L’ambiance a changé en moins d’une seconde. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il s’est passé. Je ne sais pas pourquoi il a lâché ma main ni pourquoi il a décidé de m’ignorer. C’est moi qui ai pris la décision qu’on ne soit plus un couple, je le sais, et je pense qu’il n’arrêtera jamais vraiment de me le reprocher. Mais ce qu’il ne comprend pas, c’est que je ne veux plus d’une relation comme il m’a offert. Et pourtant, il est encore la seule personne avec qui je pourrais m’imaginer construire ma vie. « Pourquoi t’en sais rien Molly ? C’est pas ton mari, t’es pas censée vivre avec lui ? Ah non j’oubliais t’as un nouvel appartement. Du coup t’es encore mariée ou pas Molly ? T’es pas censée l’aimer ton mari ? » Et je ne l’aime pas ce Pete là. Je déteste celui qui me reproche les malheurs du monde entier et qui me fait mille reproches à la seconde. Je mets ça sur le dos de l’alcool, et je n’ai pas envie d’envenimer les choses. “Tu sais très bien que c’est pas pareil avec Léo.” Ma voix aussi est bien plus sèche, et pourtant, je n’ai pas envie de le contrarier.

« Arrête de t’excuser Molly putain. T’as pas à t’excuser. Tu vas continuer longtemps à t’aplatir devant tout le monde ? » Et je capte son regard. Il essaie de s’approcher et je m’éloigne. Il est allé trop loin et il le sait. « Je…Je voulais pas dire ça. Excuse moi. » C’est trop tard, et il devrait savoir que désormais c’est différent et que je ne cèderai plus même après des dizaines d’excuses différentes. Je ne dis rien à part que je vais le ramener chez lui. Il ne prendra pas le volant dans cet état, je me charge de sa sécurité. « D’accord… » J’avance et je reste silencieuse. Je n’ai pas envie de discuter avec lui, pas maintenant. Je veux juste savoir qu’il rentre chez lui en sécurité. « Je me comporte encore comme un con. Pardon… » “Mmh.” Je ne fais qu'acquiescer ce qu’il dit cette fois, en rien je n’ai envie de lui dire que ce n’est rien. Il est le premier à savoir tous les efforts que je fais pour m’affirmer, et il a réussit à tout piétiner, tout le bonheur de cette soirée juste avec quelques mots.

J’attrape les clés de la voiture et je me dirige vers son appartement. Le trajet ne dure que quelques minutes et je trouve une place. J’ouvre la porte, le surveille de loin sortir de la voiture. Il me rejoint devant la porte. “T’as besoin de quoi que ce soit ou ça va aller ?”

« Tu sais très bien que c’est pas pareil avec Léo. » Non ce n’est pas pareil, c’est un faux mari, tout juste bon à m’avoir remplacé pour qu’elle puisse prétendre qu’avec lui elle aurait pu faire sa vie quand c’est avec moi qu’elle aurait dû se marier. L’alcool a toujours fait ressortir ce qu’il y avait de pire chez moi. Mon égoïsme, ma colère, ma moquerie, le tout exacerbé au point d’effacer mes sourires, de faire oublier toute gentillesse, de réduire en miettes une soirée comme celle-ci.

Je suis fatigué qu’elle s’excuse quand elle ne devrait s’excuser devant rien ni personne. Je hausse le ton, sûrement parce qu’au fond c’est à moi que j’en veux. Moi qui devrais m’excuser, moi qui devrais m’aplatir et admettre toutes les erreurs que j’ai commise. Je me déteste de la traiter ainsi et je finis par prononcer des mots que je ne devrais pas.  Un pas en arrière, un regard qui se ferme et je sais que c’est trop tard, que je lui ai rappelé en un instant toutes les raisons pour lesquelles elle a bien fait de mettre fin à notre relation.

