Il ne quitte pas mes pensées, pas depuis cette soirée devant son film préféré ou nous sommes retrouvés si proches, pas depuis cette autre soirée où il m’a fait peur. Nous nous sommes recroisés depuis ces soirs là, une fois, au parc et j’ai tenté de lui tendre la main une nouvelle fois mais cela n’a fait que me perdre encore plus. Ma tête me dit une chose, mais mon cœur me dit l’inverse. Je suis doucement mais sûrement en train de me rendre compte de quelque chose, de me rendre compte que je tiens à lui plus que je ne me l’étais laissé y penser. Plus le temps passe et plus je réalise la place qu’il a pris dans ma vie. Lorsqu’il n’est pas là j’ai l’impression d’avoir ce vide en moi, cet espace où il semble manquer quelque chose, comme si il manqué une pièce de puzzle. Pourtant cette idée me terrifie et le fait que le châtain ne cesse de me repousser, de vouloir prendre de la distance depuis qu’il n’a plus sa fille n’arrange pas les choses. Alors je tente de ne pas penser à lui, de ne pas penser à tout cela parce que je ne suis pas prête pour affronter ce genre de chose, mais parce que je sens aussi qu’il est en train de s’éloigner doucement de plus en plus. Alors je m’occupe, je fais plus de sport qu’avant, j’embête mon meilleur ami en passant sûrement bien trop de temps avec lui, je vais danser et je me balade beaucoup. Je tente tant bien que mal de prendre de la distance face à la situation, mais ma nature revient bien vite au galop. Je suis incapable de laisser Cian s’en sortir tout seul, pas alors que je sais qu’il ne va pas bien.

Je suis donc allé au supermarché pour acheter de quoi faire des lasagnes végétariennes, une tarte aux pommes et quelques boites de thés divers et variés. Je me suis arrêtée dix minutes au rayon pour bébé, j’ai hésité, devant un petit pull mais je ne l’ai pas pris. Je ne dois pas enfoncer le couteau dans la plaie, acheter quelque chose pour Ailis n’est pas une bonne idée du tout. Mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine, mais je secoue la tête. Je me suis ensuite mise à la cuisine, mettant un peu de musique et j’ai tout préparé dans l’après-midi. Il est sur les coups de dix-huit heures quand je quitte mon appartement pour me rendre chez Cian. Je ne vais pas le déranger, je ne vais pas le forcer à me parler alors qu’il n’a sûrement pas envie, mais je veux être sûr qu’il pense au moins à manger un bout. Je monte rapidement les marches et déposer la cagette remplis de lasagnes, de tarte et de thés que j’ai faites devant sa porte. J’hésite quelques secondes, fixant sa porte et je finis par donner une petite pression sur la sonnette, juste une fois, pour qu’il ouvre la porte et trouve ce que je lui ai amené. Je fais demi-tour mais me retrouve face au châtain, lui rentrant presque de plein fouet dans le torse. Je ne l’ai même pas entende monter les marches. « Cian ! » Je m’exclame prise de surprise. Je lui dis quoi ? « Hey, je… Enfin je déposais juste un truc. » Je lui dis avec un léger sourire avant de commencer à m’éloigner, pensant qu’il n’a aucune envie de m’avoir dans les pattes.

@Cían Atwood

Qu’importe ce que pouvais penser Sullivan, j’ai repris le travail. Par cent fois, je lui est juré que je ne transposerais pas ma colère sur les jeunes recrues et que j’avais simplement besoin de venir me défouler dans le seul endroit où je me sens réellement bien. Pas besoin d’être devin pour savoir qu’il en a touché deux mots à Thomas qui ne cesse de me surveiller même si désormais nos missions sont diamétralement opposées. Il avait au moins eu la décence d’approuver mon idée de démonstration pour les soldats. Si ces derniers mois ont essentiellement été consacrés à la pratique, les examens ne sont plus très loin et chacun d’entre eux se doit de réussir les épreuves physiques. Si ce n’est qu’une formalité pour certains, pour d’autres les parcours deviennent parfois réellement compliqués. La journée avait été divisée en plusieurs ateliers pour chacun des nouveaux puissent découvrir les différentes branches de la Navy pour une future orientation. Louis s’occupait de la partie aérienne, Nathan démontrait son savoir-faire avec les cartes, Rhéa expliquait le civil et avec Sam on se chargeait du reste pour prouver aux plus jeunes que les anciens ont encore de quoi tenir la distance. Le terrain avait été arrosé pour l’occasion, faisant de la terre habituellement sèche, un immense bain de boue. Par plusieurs étapes, j’ai démontré, expliqué, encouragé. Loin de moi l’idée de passer mes nerfs, j’avais simplement envie de les aider, de leur montrer qu’ils en étaient capables. Je voulais que chacun se dépasse dans l’adversité. Peut-être que j’ai trop forcé, peut-être qu’aveugler par mes problèmes, je n’ai pas été assez attentif. Cela ne devait être qu’un parcours de santé, alors en rien, je ne me suis interrogé lorsqu’il fallut se balancer sur la plateforme. Je ne saurais dire ce qui s’est passé lorsque je me suis retrouvé là-haut, l’uniforme boueux et l’air sérieux. J’étais en train d’expliquer la complexité d’un nœud à l’un des jeunes. Un autre est arrivé un peu trop vite sur la plateforme et tout à basculer, la seconde d’après je me retrouvais quelques mètres plus bas, sur le sol. L’impact a été aussi bruyant que douloureux. « Merde Cian ! » J’ai éclaté de rire dès l’instant où l’inquiétude à résonner dans la voix de mon ami alors que la douleur s'est mise à irradier de tous les côtés. Un tour à l’infirmerie plus tard, je m’en sors avec deux côtes cassées et une épaule à faire surveiller tant elle était douloureuse. Le soldat est venu me présenter ses excuses une centaine de fois comme s’il m’avait personnellement poussé de la plateforme. L’inattention était de ma faute et j’allais en payer le prix comme un énième échec dont je me serais bien passé.

