdes ce sourire.” Je resserre un peu mes doigts autour des siens, tentant de le rassurer comme je le peux.

« Je suis content que tu sois là avec moi. » “Et je suis contente d’être ici.” L’ambiance est fabuleuse et je souris à chaque personne qui décide de croiser mon regard sans jamais m’éloigner de Pete. « Alors tu veux qu’on fasse quoi en premier, découvrir le buffet, s'endiabler sur la piste de danse ? » “Tu sais que j’ai toujours préféré manger que danser.” Je ne suis pas mauvaise danseuse mais je n’aime pas vraiment attirer l’attention sur moi. “Il n’y a personne qui danse encore.” Mais je lui laisse une partie de la décision. C’est sa soirée et je ne veux pas faire mauvaise impression si les personnes qui sont présentes ici sont importantes pour lui et pour sa carrière.

“Fonce ! Fais ce qui te rends le plus heureux, que ce soit au travail ou n’importe où ailleurs…” Elle a toujours pensé à mon bonheur et je n’ai jamais pensé au sien. Ce n’est que maintenant que je commence à m’en rendre compte, lentement, parce que je ne cherche plus à jouer avec elle, parce que je sais que cette fois il n’y aura plus de nous, plus de couple, juste une amitié qui doit se créer si on veut continuer à se voir. Comme elle je n’ai pas envie qu’on coupe le contacte, moi qui ait prétendu le contraire lors de notre rupture je me rends compte que cela fait des années que je me suis habituée à sa présence constante dans ma vie, qu’elle est devenue un pilier sans même que je ne le réalise vraiement. Pourtant tout comme Jill elle m’a dit de faire ma vie, de l’oublier. Elle m’a laissé sur le bord de la route pendant qu’elle choisit d’aller de l’avant, d’être heureuse. Je ne veux pas penser à Jill quand je suis avec Molly. Pourtant c’est notre rupture qui ne   fait que me rappeler le rejet de Jill et je réalise trop tard que j’ai laissé partir les deux femmes que j’ai aimé sans rien pouvoir faire. Je finis ma coupe, perdant mon sourire au même moment où Molly me dit “Faut pas que tu perdes ce sourire”. Mon regard se détourne, se posant sur mes doigts entremelées. J’aimerais pourvoir lui dire alors à quel point il est difficile à garder ce sourire quand mon coeur est serré et que je rêve d’un alcool qui pourrait tout effacer, même son souvenir à elle.

“Et je suis contente d’être ici.” Avec elle mon sourire est toujours plus facile, sa positivité effaçant tous les nuages gris et je me force à ne pas ramener mes pensées à cette soirée d’anniversaire où j’ai l’impression que mon monde s’est écroulé.  Cette soirée est la notre et je ne veux pas la gâcher. Pourtant, je reprends une nouvelle coupe sans même vraiment le réaliser alors que Molly n’a même pas fini sa première.

“Tu sais que j’ai toujours préféré manger que danser. Il n’y a personne qui danse encore. ” A ca je ris, parce qu’elle a raison, je l’ai toujours su. A ca j’attrape sa main et on se dirige vers le buffet. “Allez on va manger, peut être qu’il y aura des pancakes au sirop d’érable qui sait ? “ Je ne sais pas pourquoi je dis ça avec un tel enthousiasme, sachant pertinament à quoi je fais référence, à cette matinée durant l’hiver australien où je lui ai promis monts et merveilles pour venir tout détruire quelques semaines plus tard. Je me souviens parfaitement des mots que j’ai prononcé et pourtant je réalise trop tard ma maladresse. Je n’ai pas à lui rappeler cette matinée où je lui ai promis mariage et enfants et la fin du jeu. Comme toujours je suis maladroit, comme toujours je ne réfléchis pas, trop concentré à vrai dire sur ce que j’aimerais retrouver.  Parce que j’aimerais retrouver cette matinée, j’aimerais me sentir un tant soit peu moins seul ce soir. “ Oh regarde ça a l’air bon ça !” et je lui en tends une bouchée que je porte délicatement à ses lèvres. Il y en a un peu qui coule sur le coin de ses lèvres et par réflexe, mon doigt vient rattraper la crème et je porte mon doigt à mes lèvres avec un sourire mutin.

