Je ne pensais pas le voir aujourd’hui, je ne pensais pas le voir avant un long moment. Mais je sais, tout comme lui, que jamais je ne l’abandonnerai quand il ne va pas bien. Il semble triste, alors je lui porte toute l’attention que je peux. J’ai fermé mon ordinateur et j’ai abandonné la formation pour l’écouter parler malgré tout ce qu’il s’est passé il y a quelques semaines, et malgré le fait que je lui ai dit avoir besoin de temps. Je ne peux pas le laisser comme ça, alors qu’il vient sobre pour s’excuser. J’ai envie de croire qu’il est réellement désolé et qu’il va faire des efforts pour qu’on puisse devenir de vrais amis. C’est ce dont j’ai besoin en ce moment, et j’espère qu’il finira par vraiment l’accepter.

Il me parle de sa soeur, et je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour Tessa. Je la connais par le biais de Pete depuis des années, alors j’espère que tout va bien se passer pour la demoiselle. « Il faut absolument qu’ils l’opèrent, d’ici là ça peut être très dangereux si elle ne se ménage pas. L’opération est compliquée mais d’après ce qu’elle m’a dit, tout devrait rentrer dans l’ordre après. » Je pince les lèvres, je comprends mieux pourquoi il s’inquiète à ce point. “Je suis sûre que ça va aller, et maintenant que tu es au courant tu vas pouvoir être là pour elle.” Je laisse rapidement glisser ma main sur la sienne, un réflexe pour tenter de le rassurer avant de l’enlever rapidement. Je ne veux pas qu’il soit gêné, et on a encore beaucoup de travail pour trouver un équilibre plus sain que ce qu’on avait avant.

« Tu étudies quoi ? » Il change de sujet et je hoche la tête. Je suis son rythme, il me parlera de Tessa quand il sera prêt. “C’est une formation sur les animaux exotiques, je passe souvent au lonepine donc il faut que je me spécialise un peu plus.” Je regarde mes feuilles et en fais tourner une vers lui pour qu’il puisse voir de quoi ça parle.

L’opération de Tessa m’inquiète beaucoup, bien plus que je ne voudrais l’admettre. L’idée de perdre ma sœur est insupportable, l’idée qu’elle ait pu supporter ce secret seule pendant des semaines aussi. « Je suis sûre que ça va aller, et maintenant que tu es au courant tu vas pouvoir être là pour elle. »


J’hoche la tête, mon cœur se serrant malgré tout, comme si déjà je savais que je ne serais pas à la hauteur. Comme si je savais que je ne serais pas là quand elle en aurait besoin, quand ça compterait. Sa main se pose sur la mienne et je relève les yeux vers elle un peu surpris. Je n’ai pas le temps pourtant d’entrelacer mes doigts aux siens, de sentir la chaleur de sa peau sur la mienne que déjà elle l’a enlevée, le moment passé, le rappel que la distance doit être de mise aujourd’hui si on veut avancer. « J’espère. » Je souffle, avant de boire une gorgée de ma limonade. La bouteille est terminée.

J’observe les documents sur la table, son ordinateur fermé, je lui demande ce qu’elle étudie. “C’est une formation sur les animaux exotiques, je passe souvent au lonepine donc il faut que je me spécialise un peu plus.” Je m’approche un peu pour pouvoir de quoi elle parle, observant les photos des animaux sur les pages de sa formation, souriant un peu. « Ca fait tellement longtemps que je ne suis pas allé au lonepine. On pourrait y aller à deux une fois ? Tu pourrais me montrer les animaux ? » Je lui demande un peu hésitant. Je pense à son métier qui lui correspond tellement bien. Je me dis que j’aurais pu plus m’y intéresser par le passé. Je l’imagine tellement avec tellement de chats et de chiens dans sa future maison. Peut-être que ça aurait pu être une vie pour nous deux dans une autre vie. « Tessa a envie d’ouvrir son propre cabinet de vétérinaire cette année je crois. »

J’essaie de le rassurer, et j’espère que tout ira bien pour sa petite soeur. Je sais maintenant que je vais devoir prendre des nouvelles, mais je ne veux pas qu’il s’inquiète plus, alors nous n’en parlerons pas s’il ne le veut pas. Ma main échappe à mon contrôle et glisse sur celle de Pete. On a besoin de distance, et s’il fait des efforts je dois en faire aussi. Je ne peux pas être aussi naturelle et aussi tactile que je le suis en temps normal.