Incapable de me changer sans hurler de douleur, je suis reparti chez moi dans mon uniforme boueux, le visage encrassé par l’effort. L’idée était d’attendre que les anti-douleurs fassent effet pour prendre une douche et enfiler des vêtements propres. Peut-être que j’arriverais enfin à dormir ce soir, après les événements de la journée. Le bras appuyé contre mes côtes comme bouclier, je grimpe les escaliers de mon immeuble grognant à chaque marche. « Aaaah putain ! » L’insulte est le premier mécanisme de défense alors qu’une jeune blonde vient de me rentrer dedans. « Cian ! » « Oakley ? » Elle se recule de quelques pas et commence à bégayer des excuses à la vitesse d’une mitraillette. « Hey, je… Enfin je déposais juste un truc. » Un truc qui s’avère être une caisse emplie de victuailles sur le pas de ma porte. « Il fallait pas. » Je n’ai pas été tendre avec elle la dernière fois. Emprisonner dans mon chagrin, j’avais tout fait pour la repousser, mais il faut croire qu’elle ne cessait de s’accrocher. Fatigué et ne voulant pas me battre, je lui concède un léger sourire. « Va falloir que tu le portes jusqu’à la cuisine. » Je serais bien incapable de soulever quoique ce soit dans mon état. D’ailleurs, elle ne cesse de me fixer comme si je débarquais d’une autre planète. « Qu’est-ce qu’y a ? »

J’allais pas t’embrasser, c’était rien du tout. Cette phrase me tourne dans la tête depuis la dernière fois que je suis tombé sur Cian. Elle était sortie de nulle part, alors que je tentais de l’aider, il était parti sur autre chose et il avait fini par dire cela. Je n’arrive toujours pas trop à comprendre pourquoi ou du moins, je ne cherche pas à comprendre pourquoi. Nous nous sommes rapprochés cette année, c’est indéniable, nous avions passé énormément de temps ensemble et des fois quelques gestes tendre s’immiscer par-ci par-là, mais je ne pensais pas qu’il y avait vraiment fait attention. A cette soirée devant ‘Top Gun’ nous nous étions retrouvés proches, très proches, il y avait eu quelque chose, mais là encore je pensais m’être fait des films. Mais depuis qu’il a dit cela, cette simple phrase, je suis encore un peu plus perdu. Je tente de la mettre dans un coin de ma tête, de l’oublier, parce que de toute façon ce n’est pas le moment de penser à ca. Il n’a toujours pas récupéré Ailis, il ne va pas bien et ca c’est plus important que quoi que ce soit d’autre, plus important que ce bordel monstre dans ma tête. Tout ce qui importe c’est qu’il aille mieux, qu’il se relève tout doucement et surtout qu’il retrouve Ailis. J’avais tenté de rappeler le numéro d’Eavan plusieurs fois depuis le soir où il m’avait demandé de le faire, mais je n’ai jamais eu de réponse. J’ai donc fait la seule chose que je pense utile dans cette situation, faire à manger. Cela m’occupe l’esprit et au moins je sais que Cian n’oubliera pas des repas.

« Aaaah putain ! » J’ai à peine déposé la cagette rempli de nourriture devant la porte de chez le châtain qu’il apparaît face à moi et que je manque de lui rentrer dedans. Je ne pensais pas tomber sur lui, ou je n’espérais pas tomber sur lui ? Je ne sais pas trop. « Oakley ? » Je me recule de quelques pas, la tête baissé vers le sol et lui indique que je ne faisais que déposer quelques trucs devant sa porte. « Il fallait pas. » Me répond l’irlandais alors que je lève enfin la tête vers lui. What the hell… ?! Il est couvert de boue, encore en uniforme et je me retrouve figer à le fixer. Qu’a-t-il pu bien faire pour être dans cet état ?! Je finis également par remarquer son bras, qu’il semble tenir contre lui comme si de faire que bouger le petit doigt est douloureux. Il ne me faut pas deux secondes de plus pour décider de ne plus partir. « Va falloir que tu le portes jusqu’à la cuisine. » J’hoche la tête, simplement et prend le trousseau de clé qu’il me tend. « Qu’est-ce qu’y a ? » « Qu’est-ce que tu as fais pour être dans cet état ? » Je finis par lui demander, retrouvant la parole, mais surtout le regard rempli d’inquiétude.

Je vais alors déverrouiller la porte de son appartement, attrape la cagette et vais la déposer dans la cuisine, prenant soin de ranger tout au frigo et dans les placards, comme si soudain j’ai parfaitement retrouvé ma place. Une fois cela fait, je reviens vers Cian. « Tu as de la glace quelque part ? » Je lui demande. « Je vais t’aider attend. » Et je viens vers lui, me retrouvant aussi proche de lui qu’à cette soirée-là, pendant le film, mais je n’y pense pas. Je viens l’aider à retirer sa veste d’uniforme. Hors de question que je le laisse à présent, je suis déterminée. Je le vois grimacer et me mord légèrement la lèvre en lui adressant un léger sourire désolé. « Désolée. » Une fois la veste retirée, je n’ose pas trop l’aider pour le reste alors que pourtant il aurait bien besoin d'une bonne douche. « Ca va aller pour le reste où tu as besoin d’aide ? Je crois qu’une bonne douche te ferait du bien. »

L’idée était de rentrer, avaler quelques anti-douleurs supplémentaires, m’écrouler sur mon lit et gérer la douleur plus tard. Elle était parfaite l’excuse pour ne pas avoir à faire manger, pour ne pas avoir à faire semblant. S’enfoncer dans mon matelas avec comme prétexte la douleur physique qui pour une fois venait surplomber la douleur psychique. Si l’accident n’était pas intentionnel – réellement Cian ? – il tombait en tout cas à point. Une douleur pour une autre. Un semblant de distraction pour le reste de la semaine. C’était le plan. Cela ne comprenait pas de tomber sur Oakley qui semblait fuir mon palier. Elle était venue sans prévenir, elle avait débarqué les bras chargés de victuailles. Elle prenait soin de moi, encore, alors que j’avais été le pire avec elle. Je ne sais pas si je suis prêt à avoir de la compagnie, je ne sais pas réellement ce qu’il reste de notre entente et de notre relation – si on peut appeler cela ainsi. Ma franchise avait été bien trop directe lors de notre dernière rencontre et je vois à son regard qu’elle ne semble pas avoir oublié mes propos. Je ne voulais tout simplement pas qu’elle se fasse des idées. Il y avait eu un certain rapprochement, mais c’était totalement futile et absolument rien de sérieux. C’était une idée stupide. « Qu’est-ce que tu as fait pour être dans cet état ? » Un léger rire m’échappe. Il semblerait que cette chute soit réellement la plus parfaite des distractions pour toutes les fâcheuses situations de ma vie. « Je suis tombé. » que j’annonce dans un détachement qui se voudrait presque inquiétant si ce n’était pas moi. Mon père m’a élevé pour être un dur, la mort de Leah a forgé le personnage, l’armée a fini de modeler cette fierté. Je me suis bien trop souvent montré faible ces dernières semaines, il est temps de ravaler les émotions pour présenter le visage de pierre. Et ce n’était que la vérité, je suis tombé.