On sort du bal et la conversation s’est brisée, le silence et la froideur régnant entre nous. J’ai beau m’excuser, elle ne me dit que ce n’est rien comme toutes les fois précédentes. « Mmh. » Elle se contente d’acquiescer et je sens la culpabilité me dévorer alors qu’elle me reconduit. J’aimerais que tout soit plus simple. Même l’alcool aujourd’hui ne semble plus totalement anesthésier le reste et je reste silencieux dans la voiture, souhaitant reprendre les heures précédentes, les changer, rester dans cette danse où tout allait bien.

On arrive devant la villa de Dylane et Molly ouvre la porte. “T’as besoin de quoi que ce soit ou ça va aller ?” Elle va partir, me laisser seul. Elle me laissera seul comme Jill. Elle me laissera seul comme tout le monde avant elle. Parce que je fais fuir les gens avec ma connerie.  Je m’approche sans la toucher, oscillant sur mes pieds comme un pantin prêt à s’écrouler.  « Pars pas, pas tout de suite. Entre, cinq minutes…s’il te plait. » Ma voix se brise sur les cinq minutes, parce que l’idée d’être seul me terrifie. « Je…je prendrais bien un verre d’eau. » Je pourrais me le servir tout seul mais je n’ai pas envie qu’elle parte, cherchant désespérément à prolonger cette soirée, à la sauver d’une manière ou d ‘une autre comme si c’était possible.

On entre dans la villa, heureusement Dylane n’est pas là. Les chiens sont sûrement endormis en haut.  Je franchis la barrière entre nous cette fois, attrapant ses mains avant qu’elle puisse reculer. « Je suis désolé Molly, je voulais pas gâcher la soirée. J’aimerais pouvoir revenir au moment où on dansait et où tout allait bien… » J’avoue, plongeant mon regard dans le sien,  en espérant qu’elle y voit ma sincérité. Elle était si belle à ce moment-là. Elle l’est toujours à vrai dire, mais avant il n’y avait pas ce regard triste, il n’y avait que son sourire.

Je suis restée silencieuse pendant tout le trajet. J’ai conduit jusqu’à chez lui et j’ai préféré ne pas lui hurler dessus. Pourquoi j’ai autant envie de m’énerver et de crier sur le jeune homme ? Je déteste m’énerver, mais il a le don de faire ressortir le pire de tout ce qu’il y a chez moi. Il est bourré, et je n’ai aucune envie qu’on s’engueule, aucune envie de l’entendre me reprocher tous les maux de la planète encore et encore.

On arrive devant sa porte et je m’autorise quelques mots. Parce que ça sera toujours dans ma nature de m’inquiéter pour lui et que je ne changerai cette partie de ma personnalité pour rien au monde. « Pars pas, pas tout de suite. Entre, cinq minutes…s’il te plait. » Je serre les dents et ferme les yeux une seconde. Je sais comment ça fini en temps normal quand il me demande de rester quelques minutes chez lui. Je déglutis et croise son regard. “Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée.” Je lui rends les clefs de sa voiture, il a l’air dévasté et je déteste le voir dans cet état là. « Je…je prendrais bien un verre d’eau. » Je soupire. “5 minutes, et juste de l’eau.” Et je le suis à l’intérieur de cette maison que je ne connaissais pas encore. Je regarde autour de moi pour trouver la cuisine.

« Je suis désolé Molly, je voulais pas gâcher la soirée. J’aimerais pouvoir revenir au moment où on dansait et où tout allait bien… » Je me racle la gorge, je n’ai pas envie de l’excuser cette fois. Je nous sert deux verres d’eau et lui tend. “T’as toujours eu l’alcool mauvais.” Il le sait, et j’ai eu des dizaines d’occasions de le voir. Je regarde vers le canapé et je ne peux m’empêcher d’apercevoir des affaires de femme. Mes yeux s’arrondissent un peu. “Tu vis avec quelqu’un ?” La question m’a échappé et je secoue la tête en buvant une partie de mon verre d’eau. “Laisse tomber je veux pas savoir.” Bien sûr que si je veux savoir s’il me fait tout un cinéma à cause de Léo tout en vivant avec une autre dans une maison que je n’ai jamais vu. “Je vais y aller.” Parce que cette fois je n’ai aucune envie de rester avec lui toute une nuit.