Je reprends une gorgée et ma nouvelle coupe de champagne est presque terminée. J’aimerais dire que je n’ai pas envie qu’elle le remarque, mais au fond je n’en ai pas grand chose à faire, trop occupé à maintenir toute mon énergie dans l’apparence d’une soirée normale et d’un sourire grandiose, quand tout au fond de moi va mal.

@Molly Ivywreath

Je me sens bien, et je n’ai pas lâché sa main et lui non plus. Je le vois enchaîner les coupes de champagne et je déteste le voir comme ça. J’aimerais lui demander ce qui ne va pas, mais je n’ai pas envie de gâcher ce moment. On est bien là, et, même si je le connais, je n’ai pas envie de l’obliger à me parler de ce qui ne va pas. J’essaie de le rassurer autrement, de lui montrer que jamais je ne le laisserai seul. Quoi qu’il arrive, je ne le laisserai pas aller mal, je n’ai pas envie de l’abandonner. Mon sourire est grand, ma main serre la sienne pour lui montrer que je suis là, que je suis présente et que je ne le juge pas, quoi qu’il puisse faire.

Il répond à son sourire mais moi ça ne me rassure pas complètement. Je ne veux pas le lui faire remarquer, il ne veut pas en parler et il n’a pas de compte à me rendre. Il n’en a jamais eu au fond, et je sais que je dois l’accepter. Je n’ai pas le droit de lui imposer quoi que ce soit alors je me tais et je fais comme si de rien n’était. Il me propose de manger ou d’aller danser. J’aime danser, mais j’aime encore plus manger. Je n’ai pas le temps de chercher où je dois aller que Pete m’entraîne au loin. Je perds l’usage de ma main droite parce que je ne compte pas lâcher sa main si ce n’est pas lui qui le fait. Je suis trop bien, et je réfléchirai à ce qu’il se passe plus tard. Je n’ai pas envie de réfléchir à ce moment là.“Allez on va manger, peut être qu’il y aura des pancakes au sirop d’érable qui sait ? “ Je déglutis, il est maladroit. Je le sais. C’est dans sa personnalité mais mon coeur rate un battement. Parce que je me souviens de cette matinée, de ces heures avec lui qui étaient absolument parfaites. J’aurais aimé que ce soit comme ça pour toujours. On aurait jamais dû sortir de ce lit, et on aurait pu manger des pancakes au sirop d’érable jusqu’à la fin des temps. “ Oh regarde ça a l’air bon ça !” Je hoche la tête et ouvre la bouche quand sa main s’approche de mon visage. “Mmmmmh” C’est délicieux, mais je bug au moment où Pete décide de passer son pouce au coin de mes lèvres et de le porter à ses lèvres à lui. Mon regard se perd quelques secondes sur ses lèvres mais je ferme les yeux. Je ne peux plus faire ça, on est amis, et ça ne doit pas paraître bizarre de faire ce genre de choses.

Les minutes passent et la piste de danse commence à se remplir. J’ai fini un verre de champagne et je ne sais pas à combien de verre en est Pete. Je ne lui fais rien remarquer. Je finis de manger une énième mini pizza et je pose mon verre vide, attrape celui que Pete a entre ses mains et l’entraîne vers la piste de danse. “C’était la suite du programme non ?”

Sa main dans la mienne aide, un peu. Elle m’aide à rester ancrer dans le moment, à me souvenir que la soirée est belle, que le lieu est incroyable, que je devrais être heureux.

