The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
Today is the day. Cette journée tant attendue depuis plusieurs semaines déjà, celle qui mettra un terme à ce mensonge qui dure depuis trop longtemps. Celle où je pourrai ouvertement prendre la place qui me revient et qui permettra enfin de voir naître cette relation père-fils dont je rêve depuis que j’ai appris ma paternité. Danika et moi en sommes donc convenus que je passerais chez elle après le travail pour qu’on passe la soirée ensemble tous les trois dans le but de lui expliquer qui je suis vraiment. Avec toute l’anticipation et le stress causés par la simple pensée de ce qui m’attend ce soir, ma journée de travail m’a semblé interminable. Heureusement pour moi, elle a somme toute été plutôt calme donc mon manque de concentration n’aura pas été trop nuisible. Après le travail, je me rends à mon appartement pour prendre ma douche et me changer avant de me rendre chez mon ex avec une bouteille de vin dans les mains. Pour fêter ou pour me saouler pour oublier, la façon dont la soirée allait se dérouler le dirait. Le repas se déroule plutôt bien, même si l’ambiance est particulièrement étrange. De mon côté, je reste silencieux, visiblement de plus en plus nerveux à mesure qu’on se rapproche du moment tant attendu et redouté. Après le repas, nous nous installons finalement au sol, dans le salon, observant Maddox qui s’amuse avec sa peluche de dragon.
« Maddox, tu as remarqué que tu passais beaucoup de temps avec Lawrence non ces dernières semaines ? Tu l’aimes beaucoup non Lawrence ? » La question de Danika me fait comprendre que c’est maintenant que ça se passe. Mes mains deviennent instantanément moites et je tente de les essuyer sur mon pantalon sans trop de succès. Mon cœur bat vite alors que mon regard se dirige vers Maddox pour guetter sa réaction. Plus Danika avance dans ses explications, moins je me sens bien. Je me sens nauséeux et je transpire beaucoup trop pour la température qu’il fait aujourd’hui. Elle voulait qu’on lui dise ensemble, mais je lui laisse la parole, incapable de prononcer le moindre mot. Je ne bouge pas d’un poil le corps tendu au maximum, raide comme une barre. « […] c’est Lawrence ton Papa. » En entendant enfin les mots sortir de la bouche de Danika, je souris doucement sans quitter le petit des yeux. Je peux voir du coin de l’œil que Danika me regarde mais je suis incapable de bouger. Mon cœur cogne tellement fort dans ma poitrine que je peux l’entendre dans ma tête. Mes mains tremblent alors je les coince entre mes cuisses pour les immobiliser. « C’est mon papa ? » Je hoche lentement la tête lorsque le regard de Maddox croise le mien mais aucun son ne sort de ma bouche lorsque je l’ouvre pour parler. Je la referme, déglutissant difficilement. « C’est ton Papa, mon chat. » Danika glisse sa main dans la mienne et entrelace nos doigts ensemble. Pour me calmer, je caresse sa main avec mon pouce d’un geste rapide et répétitif. J’attends impatiemment la réaction de Maddox qui ne tarde pas à arriver malgré que ces quelques secondes me paraissent des heures.
« C’est pas vrai. » Mon cœur se serre en entendant ses mots et en voyant la peur dans ses petits yeux. J’aimerais trouver les mots pour le rassurer, pour lui faire comprendre que je me suis déjà attaché à lui et que je le protégerai contre les monstres dans son placard. Je veux lui dire que je l’aime, mais j’en suis incapable. Parce que comme je l’ai redouté, il ne veut visiblement pas de moi. Danika tente de le rassurer, de lui expliquer encore une fois mais le petit est visiblement aussi borné que ses parents. Je lutte pour étouffer toute la tristesse que je ressens, je veux me montrer fort et ne pas laisser paraître ma vulnérabilité. Sauf qu’à chaque nouvelle réplique de Maddox, je sens ma carapace s’effriter de plus en plus, mon visage se décomposer de plus en plus. L’ombre d’un instant, je regrette presque de lui avoir donné mon cœur qu’il piétine comme bien d’autres avant lui, comme sa mère qui est responsable pour toute la douleur que je ressens présentement.
Maddox se débat pour se défaire des bras de Danika et il plante ses petits yeux dans mon regard embué par l’émotion. « C’EST PAS MON PAPA. JE L’AIME PAS C’EST PAS MON PAPA. » Je reçois ses dernières paroles comme un coup de couteau en plein cœur, le coup de grâce qui m’achève. J’étouffe un gémissement de douleur en détournant ma tête pour ne plus les regarder. Je replis mes jambes devant moi en serrant mes genoux contre ma poitrine, une main devant la bouche pour m’obliger à rester silencieux. J’étouffe dans cet appartement où je ne suis visiblement pas le bienvenu. Je profite donc du fait que Danika est partie avec Maddox dans la chambre de ce dernier pour me lever et sortir de l’appartement par la sortie de secours qui donne sur l’arrière du bâtiment.
Maintenant seul, je ne retiens plus mes larmes alors que je descends l’escalier de secours presque en courant pour me rendre à l’arrière de l’appartement de Danika. Je renifle un bon coup et je donne un coup de pied dans la première poubelle que j’aperçois avant d’en saisir une deuxième que je lance à bout de bras en hurlant. Toutes les poubelles y passent, criant un peu plus fort à chaque fois pour extérioriser toute la colère et la tristesse que je ressens. Je prends ensuite une bouteille de vin vide que je lance de toutes mes forces, la faisant éclater en milles morceaux sur la brique du bâtiment. Sauf que rien de tout ça n’estompe l’immense douleur que je ressens en-dedans. À bout de souffle, je me laisse glisser au sol le dos contre le bâtiment, éraflant celui-ci contre la brique dans le processus. Pendant que je repasse les paroles de Maddox en boucle dans ma tête, je prends un morceau d’éclat de verre au sol et je le serre dans ma main pour changer le mal de place, croyant que la douleur physique serait plus facile à gérer. Sauf que malgré le sang qui coule le long de mon bras, la douleur causée par le rejet de Maddox ne diminue pas et je ne sais plus quoi faire pour qu’elle s’arrête. Alors je reste assis là tout seul dans le noir, la tête cachée dans mes deux bras accoudés sur mes genoux, les jambes repliées contre ma poitrine. Sans plus aucune force pour lutter contre les sanglots qui secouent mon corps sans retenue.