Elle veut partir et je tente de gagner des minutes, je tente de gagner tout ce que je peux pour qu’elle reste et qu’elle me pardonne et que tout aille un peu mieux.   « Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée. »  Je ne peux pas la laisser partir. Pas comme ça, pas maintenant et je récupère les clefs de voiture, lui disant que j’aimerais un verre d’eau, l’incitant à rentrer à ne pas m’abandonner maintenant. “5 minutes, et juste de l’eau.”

J’hoche la tête, frénétiquement et je la regarde me servir un verre d’eau en espérant que tout va pouvoir aller un peu mieux. Je m’excuse une nouvelle fois. « T’as toujours eu l’alcool mauvais. » Mon regard se détourne, et j’ai envie de dire pas toujours…pas quand je buvais que quelques verres parce que c’était devenu mon état habituel. Celui qui était constant à présent que je n’étais jamais plus sobre pendant très longtemps.    « Tu vis avec quelqu’un ? » A ca je la regarde,  parce que je me rends compte qu’elle n’a toujours pas remarqué que j’avais une colloc. « Laisse tomber je veux pas savoir. » J’ouvre la bouche pour protester pour lui dire que ce n’est que Dylane, qu’il n’y a rien entre nous. « Je vais y aller. »

Mon cœur s’effondre.  Ma main attrape la sienne, je la force à me regarder. « Je vis avec Dylane. Une pote de Mia. C’est sa maison. Je ne voulais juste pas habiter seul. Il ne se passe rien entre nous. » Je souffle et mon regard ne lâche pas le sien. « Il y a qu’une personne avec qui j’ai envie qu’il se passe quelque chose Molly. » Je souffle, le regard soudainement brûlant.

Et c’est faux, parce qu’il y a à peine une semaine j’étais en train d’embrasser Jill. Mais Jill est une fantaisie du passé, l’espoir que ça serait avec qui je devais finir ma vie, la seule qui aurait pu m’accepter comme je suis parce qu’on était similaires. Mais même elle m’avait rejetée. Molly c’est différent. Molly est l’espoir qu’un jour je serais différent, l’espoir que je serais capable de changer. Molly est la personne que j’ai envie de mériter et que j’ai envie d’aimer.

Je ne veux pas être seul pas encore, elle ne peut pas me rejeter elle aussi, pas quand on s’était aimé pendant aussi longtemps. « Tu me manques Molly. Tu me manques tellement. » Je souffle et sans réfléchir, j’attrape son visage de mes mains et mes lèvres sont sur les siennes cherchant un baiser brûlant.

Je ne sais pas quoi faire, alors j’entre et je lui sers un verre d’eau. Je ne connais pas cette maison, je ne suis jamais vraiment allée chez lui en réalité. Et j’observe sans vraiment le vouloir, des objets et des vêtements qui ne sont visiblement pas à Pete. Je serre les dents, je ne veux pas être aussi jalouse, je n’en ai pas vraiment le droit je le sais. Je pince les lèvres mais la question m’échappe sans que je ne le veuille vraiment. Parce que je ne veux pas savoir s’il a rencontré quelqu’un, s’il a rencontré celle qui lui donne envie de se poser et d’habiter avec elle. Je crois que je ne suis pas encore prête à avoir ce genre d’information. Alors je ferme les yeux et je veux passer à autre chose, j’aimerais qu’il oublie la question.