Elle s’inquiète déjà de trop Oakley alors qu’elle déverrouille la porte de mon appartement pour nous laisser entrer. En serrant les dents, je retire mes chaussures et aperçois mon profil dans le miroir de l’entrée. J’ai, effectivement, une sale gueule. « Tu as de la glace quelque part ? » « Ça va, c’est rien. » Ce n’est pas rien, mais ce n’est surtout pas la première fois que j’ai quelques côtes cassées et le froid, c’est franchement ce qu’il y a de pire. Pour l’épaule, c’est une autre histoire, mais rien qu’un cachet ne pourra pas effacer. « Je vais t’aider attend. » Je voudrais dire non, tenir une certaine distance entre nous, mais c’est déjà peine perdue avec la jeune femme. Elle ne lâchera pas l’affaire, bien trop déterminée à vouloir m’aider. Alors je m’efforce de ne pas l’insulter alors qu’elle m’aide à retirer ma veste. La douleur irradie sur mon côté gauche et je souffle un coup. « Désolée. » Une nouvelle fois, je tente de rire pour apaiser son regard inquiet. « J’ai connu pire tu sais. » Je ne compte plus le nombre de blessures que j’ai ramené en vingt ans et surtout, je refuse de réaliser que je n’ai plus le même âge qu’au début. « Ça va aller pour le reste où tu as besoin d’aide ? Je crois qu’une bonne douche te ferait du bien. » « T’aime pas mon look, c’est ça ?! » Eavan disait que la boue faisait ressortir mes yeux bleus. Je secoue la tête, surpris par le fait même d’avoir pensé à mon ex compagne à cet instant précis. Peut-être parce qu’Oakley est blonde. Peut-être parce qu’au départ Eavan adorait jouer les infirmières avant de se lasser de tout ça. À nouveau, je secoue la tête et croise le regard de la jeune femme. « Je vais aller me doucher et toi, tu rentres chez toi. » Parce qu’elle n’a pas besoin de veiller sur moi constamment, parce que je vais bien et qu’il faut qu’elle pense un peu à elle. Un sourire et je m’échappe dans le couloir.

Me déshabiller fut un véritable enfer tant et si bien que j’ai fini par déchirer mon tee-shirt pour aller plus vite. Je ne sais combien de temps, je me suis laissé aller sous le jet d’eau chaude, mais cela a permis à mes muscles de se détendre quelque peu. Dans ma chambre, je prends le temps d’enfiler un bas de survêtement et abandonne l’idée même de passer un tee-shirt, l’idée même de lever le bras me donnant envie de hurler. Un bleu est en train de se peindre sur mes côtes et ce n’est pas très beau à voir. J’attrape une bouteille de médicament sur la table de nuit et me dirige vers le salon, persuadé d’être seul. Je manque de jeter ce que j’ai dans la main sur la jeune femme lorsque je la vois assise dans mon canapé. « T’es franchement têtue toi ! » que je lâche en soupirant. « Je vais bien Oakley, c’est bon. » Si je le répète encore une fois, ce sera convainquant, non ?!

Je ne m’attendais pas à tomber sur Cian lorsque je suis parti de chez moi. Je me disais qu’il serait sûrement trop occupé, qu’il n’aurait sûrement pas envie de me voir alors je comptais simplement tout déposer devant sa porte avant de repartir. Mais je me suis trompé. Il se tient devant moi, rentrant pile au moment où je dépose le cagette rempli de nourriture devant sa porte. Il est couvert de boue, visiblement pas non plus en très bon état et je ne peux m’empêcher de m’inquiéter un peu. Je fronce les sourcils le regarde un peu de haut en bas avant de le questionner. « Je suis tombé. » Tombé. On ne finit normalement pas comme ca si on tombe simplement. « T’es tombé de combien d’étage là ? » Je lui demande sans vraiment attendre de réponse. Je ne sais pas ce qu’ils font à leur entrainement à la base mais il ne s’est pas loupé en tout cas. Son uniforme est couvert de boue, comme son visage et ses mains mais mes yeux s’arrêtent sur le bras qu’il semble garde contre lui, comme si il a mal.

Incapable de porter ce que je lui ai ramener, je viens alors le reprendre dans mes mains et le suis dans son appartement. L’endroit n’est pas super bien ranger, mais avec tout ce qu’il doit avoir en tête ces derniers temps, je ne peux pas lui en vouloir. Je vais déposer la cagette dans la cuisine, avant de me tourner à nouveau vers le châtain pour lui demander si il a de la glace quelque part. Je doute qu’il en ait déjà mis sur son épaule. « Ça va, c’est rien. » Je soupire un peu. Je commence à en avoir un peu marre qu’il ne cesse de me répéter qu’il va bien alors que ce n’est pas le cas. Je commence à être fatiguée de l’entendre me dire cela alors que ce n’est clairement pas rien non plus vu la tête qu’il fait quand je viens l’aider à retirer sa veste d’uniforme. Il est beau le visage couvert de boue, il est toujours beau de toute façon, mais ce n’est pas la-dessus que je me concentre en ce moment même. Je l’aide un peu alors qu’il grimace et qu’il serre les dents. Je m’excuse alors doucement et lui adresse un petit sourire. « J’ai connu pire tu sais. » Je relève mon regard vers le sien. « Si c’est censé me rassurer ca marche pas vraiment Cian. » Je lui réponds simplement avant de lui demander si il a besoin d’un peu plus d’aide. « T’aime pas mon look, c’est ça ?! » Je ne peux retenir un petit sourire en voyant la moue qu’il fait en me demandant cela. « Ca dépend. » Je lui adresse un sourire. Il faut avouer que j’aurais préféré le voir non couvert de bleus et d’os cassés parce que je ne doute pas un seul instant que son bras ne doit pas être le seul endroit traumatisé de son corps. « Je vais aller me doucher et toi, tu rentres chez toi. » Dit-il en s’éloignant déjà vers le couloir qui mène à la salle de bain.

Je l’entends au loin lâcher des petits jurons de douleurs alors qu’il doit surement être en train de se déshabiller et il est hors de question que je le laisse. Je m’active à la cuisine, rangeant deux trois trucs qui trainent, allumant le four pour y réchauffer un bout de lasagne pour l’irlandais parce que je suis certaine qu’il n’a pas mangé depuis un petit moment. J’en profite également pour ouvrir un peu la fenêtre. Il finit alors par revenir de longues minutes plus tard et semble surpris de me voir toujours là. « T’es franchement têtue toi ! » Je lui adresse un sourire avant de prendre la parole. « Il parait que c’est mon meilleur défaut. » « Je vais bien Oakley, c’est bon. » Je lève les yeux au ciel. « Tu peux le répéter autant que tu veux, ca va rien changer. » Parce que c’est décider, je reste, qu’il le veuille ou non. Au moins pour être sur qu’il mange un bout et qu’il s’endorme. Je vais fouiller dans son congélateur et en sort un paquet de petit-pois congelé, je l’enroule dans un torchon et reviens vers lui alors qu’il s’est posé dans le canapé. « Maintenant assis toi et mets ca sur ton épaule. » Je le vois déjà prêt à ouvrir la bouche pour me répondre. « Et pas la peine de dire non, c’est non négociable. » Je lui tends le paquet de petit-pois avant de retourner à la cuisine pour sortir les lasagnes du four.