Je regrette les mots à peine sont-ils sortis de ma bouche. Trop maladroit toujours. J’aimerais les reprendre, ne pas mentionner les pancakes au sirop d’érable, ne pas mentionner des promesses qui ne se réaliseront jamais.  Je ne l’épouserais jamais. Je ne l’aimerais jamais comme je devrais. On aura pas d’enfants, pas de vraie relation.  Il n’y a plus rien de tout ça et je n’ai eu que ce que je mérite après tout ce que j’ai brisé avec elle. Je ne devrais pas avoir le droit de lui rappeler ce moment et pourtant ce soir j’y pense. J’y pense parce que j’aimerais le retrouver. J’aimerais que tout aille aussi bien que dans ce lit où pendant un court instant tout allait bien.

Elle me manque. Son amour me manque, sa présence me manque et plus je bois, plus ça me semble omniprésent et insupportable. Je la vois se figer quand mon pouce effleure ses lèvres et que je le porte à mes lèvres. Je le vois son regard qui s’égare sur mes lèvres et le mien fait de même et ça me donne l’espoir idiot que tout n’est pas perdu, que finalement peut être qu’elle me reprendra. Comme toujours pourtant c’est pour toutes les mauvaises raisons, parce que le rejet de Jill a renforcé ce sentiment d’abandon que je ressens, parce que je me sens seul.

Je bois plus que je ne mange, elle mange plus qu’elle ne boit et comme toujours on est en décalage et j’aimerais que tout aille bien. Soudain sa main attrape la mienne pour me tirer vers la piste de danse. « C’était la suite du programme non ? » Je lui souris alors, parce qu’elle aura toujours su me faire penser à autre chose et je me force à rester dans l’instant. « Évidemment ! » Ma main dans la sienne, le verre d’alcool abandonné, une de mes mains glisse dans le creux de son dos, l’autre reste dans la sienne.

Souris Pete. Souris pour elle à défaut de le faire pour toi.

Je la serre peut-être trop proche de moi, comme si j’avais besoin de son corps contre le mien. « Tu aimerais aller où Molly si tu pouvais aller n’importe où ? » Je lui demande doucement, mon regard se perdant dans la salle, l’envie de tout quitter et de partir omniprésente dans cette ville qui me rappelle toutes mes erreurs.


@Molly Ivywreath

Je mange, et je bois un peu. Ça aussi c’est une évolution dans ma vie. Plus j’avance, plus je deviens une adulte. Je garderai sûrement ce côté femme enfant toute ma vie, mais je grandis grâce à toutes les épreuves que j’ai traversé ces derniers mois. J’essaie de ne pas me concentrer sur Pete, les bulles du champagne me montent bien trop vite à la tête et j’ai peur de faire quelque chose qui finissent par gâcher ce moment. Je dépose ma coupe et je décide de ne plus boire d’alcool pour ce soir et d’essayer d’entraîner Pete avec moi pour qu’il arrête de se sentir obligé de noyer son chagrin. Je ne sais pas d'où vient cette tristesse, et pourtant, je sais qu’il ne voudra pas s’ouvrir sur ça. Je ne force pas, je n’ai pas envie de nous voir crier alors que cette soirée commence aussi bien.

Il me suit et ça me rassure. Il lâche sa coupe de champagne et on est tous les deux au milieu de la piste de danse. Je n’ai pas lâché sa main et je me rapproche de lui. Ca ne doit pas paraître bizarre, deux amis peuvent danser de cette manière ensemble non ? C’est peut-être tôt, mais je n’ai pas envie de penser à tout ça. Je me perds une fois de plus dans ses yeux, et silencieusement, je me demande si un jour j’arriverai à ne plus avoir aucun sentiment pour lui. « Évidemment ! » On danse et je ne réfléchis plus à rien. Je ris quand il me fait tourner sur moi même et la musique se fait bien plus calme alors je laisse mes mains se replacer dans celles de Pete. « Tu aimerais aller où Molly si tu pouvais aller n’importe où ? » Je fronce les sourcils, je n’ai jamais voyagé et il le sait. “Là tout de suite, dans un endroit où on fête Noël dans le froid et sous la neige.” Je souris, ça fait partie de mes grands rêves. “Je pense que je vais voyager cette année.” C’est une nouvelle année, une nouvelle personne, une nouvelle vie, et je compte bien écouter mes envies.