Dernière édition par Lawrence Cabbott le Dim 31 Jan 2021 - 20:28, édité 2 fois
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
À travers mes sanglots, j’entends les pas de Danika qui se rapprochent tranquillement, résonnant sur le métal de l’escalier de secours. « Lawrence ? » Toujours assis dans le noir je tente de cacher un peu plus mon visage dans mes bras pour étouffer le bruit de mes pleurs, pour qu’elle ne me trouve pas alors que je suis démoli. Sauf que je n’arrive pas à ravaler les sanglots qui secouent mon corps lorsque j’ouvre la bouche pour prendre une bouffée d’air, à bout de souffle à force de pleurer. Danika m’entend et je vois l’ombre de ses pieds qui s’approche de moi, sous mes bras. Malgré ma carrure imposante, je me sens minuscule en ce moment, je veux disparaître. Et lorsque je sens la main de Danika se poser sur mon bras, j’essaie de me faire encore plus petit. Je me replie un peu plus sur moi-même, passant mes deux mains par-dessus ma tête comme pour me protéger. « Kirby regarde moi. » Je secoue négativement la tête en gémissant, lui répondant d’une voix brisée presque inaudible. « Non. » Mais je finis quand même par lever ma tête parce que je n’ai pas la force de lutter contre elle, pas aujourd’hui, pas maintenant. Je n’ai plus assez d’énergie pour être fâché contre elle, pour lui crier dessus comme je sais si bien le faire. Je veux que la douleur s'arrête. « Je suis désolée. » Je lève mes yeux à la recherche des siens, mais j’ai du mal à la voir avec ma vue trouble. Chaque fois que je cligne des yeux, des larmes roulent sur ma barbe qu’elle tente d’essuyer avec ses mains. Je sais qu’elle pense chacun de ses mots, ses mots qui pansent légèrement ma plaie béante. « Je suis désolée. » Je pose ma main gauche sur la sienne, entrelaçant nos doigts ensemble contre ma joue. Je m’accroche à sa main pour qu’elle ne me laisse pas me noyer, même si c’est elle qui m’a poussé à l’eau. Je serre ses doigts avec les miens pour l’empêcher de partir, pour qu’elle ne m’abandonne pas elle aussi. Lorsqu’elle pose son front contre le mien, je laisse le haut de mon corps basculer doucement vers l’avant pour presser un peu plus mon front contre le sien à la recherche de réconfort. Je ferme les yeux et me concentre sur son souffle qui caresse mon visage humide, me laissant bercer par le son de sa respiration. Au bout de quelques minutes, les sanglots cessent. Ma respiration, bien que bruyante, a retrouvé un rythme un peu plus normal.
Danika recule la tête et frotte ma barbe pour l’essuyer une nouvelle fois. « Il a eu peur. Ca ne veut pas dire qu’il ne t’aime pas. Il va lui falloir un peu de temps c’est tout. C’était beaucoup pour lui. » Je hoche la tête sans rien dire, la gorge nouée, laissant quelques larmes dévaler sur mes joues lorsque je cligne des yeux en la regardant. Je sais que c’est beaucoup d'informations pour Maddox et qu’il ne doit pas tout comprendre à son âge, mais je ne peux m’empêcher de me sentir blessé de me faire rejeter de la sorte. Danika remarque finalement le sang qui coule toujours le long de mon bras et qui provient de la paume de ma main droite. « Qu’est ce que tu as fait ? » Elle lâche mes joues et attrape ma main blessée. Je ne résiste même pas lorsqu’elle prend mes doigts pour m’ouvrir la main. Je fixe le vide et je hausse les épaules avec nonchalance. « Je voulais juste que ça arrête. » dis-je d’une voix enrouée. Je savais que Danika comprendrait de quoi je parlais sans que j’aie besoin de le dire. Qu’elle ne jugerait pas mon geste stupide parce qu’elle comprendrait. En silence, elle déchire son chandail et enroule le bout de tissu autour de ma main blessée. « Il va falloir qu’on désinfecte ça. » Je laisse ma tête basculer vers l’arrière, pour l’accoter contre la brique du bâtiment derrière moi. En guise de réponse, je hoche lentement la tête. Peut-être que la brûlure causée par le désinfectant suffirait à me faire oublier la douleur psychologique. C’est beau rêver.
« Ca ira mieux demain. Il va t’aimer. Tu es son père. Il ne peut que t’aimer. » Alors qu’elle tente de me rassurer avec ces mots, je lui souris tristement en secouant la tête négativement. « Comme j’ai aimé mes parents adoptifs? N’en sois pas si convaincue. » Mes parents qui avaient enduré mes cris et mes bousculades, qui avaient tenté de me consoler malgré la souffrance qu’ils devaient ressentir de se faire rejeter par ce petit garçon qu’ils avaient tant désiré et attendu. Ce petit garçon qui ne voulait rien savoir d’eux et qui voulait juste retrouver sa vraie famille. Ce petit garçon qui était devenu un homme et qui s’était dépêché de partir dès l’âge de la majorité atteint. Et maintenant que je vis ce même rejet, je comprends pourquoi ma mère passait certains soirs enfermée dans sa chambre, probablement trop blessée par mes propos. Et soudainement, j’ai envie d’aller les voir pour m’excuser, pour peut-être les laisser prendre la place qu’ils méritent dans ma vie. « J’obtiens ce que je mérite, je suis juste un fucking loser, un bon à rien. » Incapable d’avoir les notes suffisantes pour avoir le métier de mes rêves. Incapable de garder quelqu’un dans ma vie plus que quelques mois parce que je suis étouffant. Incapable de me faire aimer par mon fils. La vérité sort de la bouche des enfants semble-t-il. « Il ne m’aimera jamais, je suis juste bon pour repousser tout le monde loin de moi. » Mon visage se crispe de douleur à ces paroles, réprimant une deuxième vague de sanglots en cachant mon visage dans ma main gauche. De toute façon, mon corps a déjà tout donné ce qu’il avait, je suis épuisé et vidé. Et tout ce que je veux, c’est de me sentir aimé.