« T’es tombé de combien d’étage là ? »
« Un. » Je retiens un rire. « Bon peut-être deux. »

La réalité se rapproche plus de trois, mais elle n’a pas besoin d’en savoir autant. Se serait lui donner toutes les raisons du monde de s’inquiéter encore plus alors que je cherche uniquement le contraire. Elle ne cesse déjà de fixer le bras que je garde sans cesse contre mon flanc et je sais qu’elle va hurler lorsqu’elle verra ce qui se cache sous le tissu. Ce n’est probablement pas beau à voir vue la douleur qui ne cesse d’irradier depuis mon départ de la base. Je ne sais même pas comment j’ai réussi à conduire jusqu’ici sans encombre. Le fait est que je suis arrivé en un seul morceau et que je compte bien lui demander de partir. Elle va vouloir m’aider et je risque encore de m’énerver. La dernière fois que j’ai laissé quelqu’un entrer de cette manière on sait tous comment ça s’est terminé. Alors je joue la carte de la légèreté lui assurant par cent fois que je vais bien et que ce n’est absolument rien de grave. « Si c’est censé me rassurer ça marche pas vraiment Cian. » Je lève les yeux au ciel et retiens une remarque cinglante. « Je me suis déjà fait examiner, c’est bon. » Si l’infirmier de la base m’a laissé repartir tout seul ce n’est pas pour rien. Sullivan est le pire lorsque l’un d’entre nous se blesse, il aurait été ravi de me coller dans une ambulance si le rapport médical n’avait pas été bon. J’insiste en lui faisant comprendre qu’elle pouvait partir, mais je m’attends déjà à la retrouver dès que je serais sorti de la salle de bain.

Bingo.

Elle est là, assise dans le canapé, l’air presque trop sévère. Une odeur de nourriture a envahi la pièce et je comprends qu’elle va probablement rester jusqu’à ce que je cède. C’est l’idée qu’elle en as en tout cas. « Il parait que c’est mon meilleur défaut. » « Le pire surtout. » On ne commencera pas la liste des miens, on pourrait facilement y passer la soirée et le lendemain encore. Je râle pour la forme, retiens un énième juron alors qu’elle me fusille du regard. « Tu peux le répéter autant que tu veux, ça va rien changer. » Je retiens un geste foncièrement vulgaire et vais m’asseoir – comme je peux – à l’autre bout du canapé. L’idée de rappliquer sans tee-shirt n’était pas forcément la meilleure, parce que je n’ai plus d’excuses pour lui assurer par cent fois que je vais bien. Les preuves s’étalent juste sous son nez. Et lorsqu’elle revient avec un sachet de petit pois congelé, je perds un peu de ma patience. « Maintenant assis toi et mets ça sur ton épaule. » J’allais protester, mais elle semble plus en forme que moi ce soir. « Et pas la peine de dire non, c’est non négociable. » Avec un grand sourire, je lève les yeux vers elle et jette le sachet sur la table basse. « C’est dans les films que ça marche ce genre de truc. » D’une main, peu habille, je défais le capuchon de la boîte de médicament et en fait glisser deux sur ma langue. J’avale le tout et me laisse tomber entre les coussins fermant les yeux un instant. « Et j’ai pas faim. » Autant lui donner l’information avant qu’elle ne s’énerve ou je ne sais quoi. Je sens son regard sur moi, même les yeux fermés. Elle n’a pas bougé et à probablement laisser ses mains glisser sur ses hanches pour se donner un air pseudo menaçant. « Tu peux pas me frapper, je suis blessé. » que je rajoute pour l’énerver un peu ou simplement parce qu’au jeu de celui qui sera le plus têtu, je finirais toujours par gagner ? Peut-être pour lui montrer que je ne suis pas le gars parfait aussi. Je n’en sais trop rien. « T’as forcément, mieux à faire de ta soirée. »

« Un. Bon peut-être deux. » Je lève les yeux au ciel et décide de ne pas répondre. Après tout, à quoi bon ? Il tente de me rassurer mais ca ne marche pas vraiment.

Une fois à l’intérieur de son appartement la décision est prise. Je ne partirai pas, même si il le veut me foutre dehors, même si il s’énerve et me dit que je suis chiante. Je ne le laisserais pas et je vais lui montrer que moi aussi je peux être têtue quand je le veux. Alors je l’aide à retirer une partie de son uniforme. Je fais le plus doucement possible, je le regarde grimacer mais je ne dis rien. Je n’ai pas vraiment envie de me disputer avec lui, je veux simplement l’aider même si il ne cesse de répéter qu’il n’a besoin de personne. Il est borné Cian, et fier, ca je le sais, je m’en suis rendu compte depuis le temps, mais moi aussi je peux l’être quand je le décide, et ca il ne le sait pas encore. Il tente pourtant de me dire encore une fois qu’il va bien, qu’il a connu pire, comme si c’est censé me rassurer. « Je me suis déjà fait examiner, c’est bon. » Encore une fois, je ne réponds pas, préférant ne pas chercher encore plus les problèmes. « Hmm hmm. » Je le laisse donc aller se glisser sous une douche, en profitant pour m’occuper un peu à ranger l’appartement, mais aussi pour prendre mon courage à deux mains. Je ne vais pas le lâcher.