On danse, sa main dans la mienne, son corps contre le mien. On danse et je la fais tourner au rythme de la musique, au rythme de nos rires qui se joignent. Ce moment me parait simple, efface un peu le reste, devient omniprésent jusqu’à chasser toutes ces pensées auxquelles je ne veux pas prêter attention.

Je me concentre uniquement sur elle, tente d’oublier l’envie d’une nouvelle coupe de champagne. Je lui demande où elle souhaiterait aller si elle pouvait aller n’importe où. “Là tout de suite, dans un endroit où on fête Noël dans le froid et sous la neige. Je pense que je vais voyager cette année.”  Je la regarde un peu surpris à la fin de sa phrase, étonnée qu’elle prenne enfin son courage à deux mains, qu’elle décide de suivre ses envies et de partir à la découverte du monde. Je ne dis rien, mais j’aime cette nouvelle Molly qui commence à s’affirmer un peu plus.  Je plonge mon regard dans le sien et je ne sais pas si c’est l’alcool ou bien quelque chose d’autre mais je ne peux m’empêcher de dire. « L’année prochaine on pourra fêter Noel dans la neige. » Comme si on était encore ce couple. Comme si on allait partir en voyage ensemble.

Arrête avec tes promesses que tu ne tiens jamais Pete. Arrête avec tes grandes idées qui n’aboutissent à rien parce que tu n’auras jamais le courage de les suivre.

On est plus ensemble et pourtant j’ai du mal à me sortir de ce rôle que j’ai habité à je ne sais combien de reprises, partant pour mieux le retrouver. C’est bien la première fois, qu’elle m’empêche de le reprendre et même si je ne dis rien, au fond, peut être que je continue un peu de me battre, persuadé qu’elle me pardonnera.

« Tu vas allez où ? Tu vas commencer par quoi ? » Quel pays, quelle ville ? Le monde à découvrir et mon regard est brillant car j’ai toujours adoré à voyager et que je réalise soudain que je ne lui ai jamais proposé de m’accompagner, quand j’aurais pu, quand j’aurais dû.

Mon regard est attiré par le champagne derrière moi, et les regrets reviennent vite, l’envie de les effacer avec. Pourtant je me force à garder mon regard dans le sien, à la serrer un peu plus contre moi et mon pouce vient tracer des cercles dans son dos sans même que je ne m’en rende compte.

@Molly Ivywreath

On s’amuse, et pendant un instant j’aimerais oublier les bonnes résolutions que j’ai prise. Mais ça dure seulement une seconde. Je ne craquerai pas, pas alors que tout semble si bien se passer entre nous depuis de rendez-vous à la patinoire. Jamais je n’aurais cru pouvoir être amie avec Pete, et pourtant, c’est exactement ce qu’il est en train de se passer. Je tourne et je me laisse guider. Je ne sais pas combien de temps on passe à rire au milieu de cette piste de danse et j’aimerais que ce moment ne finisse jamais. La musique se fait bien plus calme et on se rapproche, c’est plus facile pour discuter de tout et de rien pas vrai ? Je sens qu’il ne va pas bien, et pourtant, je ne pose aucune question. Il m’en parlera quand il sera prêt, ou seulement quand il en aura vraiment envie.