Je m’apprête à partir, j’avais dit 5 minutes et je ne comptais pas rester une seconde de plus. Je m’éloigne mais je n’ai pas le temps d’arriver à la porte qu’il m’a déjà rattrapé. « Je vis avec Dylane. Une pote de Mia. C’est sa maison. Je ne voulais juste pas habiter seul. Il ne se passe rien entre nous. » J’ai du mal à le croire, je ne sais pas si un jour j’arriverai réellement à lui refaire totalement confiance. “Tu fais ce que tu veux.” Parce qu’il n’a pas à me rendre de compte, et c’est encore difficile à accepter. Il pourrait très bien vivre avec Dylane parce qu’ils sont ensemble, je n’aurais rien à lui dire. Je ne veux pas penser à cette pointe de jalousie qui prend place au fond de mon coeur. « Il y a qu’une personne avec qui j’ai envie qu’il se passe quelque chose Molly. » Je déglutis et j’évite son regard. Il a bu, il est bourré et je le sais, je dois garder ça en tête. Je ne peux pas dire que c’est tout ce que j’ai toujours voulu, parce que je dois passer à autre chose. Je dois partir de cette maison le plus rapidement possible. “Arrête Pete.” On s’était mis d’accord.

« Tu me manques Molly. Tu me manques tellement. » Non il n’a pas le droit. J’allais lui dire qu’on se voit, qu’on passe du temps ensemble mais je comprends ce qu’il veut vraiment dire. J’allais parler mais il m’embrasse. Et on pourrait dire qu’à cet instant, l’alcool me rend mauvaise aussi. Je le repousse. “ARRETE !” Il m’énerve, et je lui ai déjà dit que je ne voulais pas qu’il fasse ça. “Pourquoi tu gâches tout ?” Je ne me reconnais pas, mais je ne compte pas le laisse s’en tirer aussi facilement. “Je t’ai dit que si tu voulais pas qu’on soit ami il fallait qu’on s’éloigne ! Je suis pas ton jouet Peter.” Je n’utilise que très rarement son prénom en entier. “Tu voulais que j’arrête de m’écraser ? Très bien.” Je reste proche de la porte, prête à partir. “Moi je veux que t’arrêtes de croire que tu as tous les pouvoirs sur moi, que tu peux toujours tout décider ou que tu peux même choisir à quel moment t’as envie que je sois dans ta vie ou pas.” Je déteste m’énerver parce que je suis incapable de retenir mes larmes de nerf. “Je suis pas à toi, je suis pas ta marionnette, et j’ai pas envie que tu penses que tu peux encore et encore faire ce que tu veux de moi.” J’essaie les larmes qui ont coulées le long de mes joues.

« Tu fais ce que tu veux. » Son ton est sec et ça me donne de l’espoir étrangement. L’espoir qu’elle est jalouse. L’espoir que je lui manque autant que je lui manque.  Je sais que je n’ai plus à lui rendre de compte et pourtant je ne veux pas qu’elle pense qu’il y ait quoique ce soit avec Dylane, parce que ce n’est pas le cas.  Parce que si je veux retrouver quelqu’un ce n’est pas Dylane, c’est Molly.  Je lui dis et pourtant elle évite mon regard.  « Arrête Pete. »

Je vois la chute arriver, violente et douloureuse et pourtant je continue, incapable de m’arrêter. Je suis terrifié à l’idée de la perdre, à l’idée qu’elle s’en aille alors que je devrais me rappeler que je l’ai déjà perdue. Mais elle me manque, plus qu’elle ne m’a jamais manqué peut-être parce que je sais au fond que tout est terminé. Alors mes mains attrapent ses joues et mes lèvres trouvent les siennes et je ne veux pas arrêter de l’embrasser, je veux qu’elle craque comme tant de fois par le passé parce que j’ai besoin d’elle.  Pourtant elle me repousse violemment.  Le souvenir d’un déjà vu omniprésent. Parce que ça fait à peine une semaine que j’ai embrassé Jill. A peine une semaine qu’elle m’a rejeté de la même manière.