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
Toute cette situation me fait penser à mes parents adoptifs et à la douleur que je leur ai infligée et que je leur inflige encore. Alors quand Danika tente de m’assurer que Maddox m’aimera, je doute. Parce que je me compare à lui et qu’au final j’ai peur qu’il me fasse la même chose que j’ai faite à mes parents. Je culpabilise tout d’un coup, réalisant tout le mal que j’ai causé autour de moi. « C’est pas pareil tu le sais.. » Honteux, je baisse mes yeux vers ma main blessée qu’elle tient toujours avec la sienne. « J’ai vraiment été un trou de cul avec eux Dan. Ils voulaient un enfant depuis tellement longtemps… et ils sont tombés sur moi. » Je ne pouvais qu’imaginer leur tristesse de ne pas réussir à concevoir en premier lieu, puis l’attente interminable que leur dossier d’adoption soit traité. « Ils ont dû être tellement contents quand ils ont su qu’ils allaient finalement avoir un enfant. Ils n’ont jamais mérité que je les traite comme je l’ai fait. » Ma peine n’était pas plus importante que la leur. Le scénario était différent, certes, mais dans les deux cas l’enfant rejetait ses parents. Sans savoir comment les choses évolueront avec Maddox, je sais que j’ai rejeté mes parents adoptifs pendant des années. Et encore aujourd’hui, je ne les vois que quelques fois par année par principe, malgré qu’ils habitent dans la même ville. « lls ont fait de leur mieux, je n’ai jamais manqué de rien. Et qu’est-ce qu’ils ont eu en récompense? Rien. Juste de la souffrance. » Probablement cette sensation de ne toujours pas avoir d’enfant malgré que je porte leur nom. Lentement, je relève mes yeux vers Danika, le regard rempli de culpabilité. « Peut-être que c’est juste une façon de me punir. » Le retour du balancier, même si je n’ai jamais cru à ces théories. Ça semble faire tellement de sens présentement.
J’ai compris depuis un moment déjà que je suis probablement mieux seul. Ou peut-être que ce n’est qu’un moyen de défense face à tous les rejets que je subis à cause de mon tempérament. Sauf que le rejet de Maddox est pire que les autres, je suis fatigué de me battre et j’ai mal. Alors je me mets à me dénigrer parce que c’est forcément de ma faute, c’est toujours de ma faute. « Arrête. Dit pas ça. C’est pas vrai. » Danika baisse ma main gauche pour dévoiler mon visage. Le regard plongé dans le sien, je prends une grande respiration pour tenter de calmer mes émotions qui remontent dans ma gorge. « T’es pas parfait. T’as un millier de défauts. T’es humain Law. » Je fronce mes sourcils en l’interrogeant du regard, ne comprenant pas tellement comment ces mots sont supposés me remonter le moral. « Merci? » Je devine à son soupir que les mots ne sont pas sortis comme elle le souhaitait, qu’elle était remplie de bonnes intentions. Alors je ne lui en tiens pas vraiment rigueur et j’attends la suite pour comprendre ce qu’elle voulait dire. En attendant, sa main quitte la mienne pour rejoindre ma joue qu’elle caresse avec son pouce. Un geste si simple qui fait tant de dommages, qui ranime mon amour pour elle que je croyais éteint depuis longtemps. Je presse ma joue contre sa main, les yeux presque fermés. Je laisse mon cœur se remplir pendant le temps que ça dure. « Mais notre fils je sais qu’il va t’aimer exactement pour les mêmes raisons que je t’ai aimé. » Mon cœur se serre lorsque je réalise que son verbe est au passé, que je suis probablement le seul à avoir eu ce rêve stupide qu’on forme peut-être une famille tous les trois. Cette image biaisée de famille parfaite figée dans le temps, celle que j’avais de ma famille alors que je n’avais que sept ans, malgré que je suis conscient aujourd’hui que ma mère était infidèle et que rien n’était parfait. Déçu, j’attends en silence qu’elle m’explique. Parce que je n’ai aucune idée de ce qu’elle a bien pu me trouver au fond et que j’ai soudainement besoin de l’entendre. « Parce que tu tiens aux gens, parce que dès le moment où t’as posé le regard sur lui t’aurais été prêt à prendre une balle pour lui. Parce que t’es tenace et que t’abandonnes pas. » Mes lèvres s’étirent en un sourire qui manque un peu d’assurance parce que je suis plus habitué à me faire insulter que complimenter. Quand nos regards se rencontrent, je baisse légèrement le mien, ne sachant pas comment réagir à ses mots. Sauf que malgré mon regard fuyant, ses mots sont comme un baume sur mon cœur et je n’essaie pas de camoufler le sourire sur mes lèvres dont elle est responsable. « Alors abandonne pas. Maddox est petit, ce soir il a eu peur, tu verras que demain ça ira déjà mieux surtout si tu lui fais des pancakes. » Mes yeux remontent vers les siens alors que je ris à ses derniers mots. Le sourire aux lèvres, j’essuie le coin de mes yeux du bout des doigts. « Merci, j’avais besoin d’entendre tout ça. » dis-je doucement à voix basse, le regard rempli de gratitude. Danika avait raison, je n’abandonnais jamais et je n’allais pas l’abandonner lui non plus. « C’est noté, je lui ferai des pancakes. Je ne sais pas si je me sens d’attaque pour faire ça demain par contre. » Je ne me sens pas assez solide pour l’affronter pour le moment, je ne veux pas craquer devant lui. Maddox avait besoin de temps et moi aussi.
