Ils dansaient, Jill était séductrice au possible, presque sûre de comment allait se terminer cette soirée. Jusqu’à ce qu’elle bloque complètement, jusqu’à ce qu’elle arrive tout juste à bouger ou à supporter le contact de sa peau contre la sienne. Elle a du mal à respirer la McGrath, et elle est maladroite autant dans ses mots que dans ses actes. Elle déglutit et elle semble complètement perdue. « Je n’ai pas besoin que l’on couche ensemble pour que ce soit une bonne soirée Jill. » Le ton de Bailey a changé, elle serre les dents, elle ne sait pas comment expliquer ce qu’elle ressent. Elle ne pensait même pas que ce soit possible. « Il y a aucun rythme à s’imposer, on devrait même pas réfléchir, quand ce sera le moment ça viendra. » Est ce qu’elle en sera un jour capable de nouveau ? Elle ferme les yeux, elle cherche ses mots alors que Bailey commence à s’angoisser.

Elle essaie d’expliquer qu’elle a toujours fonctionné comme ça, le sexe faisant partie intégrante de sa vie et de ses occupations. Mais tout change pour la McGrath ces derniers temps, et elle a du mal à tout accepter. « C’est ce qui nous a perdues à un moment donner. » “C’est aussi ce qui fait qu’on en est là aujourd’hui…” C’est comme ça qu’ils ont commencé, et c’est comme ça qu’ils ont fonctionné pendant toutes ces années. « Je… Je pensais que tu voulais plus que ça pour nous désormais. » Ce n’est pas ce qu’elle a voulu dire, et elle secoue énergiquement la tête en se tournant vers Bailey. “Bien sûr que je veux plus que ça.” Elle serre les dents, comment est ce qu’elle pourrait lui expliquer ce qui lui passe par la tête. « Je suis pas sûr de comprendre. » Elle soupire en attrapant sa main. “J’ai envie d’être proche de toi.” Elle n’en doutait pas il y a encore quelques minutes. “Mais je sais pas ce qu’il se passe… c’est comme si je pouvais pas, comme si j’avais peur.” Elle secoue la tête, se sent ridicule. “J’en ai envie pourtant…” Comment est ce que ça peut être aussi compliqué dans sa tête ? “J’ai l’impression d’être une enfant.” Elle regarde de nouveau vers le sol, se demandant si il a réussi à comprendre ce qu’il était en train de se passer.

Tout devient flou alors que son comportement semble souffler le chaud et le froid. Une danse lascive contre un regard apeuré et au milieu de tout cela, je ne sais plus vraiment sur quel pied danser. La relation qui nous lie est encore si fragile quand chacune de ses hésitations, j’ai peur de tomber dans le piège de nos vieux démons, lorsqu’aucun de nous ne prenait le temps d’écouter l’autre. Alors je ralentis la cadence, impose que l’on s’éloigne sans jamais la lâcher réellement. Quelque chose ne va pas, je le vois et je le ressens. Avant on aurait tout fait pour ignorer le moment, elle aurait trouvé une parade, j’aurais foncé dans le mur tête baissée. Avant, on aurait fait l’erreur de s’éviter pour mieux se haïr le lendemain. Ce soir, il semblerait que l’on doive parler et qu’importe le résultat, je sais que je n’ai plus peur de demander une pause. Tout évolue réellement, il faut croire, lorsque je formule lentement mes hésitations. « C’est aussi ce qui fait qu’on en est là aujourd’hui… » Mes sourcils se froncent alors que mon regard croise le sien. Je ne suis pas sûr de comprendre où elle veut en venir et ronge mon frein pour ne pas sauter sur une conclusion hâtive. « Bien sûr que je veux plus que ça. » Alors, on est encore sur la même longueur d’onde. On n’oubliera jamais réellement que tout à commencer par une relation charnelle, on ne pourra jamais le renier. Mais il n’est pas trop tard pour vouloir autre chose en parallèle. Un complément de cette complicité sexuel qui nous a toujours lier.