Il revient au salon, torse-nu et la vue d’une partie de ses côtes en train de prendre une couleur bleu-violet me fait soupirer doucement. Pourquoi faut-il qu’il soit si fier et qu’il refuse mon aide ? Je lui fais cependant remarquer que je suis têtue et si sa remarque devrait surement me blesser, je ne le suis pas. « Le pire surtout. » J’hausse les épaules. J’ai appris en encaisser les critiques, j’ai vécu un an et demi avec un homme qui ne savait faire que cela, alors je n’allais pas prendre celle-ci à cœur. J’attrape dans le congélateur un paquet de petit-pois congelé et vient lui donner pour qu’il le positionne sur son épaule, parce que cela ne ferait pas grand effet sur ses côtes de toute façon. « C’est dans les films que ça marche ce genre de truc. » Dit-il en me souriant avec son air défieur et de laissé tomber le paquet sur la table basse. Reste zen Oakley…, je me répète. Je récupère pourtant ce qu’il a déposé sur la table. « Arrête de faire ta tête de mule. Ca te va vraiment pas. » Je lui dis avant de venir moi-même poser le sachet sur son épaule, lui laissant échapper un juron. Je dois avouer que je l’ai peut être lâché un peu plus fort que je ne l’aurais voulu. Je ne craque pourtant pas. « Et j’ai pas faim. » Encore une fois, j’aimerais le secouer pour qu’il cesse d’être aussi fier mais je me contente de poser mes mains sur mes hanches. « Tu peux pas me frapper, je suis blessé. T’as forcément, mieux à faire de ta soirée. » « Non. » Ma réponse est froide, presque sèche, mais qu’il me repousse ainsi commence sérieusement à me peser. « Maintenant prend cette assiette et mange un bout. J’entends ton estomac jusqu’ici. » Je lui tends l’assiette qu’il refuse toujours de prendre. « Putain mais arrête de faire ton gamin cinq minutes Cian ! Ca me fera pas changer d’avis merde. » Une Oakley qui jure est une Oakley énervée, tout ce qui me connaisse un minimum le savent. « Si tu veux m’insulter de chieuse ou de… Whatever, vas-y, mais je bougerais pas de là tant que t’auras pas manger. » Et je crois les bras sur ma poitrine, lui soutenant le regard. Je ne changerais pas d’avis.

« Arrête de faire ta tête de mule. Ça te va vraiment pas. »
« C’est pas ce qu’on me dit habituellement. »

C’est exactement ce que l’on m’a toujours dit, ma mère en premier. Elle s’insurgeait toujours que je sois autant têtu alors que mon frère est probablement pire que moi et que notre père est le champion toute catégorie. C’est comme ça chez les Atwood, les hommes sont élevés à l’ancienne avec cette putain d’idée de ne jamais avoir à montrer ses faiblesses. Ce n’est pas pour rien que mon paternel a si bien accueilli l’idée que je parte à l’armée, c’était la carrière parfaite pour son fils qui devenait un peu trop délinquant à son goût. Alors je ne cesserais pas, parce que c’est la seule arme qui me reste pour qu’elle garde ses distances. Sauf qu’elle semble également têtue la blonde. Un peu bourrine aussi quand dans son entêtement elle vient frapper mon épaule avec le sac congelé. « Eh doucement ! » Non parce que je suis d’accord que je fais le malin, mais faut pas non plus chercher à appuyer délibérément là où ça fait mal.

« Maintenant prend cette assiette et mange un bout. J’entends ton estomac jusqu’ici. » Et le connard me trahit à la seconde où elle termine sa phrase. Je pourrais manger, c’est vrai, mais avant ça, je voudrais qu’elle arrête. Incapable de croiser les bras sur mon torse sans hurler, je me contente de bouder comme un enfant. « Putain, mais arrête de faire ton gamin cinq minutes Cian ! Ça me fera pas changer d’avis merde. » C’est ce qu’elle pense. Elle essaye de s’en convaincre tout du moins. « Tu te lasseras avant moi. » Ca a toujours été comme ça. Elles aiment le militaire et les apparences, mais elles ne restent jamais lorsqu’elles prennent conscience de l’envers du décor. Pourquoi, ce serait différent là ? À trop transposer les histoires passées, j’en oublie presque qu’avant tout Oakley est mon amie. « Si tu veux m’insulter de chieuse ou de… Whatever, vas-y, mais je bougerais pas de là tant que t’auras pas manger. » Excéder et voulant lui prouver que je n’ai besoin de personne, je prends la fourchette et pique un bout de l’assiette pour en venir porter le contenu à ma bouche. Je mâche sans la lâcher du regard. « C’est bon maintenant, tu peux y aller. » Enfermé dans mes convictions, je deviens le pire des connards. Un souffle m’échappe alors que je tente de faire tenir l’assiette en équilibre sur mes cuisses. « Je suis pas mort d’accord. » que je reprends bien plus doucement. « Je mangerais pas plus parce que ce que je viens de prendre me file la nausée. » Pourtant, ce sont les seuls médicaments qui fonctionnent lorsque j’ai réellement mal. « C’était pas intentionnel, je suis vraiment tombé. » Fin de l’histoire.

« C’est pas ce qu’on me dit habituellement. » Rétorque le châtain alors que je lui dis clairement que de faire sa tête de mule ne lui va pas. Je lève les yeux au ciel et décide de ne pas répondre.

Têtu moi aussi, je décide de ne pas lâcher l’affaire. Je ne vais pas laisser tomber Cian, malgré tout ce qu’il dit, tout ce qu’il ne cesse de répéter et son air complètement borné qui commence un peu à me faire monter sur mes grands chevaux. Je suis patiente d’ordinaire, il en faut beaucoup pour que je commence à m’énerver, mais il faut croire que Cian a réussi à me pousser un peu. Je ne m’énerve pas complètement, parce qu’il en faut bien plus pour cela arrive, mais assez pour que je manque sans le faire exprès, un peu de douceur en venant déposer la glace sur son épaule. « Eh doucement ! » S’exclame l’irlandais et je me mords la lèvre afin de ne pas me fondre en excuse dans la seconde qui suit. Je finis alors par poser une assiette devant lui, et croise les bras. Je deviens ferme, presque froide sans le vouloir mais son comportement commence vraiment à me blesser et j’aimerais qu’il cesse de n’en faire qu’à sa tête, au moins le temps d’avaler quelque chose. Je vois sa mine tourner en mine boudeuse d’enfant, et cela aurait presque le don de m’attendrir un peu, mais je ne lâche pas. « Tu te lasseras avant moi. » Finit-il par me dire alors que je fronce les sourcils. « Tu veux parier ? Parce que c’est mal me connaitre ca. » Il n’y a qu’à demander à Zeppelin, à Isaac ou même encore à Nick, mais quand je veux je suis une vraie tête de mule moi aussi. Je ne peux pourtant pas me retenir de penser qu’il y a aussi une autre signification sous cette phrase qu’il vient de me dire. Pense-t-il que je vais finir par me lasser de lui ? Par l’abandonner lui ? Là aussi il se met le doigt dans l’œil.