Étonnement, on parle voyage. Je ne suis pas sûre que ça soit déjà arrivé tout au long de notre ancienne relation. Je sais qu’il a voyagé, mais il préférait le faire en cachette et ne pas m’en parler avant de revenir à Brisbane. On était bien trop occupés à s’engueuler pour prendre le temps de discuter de tout ce qu’il avait pu voir et découvrir. Et cette fois, c’est moi qui ai envie de voyager. J’ai besoin de me retrouver et de faire ce que j’ai envie de faire. J’aurais dû prendre cette décision il y a bien longtemps. Si je l’avais fait, peut-être que j’aurais participé à quelques voyages que Pete a pu faire. « Tu vas allez où ? Tu vas commencer par quoi ? » Je vois qu’il s’y intéresse vraiment et ça me fait sourire. Je réfléchis, j’ai envie de tout découvrir mais je ne sais pas si j’arriverai à le faire. “L’Asie, ou l’Amérique du Sud ? J’en sais encore rien.” Je ris, je n’ai pas encore fait de recherches sur les endroits que j’aimerais voir, mais c’est les premiers continents qui me viennent à l’esprit. “Y’a des pays que t’as pas encore visité toi ?” Je pose machinalement ma joue sur son torse alors que son pouce fait des cercles dans mon dos et que mes doigts jouent avec ses cheveux. C’est pendant ce genre de moments que j’aimerais que rien n’ait changé entre nous.

« L’Asie, ou l’Amérique du Sud ? J’en sais encore rien. » Deux continents où je ne suis pas allé tant que ça, mon boulot m’ayant plutôt amené à aller en Europe ou aux Etats Unis. Le monde est à ses pieds et j’espère qu’elle va en profiter et faire plein de beaux voyages. « Y’a des pays que t’as pas encore visité toi ? » Un doux rire secoue mes épaules et je sens mon cœur battre plus vite quand elle pose sa tête contre mon torse, ses doigts dans mes cheveux.  Peut-être qu’il y a de l’espoir finalement ? Peut-être qu’elle aimerait de nouveau être plus qu’amis ? Peut être que je ne serais plus seul ? Je pose ma tâte contre la sienne réfléchissant. « Oh il y en a plein !  Le cambodge par exemple ! Ou le Vietnam.  C’est con qu’on ait jamais voyagé ensemble. » Je lance, les regrets dans ma voix. Mais ça n’arrivera sans doute plus, je ne sais pas.  Le rythme de la musique a ralenti. Je la serre un peu plus contre moi parce que je n’ai pas envie de la lâcher. « Bon il y a plein de moustiques. Je suis sûre que je me ferais dévorer. Quoique si j’y vais avec toi, peut être qu’ils te mangeront toi si je t’offre plein de chocolat avant ? » Mon air est malicieux, le moment me semble suspendu dans le temps et la soirée me donne des rêves pleins à la tête, des rêves de plus, des rêves de nous.

Pourtant, je me rappelle qu’elle ne veut plus de moi. Tout comme Jill ne veut pas de moi. La pensée s’immisce dans la bulle, vient la détruire au même moment où la chanson s’arrête. J’attrape sa main et je lui dis « J’ai soif ! Viens on va se reprendre une petite coupe ! » Clin d’œil, regard enjoué qui sonne faux et je ne lui laisse pas le choix, l’entraînant un peu hors de la piste, attrapant deux coupes lui en tendant une. Je regarde autour de moi, cherchant à fuir mes pensées. « Tu imagines un immense sapin comme ça dans ton appart ? » Je pointe vers le salin magnifique dans un coin de la pièce et je ris avant de réaliser que je ne sais même pas à quoi ressemble son nouvel appartement.


@Molly Ivywreath

Je n’ai pas envie de bouger de cette piste de danse. On est peut-être restés là plusieurs minutes, ou des heures, je n’en sais rien du tout. Je n’ai pas regardé mon téléphone depuis que je suis sortie du taxi, et je ne changerai ce moment pour rien au monde. On parle voyage, et je ne pensais pas que ce soit possible qu’on soit capable d’en parler calmement. Les voyages ont toujours été conflictuels. Mais les choses changent depuis quelques semaines, et j’aime cette nouvelle dynamique. Je rêve de voyage et de découverte du monde comme je n’avais jamais osé le faire jusqu’à maintenant. J’évolue, et je sens que ça me fait beaucoup de bien. « Oh il y en a plein ! Le cambodge par exemple ! Ou le Vietnam. C’est con qu’on ait jamais voyagé ensemble. » Je hoche la tête tout en gardant ma joue collée contre le torse du jeune homme. “On a encore quelques années devant nous non ? C’est courant les voyages entre amis.” Je ris un peu, tente autant de m’en convaincre que de le convaincre lui.