« J’ai envie d’être proche de toi. Mais je sais pas ce qu’il se passe… C’est comme si je pouvais pas, comme si j’avais peur. » Jamais elle ne m’avait semblé aussi hésitante sur le sujet. Jamais elle n’avait eu du mal à exprimer ses envies et désirs. Ma main vient glisser sur son genou sans jamais s’imposer, sans jamais émettre la moindre pression, simple geste rassurant quand elle semble tant galérer à trouver ses mots. « J’en ai envie pourtant… » Elle a envie d’aller plus loin, mais son corps tout entier me hurle le contraire. « J’ai l’impression d’être une enfant. » Et la voir baisser le regard ainsi me serre le cœur. « Eh… Ne t’en veux jamais de me parler de ce que tu ressens. » Bien au contraire. On a basé toutes nos erreurs sur le manque de communication, je refuse de la laisser se renfermer dans son coin alors qu’elle semble porter quelque chose de lourd. Mon cerveau est en ébullition à tenter de comprendre le fond du problème. Tout passe en revue, du plus futile ou plus important. Et soudain, je réalise. Il ne c’est rien passer entre nous depuis son accouchement. Rien depuis qu’elle a mis au monde nos enfants et qu’elle a retrouver son corps d’avant la grossesse. Et je me souviens de cette soirée sur le bateau où elle est allée se changer dans la cabine, où elle a enfilé un maillot de bain une pièce ce qui n’était jamais arriver auparavant. Je me souviens de cette fois à la maison, où elle a du se changer à cause d’un accident de biberon et qu’elle m’as demander de sortir de la chambre. Je ne l’ai pas vu nu depuis quatre mois. « Jill… » Mes doigts viennent se glisser sous son menton pour relever son visage et croiser son regard. « Tu es magnifique, d’accord ? » Qu’est-ce que l’on dit à une femme qui a accouché il y a quelques mois seulement ? Qu’est-ce qui peut bien être en train de se passer dans un coin de sa tête ? « C’est… » J’ai si peur de faire un pas de travers, de prononcer le mot de trop. « Je comprends que ton corps est changé. » que je murmure doucement le cœur prêt à s’arrêter. « Ca ne change rien pour moi. » Strictement rien.

Elle est terrifiée à l’idée d’exprimer ce qu’il se passe dans sa tête et dans son corps. Elle frissonne de la mauvaise manière à chaque contact de leurs peaux. Elle déglutit, elle a de plus en plus de mal à respirer correctement et pourtant, elle arrive à aligner quelques mots pour lui parler. Il a l’air de paniquer, de douter, et ce n’est en aucun cas ce qu’elle veut. « Eh… Ne t’en veux jamais de me parler de ce que tu ressens. » Elle sourit timidement. “Je… je sais même pas ce que ça veut dire ce que je ressens maintenant.” Elle ne se sent plus aussi bien que quelques minutes auparavant. Elle aurait aimé être capable d’être comme avant, pouvoir se montrer et le séduire comme elle l’a toujours fait.

Elle essaie de s’expliquer, de lui faire comprendre tout ce qui peut se passer dans sa tête, mais c’est compliqué. Elle n’a jamais ressenti de tels blocages, et elle a peur que Bailey se dise que tout est de sa faute et que c’est à cause de lui qu’elle n’a pas pu rester aussi proche et aussi séductrice qu’avant. Elle explique et il a l’air de comprendre. La main du jeune homme se glisse sous le menton de Jill et elle continue d’éviter son regard. « Jill… » Elle soupire, elle n’a aucune idée de ce qu’il va dire et elle concentre toutes ses forces pour retenir la boule qui prend place dans sa gorge. « Tu es magnifique, d’accord ? » Elle pince les lèvres, n’ose toujours pas le regarder dans les yeux. “Tu sais pas.” Parce qu’elle se cache depuis des mois. Parce que tout a changé depuis qu’elle a accouché. Son corps est différent, et elle a mis de longues semaines avant même d’arriver à réellement se reconnaitre dans une glace. Aujourd’hui, elle évite de se regarder, et elle n’accepte pas qu’il la voit comme ça. Et si elle ne lui plaisait plus vraiment ? « C’est… » Elle inspire, et trouve la force de planter son regard dans celui de Bailey un peu plus d’une seconde. « Je comprends que ton corps est changé. » Il a compris, il sait et elle est soulagée. « Ca ne change rien pour moi. » Elle doute tout de même pendant de longues secondes. Son regard se perd dans celui du jeune homme, à la recherche de la vérité, et du soutien qu’il a envie de lui apporter. “Ca a changé beaucoup pour moi.” Elle n’a jamais été prude Jill, et pourtant, personne ne l’a vu depuis le jour de son accouchement.