Il commence à me parler de mon travail et de ma formation. Mes yeux pétillent sûrement de plaisir et de passion, j’aime les animaux, tous les animaux que j’ai croisé dans ma vie. Ils sont tous capable de donner de l’amour, et certains, bien plus que les êtres humains. C’est pour ça qu’il m’arrive de passer des nuits et des journées entières avec les animaux du refuge. Ils sont tous un peu brisés lorsqu’ils y arrivent, alors je fais tout mon possible pour qu’ils puissent recevoir tout l’amour qu’ils méritent. « Ca fait tellement longtemps que je ne suis pas allé au lonepine. On pourrait y aller à deux une fois ? Tu pourrais me montrer les animaux ? » Je souris, il ne s’est jamais vraiment intéressé à ce que je faisais dans ma vie. “Bien sûr ! Faudra y aller en dehors des heures de visite, comme ça tu m’aideras à leur donner à manger.” Je hoche la tête, et j’ai déjà hâte de faire ça avec lui. J’ai hâte qu’il voit ce que je fais, et qu’il passe un bon moment, loin de tout ce qui ne va pas, entouré de kangourous et de koalas. « Tessa a envie d’ouvrir son propre cabinet de vétérinaire cette année je crois. » Mes yeux s’arrondissent. “C’est génial ça !” Moi je sais que je n’abandonnerai jamais le refuge, tout est bien trop important pour moi. “Je suis sûre qu’elle sera géniale.” Je n’en ai vraiment aucun doute. “Et toi ? T’en es où avec le boulot ?”

C’est étrange comme depuis notre rupture, la première finalement véritable, je réalise tout ce que je n’ai pas fait avec elle.  On aurait pu plus parler de son boulot, j’aurais pu m’y intéresser plus, me renseigner, le découvrir avec elle. J’ai toujours été plus concentré sur moi que sur elle, trop égoïste, peut-être parce que je me forçais à ce qu’elle ne prenne pas autant d’importance que je l’aurais voulu en la gardant loin de moi.  C’était plus simple ainsi.

Mais aujourd’hui je veux réellement tenter de devenir son ami et peut être pour la première fois de penser à elle, plus qu’à moi.  Elle me parle de sa formation et du Lonepine et je me dis qu’on pourrait y aller ensemble. Je le propose sans réellement m’attendre à ce qu’elle dise oui, mais en lui laissant la porte ouverte.  “Bien sûr ! Faudra y aller en dehors des heures de visite, comme ça tu m’aideras à leur donner à manger.”  Mon sourire s’illumine un peu plus j’hoche la tête. « Oui ça me ferait plaisir ! C’est quoi ton animal préféré là-bas ? » Je lui demande curieux.

Je lui explique que Tessa souhaite ouvrir son propre cabinet de vétérinaire cette année, tout cela avait été mis un peu en pause avec son opération. Je sais que ma sœur aimait comme moi vivre sa carrière à cent à l’heure et devoir y aller doucement ne lui plaisait guère. Je la sentais prête cependant à prendre son indépendance. “Je suis sûre qu’elle sera géniale.”  J’hoche la tête, convaincu moi aussi. « Et toi tu envisages un jour de quitter le refuge ? » Je demande avec un sourire en coin, parce que je me doute un peu de la réponse.

Molly me retourne la question. “Et toi ? T’en es où avec le boulot ?” Dire que je n’étais pas très productif en ce moment était un faible mot. J’adorais mon métier, mais même ces dernières semaines il ne m’apportait pas la même joie et j’avais de plus en plus l’impression de subir mes journées, enveloppé d’une gueule de bois permanente. Je lui parle cependant d’un nouveau projet. « On m’a proposé de revenir travailler sur le prochain spectacle de la Northlight ! Je pense que je vais accepter. Ca voudra dire que je vais devoir rester une bonne partie de l’année prochaine à Brisbane au moins. »

Je parle d’animaux, et je sais que mes yeux brillent. J’essaie de me retenir, parce que, si je me laisse faire, je pourrais parler pendant des heures sans jamais m’arrêter. Je pourrais lui montrer chaque cours et lui expliquer les particularités de toutes les espèces que j’ai pu croiser dans ma vie. Malheureusement, je n’ai pas pu rencontrer toutes les espèces d’animaux, et je me dis que plusieurs voyages pour rencontrer la faune et la flore et du monde entier seraient intéressants. J’ai envie de partir, de m’éloigner, et je sais que ça finira par arriver. Je sais que les voyages m’aideront à me retrouver et à me recentrer sur ce qui est bon pour moi. « Oui ça me ferait plaisir ! C’est quoi ton animal préféré là-bas ? » Je lève les yeux, réfléchis un peu. “J’arriverais pas à en choisir un seul.” Comme je l’ai déjà dit, j’adore tous les animaux, et je n’ai pas envie de faire de préférence. “Mais j’adore m’occuper des bébés qui ne vont pas bien.” J’aime les aider à vivre la vie qu’ils méritent après avoir été blessés ou abandonnés.