« Bon il y a plein de moustiques. Je suis sûre que je me ferais dévorer. Quoique si j’y vais avec toi, peut être qu’ils te mangeront toi si je t’offre plein de chocolat avant ? » “Je note que la première chose que je dois acheter, c'est un produit anti-moustique." C’est bête mais je m’imagine déjà partir à l’autre bout du monde avec lui. Je dois réfléchir, je ne sais pas si c’est une bonne idée de déjà envisager ce genre de choses. J’y réfléchirai plus tard, demain, quand cette soirée sera terminée.


« J’ai soif ! Viens on va se reprendre une petite coupe ! » Le moment tendre est apparemment terminé et je le suis, j’ai l’impression que sa main n’a pas quitté la mienne depuis que je suis sortie de ce taxi. J’attrape la coupe de champagne qu’il me tend sans être certaine de la boire. Mais je ne veux pas le contrarier. « Tu imagines un immense sapin comme ça dans ton appart ? » Je regarde le sapin qui est vraiment immense “Il me faudrait un super grand appartement pour ça…” Je rêve d’avoir une grande maison dans laquelle je pourrais avoir des enfants et une salle pour accueillir les animaux blessés que je ne peux pas laisser au refuge. “Je…” J’allais lui parler de mes plans sans vraiment savoir pourquoi, avant qu’un homme ne s’approche de nous. Je souris, j’ai dit que je ne voulais pas faire mauvaise impression. “Joyeux Noël Mulligan ! Vous êtes ?” Je lance un regard à Pete, je ne sais pas qui est cet homme. “Molly Oak… Ivywreath…” Je déglutis, je n’ai pas l’habitude de me présenter ainsi et j’ai peur que ça jette un froid entre nous. “Vous faites un très beau couple.” L’homme sourit et j’ouvre de grands yeux étonnés.

On fait des plans sur la comète, à parler de toutes ces choses qu’on n’avait pas fait et qu’on aurait pu faire ensemble. Voyager. Combien de fois aurais-je pu lui proposer de venir avec moi ? Combien de fois les voyages avaient été une façon de la fuir et de m’échapper ?  Combien de fois avaient-ils étaient sources de disputes qui ne finissaient pas ? Parce que je partais toujours, parce que je prévoyais mes voyages sans jamais l’avertir, parce que finalement, je ne pensais jamais à elle.  Ou du moins pas assez.  Aujourd’hui pourtant, la conversation est facile, le sujet des voyages devient normal, ne fait plus bouillonner notre sang.  Je regrette soudain de n’avoir jamais voyagé avec elle maintenant que tout est fini. « On a encore quelques années devant nous non ? C’est courant les voyages entre amis. » Je reste silencieux, ma tête contre la sienne et j’ai envie de lui dire que je n’ai pas envie d’être simplement son ami. Mais peut être que je serais un bien meilleur ami que je n’ai été un petit ami ? Peut-être que c’est comme ça que ça doit être. « C’est vrai… » je souffle, essayant de me convaincre que je peux être son ami, que cela peut suffire.

Je mentionne les moustiques pour me changer les idées, pour ne pas me concentrer sur l’odeur de ses cheveux, sur son corps contre le mien et mes doigts qui effleurent toujours le creux de son dos. “Je note que la première chose que je dois acheter, c'est un produit anti-moustique." Peut-on vraiment devenir amis ? Voyager comme si de rien n’était ? Alors que quand je la regarde je n’ai qu’une envie enlever cette robe et embrasser sa peau pour lui rappeler qu’elle est à moi, qu’elle sera toujours à moi.