Il finit d’ailleurs par prendre une bouchée, sans me lâcher des yeux, et moi non plus je ne flanche pas. Vu de l’extérieur on doit avoir l’air bien ridicule à se défier comme cela en attendant de voir qui sera le premier à lâcher. « C’est bon maintenant, tu peux y aller. » Je ne réponds pas, mais mon regard fait bien comprendre au châtain que je ne suis toujours pas décidé à partir. « Je suis pas mort d’accord. » Finit-il par ajouter d’un ton un peu plus doux et je laisse alors retomber mes bras le long de mon corps. « Je mangerais pas plus parce que ce que je viens de prendre me file la nausée. » C’est à mon tour de finir par me radoucir un peu et d’hocher la tête. Je viens reprendre l’assiette de sur ses genoux et la pose sur la table basse. « C’était pas intentionnel, je suis vraiment tombé. » « J’ai jamais dit que je te croyais pas Cian… » Je réponds d’un ton bien plus calme et posé que quelques minutes plus tôt. Parce que je le crois, je ne pense pas qu’il me mente, je ne pense pas qu’il soit comme ca. « Tu devrais aller t’allonger, essayer de te reposer un peu, ca te ferait du bien. » Je lui adresse un sourire tendre et vais ranger son assiette dans la cuisine, attrapant une bouteille d’eau dans son frigo au passage et venant lui amener. « Tiens. » Mais en tentant de le voir se relever et grimacer, je viens l’aider en attrapant son bras. Je sais ce que c’est d’avoir des côtes cassées, d’avoir un bras en vrac et je sais à quel point cela peut être douloureux. Une fois debout, je le relâche cependant tout de suite, parce que j’ai bien compris qu’il n’aime pas spécialement le contact. Je reste pourtant proche de lui et tente de détendre un peu l'atmosphère. « Et puis... Heureusement que t'es pas mort, j'aurais été obligé de venir te botter les fesses au paradis. » Je souris. « En plus, une fois que je t'aurais vu avec une auréole et une robe blanche, pas sur que tu aurais garder ta crédibilité. » J'ajoute en espérant au moins tirer un sourire.

« Tu veux parier ? Parce que c’est mal me connaitre ça. »
« Can’t wait. »

Oh, je suis le pire quand on me titille de cette manière. C’est la fierté, c’est la volonté de tenir tête par-dessus tout. Elle se frotte à pire qu’elle. C’est un mélange de trop de choses qui ne vont pas, c’est la superposition de la situation actuelle et de bien plus profond encore. C’est tout ce que je ne dirais pas et qu’elle devrait deviner au fur et à mesure. C’est un jeu vieux comme le monde en réalité, mais la partie n’avait jamais inclus Oakley auparavant. « Ça peut être intéressant. » que je murmure pour moi-même. C’est idiot, bien sûr que ça l’est, mais c’est toujours comme cela pour se brûler les ailes un peu plus à chaque fois.

Elle gagne un point lorsque je prends une bouchée de son plat. Ce sera le seul que je lui accorde, pour qu’elle arrête de me fusiller du regard à nouveau. Non pas qu’elle m’inquiète, mais bon… Il faut avouer que je ne l’avais jamais vu ainsi. Elle semble bien plus têtue que j’aurais pu l’imaginer auparavant. Jamais je n’avouerais que la voir ainsi, sous un nouveau jour, réveille un truc bien trop enfoui. Ce serait de la pure folie.

Les esprits s’apaisent et j’explique, je prends le temps de parler sans hurler ou bouder comme un gamin. Le jeu a probablement assez duré, je suis fatigué. « J’ai jamais dit que je te croyais pas Cian… » Elle ne l’a pas dit, mais c’est passé dans son regard, plus d’une fois depuis qu’elle est arrivée. « Tu devrais aller t’allonger, essayer de te reposer un peu, ca te ferait du bien. » Je retiens un énième soupire, ferme les yeux et me pince l’arrête du nez. J’avais promis de ne plus m’énerver. « Oakley. » Mais encore une fois, elle n’en fait qu’à sa tête, à se lever, à prendre possession des lieux comme si elle avait toujours vécu ici. La bouteille d’eau qu’elle glisse entre mes mains et son corps qui se penche vers le mien pour m’aider à me relever. Elle accumule les faux pas, les uns après les autres. Un pas en avant, dix en arrière. « Arrête. » Une grimace supplémentaire, incapable de lutter voilà que je me retrouve nez à nez avec elle. « Oakley, vraiment. » Ne pas hausser la voix, ne pas perdre patience de trop. Elle tente une blague sur je ne sait quel sujet, je ne l’écoute plus vraiment, je voudrais qu’elle s’éloigne surtout. Alors, c’est moi qui recule. C’est mieux ainsi. « Je déteste qu’on me dise quoi faire. » que je lui avoue le plus calmement du monde. « J’ai pas besoin d’aller me coucher, ce sera juste pire. Je vais tourner en rond pendant des heures, je vais m’énerver et je pourrais pas faire de sport pour décompresser. » Je sais ce dont j’ai besoin ou pas, je ne suis pas un gamin. « Tu peux rester si tu veux, mais arrêtes de me traiter comme un gamin, s’il te plaît. »

« Can’t wait. Ca peut être intéressant. » me dit le châtain et je pousse un léger soupir. Bien sûr qu’il ne laisse pas tomber, bien sûr qu’il serait prêt pour le défi, juste pour me prouver que j’ai tords et qu’il est bien têtu que moi. Je préfère ne rien dire, le regardant alors avaler une bouchée des lasagnes que j’ai préparé ce matin et que je lui ai ramené. C’est un bon pas en avant, du moins je l’espère. Lorsqu’il me dit que les cachets qu’il vient de prendre le rende nauséeux, je n’insiste pas. Je range l’assiette, un peu comme si j’étais chez moi mais je sens bien le regard de l’irlandais sur moi.

Une fois les affaires un peu ranger, je reviens vers lui. Il a besoin de se reposer parce que, honnêtement, même sans tous ses bleus, il a l’air vraiment crevé. Je n’y ai pas vraiment fait attention jusqu’à maintenant, parce que je suis bien plus préoccupé par l’état de son torse et de son bras, mais il a des cernes bien creusé. Mon ton se radoucit instantanément alors que je reviens auprès de lui pour l’aider à se relever. « Oakley. » Me dit le brun et je vois bien qu’il tente de rester calme. Je n’ai pas peur cette fois ci. « Arrête. » Il grimace et je me mords doucement la lèvre. Je vais peut être trop loin. « Oakley, vraiment. » Je tente alors une blague pour essayer de détendre un peu l’atmosphère, mais visiblement n’a pas du tout l’effet désirer. Il a l’air encore plus de prendre sur lui.