Et parce que me complimenter n’est pas assez, Danika décide de se lancer dans des explications par rapport à notre rupture. « Je peux parler que pour ce qui me concerne mais…notre relation s’est pas terminée parce que tu m’as poussée loin de toi. » Confus, mes sourcils se froncent alors que mon regard scrute son visage à la recherche d’explications. J’ai toujours pensé que notre rupture avait été causée par ma jalousie, parce que je l’avais étouffée. J’ouvre la bouche pour parler mais je la referme aussitôt. « Du moins, elle s’est pas terminée que pour ça..Tu veux la vérité Law ? Je crois que même si on avait pas passé notre temps à s’engueuler, j’aurais trouvé le moyen de tout faire foirer. Parce que t’as raison. J’ai tout aussi peu confiance que toi.» Doucement je relève son menton de ma main gauche pour la forcer à me regarder, plongeant mon regard dans le sien. J’essaie de comprendre, de trouver des réponses dans ses yeux mais je n’arrive pas à saisir ce qu’elle me dit. « Quoi? Je ne comprends rien. » J’allonge mes jambes endolories devant moi, lâchant son visage pour croiser mes bras contre mon torse. « Pas confiance en quoi? En qui? En moi, en toi, en nous? » J’attends calmement qu’elle me parle, sans lui mettre de pression. Ma voix se veut rassurante, mon regard suppliant. Maintenant qu’elle a abordé le sujet je veux juste comprendre ce qui nous a brisés. J’ai toujours cru en être le seul responsable.
Dernière édition par Lawrence Cabbott le Dim 31 Jan 2021 - 22:52, édité 1 fois
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
« T’étais un enfant Law. On t’avait tout pris. » Et si c’était aussi simple que ça. Sauf que je n’étais pas devenu plus facile à vivre en vieillissant, mon adolescence avait été pire que les quelques années de mon enfance durant lesquelles j’étais avec eux. Je me souviens encore de la déception dans leur visage alors qu’ils apprenaient que je m’étais fait suspendre de l’école encore une fois, qu’ils se sentaient démunis face à un adolescent sur lequel ils n’avaient aucune emprise. Le fait que je n’ai pas de casier judiciaire aujourd’hui est probablement leur seule satisfaction. « J’ai trente-et-un ans Dan, je ne suis plus un enfant depuis longtemps. » Je suis touché qu’elle tente de me rassurer, qu’elle prenne ma défense, mais je sais que je n’ai aucune excuse aujourd’hui pour le comportement que j’ai eu avec eux. « C’était tellement urgent de déménager de chez eux à dix-huit ans. Je n’étais déjà plus un enfant. » Peut-être parce que je voulais mon indépendance ou parce que je n’en pouvais plus de les décevoir alors que je me cherchais. Ils ont rapidement appris que j’allais faire à ma tête si je voulais quelque chose alors ils ont arrêté d’essayer de me convaincre. « Je n’ai rien fait pour arranger les choses. » Peut-être qu’il était temps de remédier à la situation pour leur laisser le bonheur d’apprendre à connaître leur petit-fils. Si Maddox changeait son fusil d’épaule.
Danika trouve les mots pour me réconforter, pour me faire rire malgré toute ma tristesse. Sauf que la conversation revient inévitablement à Maddox et à mon sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capable de l’affronter demain. « Il a besoin de toi demain Law. Il a besoin que tu sois là, peu importe à quel point ça fera mal. T’es son papa. » Je baisse les yeux en me mordillant la lèvre inférieure nerveusement. Je sais qu’elle a raison au fond, mais j’ai peur d’avoir mal encore une fois, de devoir encore affronter ses petits yeux alors qu’il crie qu’il ne m’aime pas. « Je ne sais pas si je vais être capable… Je suis supposé faire quoi s’il me repousse encore? » Je relève timidement les yeux vers elle, le regard rempli de doutes. J’essaie de me convaincre, de me donner du courage pour le lendemain matin. De me raccrocher à la joie ressentie la première fois que mes yeux se sont posés sur lui plutôt qu’à ses paroles blessantes.
Danika décide de s’ouvrir, une première depuis qu’on se connait. Sauf que ses paroles ne veulent pas dire grand-chose, me laissant dans le mystère le plus complet. Ou peut-être qu’elle avait raison et que c’est moi qui ai le cerveau d’un mollusque et qui ne comprends rien. « Je sais pas… en tout. » C’est à mon tour de la réconforter cette fois-ci, je pose donc ma main gauche sur l’un de ses genoux en lui souriant doucement pour la mettre en confiance. S’il y a bien une chose dont je me suis rendu compte avec le temps, c’est qu’on ne se connait pas tant que ça malgré les mois que nous avons passés ensemble. Nous étions incapables de s’ouvrir l’un à l’autre, de s’asseoir pour vraiment se parler en se regardant dans le blanc des yeux. Crier et s’insulter avait toujours été beaucoup plus facile. Alors je ne lui mets pas de pression, j’attends en silence qu’elle m’ouvre son cœur. « J’aime pas facilement Law. » Je caresse lentement son genou avec ma main en hochant la tête. On ne se connaissait pas tant, mais on se ressemblait sur tellement de points. « Toi je… Je t’aimais trop. » Ma gorge se serre alors qu’elle entre dans le vif du sujet, qu’elle aborde le sujet des sentiments qu’elle éprouvait pour moi à l’époque. Malgré son regard qui fuit le mien, je peux voir les émotions qui traversent ses iris, la lune reflétant dans ses yeux humides. « J’avais la certitude que tu finirais par partir.» Je ferme les yeux en secouant ma tête négativement. « Je ne serais jamais parti, je n’ai jamais eu le goût de partir. » dis-je d’une voix tremblante, la vue embrouillée lorsque je rouvre mes yeux. Je regrette presque d’avoir parlé, réalisant que ces paroles lui feront peut-être plus de mal que de bien. Sauf que je me devais de lui dire pour une raison que j’ignore. Peut-être pour lui témoigner à quel point je l'ai aimée, moi aussi. À quel point je l’aime encore quatre ans plus tard. « C’était plus simple que ca finisse vite je me disais que je serais pas blessée. » Elle rit, probablement parce qu’elle réalise aujourd’hui l’absurdité de cette décision. « J’avais tort. » Je me racle la gorge pour chasser les émotions qui remontent, retirant ma main de sur son genou. « Je t’ai aimée pendant des années avant d’avoir le courage de te le dire. Parce que je ne pouvais pas concevoir que Danika Riley s’intéresserait à moi. » Je prononce son nom complet pour témoigner de toute l’admiration que j’avais pour elle depuis si longtemps. Parce qu’elle m’avait toujours semblé inatteignable, il était impossible qu’elle s’intéresse à quelqu’un comme moi. Je lui souris tristement avant de reprendre. « Pourquoi tu croyais que je partirais? Je me sentais tellement chanceux que tu sois dans ma vie, même si je n’avais peut-être pas toujours le don de te le faire sentir. » Je baisse les yeux, regrettant la façon dont les choses se sont passées entre nous.