« Et toi tu envisages un jour de quitter le refuge ? » Je secoue la tête à la négative. “Non je pourrais pas faire ça, j’aime beaucoup cet endroit. On s’occupe des animaux qui ont été abandonné et qui ont besoin de retrouver confiance en eux et en les êtres humains. J’aime être là pour les voir évoluer.” Et je tiens trop à cet endroit, c’est devenu mon chez-moi et pour rien au monde je ne les laisserais trop longtemps.

Après avoir parlé de mon boulot on parle du sien. Il a l’air d’hésiter, et je me demande ce qu’il peut bien se passer. Mais, encore une fois, je garde tout ça pour moi et je le laisse parler de ce qu’il veut sans l’interrompre. « On m’a proposé de revenir travailler sur le prochain spectacle de la Northlight ! Je pense que je vais accepter. Ca voudra dire que je vais devoir rester une bonne partie de l’année prochaine à Brisbane au moins. » Je souris, je ne peux pas m’en empêcher, c’est bien plus fort que moi. Il va rester pendant une bonne partie de l’année et je ne peux pas réagir autrement qu’en souriant en sachant qu’il ne partira pas. Pas tout de suite en tout cas. “Ca a l’air de te plaire l’idée de rester cette fois.” La phrase m’échappe, mais je l’ai déjà vu plusieurs fois parler de ses projets à Brisbane avec ennui. Mais cette fois, ça a l’air différent.

Je la regarde parler de son métier avec passion, cette même passion que j’avais quand je parlais de bâtiments que je dessinais. Ses yeux pétillent et je pense qu’elle pourrait me parler pendant des heures d’animaux sans que je me lasse de voir son regard briller ainsi.  Cette balade au Lone Pine Sanctuary nous fera du bien. Je me dis que cela me permettra peut-être de voir un nouveau côté de Molly que je n’ai pas forcément cherché à voir par le passé, plus obnubilé par ma propre personne qu’autre chose. Je lui demande quel est son animal préféré.  « J’arriverais pas à en choisir un seul. Mais j’adore m’occuper des bébés qui ne vont pas bien. » Ca me fait sourire parce que ça ne m’étonne pas. Il faut croire qu’elle avait toujours cherché à réparer ce qui était brisé et son métier pour ça lui correspondait bien, elle qui avait besoin de donner son amour aux autres.

Je lui demande si elle envisage de quitter le refuge. “Non je pourrais pas faire ça, j’aime beaucoup cet endroit. On s’occupe des animaux qui ont été abandonné et qui ont besoin de retrouver confiance en eux et en les êtres humains. J’aime être là pour les voir évoluer.” Elle s’y sent bien dans ce refuge, ça je l’ai toujours compris. Ce lieu lui correspond à la perfection.

Molly me retourne la question et je lui parle de ce nouveau projet avec la Northlight qui m’obligerait à rester plus de temps à Brisbane. Cela fait longtemps que je ne suis pas parti. J’aimerais dire que ça ne me manque pas, mais j’ai toujours aimé voyager et plus je reste à Brisbane plus j’ai l’impression de couler un peu plus comme si la ville avait fait ressortir tout ce qui n’allait pas dans ma vie. Mais le projet en lui-même m’intéresse. « Ca a l’air de te plaire l’idée de rester. » J’hausse les épaules, pas vraiment sûr de moi, mon regard se détournant.  A vrai dire j’aimerais bien repartir pour pouvoir fuir ma vie. « Je ne pourrais pas laisser Tessa en ce moment. » Je dis simplement. Parce qu’à vrai dire, c’est la seule qui a peut-être encore besoin de moi, pour le reste, tout le monde a fini par continuer son chemin sans moi. Je lui souris un peu tristement, pas vraiment heureux à l’idée de rester mais sans avoir vraiment l’envie de partir à l’autre bout du monde non plus. Insatisfait toujours. « Je vais te laisser travailler Molly, je t’ai assez dérangée. Je passe te chercher le vingt-cinq d’accord ? » Je lui souris doucement et j’espère qu’un jour on deviendra amis.