Alors je me détache, parce que c’est un mensonge, parce que sa proximité commence à me faire plus de mal que de bien que j’ai besoin de boire, mon cœur de nouveau déchiré entre les deux femmes qui auront fait le choix de me quitter pour l’une et de me rejeter pour l’autre.  Je bois ma coupe trop vite et je passe à la suivante qu’elle n’a pas commencé la sienne. Ca aide…un peu.


« Il me faudrait un super grand appartement pour ça.. je..» Je sors de mes pensées me rappelant que j’ai commencé à parler du sapin quand soudain un de mes collègues s’approche.  Je me redresse imperceptiblement, mon sourire se faisant plus charmant, mes yeux bleus rayonnant et tout est faux mais pour cet homme tout est vrai. « Joyeux Noel Mulligan ! Vous êtes ? »  Je m’apprête à présenter Molly mais elle reprend la parole. « Molly Oak…Ivywreath.. » Il aura suffi de la mention du nom de son mari pour que mon regard s’assombrisse pour que je finisse ma coupe de champagne. « Vous faites un très beau couple. » Sauf qu’on ne l’est plus. Et mon cœur se serre violemment, parce que je me rappelle qu’elle ne veut plus de moi. Qu’elle ne voudra plus jamais de moi. Que Jill non plus ne veut rien de moi. Je souris un peu plus fort pourtant et je dis d’une voix trop enjouée, coupant tout contact physique avec Molly. « Vous êtes gentil Oliver.  Mais Molly et moi ne sommes pas un couple. Molly est mariée. » Chaque mot articulé a failli rester coincer dans ma gorge. On discute de tout et de rien pendant un moment et je manque de pousser un soupir de soulagement quand il part enfin. Le temps de la conversation, j’ai eu le temps de boire je ne sais combien de verres.  Mon air est plus sombre quand je la regarde. «  Il va bien...ton mari ? » Je prononce les mots d’un ton amer.



@Molly Ivywreath

On ne danse plus et je regrette déjà ce moment. On continue de discuter comme si de rien n’était. Les voyages sont une belle conversation, et je rêve de m’évader de tout ce qui ne va pas ici. Parce qu’au fond, rien n’est plus là pour moi dans cette ville que j’aime autant. Mais ce n’est pas le moment d’en parler, parce qu’il ne sait rien Pete, personne ne sait rien à propos du départ d’Allie et de Tristan, du fait que je n’ai pas osé demander des nouvelles à Jack depuis des semaines ou encore que Ellie ne m’aime pas. Je garde tout ça pour moi parce qu’il n’y a pas de bon moment pour balancer ce genre de choses.

J’aime parler de Noël, de sapin et de voyages mais un homme nous interrompt. Je ne le connais pas et je me présente. Je ne parle pas beaucoup, l’homme s’adresse à Pete. « Vous êtes gentil Oliver. Mais Molly et moi ne sommes pas un couple. Molly est mariée. » Et je me tais. Il lâche ma main et ça lance un froid terrible. J’ai sûrement fait une connerie et je baisse les yeux sur mes mains. Je joue avec mes doigts et me concentre sur tout sauf sur cette conversation. Je suis de nouveau nerveuse, et j’aimerais m’échapper de cet endroit. Son ton a changé, son regard aussi, je le sens. Il a bu je ne sais combien de verres et maintenant je suis sûre qu’il va mal à cause de moi. Je déteste quand il va mal, et quand il boit autant. Mais je n’ai plus rien à lui dire, et si je tente de lui donner mon avis il risque de s’énerver et de partir.