Le sujet dévie sur sa grossesse et je n’ai aucune difficulté à imaginer le dilemme auquel elle a dû faire face en voyant le résultat du test. Les hommes ont le bon rôle, on peut continuer de faire ce qu’on veut de notre corps sans que ça ait un impact sur un petit être qui grandit en-dedans de nous. Danika avait dû choisir entre la maternité et sa carrière. « Quand le test est revenu positif, j’ai pensé à avorter. Je voyais la fin de ma carrière, la fin de ma vie. » Je cherche son regard avec le mien, à la recherche d’un signe qui me confirmerait si elle regrette aujourd’hui son choix. Je sais à quel point elle aime Maddox, qu’elle le défendra jusqu’à sa mort, mais peut-être qu’elle regrette quand même, que les podiums lui manquent malgré le fils qu’elle a gagné. « Je…j’ai pas pu, parce qu’au fond, je savais que c’était un peu de toi. Un peu de toi et un peu de moi et…même si je savais pas comment te le dire, même quand tu me l’as demandé, je savais que je le voulais ce petit bout qui serait au moins un peu de nous, qu’il y aurait eu au moins quelque chose de bien qui sortirait de tout ça. » Malgré toute la tristesse que son mensonge m’a causée, je ne peux m’empêcher de sourire, ému, de l’entendre dire qu’elle a voulu avoir un petit bout de moi, un petit bout de nous. Comme si je me rends compte qu’elle m’a plus aimé que je le pensais au final, que toute notre relation n’a pas été que du mauvais. « Dan… » J’agrippe l’un de ses bras pour doucement l’attirer vers moi pour qu’elle se rapproche. Lorsqu’elle est suffisamment à proximité, j’enveloppe le haut de son corps de mes deux bras, posant mon visage dans le creux de son cou en soupirant profondément. « Je suis content que tu l'aies gardé. » Je lui confie en frottant son dos d’une main pour la réconforter. Malgré le rejet de Maddox, je suis content. Je m’accroche à la possibilité que les choses changent. Comme Danika l’a dit, il est petit et il a eu peur. Je redresse le haut de mon corps pour pouvoir la regarder, mes mains posées sur ses épaules. « Pourquoi tu n’es jamais revenu vers moi? Je t’aurais aidé. On aurait pu… » L’élever à deux? Être une famille? Se redonner une chance pour lui? Je soupire doucement sans terminer ma phrase. Je lui souris pour qu’elle comprenne que derrière ma question il n’y a aucun reproche, du moins pas en ce moment. J’ai juste le désir de comprendre ce qui s’est passé.
Dernière édition par Lawrence Cabbott le Dim 31 Jan 2021 - 23:04, édité 1 fois
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
Nos parents disent si souvent qu’on comprendra quand on aura des enfants. Maintenant que j’en ai un, je comprends tout le sens de ces paroles. Je regrette de ne pas avoir tenté d’arranger les choses avec mes parents adoptifs et Danika trouve les mots justes pour m’encourager. « C’est pas trop tard. » Je lève mes yeux vers elle en souriant, hochant doucement la tête. « Tu as raison. » Le sourire toujours aux lèvres, je baisse les yeux sur nos mains. « Je me demande comment ils vont réagir quand ils vont apprendre qu’ils sont grands-parents. » Je n’ai aucun mal à visualiser leurs visages surpris dans ma tête. Parce que clairement, ils n’allaient pas voir ça venir.
Depuis la tragédie qui s’est produite dans ma famille, je me suis forgé une carapace pour me protéger. Aujourd’hui, je n’ai peur de rien ni de personne ou presque. Je camoufle mes vulnérabilités pour que mes adversaires ne profitent pas de mes faiblesses. J’ai affronté des adversaires redoutables dans le ring, desquels je n’avais pas peur. Aujourd’hui, je me trouve ridicule de craindre un enfant de trois ans et demi, un adversaire beaucoup plus redoutable que les précédents. « Tu restes et tu te bats pour lui jusqu’à ce qu’il ne te repousse plus. » Ça semble si simple lorsqu’elle le dit, ce l’est beaucoup moins en pratique. Malgré que cette tactique a fonctionné avec elle, je me suis battu pour arriver à mes fins et j’ai réussi. « J’espère qu’il sera plus facile à apprivoiser que sa mère. » Je réponds à son sourire, la même lueur de moquerie dans les yeux. « Tu vas faire quoi quand il aura quinze ans et qu’il va te dire qu’il te déteste parce que tu l’empêches de sortir ? » Je ris silencieusement en imaginant la scène, espérant qu’il ne serait pas aussi difficile à gérer que je l’étais à cet âge. « Peut-être qu’il aura compris d’ici cet âge là qu’il n’a pas intérêt à défier notre autorité. Sinon il va être moins mignon à quinze ans, je vais être moins gêné de lui répondre. » Je lui donne un léger coup de coude en lui faisant un clin d’œil. « Tu sais, la semaine dernière il m’a dit qu’il me détestait parce que j’ai pas voulu lui donner la dernière part de tarte au chocolat. Je te rappelle que c’est TON fils, il a pas pris que des yeux j’crois bien, le caractère de merde y est passé aussi. » Ses paroles me font rire encore un peu plus et je suis incapable de ne pas répondre à la pique qu’elle m’a lancée, me rappelant nos débuts au dojo. « Ok, j’ai le dos large à ce que je vois. Je ne m’y connais pas tellement en génétique mais je pense qu’il avait peu de chance de s’en sortir avec deux gènes de caractère de merde. » Parce que Danika ne laissait pas facilement sa place non plus.
