Je n’ose pas passer la porte. Je reste devant un long moment, incapable d’y entrer, les pieds ancrés dans le sol, le cœur battant à la chamade. Mais Lawrence est derrière moi, ombre menaçante empêchant toute fuite. C’est lui qui m’a trainé jusqu’ici. Il est venu me chercher dans ma chambre d’hôtel, me tirer d’un blackout qui aura duré trois jours et duquel je n’ai que de vagues souvenirs. Je serais incapable de savoir ce qui s’est passé. Des échos me reviennnent, moi en boite de nuit, moi buvant dans différents bars, au bras de personnes différentes chaque soir. Les jours ont disparu de ma mémoire, tout est flou, la descente violente, une partie de l’alcool éliminé le matin même après avoir vomi mes tripes dans les toilettes. La douche forcée n’aura pas réussi à effacer l’odeur de l’alcool accrochée à ma peau. Elle colle, rappelle à tout le monde sur mon passage que je ne suis pas mieux qu’une distillerie, que j’ai noyé tout ce que j’étais dans une bouteille de plus.
Je lance un regard en arrière. Lawrence bras croisés me regarde sans rien dire. Je dois passer cette porte, affronter ma sœur. Ma sœur dont je n’ai jamais eu peur et qui pourtant aujourd’hui me terrifie. Je lui avais promis d’être là. J’étais celui qui aurait dû la conduire à l’hôpital. J’aurais dû être là avant l’opération et après. Je lui avais promis d’être la dernière et la première personne qu’elle verrait. Comme toujours tout n’était que promesses écrasées. Je tente de calmer ma respiration, appuyant sur la poignée ouvrant la porte pour la refermer derrière moi, croisant une dernière fois le regard de mon ancien ami.
Je prends une inspiration avant de me tourner face à elle, restant loin, m’adossant à la porte. Je cherche son regard difficilement, combattant l’envie urgente de fuir, de ne plus jamais la regarder dans les yeux. J’ai honte, terriblement honte. Je le trouve pour immédiatement le fuir, posant mon regard au sol. « Je suis désolé. » Je souffle. « Je suis désolé Tessa…. » Je ne sais pas quoi dire pour me justifier. Qu’est ce que j’avais de mieux à faire ? Boire de tout mon saoul pour oublier complètement ? Faire la fête avec des gens que je connaissais à peine ? J’ai pas vu l’heure Tessa ? Ou plutôt, je n’ai pas vu quel jour on était Tessa ? Ca fait quatre jours que je bois à en crever Tessa ? « J’ai pas fait gaffe… » T’as pas fait gaffe que c’était l’opération de ta sœur il y a trois jours Pete ? Je grimace, incapable de la regarder, incapable de supporter les mots qui sortent de ma bouche.
Mon opération avait été un succès. Même si je scandais haut et fort que je ne me faisais pas de souci, j’avais été grandement soulagée en l’apprenant, après tout, une opération du cœur, c’était loin d’être anodin. J’avais attendu mon frère, avant, après l’opération, passant d’une grande déception à une inquiétude intense. Il m’avait promis qu’il serait là, il m’avait promis de jouer son rôle jusqu’au bout, d’être là pour moi et il n’avait tenu aucune de ses promesses. Par chance, j’étais relativement bien entourée, en particulier par Lawrence, Andrew, Link et Adriel. Seulement, rien ne compensait l’absence de ce frère, qui m’avait fait bien trop de promesses avant de m’oublier aussi rapidement. J’avais essayé de l’appeler un grand nombre de fois, inquiète pour sa santé, inversant clairement les rôles dans un moment au cours duquel je n’aurais dû penser qu’à moi. J’avais même longuement pleuré de cette absence, je me sentais délaissée et j’avais peur, peur de l’état dans lequel il devait se trouver pour oublier mon opération. J’avais encore très mal, j’étais dans l’incapacité de bouger avec toutes ces perfusions et tuyaux qui m’empêchaient de me positionner comme je le voulais. La journée, j’étais plutôt occupée avec mes visites, mais la nuit, lorsque je me trouvais seule et que je galérais à dormir, toutes mes pensées étaient tournées vers Peter. Un jour, j’avais senti l’énervement de mon meilleur ami monter d’un cran et il était sorti de ma chambre, sans un mot. Il n’avait rien eu besoin de dire pour que je comprenne ce qu’il allait faire et je craignais déjà grandement de ce que je finirais par apprendre, concernant l'état dans lequel se trouvait Peter.