« Je déteste qu’on me dise quoi faire.  J’ai pas besoin d’aller me coucher, ce sera juste pire. Je vais tourner en rond pendant des heures, je vais m’énerver et je pourrais pas faire de sport pour décompresser. Tu peux rester si tu veux, mais arrêtes de me traiter comme un gamin, s’il te plaît. » Je me mords une nouvelle fois la lèvre. Il confirme que je vais trop loin mais au moins il n’essaye plus de me mettre à la porte. Il se rassoit dans le canapé et je le regarder quelques secondes avant de reprendre la parole. « Tu veux une tasse de thé ? » Je lui demande. C’est inoffensif une tasse de thé après tout. « Et on pourrait regarder un film, si tu veux bien sûr... » Parce que je n’ai pas envie de partir, pas envie de le laisser et que j’aimerais que les choses redeviennent un peu normale entre nous, même si je ne suis pas sûr que cela soit possible. Je viens alors me poser à côté de lui, arrêtant de m’agiter dans tous les sens pour la première fois depuis que j’ai débarqué aujourd’hui. « M’en veux pas de vouloir t’aider. On est amis après tout et les amis c’est fait pour ça non ? Tu aurais fais la même chose. » Et ça j’en suis certaine, que lui aussi aurait tout fait pour moi. Mais là partie amitié... Ça reste confu. Je lui adresse un léger sourire.

Elle joue avec mon sang-froid lorsqu'elle insiste par millier alors que je lui jure d'aller mieux. Les traces physiques de l'accident ne cessent de noircir sur mes côtes, lui donnant une dizaine d'excuses supplémentaires afin de rester dans les parages. Elle ne pense pas à mal Oakley, mais elle est en train de marcher sur le fil du rasoir quand elle me force presque à me lever pour aller me coucher. On ne m'avait pas imposé telle chose depuis des années, lorsque ma mère râlait que l'on passait trop de temps devant la télé. Au lieu de m'emporter, je tente d'expliquer. Je souffle un coup, choisis mes mots sans jamais hausser le ton, j'ai appris ma leçon. Elle s'en tête, mais ce n'est pas une bouderie de gamin que je lui impose. Le simple fait est que je n'ai pas besoin qu'elle me dise quoi faire, qu'importe si elle me trouve fatigué, qu'importe si la logique voudrait que j'aille me reposer. Quarante ans que je vis avec moi-même, je pense encore pouvoir gérer le sujet. Elle souffle à son tour et je retiens un rire. À nous deux on pourrait tenter un concours de celui qui aura le plus râler au bout du compte. « Tu veux une tasse de thé ? » Un éclat de rire m'échappe alors que de mon bras valide, je fais tomber le plaid sur mes épaules. « Tu veux pas juste t'asseoir deux minutes ? » Je n'ai pas besoin de thé, pas besoin de manger et encore moins besoin que l'on m'enferme dans une bulle dorée. J'ai l'impression de lui demander un effort ultime alors qu'elle continue à parler à la vitesse d'un moulin. « Et on pourrait regarder un film, si tu veux bien sûr... » « Sinon on peut aussi juste se taire et apprécier. » Je taquine autant que je suis sérieux. On pourrait juste souffler, apprécier que la journée soit terminée et que l'on soit en bonne compagnie.

« M’en veux pas de vouloir t’aider. On est amis après tout et les amis c’est fait pour ça non ? Tu aurais fait la même chose. »  
« Je n'ai jamais dit que je t'en voulais. »  

Elle soutient mon regard la jeune femme, attend probablement une approbation de ma part que je lui offre sous un signe de tête. Bien sûr que j'aurais fait pareil et c'est normal, mais je ne me serais pas imposé par mille et unes façons. Je passe une main sur mon visage et laisse ma tête tomber entre les coussins. « Je te remercie de veiller sur moi comme ça. » que je murmure doucement. « C'est juste plus simple de dire que tout va bien. » La technique de l'autruche, je la maîtrise sans faille.

La tension entre nous deux redescend un peu, l’ambiance se détend et je sais que même si je ne pense pas à mal, j’ai peut-être été un peu trop loin. Je sais que Cian est un grand garçon, qu’il sait se débrouiller tout seul, mais j’ai eu peur en le voyant revenir avec ses bleus énormes et je crois que j’ai un peu peur des conneries qu’il pourrait faire sans sa fille dans sa vie. Je suis passé à deux cent à l’heure et je vois bien qu’il se retient de ne pas me hurler dessus, alors je respire un bon coup et décide de ralentir un peu, de me calmer. Nous sommes visiblement aussi têtues l’un que l’autre même si l’irlandais à l’air bien plus fier que moi. « Tu veux pas juste t'asseoir deux minutes ? » Me demande le châtain et j’hoche la tête. Il a raison. Je me laisse alors tomber sur le canapé à ses côtés. Il a l’air épuisé, mais je me retiens de commentaire. Je lui propose un film, mais visiblement il n’a pas l’air d’en avoir non plus. « Sinon on peut aussi juste se taire et apprécier. » « D’accord. » Je réponds simplement et viens poser ma tête sur le coussin à côté du sien.

Je ne peux cependant pas me retenir longtemps, et à mi-voix, je lui demande de ne pas trop m’en vouloir. « Je n'ai jamais dit que je t'en voulais. » Je sais qu’il ne l’a pas dit, mais je me doute qu’il le pense sûrement un peu. Mais quand je m’attache à quelqu’un, je suis comme cela, je suis à deux cents pourcent et je fais tout pour que cette personne aille bien, pour qu’elle ne manque de rien. Alors depuis qu’Ailis a disparu de la vie de l’irlandais, je ne peux m’empêcher de lui montrer que je suis là pour lui, que je ne le laisserais pas, même si visiblement je ne m’y prends peut-être pas de la meilleure des manières. Mon regard reste planté dans le sien et je lui adresse un petit sourire avant qu’il ne laisse tomber sa tête contre les coussins. « Je te remercie de veiller sur moi comme ça. C'est juste plus simple de dire que tout va bien. » Un sourire, timide, mais sincère vient se placer sur mes lèvres. « Je sais. Crois moi, je sais… » Parce que ce n’est jamais simple d’avouer que quelque chose part de travers, que les choses ne vont pas bien. Ce n’est jamais évident de demander de l’aide, il m’avait fallu un an et demi pour en demander de mon côté. « Mais je vois bien que ca va pas, et je te demande pas de me dire ce que tu ressens si tu ne veux pas en parler. Je sais que ca peut être dur, mais je veux juste que tu saches que je suis là. Même si c’est pour regarder des films nuls, pour te faire du thé ou bien pour jouer à des jeux de sociétés. » Je me tourne un peu plus vers lui. « Je suis pas là que dans les bons moments. Et je comprends que tout ca soit vraiment dur à vivre. » Je souris un peu. « Et promis maintenant je me tais. » Je ris un peu et fais signe de venir fermer la fermeture éclair sur ma bouche avant de me laisser retomber contre les coussins.