Je tente de comprendre pourquoi Danika a toujours cru que je finirais par partir mais elle fuit mon regard et ma question aussi. « Quelle importance, on aurait jamais marché Law. On se ressemble trop. » Tant de ressemblances et de différences en même temps. Moi aussi je lui avais menti, mais jamais j’aurais été incapable de lui cacher un fils. J’aurais été incapable de me regarder dans le miroir en sachant que quelque part mon enfant a un autre parent qui ignore son existence.
Danika tente de m’expliquer comment elle en est venue à me cacher ma paternité, ne faisant que susciter davantage de questions de ma part. « J’ai su que j’étais enceinte et une semaine après mon père m’annonçait son cancer Law. » Je hoche lentement la tête en caressant ses épaules doucement avec mes mains. J’arrive à comprendre que ce n’était probablement pas sa priorité de m’annoncer sa grossesse à ce moment, mais plusieurs années se sont maintenant écoulées et elle n’a rien fait pour réparer les pots cassés. Aurait-elle seulement fini par me mettre au courant si son père n’avait pas pris les devants? Quand? Maddox ne prenait pas bien la nouvelle et il était encore tout petit, la situation aurait probablement été encore pire s’il avait été plus vieux. « J’aime Maddox de tout mon cœur et j’aimerais toujours mon père mais ces quatre ans, ces quatre ans elles…elles m’ont tout pris. Je crois que j’aurais pas supporté qu’on me prenne un peu plus de moi. Et toi, je t’aurais donné trop de moi tu comprends ça ? » Je tente tant bien que mal de dissimuler l’irritation que je commence à ressentir face à ses paroles, parce que je ne veux pas la cribler de reproches alors que j’entends bien sa voix s’étrangler dans sa gorge. « Non, je ne comprends pas. » Je m’arrête là pour le moment, pour ne pas la brusquer, ne faisant que lui faire part de mon incompréhension. Parce qu’elle ne voulait pas me donner trop d’elle, elle avait décidé de tout me prendre à moi. « Je pense qu’il y a avait aussi une part de moi qui avait peur que tu n’en veuilles pas et j’ai préféré ne pas te laisser le choix en me persuadant que ça serait plus simple. C’est pas que je voulais pas te le dire. C’est que j’ai menti et…que je savais plus comment te le dire et plus j’attendais pire c’était. Et la façon dont tu m’as regardé, ce que tu m’as dit quand je t’ai menti.. je savais plus comment revenir en arrière. » Je baisse les yeux en retirant mes mains de sur ses épaules, incapable d’affronter son regard alors qu’elle me remémore ces souvenirs douloureux. « Je suis désolée de pas te l’avoir dit. J’aurais jamais dû te priver de ça. Je regrette. » Cette fois-ci, ses excuses ne me font pas autant de bien que je l’aurais imaginé. Alors que je hoche lentement la tête les yeux baissés, je me dégage de sa main d’un mouvement de tête, reprenant un peu mes distances. Mon regard se durcit lorsque j’ose enfin relever mes yeux pour la regarder. « Comment t’as pu penser que ce serait plus simple de même? » Parce qu’elle avait peur que je ne prenne pas ma place de père, elle avait décidé de me l’enlever dès le début sans me donner le choix? La conclusion était donc la même que ce qu’elle avait redouté, au final. Mais ce qui me frustrait le plus était qu’elle m’ait menti alors que je lui avais donné l’occasion de me dire la vérité. « Je t’ai étouffée avec ma jalousie. Comment ça a pu te sembler être une bonne idée de me donner raison de l’être en me mentant? » Je l’interroge du regard, visiblement blessé d’avoir souffert pour rien, pour quelque chose qui ne s’est jamais produit. Ce mensonge n’avait fait que me rendre encore plus méfiant et je m’étais même rendu au point de mentir pour me rendre intéressant aux yeux de May. « J’ai horreur de l’infidélité, c’est la pire chose que quelqu’un pourrait me faire. Et tu m’as laissé vivre dans ce mensonge. Tu m’as fait croire que t’avais fait la même chose que ma salope de mère. » dis-je le regard plein de dédain à l’égard de ma mère biologique. Je détourne le regard en me pinçant les lèvres pour étouffer mes émotions, sentant enfin le besoin de m’ouvrir sur les raisons de mes agissements, pour qu’elle comprenne les raisons de ma jalousie maladive. « Mes parents et mon frère ne sont pas morts dans un accident de voiture Dan. » Je croise mes bras contre mon torse, la tête toujours tournée de façon à ne pas la voir. Mes traits se détendent légèrement alors que je déglutis difficilement avant de poursuivre. « Ma mère trompait mon père et… j… je suis certain que ça a un lien avec… leur mort. » Ma voix s’étrangle sous l’effet de l’émotion. Aborder ce sujet n’a jamais été facile, j’ai toujours préféré mentir sur la raison de leur décès pour me protéger. Je jette un regard furtif dans sa direction, me concentrant ensuite sur un point fixe devant moi, le regard embué. « Ils ont été assassinés. Et j’étais… » Là. Mais je suis incapable de le dire, ma voix se brise. Comme si le fait de prononcer ce mot rendait le tout encore plus réel. Les souvenirs sont trop douloureux, des souvenirs que je préfèrerais oublier. Parce que si je m’y attarde un peu, je peux encore entendre l’écho de leurs cris.