« ARRETE » elle crie comme elle n’a jamais crié et je recule comme si elle m’avait giflée. “Pourquoi tu gâches tout ?” Parce que je ne sais pas faire autrement. Parce que j’ai envie de l’aimer et que je n’ai jamais été capable de bien faire les choses. Parce que je suis seul. Je reste silencieux, réduit au silence par sa colère.  “Je t’ai dit que si tu voulais pas qu’on soit ami il fallait qu’on s’éloigne ! Je suis pas ton jouet Peter.” Je grimace et je répète les mots. « T’es pas mon jouet Molly… » Pourtant je sais que d’un point de vue extérieur c’est ce que tout le monde doit penser. Après tout je joue avec elle depuis des années, même si je ne le réalise pas vraiment. Partant, revenant, incapable de réellement me décider, incapable de rester et de changer enfin. “Tu voulais que j’arrête de m’écraser ? Très bien.” Elle est près de la porte et je la suis comme un pantin désarticulé, incapable de faire quoique ce soit pour empêcher son départ. “Moi je veux que t’arrêtes de croire que tu as tous les pouvoirs sur moi, que tu peux toujours tout décider ou que tu peux même choisir à quel moment t’as envie que je sois dans ta vie ou pas.”  Les larmes coulent sur son visage et j’aimerais pourvoir reprendre mon geste, mes mots, j’aimerais que la soirée disparaisse, j’aimerais que tout s’efface d’un claquement de doigts.   “Je suis pas à toi, je suis pas ta marionnette, et j’ai pas envie que tu penses que tu peux encore et encore faire ce que tu veux de moi.”  

Elle a raison, terriblement raison et chaque mot est une claque car c’est la première fois qu’elle s’énerve de cette façon, la première fois qu’elle me rejette aussi violement, la première fois qu’elle arrête de s’aplatir. Elle n’est pas à moi. Nous ne sommes plus rien, nous ne serons plus jamais rien. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même.

Moi et ma connerie, moi et mes erreurs. Moi et mon égoïsme et moi et la douleur qui s’insinue. Je n’arrive pas à reprendre le contrôle de mes émotions, je suis perdu, démuni face à cette situation que je n’attendais pas. « Je sais.. » Je murmure sans la regarder. J’ai honte, j’ai terriblement honte pour la première fois à vrai dire parce que je commence seulement à me rendre compte du mal que je lui fais. « Je suis désolé… » Mais ça ne suffit pas. Pourtant mon regard à présent embrumé de larmes s’accroche aux siens avec désespoir. « Pars pas, je t’en supplie, pars pas. »

Me laisse pas seul Molly.

M’abandonne pas Molly.

N’abandonne pas Molly.

Mais c’est trop tard, trop tard, trop tard.

« T’es pas mon jouet Molly… » Cette phrase résonne dans mon esprit et pourtant je ne m’arrête pas de parler. Je lui reproche tout ce que j’aurais dû faire depuis des années. Je n’aurais jamais dû me laisser faire à ce point, et c’est seulement maintenant que je m’en rends vraiment compte. Tout le monde m’a prévenu des dizaines de fois qu’il se jouait de moi et qu’il ne pourrait jamais autant m’aimer que moi j’en étais capable. Il est brisé et je le suis tout autant. Qu’est ce que je peux faire contre ça ? Je ne dois plus m’aplatir et faire tout ce dont il a besoin. Je dois aussi penser à ce qui est bon pour moi. Et tout de suite, ce qui est bon pour moi c'est m'enfuir de cette maison et ne pas le voir pendant un moment.

Je reste proche de la porte, prête à m’échapper à tout moment. Il y a quelques mois, j’aurais prolongé ce baiser, je serais restée proche de lui et j’aurais accepté de passer la nuit avec lui. Mais aujourd’hui, tout est différent. Je l’aime toujours, et j’accepte que ça, ça ne changera jamais. Mais j’ai besoin de changement dans ma vie, et je sais que tout commence par cette nouvelle relation avec Pete. « Je sais.. » Au moins, il commence peut-être à se rendre compte de tout ce qu’il se passe entre nous, tout ce qui est et a été toxique. « Je suis désolé… » “Tu t’excuses toujours.” Et jamais je ne peux savoir s’il est sincère ou non. J’ai toujours voulu le croire, mais j’ai été bien trop de fois déçu.