J’attends quelques minutes et je ne sais pas quoi faire. J’hésite à m’éloigner pour retourner vers le buffet. Mais il finit par se tourner vers moi et il n’a plus le même regard. « Il va bien...ton mari ? » Je pince les lèvres et n’ose de nouveau plus croiser ses yeux. “J’en sais rien.” Parce que ça fait des jours que je ne l’ai pas vu et que je n’ai pas cherché à le voir. “Je suis désolée…” Je ne sais même pas vraiment ce que j’ai fait mais je déteste le voir aussi remonté. “On devrait rentrer la salle s’est vidée.” Je ne sais pas quelle heure il est ni combien de temps on a passé ici mais une grande partie des personnes sont parties. Je vois qu’il tangue, et je connais ce regard. “Je vais te raccompagner.” Il est bourré, et je sais très bien qu’il ne rentrera pas chez lui si je ne suis pas avec lui, et je n’ai pas envie de savoir qu’il va écumer les bars.

Ma main quitte la sienne, l’instant brisé, la magie de Noel oubliée par ce simple mot. Couple. Tout ce qu’on est pas. Tout ce qu’on sera plus. Tout ce qu’elle voulait plus être avec moi. Tout ce que Jill avait jamais voulu être avec moi.  Je fais la conversation, un pseudo sourire sur le visage quand mon regard devient plus froid et plus flou au fur à et mesure que je bois. Je refuse de la regarder. Molly et sa robe rouge, Molly que j’ai envie d’embrasser de nouveau à en crever.  Mais je peux pas, alors je bois et je parle, je parle jusqu’à ce que le collègue s’en aille et qu’on se retrouve de nouveau seuls et que je plante mon regard dans le sien, lui demandant comment va ce mari qui pour moi a toujours été un faux mari mais qui pourtant me rend bien plus jaloux que je n’ai envie de l’admettre. « J’en sais rien. » Je ris sarcastique, tanguant sur mes pieds, l’esprit de moins en moins clair. « Pourquoi t’en sais rien Molly ? C’est pas ton mari, t’es pas censée vivre avec lui ? Ah non j’oubliais t’as un nouvel appartement. Du coup t’es encore mariée ou pas Molly ? T’es pas censée l’aimer ton mari ? »   Ce mot en quatre lettres est prononcé avec dégoût. Je me laisse emporter par l’alcool, je cherche à blesser quand elle ne m’a rien fait.

Une part de moi s’en rend compte, une toute petite part de moi qui a envie de bien me comporter avec elle, qui a envie de l’aimer et de la respecter. La part qui a envie de grandir. Mais cette partie de moi est engloutie par l’alcool, effacé par l’ivresse et je redeviens le connard, parce que c’est plus facile. « Je suis désolée… » Elle s’excuse et ça a le don de m’agacer encore plus. Parce qu’elle n’a pas à s’excuser. Ni à moi ni à personne. « Arrête de t’excuser Molly putain. T’as pas à t’excuser. Tu vas continuer longtemps à t’aplatir devant tout le monde ? » Je réalise la violence de mes mots dès que je les ai prononcés. Je ferme un instant les yeux, le regard troublé par l’alcool. « Je…Je voulais pas dire ça. Excuse moi. »  Je murmure conscient d’aller trop loin encore une fois.  Je fais un pas en avant vers elle et si je me sens stable, je sais que je n’ai plus rien de sobre. « Je vais te raccompagner. » Je regarde autour de moi, la salle commence à se vider et les gens commencent à partir. Je m’en veux. Je m’en veux d’être bourré. Je m’en veux de la décevoir. Je m’en veux d’avoir gâché cette soirée. « D’accord… » Je murmure. Je suis silencieux alors qu’on marche dehors, les lumières de la ville ne me semblent plus aussi belle, la soirée un peu moins lumineuse. Je tangue plus que je ne marche ne disant rien. « Je me comporte encore comme un con. Pardon… » Je souffle, arrivant devant la voiture, lui donnant mes clés conscient que je ne suis plus en état de conduire mais qu’elle l’est elle. J’aimerais tout effacer.