Dernière édition par Lawrence Cabbott le Dim 31 Jan 2021 - 23:10, édité 1 fois
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
Je tente tant bien que mal de comprendre les raisons derrière le mensonge de Danika, de comprendre ce qui a bien pu la motiver à fabriquer ce mensonge affreux, à vouloir me tenir à l’écart à ce point. « Je ne voulais plus que tu sois dans ma vie. » répond-t-elle sèchement. Le cœur serré et les sourcils froncés, je la fixe en silence un instant. Je repasse dans ma tête les mots qu’elle a prononcés un peu plus tôt, ses mots qui avaient sonné comme un « C’est pas toi, c’est moi ». « Et après tu essaies vraiment de me faire croire que je ne t’ai pas repoussée loin de moi. » Pensait-elle ses paroles ou les avait-elle seulement prononcées pour me remonter le moral sur le moment? Parce qu’à l’écouter parler, m’éloigner d’elle avait semblé être un besoin viscéral.
Ses explications ne me contentent pas, ne faisant qu’accroître mon irritation. Je me tue depuis si longtemps à masquer la vérité sur mon enfance mais je sens que je suis sur le point de flancher, les mots me brûlent les lèvres. Je finis par céder à l’envie qu’elle comprenne enfin pourquoi je suis comme je suis, je commence par lui expliquer que mes parents ne sont pas décédés dans un accident de voiture comme je lui ai raconté dans le passé. Finalement, mentir est un autre point que nous avons en commun. « Comment ça ? » demande-t-elle. Je poursuis difficilement en lui faisant part de l’infidélité de ma mère biologique, avançant ma théorie que ça a un lien avec leur mort. Je mène une lutte sourde contre mes émotions encore une fois, ma palissade déjà affaiblie par les paroles de Maddox. Je raconte tranquillement mon récit en prenant une pause de temps en temps, préparant les mots à suivre dans mon esprit. Et Danika respecte mon rythme, attendant patiemment la suite. Après un moment, je brise le silence pesant et je lui explique qu’ils ont été assassinés. Je suis toutefois incapable de finir ma phrase, de lui dire que j’étais là. Mais elle comprend et prononce le mot à ma place. « Là… » Je tourne mon regard trouble vers le sien, mon visage arborant un sourire triste. Doucement, je hoche la tête en pinçant mes lèvres dans l’espoir de faire cesser le tremblement dont ma lèvre inférieure est victime.
Danika rétablit le contact entre nos mains, entrelaçant de nouveau ses doigts avec les miens pour me réconforter. Je la fixe en silence, incapable de prononcer le moindre mot pour l’instant, conscient que j’échouerais lamentablement à étouffer ma tristesse si j’ouvre la bouche. Sauf qu’à force d’avoir pleuré, mon nez est congestionné. Respirer par le nez devient de plus en plus difficile, je commence à manquer d’air. « Je… Je suis désolée… » Je serre sa main dans la mienne, ouvrant finalement la bouche pour inspirer bruyamment. « Stacey aussi ? » Je déglutis difficilement en hochant la tête, les yeux baissés sur nos mains. « Oui… » Ma voix s’étrangle dans ma gorge alors je racle cette dernière avant de poursuivre. « Mais elle avait… trois ans. Elle… elle ne se souvient pas de grand-chose… » Elle, mot que je me retiens de rajouter à la fin de ma phrase. Et je l’envie d’avoir peu de souvenirs, parce qu’elle peut continuer sa vie comme s’il ne s’était rien passé ou presque. « Pourquoi tu me l’as jamais dit ? » Je hausse une épaule avec nonchalance en reniflant malgré que je sais très bien pourquoi je me suis tu jusqu’à maintenant. « Parce que c’… » Je soupire bruyamment, le visage crispé, fermant les yeux un moment. « C’est trop dif… c’est trop dur… d’en parler. » Le regard évitant, je pleure en silence, me laissant trahir par ma respiration bruyante et irrégulière. « Quand j’y pense, je me souviens… » Des cris, des coups de fusils, du sang et de la peur paralysante qui m’avait rendu incapable de sortir de ma cachette même des heures après le départ du coupable. Remuer tous ces souvenirs ne fait que remettre à vif une blessure qui ne guérira jamais complètement. Je ferme mes yeux le plus fort que possible dans l’espoir de chasser les images qui défilent dans ma tête. Je courbe le dos, laissant mon corps se replier légèrement sur lui-même. Danika attrape mon menton pour que je la regarde. « Je t’aurais jamais trompé Law. Jamais. » Malgré tous les doutes éprouvés dans les dernières années, je ne peux faire autrement que la croire. Je sens dans sa voix qu’elle pense chaque mot prononcé, je le sais. Je hoche la tête en silence puis je me dégage de sa main pour essuyer mon visage du revers de la main. « Je te crois. » Pour ce que ça vaut.
Danika se relève et tend sa main pour m’aider à me relever à mon tour. « Viens. On va nettoyer ta main. Et je pense que toi comme moi avons besoin d’un verre. Ou de plusieurs. » « Définitivement plusieurs. » répondis-je du tac au tac en attrapant sa main avec ma main gauche. Afin de me lever plus facilement, j’ai le réflexe de me donner une poussée au sol avec ma main droite, grimaçant de douleur lorsque ma peau s’étire sous la tension. Je grogne en me levant. « Fuck que j’ai pas toujours des idées brillantes. » dis-je en pressant ma main gauche contre ma paume blessée pour calmer la douleur. Danika ouvre la marche, escaladant lentement l’escalier métallique pour remonter jusqu’à son appartement pendant que je la suis, pas très loin derrière. Lorsque nous pénétrons enfin dans son appartement, mon regard est attiré par son chandail déchiré qui dévoile un léger bout de peau. Je tends alors mon bras devant moi, observant le bout de tissu complètement imbibé de sang, sans parler des coulisses séchées sur mon bras droit. Lorsque je baisse les yeux, je constate que mes vêtements sont aussi tachés. « J’espère que Maddox ne se réveillera pas tout de suite. » dis-je en constatant de quoi j’avais l’air, réalisant que ça lui donnerait un argument de plus pour avoir peur de moi.