« Pars pas, je t’en supplie, pars pas. » Sa voix et son regard me brise le coeur. Je déglutis, je ne peux pas rester là. “Si je reste ici ça voudra dire que rien n’a changé entre nous.” Et ce n’est pas ce que je veux, bien au contraire. Ma main est sur la poignée et je ne sais pas quoi faire pour qu’il comprenne exactement ce que je veux. “J’ai besoin de changer, j’ai besoin que tout évolue autour de moi.” J’ai l’impression d’être égoïste, et je m’en veux d’envisager de partir loin de lui. “J’ai besoin de plus Pete, et j’ai plus envie d’attendre.” J’ai envie de créer la vie dont j’ai besoin, de suivre mes rêves et mes ambitions. “Je veux pas te perdre, mais j’ai besoin d’espace Pete.”

« Tu t’excuses toujours. » Elle a raison. Je suis toujours prêt à m’excuser, toujours prêt à réparer mes erreurs quand j’aurais pu simplement ne pas les commettre en premier lieu.  Je ne dis rien, parce que je n’ai aucun argument pour montrer que cette fois je suis sincère, que la culpabilité me tord l’estomac et j’aimerais reprendre ces dernières heures, revenir au moment où tout allait bien.

J’ai l’impression terrible que si elle quitte la pièce, je ne la reverrais plus jamais. Ca sera terminé, définitivement. Si elle part je vais me retrouver seul. Complètement seul dans cette villa. Complètement seul dans ma vie, parce que les deux seules personnes que j’ai vraiment été capable d’aimer ne veulent pas de moi. Pourtant même elles, je n’ai pas été capable de les aimer bien et les conséquences me reviennent enfin à la gueule. J’ai passé ma vie à fuir, à jouer, à suivre là où mon regard porterait, par curiosité, par désir, par peur de ce moment en vérité. Ce moment où finalement, personne ne voudrait de moi.

J’en suis l’unique responsable et pourtant ma plus grande crainte se réalise et mes yeux se remplissent de larmes et je la supplie de rester. "Si je reste ici ça voudra dire que rien n’a changé entre nous.” Ne serait-ce pas plus facile ? Qu’on revienne au avant ? A ce monde où je n’aurais pas besoin de changer pour pouvoir être avec elle ? A ce monde où elle m’aimerait toujours peu importe les conséquences ?  Ce n’est plus ce qu’elle veut. “J’ai besoin de changer, j’ai besoin que tout évolue autour de moi.”

Et ça sonne comme le fais ta vie Pete j’ai fait la mienne de Jill et le masque sur mon visage s’écroule un peu plus alors que les larmes coulent enfin. “J’ai besoin de plus Pete, et j’ai plus envie d’attendre. Je veux pas te perdre, mais j’ai besoin d’espace Pete.” Je ne serais jamais l’homme qu’elle voudra. Peu importe si je change ça n’effacera pas dix ans à partir et à revenir, à l’aimer puis à la blesser comme si tout n’était rien, à la quitter pour mieux revenir. Ce soir c’est elle qui me quitte de nouveau, mais au fond, rien n’a changé depuis la rupture au refuge. Elle n’a pas changé d’avis, est restée sur ses positions et je comprends que son choix est ancré dans son cœur, que tout espoir d’un renouveau était futile. Je recule alors et pour la première fois ce soir, je choisis d’être un peu moins égoïste.

« Je comprends. Bonne nuit Molly. »

Je ne la regarde pas partir,  lui tournant le dos et c’est seulement quand la porte se ferme que je me laisse glisser le long du mur et je prie pour que l’alcool efface ma solitude.