Au moment où la porte s’ouvrit, Andrew était sorti de la chambre un instant, ce qui m’arrangeait plus ou moins, lorsque je voyais Peter entrer d’un air penaud. Il était toujours en vie, debout sur ses jambes, ce qui n’était pas une bonne nouvelle pour lui, ce qui signifiait qu’il n’avait absolument aucune excuse pour son absence. Soudainement, mon inquiétude s’était transformée en colère, une colère qui prit d’avantage d’ampleur lorsque, pour seule excuse, il m’expliqua qu’il « n’avait pas fait gaffe ». Je soufflais, en tentant de contrôler mes nerfs, j’avais l’impression d’être une cocotte-minute sur le point d’exploser. « Tu te fous de ma gueule Peter ? T’as pas fait gaffe ? » Brusquement, je sentais mon cœur s’emballer, mon visage se déforma sous la douleur mais mon regard noir ne quitta pas mon frère. « J’étais inquiète pour toi, j’ai même cru que tu étais mort et toi, t’as juste pas fait gaffe ? » Je ne le lâchais pas du regard, je ne savais même pas réellement quoi lui dire tellement j’étais déçue et en colère contre lui. « C’est quoi ton excuse, t’étais trop occupé à picoler, pour te rendre compte que ta sœur risquait sa vie en passant sur le billard ? » Je prenais une profonde inspiration. Inconsciemment, mes mains avaient attrapé mes draps, poings serrés. Peter et moi, nous étions prit la tête un bon nombre de fois, comme tous frères et sœurs qui se respectent, mais jamais de ma vie je n’avais été en colère contre lui à ce point. « Le pire dans l’histoire, c’est que j’ai bien comprit que Lawrence a été te chercher par la peau des fesses, pour que tu te ramènes, sans même te laisser le temps de décuver. » Il avait beau avoir fait un effort, je voyais bien qu’il était saoul et autant dire que cela me rendait encore plus folle. « Je regrette sincèrement de t’avoir balancé la vérité, au final, si tu n’étais pas venue du tout, je ne m’en serais pas portée plus mal, je préférais ça plutôt qu’on vienne te chercher de force. » Lançais-je, sur le coup de la colère. « T’es pitoyable Peter, j'ai honte de te voir dans cet état. »
Elle pense que je me fous de sa gueule quand tout ce que j’ai trouvé comme excuse à prononcer est le fait que je n’ai simplement pas fait gaffe. Mon visage se déforme en une grimace. Je me rends compte de l’absurdité de mes paroles. Ce n’était pas comme ne pas avoir vu l’heure qu’il était ou avoir oublié un rendez-vous peu important. Non, j’avais oublié l’opération de ma sœur, opération dont on parlait depuis des semaines, opération pour laquelle je m’inquiétais pour elle depuis qu’elle m’avait parlé de sa maladie. Je l’entends à son ton, l’inquiétude derrière la colère. Elle n’a pu que s’imaginer le pire car pendant ces trois, quatre jours, je n’ai pas le souvenir d’avoir donné de nouvelles à quique ce soit, perdu dans un énième verre. Elle a cru que j’étais mort et ça me fait tressaillit comme si elle m’avait frappé. Je relève enfin mon visage vers elle, plantant mon regard dans le sien. Son visage est un masque de colère, le mien est un masque de culpabilité. Elle est reliée à des perfusions et tuyaux, le visage fatigué, marqué par l’opération qui n’avait pas dû être facile mais aussi par le stresse que j’avais dû lui rajouter. « Je voulais pas t’inquiéter… » Je murmure, ma voix s’étranglant dans ma gorge.
Elle ne croit pas si bien dire quand elle me demande si j’étais simplement trop occupé à picoler. C’est ma seule excuse. L’excuse qui me rend pathétique jusqu’au bout des ongles. « Je… » Je quoi Peter ? Je ne sais pas quoi dire pour arranger les choses, je ne l’ai jamais vu dans une telle colère. Mon regard la fuit de nouveau pour éviter de voir ses poings serrés dans les draps. Lawrence a dû venir me chercher et malgré la douche forcée, je sais que ma peau sent encore l’alcool, refusant de me laisser échapper à mes fautes, me les rappelant à moi et à tous ceux autour de moi. Je ne vais pas prétendre ne pas avoir bu, personne n’y croirait une seule seconde. Elle regrette de m’en avoir parlé, et je relève ma tête vers elle, croisant enfin son regard, dévoré par la culpabilité. « Il est pas venu me chercher de force… » C’est un un mensonge, mais qu’importe je ne peux pas lui laisser croire que je n’ai pas voulu venir, même si l’angoisse d’affronter son regard était bien réelle, m’empêchant de faire un pas vers cet hôpital.