Elle ne pense pas à mal Oakley quand elle s’agite dans tous les sens. Tout dans ses agissements me prouve qu’elle est bien incapable de se poser tranquillement, que par tous les moyens elle cherche à vouloir m’aider. Je ne veux pas être le mec ingrat qui la jette dehors, alors qu’elle cherche à tout faire pour apaiser cette journée un peu folle. Je vois à quel point s'est compliqué pour elle lorsque je lui demande de se poser tranquillement. C’est comme si elle était montée sur ressort et que je me retrouvais avec un nouvel enfant à la maison. Alors je lâche un peu du lest, je donne quelques bribes d’informations, parce que dans le fond, elle n’a pas totalement tort. La situation est loin d’être aisée, toutes les émotions sont décuplées dans une violence rare que je ne sais complètement gérer. « Je sais. Crois-moi, je sais… » Bien sûr qu’elle sait, quand elle a menti à tout le monde pendant des mois. La situation est bien différente, rien n’est réellement comparable, mais j’ose imaginer qu’en effet, elle comprend. « Mais je vois bien que ça va pas, et je te demande pas de me dire ce que tu ressens si tu ne veux pas en parler. Je sais que ça peut être dur, mais je veux juste que tu saches que je suis là. Même si c’est pour regarder des films nuls, pour te faire du thé ou bien pour jouer à des jeux de sociétés. » Je me mords la lèvre, retenant un sourire. Je m’enroule dans mon plaid, lève les yeux vers elle. « Tu sais pas rester calme en fait. » J’éclate de rire juste pour la taquiner un peu. Probablement pour prouver également que dans le fond tout va bien. Ce n’est qu’une mauvaise passe et je ne veux pas qu’elle s’inquiète de trop pour moi. Vraiment, ce n’est pas nécessaire selon moi. « Je suis pas là que dans les bons moments. Et je comprends que tout ça soit vraiment dur à vivre. » « Vraiment, arrête de t’inquiéter autant pour moi. » Je me connais, je sais comment gérer les pires des situations. Ce n’est pas forcément l’idéal de certains, mais c’est ma manière de faire. « Je partage pas, ça a toujours été comme ça. » Parce qu’il y a vingt-cinq ans, j’ai dû gérer le deuil de ma sœur seul, parce que ma famille était en train d’imploser. Si j’étais du genre à parler de tout à l’époque, cette épreuve m’a complètement transformé et désormais je ne sais plus parler de tout cela. En rien, ce n’est réellement grave, on fonctionne tous à notre manière. « Et promis maintenant, je me tais. » Je pouffe à nouveau avant de me redresser quelque peu. Je tente de grimacer le moins possible pour qu’elle ne s’inquiète de rien et me penche sur la table basse pour récupérer les manettes de ma console de jeu. « On va faire un Mario Kart. » Comme ça, je pourrais décompresser un peu et peut être qu’elle sera un peu plus détendue. Je n’en sais rien, mais on verra plus tard pour les confidences.

On enchaîne les parties et l’ambiance finis par se détendre complètement. Tellement que la jeune femme commence à jurer comme jamais alors que son kart flirt avec les dernières places. « Et bah… Je t’imaginais pas comme ça. » que je taquine alors que ma première place la nargue sur l’autre moitié de l’écran. « On se lâche Oakley ?! » Et ce genre de soirée dont j’avais réellement besoin.

J’ai toujours été comme cela. Depuis aussi loin que je puisse me rappeler, j’ai toujours été une personne débordante d’énergie, et qui a même des fois du mal à tenir en place. Avec le sport et la danse j’arrive à trouver un équilibre, qui fait qu’il m’arrive d’être un peu plus calme le reste du temps, mais avec le stress, l’inquiétude, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je tourne dans tous les sens, je m’occupe les mains et je brutalise sûrement un peu trop Cian qui a l’air épuisé. Alors lorsqu’il me demande de me calmer et de m’asseoir, je finis par me laisser tomber dans le canapé. Je dois le soûler Cian, ca ne me surprendrais pas vraiment si un jour il ne répondait plus du tout à mes messages et qu’il finisse par me ghoster. Malgré tout, je reste persuadé de ne jamais vraiment être assez bien pour les gens qui sont dans ma vie. Je secoue doucement la tête pour chasser cette pensée et lui adresse un léger sourire. « Tu sais pas rester calme en fait. » Il rit et je me détends un peu. Peut-être qu’il va bien vouloir que je reste au final. « Non, désolée j’ai un peu un problème d’hyper activité des fois. » Je ris un peu à mon tour.

« Vraiment, arrête de t’inquiéter autant pour moi. » Je pince un peu les lèvres, mais ne dis rien, malgré le fait que c’est un peu chose impossible ce qu’il me demande. « Je partage pas, ça a toujours été comme ça. » J’hoche la tête, respectant sa décision de ne pas vouloir se confier. Tout le monde est différent à vrai dire et si Cian n’aime pas se confier, je n’ai jamais été très doué pour cela non plus, alors je le comprends. Je reprends finalement la parole pour lui dire que je me tais, et fais mine de fermer le zip sur ma bouche. Je le regarde se redresser en grimaçant, me retenant de dire quelque chose et il me tend une manette de console de jeu. « On va faire un Mario Kart. » « Euh… D’accord. » J’aime bien Mario Kart, mais je suis nulle, et surtout, je ne me rappel pas de boutons.

Après un rapide rappel des boutons à presser pour jouer, je me tourne complètement vers la tête alors que l’irlandais lance une partie. Sans grande surprise, je tombe plusieurs fois dans les trous, je me prends les mauvaises boites au passage et je finis avant dernière, ce qui m’arrache sans réfléchir un ou deux jurons. « Et bah… Je t’imaginais pas comme ça. » Je tourne la tête vers lui et remarque que ce n’est pas un reproche mais plutôt quelque chose pour se moquer un peu de moi. « On se lâche Oakley ?! » Je lui tire la langue, telle une gamine de cinq ans. « Quand tu seras guéri on jouera à Just Dance, on verra si tu te moques toujours. » Je lui dis d’un air sérieux avant de rire un peu à mon tour. « Et puis, j’suis sure que tut riches. » Je me tourne à nouveau vers la télé et il lance une seconde partie. Je remonte de quelques places, et voulant passer encore un peu plus devant, je viens poser ma main sur les yeux de Cian qui finis alors dans un trou. « Aaaaaah yeeees ! » Je ris.