« Je… je sais même pas ce que ça veut dire ce que je ressens maintenant. » Comment pourrais-je lui en vouloir alors que c’est ce que je ressens depuis toujours. Ce n’est jamais simple de mettre des mots sur un ressentit qu’on pense être le seul à expérimenter. Pour une fois, au moins, elle ose me dire que quelque chose ne va pas. Ce n’est pas grave si elle ne se sent pas capable d’épiloguer plus longtemps, après tout ce n’est pas ce que je lui demande. Je ne voulais pas m’imposer, je ne veux pas qu’elle se sente oppresser alors que c’est notre soirée.

Elle frissonne dès que je m’approche, son regard ne cesse de me fuir. Elle balbutie alors que ce n’a jamais réellement été le cas. Quelque chose ne va pas et petit à petit, les morceaux semblent s’additionner. Le fait qu’elle semble trembler dès que mes mains deviennent un peu trop baladeuses, qu’elle ne cesse de se cacher dès qu’il s’agit de dévoiler le moindre centimètre carré de peau. Les mois qui ont défilé tandis que l’on était en train de se déchirer et mon esprit qui cherche à dater la dernière fois où on a su se lâcher tous les deux. Tout semble remonter à des années tant, je suis incapable de me souvenir pleinement. Elle était enceinte, c’était il y a longtemps. Et depuis, elle me fuit. Si tout semblait normal quand on ne cessait de se disputer, aujourd’hui son malaise sous-entends un tout autre problème. J’ai peur de fauter dès que j’ouvre la bouche. Incapable de savoir comment trouver les mots pour évoquer ce qui semble être devenu un mal-être profond. « Tu sais pas. » Non, je ne sais pas pleinement, mais pour elle, je cherche à comprendre et surtout je n’en doute pas une minute. Son corps à changer pour une raison bien précise, ce n’est que le résultat des deux petits êtres qui nous attendent à la maison. « J’en suis sûr. » que j’affirme sur un ton bien plus ferme que jamais. J’ai peur de faire un faux pas envers elle, mais en aucun cas, je ne doute de mes paroles quand je sais que rien ne pourra changer ce que je ressens pour elle. Ce n’est pas comme si la transition physique avait été radicale, imposant un changement qui ferait que je ne la reconnais plus du tout. Je ne sais pas ce qu’elle me cache, il est vrai, mais je sais que ce que je vois, m’attire toujours autant.

« Ça a changé beaucoup pour moi. » Qu’elle l’avoue semble provoquer un véritable bouleversement. Soudainement, j’ai l’impression de m’imposer de trop dans sa bulle. Sourire aux lèvres, je viens embrasser sa joue. « Je comprends. » Et je me recule quelque peu malgré tout. « Si tu as besoin de temps, je veux dire. » que je murmure doucement tentant de la rassurer par cent fois que je m’éloigne pas, parce qu’elle ne m’attire plus, mais plutôt parce que je ressens à quel point elle a besoin de son espace. « Enfin… Je veux dire que… Je peux pas me mettre à ta place, mais c’est important. » Clairement, je n’ai pas été enceinte et je suis celui qui a perdu près d’une dizaine de kilos depuis la naissance des enfants. « On peut en parler, vraiment. » On n’a tellement pas l’habitude d’être aussi franc l’un envers l’autre que j’ai l’impression de marcher sur des œufs. « Je te forcerais jamais à rien, tu le sais, hein ? » que j’hésite à nouveau alors que mon regard ne lâche jamais sa silhouette. « On a tout le temps du monde. » C’est tout ce que j’espère, en tout cas.

Elle a réussi à s’exprimer, elle a pu lui parler à coeur ouvert et c’était inattendu. Ils n’ont jamais parlé comme ça, ils n’ont jamais eu besoin d’aborder ce genre de sujets tous les deux. Jamais ils n’avaient eu besoin de se poser des questions. « J’en suis sûr. » Comment peut-il être sûr alors qu’il ne l’a pas vraiment vu depuis des mois ? Elle a toujours accordé beaucoup d’apparence au physique Jill, et, pendant des années, elle a eu le corps qu’elle voulait. Mais la grossesse, l’accouchement, et sa dépression ont eu des impacts néfastes sur son corps. Elle soupire, mais elle arrive à soutenir son regard un peu plus longtemps.