Elle porte le coup final, celui qui me fait tressaillir, en prononce le mot pitoyable avec dégoût. Elle a honte mais ce n’est minime comparé à la honte que je ressens. « Dit pas ça. Dit pas ça Tess. » Et ma voix se brise dans ma gorge alors que cette fois je fais un pas vers elle m’approchant elle, cherchant à attraper sa main pour la serrer dans la mienne. « Je voulais être là, j’aurais dû être là…Je…. » Je n’ai pas les mots, pas les mots pour me justifier car rien ne sera suffisant. « Je suis désolé… J’ai fait une soirée la veille de ton opération ça a dérapé…j’ai quasi aucun souvenir de ces derniers jours. » J’avoue, honteux. Il n’y aura pas de sourire pour dévier, pour m’échapper. Aucune façon de minimiser les choses.
J’étais totalement aveuglée par la colère, pour moi, aucune excuse n’était bonne pour justifier son absence. Je l’avais attendu, avant, après l’opération, puis les jours qui avaient suivi et j’étais tombée de très haut en constatant que je n’avais eu aucune nouvelle de lui durant tout ce laps de temps. J’avais même regretté de lui avoir confié la vérité, j’avais eu tant de mal à lui en parler et si je l’avais fait, c’était uniquement pour lui permettre d’être présent pour moi. Tout ceci n’avait, à présent, plus aucun sens, puisqu’il n’avait pas daigné venir me voir ni même prendre de mes nouvelles. Lawrence avait pris les choses en mains et grâce à lui, j’avais compris les raisons de l’absence de mon frère, mais qu’est-ce qu’il se serait passé si mon meilleur ami n’avait pas pris cette décision ? Combien de temps aurait mis Peter pour se rendre compte de son erreur ? L’alcool était clairement en train de lui gâcher la vie et cette fois-ci, en mon sens, il avait clairement dépassé les bornes. Je n’osais même pas imaginer s’il m’était arrivé quelque chose sur la table d’opération, il ne lui aurait resté plus que ses yeux pour pleurer et ses putains de bouteilles pour essayer d’oublier à quel point il avait agi comme un crétin fini. Il m’avoua qu’il ne voulait pas m’inquiéter. Ma mâchoire se serra, c’est exactement l’excuse que je lui avais sortie par rapport au fait que je ne lui avais pas parlé de ma première hospitalisation, excuse qu’il avait eu beaucoup de mal à comprendre, alors, dans la situation présente, elle était d’autant plus incompréhensive.
Lorsqu’il essaya de me faire croire que Lawrence ne l’avait pas ramené de force, je haussais les sourcils sous le coup de la surprise. Je connaissais bien trop Law et Peter pour m’imaginer un peu la scène qui avait dû se produire. « Tu mens… » Commençais-je, bien sûr de moi. « Je suis même persuadée qu’il a dû user de la force pour te faire venir parce qu’en te rendant compte de ton erreur, t’avais même pas le courage de prendre toi-même la décision. » Je voyais à quel point il était honteux, à quel point il semblait déboussolé et j’étais consciente que Lawrence ne s’était pas contenté de frapper à sa porte et que Peter ne l’avait pas suivi, assumant directement son erreur sans chercher à se défiler.
Je poussais un soupire exaspérer lorsqu’il m’avoua les vraies raisons de son absence. Je ne le lâchais pas du regard, je haussais d’ailleurs même davantage le ton, d’autant plus énervée de constater que, malheureusement, mon pressentiment était justifié. « Tu veux que je te dise, Peter Mulligan ? » Commençais-je, l’appelant par son nom complet, ce qui était tout sauf bon signe. « L’alcool va détruire ta vie, l’alcool va détruire NOS vies et les relations qu’on entretient toi et moi, seulement, t’es pas foutu d’arrêter parce que t’es juste un putain d’égoïste. » Je ne pensais pas réellement à ce que je lui disais, mais à présent, la colère parlait clairement pour moi et si Peter s’attendait à s’en sortir sans trop d’encombres, il était mal barré. « En réalité, t’étais juste LA personne sur qui j’aurais du pouvoir compter en ce moment, au même titre que Link, que papa et maman. Tu me demandes de te laisser jouer ton rôle de grand frère, mais t’en n’es juste pas capable. » Je n’étais pas réellement consciente à quel point mes mots pouvaient être difficiles à encaisser. « Lawrence a eu tort sur le coup, il aurait du te laisser te bourrer la gueule, je pense qu’il n’y a que comme ça que tu es heureux de toute manière, t’es irrécupérable. »
Comment est-ce que j’en suis arrivé là ? A ne pas oser regarder ma sœur dans les yeux ? A ce que ma peau pue l’alcool même après une douche ? A n’avoir qu’un ou deux souvenirs de ce que j’avais pu faire les derniers jours ? Je ne me reconnais pas et j’ai honte face à Tessa dont j’ai toujours voulu être le modèle. Je voulais que mes frère et sœur me prennent en exemple, admirent ma réussite, suivent mes pas. J’ai toujours voulu être là, au moins avec Tessa, malheureusement pas avec Link, mais j’ai fait de mon mieux pour ne pas être égoïste. Elle m’accuse de mentir, persuadée qu’il m’a forcé à venir et je ne démens pas. Mon silence parle pour moi alors que je regarde mes pieds, me rappelant très bien de la poigne de Lawrence, de moi refusant de sortir de cette chambre d’hôtel. Il n’a pas eu le temps de lui dire dans quel état il m’a trouvé mais je ne doute pas une seule seconde qu’il le fera si elle lui demande.