The worst part is there's no one else to blame-- @Danika Riley
« J’ai simplement dit que tu n’étais pas le seul responsable de la fin de notre relation Lawrence. » Je hoche la tête en silence parce que je sais qu’elle a raison et que j’ai peut-être déformé ses mots pour les mettre à mon avantage. Je n’avais pas pu faire autrement, réagissant au quart de tour au ton qu’elle avait utilisé en m’affirmant qu’elle ne me voulait plus dans sa vie à l’époque. Parce que peu importe les mots utilisés, se faire rejeter par quelqu’un qu’on aime n’est jamais facile, même si ce rejet remonte à plusieurs années.
Malgré ma fierté et toute la frustration que je ressens face à son mensonge et à notre rupture, je m’ouvre à elle comme je ne me suis jamais ouvert avant. Je lui confie mon secret le plus lourd, le drame qui a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui dans toutes ses facettes, les meilleures comme les pires (probablement un peu plus les pires). Pour lui raconter, je pile sur mon orgueil alors que je sais très bien dans quel état ressasser ces souvenirs douloureux me met. Si je n’en parle jamais, c’est pour une raison mais aujourd’hui je sens que c’est un mal nécessaire pour qu’on puisse aller de l’avant. Pour l’amour de Maddox même si cet amour est pour l’instant à sens unique. Semble-t-il que pour l’amour, il faut être prêt à tout donner et être prêt à se faire briser le cœur. Alors c’est ce que je fais même si j’aurais préféré que les choses se passent autrement. Plus j’avance dans mon récit, plus les mots sont difficiles à prononcés, ceux-ci accompagnés d’images dans ma tête que je préfèrerais oublier et dont je ne suis pas prêt de partager. Prêt, je ne le serai sans doute jamais. Je ferme les yeux un moment pour tenter de les faire disparaître pendant que je pleure en silence. Lorsque Danika passe ses bras autour de mon corps pour me serrer contre elle, je fais de même et j’appuie ma joue contre son épaule, enfouissant mon visage dans son cou. « Je suis désolée.. » Les yeux fermés, ma main gauche caresse affectueusement son dos pendant que je laisse mes narines s’envahirent de son odeur, me ramenant d’autres souvenirs plus joyeux en tête. Lentement, ma respiration reprend un rythme un peu plus normal et j’en profite pour me défaire de son étreinte avant de faire quelque chose que je pourrais regretter. Je m’essuie les yeux alors que je lui réponds que je la crois lorsqu’elle affirme qu’elle aurait été incapable d’aller voir ailleurs.
Le temps est venu de remonter enfin dans son appartement où on pourra soigner ma main. Ma main qui, j’oublie presque le temps de me lever, est blessée. Alors je me fais mal en prenant appuie dessus, ce qui me fait grogner. « C’est que maintenant que tu t’en rends compte ? » Malgré mon visage encore un peu humide, je lui souris en reniflant. « Ha. Ha. Ha. Très drôle. » dis-je en suivant son rythme alors que nous escaladons tous les deux l’escalier métallique qui nous sépare de la porte de son appartement. Même si cette discussion risque de me tourmenter pour les prochaines heures à venir, j’apprécie qu’elle tente de détendre l’atmosphère et je me sens un peu plus léger. Lorsque nous entrons dans son appartement, nous nous fixons un moment comme pour constater les dégâts. « J’ai encore des affaires de mon père.. Il doit bien y avoir quelque chose qui t’ira. » « Ok. Merci. » répondis-je en lui souriant légèrement. Ça devra faire parce que je ne me sens pas du tout en état de prendre le volant actuellement et avec ce qu’elle a de prévu au menu pour la suite, ça ne risque pas de s’améliorer. « On va nettoyer ça déjà. » Lorsqu’elle attrape ma main et qu’elle me tire vers la salle de bain, je me laisse faire et je la suis. Je prends place sur son tabouret sans broncher, grimaçant de douleur alors qu’elle décolle le bout de tissu de ma main blessée. « Au moins t’as pas cassé de mur aujourd’hui. » Je ris un peu, mais pas trop en sachant ce qui m’attend. Je laisse ma tête retomber vers l’arrière, appuyant le derrière de celle-ci contre le mur de sa salle de bain. « Je pense que j’aurais préféré le mur finalement. » Parce qu’avec cette connerie, je n’allais pas pouvoir m’entraîner au combat tant que ma main ne serait pas suffisamment guérie. « Ca va piquer. » La tête toujours penchée vers l’arrière, je hoche la tête en fermant les yeux pour ne pas regarder. Et quand le désinfectant entre en contact avec ma plaie, automatiquement je referme mon poing en lâchant un cri de douleur, les yeux exorbités. « FUCK. » Ça sort tout seul et c’est le premier d’une longue série alors que je fixe ma blessure, tout en me forçant de rouvrir ma main pour qu’elle puisse continuer. La mâchoire serrée de douleur, je laisse de nouveau ma tête retomber vers l’arrière contre le mur en gémissant. Lorsqu’enfin la douleur semble s’atténuer, je baisse légèrement le menton afin de regarder Danika. « Ça doit tellement te faire plaisir de pouvoir me faire mal. » dis-je en riant avant de pousser un profond soupir. « Tu devrais rester. » À ses mots, mon regard se baisse de nouveau vers elle à la recherche du sien. Je reste silencieux, toutefois, scrutant son visage avec attention. « Ce soir, reste. Je peux t’installer sur le canapé ou tu peux prendre mon lit n’importe. Mais reste. Sois là demain matin. » Je déglutis difficilement lorsque son regard croise le mien et que sa main se pose sur ma joue. Je sens mon cœur qui s’emballe dans ma poitrine alors qu’elle me demande de rester, même si au fond de moi je sais que ce n’est pas pour elle. « Sois son papa Law peu importe sa réaction. » Sans toutefois repousser sa main de sur mon visage, je baisse les yeux en m’humectant les lèvres pendant que je réfléchis. Et je dois bien me rendre à l’évidence que ce soir, je n’ai pas envie de retourner chez moi et d’être seul. Pas après ce qui vient de se passer, même si je sais qu’il y a un risque que je fasse des cauchemars après la discussion que nous venons d’avoir. Lentement, je relève mon regard rempli de doutes vers le sien et je lui souris en hochant la tête. « Ok, je vais rester. »