Tout a changé pour Jill, elle a le tournis rien qu’à voir à quel point elle est différente sur absolument tous les points. Si on lui avait dit qu’elle serait dans cet état il y a un an, elle ne l’aurait jamais cru. « Je comprends. » Comment est ce qu’il le pourrait vraiment ? Elle est épuisée, elle ne pensait pas que parler de ce qui n’allait pas été aussi fatigant. Bailey la surprend encore, il accepte, il a la bonne réaction, et ils se rendent compte que la communication est la clé du bien-être de leur relation. « Si tu as besoin de temps, je veux dire. » Elle sourit doucement. “Tu crois que c’est ça ?” Est ce qu’il pense qu’elle arrivera à se rouvrir assez un jour, à avoir assez confiance en elle ? Elle est perdue Jill, et aussi timide que pourrait l’être une adolescente. Il s’éloigne un peu d’elle et elle fronce les sourcils. « Enfin… Je veux dire que… Je peux pas me mettre à ta place, mais c’est important. » Elle ne peut pas s’empêcher de se dire qu’il est parfait et qu’elle ne le mérite pas vraiment. Elle réduit la distance entre eux alors qu’il venait de s’éloigner. Elle a besoin de temps, et ils vont prendre le temps de laisser faire les choses comme elles viennent. « On peut en parler, vraiment. » “Merci…” Elle attrape sa main et enlace leurs doigts.

« Je te forcerais jamais à rien, tu le sais, hein ? » “Bien sûr que je le sais.” Elle ne veut pas qu’il doute de lui, jamais. Elle sait très bien qu’il est incapable de lui faire du mal. “Je vais prendre le temps.” Elle profite du baiser sur sa joue et elle pose sa tête sur son épaule. « On a tout le temps du monde. » “J’espère que t’as assez de films pour qu’on tienne une partie de la nuit.” Elle sourit, finalement soulagée d’avoir parlé avec Bailey, et bien plus à l’aise d’être contre lui maintenant qu’ils ont réussi à mettre des mots sur les choses qui n’allaient pas.

Ce n’est jamais simple de trouver les bons mots quand tout est libre à l’interprétation de chacun. Ma première intonation lui a donné l’idée que je paniquais, sa réponse m'a laissé pantois. Tout se joue sur un fil tendu. C’est à nous, tel des équilibristes, de trouver le juste milieu. Celui que l’on prenait à peine le temps d’envisager auparavant. Ce terrain neutre qui laisse comprendre que tout a été entendu et que tous les efforts du monde sont en l’action pour amener une solution. C’est une maturité que l’on n’avait su trouver, mais qui désormais semble résonner comme la nouvelle résolution que l’on c’était promis d’entamer. « Tu crois que c’est ça ? » Sa question me laisse à nouveau sans voix. J’aimerais pouvoir lui dire que la solution est juste là, à porter de main. En réalité, je n’en sais rien. « Je sais pas Jill. » Parce que je n’ai jamais été enceinte, parce que je ne pourrais jamais complètement et réellement me mettre à sa place. « Je me dis juste que ça ne sert à rien de presser. » Ce ne serait qu’aggraver son blocage, ce serait même provoquer une crise qui aurait pu être évitée. Elle n’est plus à l’aise avec son corps, c’est désormais un fait. Je prends pleinement conscience du problème et si pour cela, elle a besoin que l’on se redécouvre autrement, alors il en sera ainsi. « Merci… » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que mes doigts enserrent les siens avec force. Elle ne devrait pas avoir à me remercier pour cela, c’est tout ce qu’il y a de plus censé. « On peut faire les choses autrement. » Le temps qu’elle aille mieux. « Même faire du sport si tu veux. » Elle n’a pas pointé du doigt exactement ce qui semblait la gêner, mais j’ose imaginer qu’elle cherche encore à perdre le poids pris durant sa grossesse. Je n’en sais rien, mais je propose. Je lui offre un éventail de possibilité que l’on pourra envisager à son rythme.

« Je vais prendre le temps. » « On ira à ton rythme. » que je lui promets à nouveau, alors que l’on s’installe sur le sofa improvisé. Sa tête sur mon épaule, sa main dans la mienne, je sais que tout ira bien. La soirée a été épuisante, bien trop de révélation, bien trop d’émotions gérer pour éviter la crise. « J’espère que t’as assez de films pour qu’on tienne une partie de la nuit. » Un rire m’échappe alors que j’attrape le pc portable pour le mettre sur mes genoux et lui présenter la liste de nos possibilités. « Tu choisi le premier. »

On s'est endormi l’un contre l’autre avant la fin du deuxième.