Mon nom complet raisonne et sans sa bouche cela sonne comme la pire sentence. Instinctivement j’ai reculé d’un pas, m’éloignant d’elle, n’assumant pas de voir son corps relié à des fils, de la voir dans cet état et de me dire qu’elle aurait pu y passer et que j’aurais pu ne pas être là.
L’alcool va détruire ma vie, nos vies et je réalise lorsqu’elle prononce les mots qu’elle est la première personne à réellement me le dire. Si j’ai déjà eu des réflexions sur ma consommation, des inquiétudes sur le fait que je buvais trop, Tessa souligne aujourd’hui la conséquence inévitable. Je ne peux plus le cacher, je ne peux plus le nier, pas quand ma vie entière est aujourd’hui impactée par cette consommation.
Putain d’égoïste. Les deux mots raisonnent et je relève la tête vers elle comme si elle m’avait giflé, choqué, assommé qu’elle pense ça de moi, elle qui est une des rares personnes avec qui j’ai essayé de ne pas l’être, égoïste. Peut-être qu’elle a raison. Peut-être que je pourrais arrêter si je le voulais. Peut-être que j’en serais capable. Mais cela fait des mois que je n’ai pas passé vingt-quatre heures sans boire et des mois que mon corps ne supporte pas dès que je tente d’arrêter ne serait-ce qu’un jour.
Elle a tort lorsqu’elle me dire qu’il n’y a que sous alcool que je suis heureux. Cela fait longtemps que je n’ai pas été heureux, longtemps que mes sourires ne sont qu’un mensonge de plus. L’alcool ne me rend pas heureux, il permet d’effacer le reste, d’oublier justement à quel point je ne le suis pas. Mes yeux se sont remplis de larmes alors que je la regarde sans rien dire un moment, me battant avec tous mes instincts pour ne pas partir de la pièce. Mais je m’approche de nouveau, attrapant sa main dans la mienne. « Arrête Tessa, arrête. Tu sais que tu peux compter sur moi. T’as toujours pu compter sur moi. Je peux arrêter de boire.. Je…j’ai fait une erreur. Je regrette Tessa,... » Si elle me regarde avec ce regard rempli de déception je n’imagine même pas celui de mes parents, je n’ai pas non plus envie d’imaginer ce que me dira Link. Mon ton est suppliant, parce que j’ai besoin qu’elle me pardonne, j’ai besoin de ne plus ressentir cette culpabilité.
C’est à ce moment-là que la porte s’ouvre derrière moi, à ce moment là qu’un homme entre et que je mets un instant à reconnaître dans les années ont passé. Je me tourne vers Andrew McKullan, puis vers ma sœur sans comprendre. « Andrew ? Qu’est ce que tu fais là ? » je demande au père de Mia que je n’ai pas vu depuis des années et pour qui j’ai peu de respect aujourd’hui.
Andrew avait passé la quasi totalité de son temps à squatter la chambre d’hôpital de Tessa. Les infirmières, le personnel de l’accueil et les médecins ne lui avaient pas posé plus de questions que cela. Après avoir passé plusieurs heures à son chevet, après l’opération, serrant sa main dans la sienne, lui racontant mille et une histoires pour l’aider à oublier la douleur, le vieux avait fini par quitter la chambre. Pause technique oblige, et il avait bien besoin d’un café. Il ne l’avouerait sûrement jamais, mais il s’était fait un sang d’encre à propos de l’opération de Tess’. Il était médecin, à la base, alors il connaissait les risques. C’était rare, mais ça pouvait arriver. Il n’avait donc pas beaucoup dormi ces derniers jours. Andrew passa plus de temps que prévu dans le hall de l’hôpital. La machine à café était en panne, les techniciens étaient sur le coup mais il dû patienter un peu avant d’avoir son liquide précieux.
Café en main, il repartit en direction de la chambre de Tess’. Il se figea en arrivant devant la porte. Il lui semblait qu’il avait entendu des voix à l’intérieur. Comme des cris. Il fronça les sourcils. Il ne savait pas qui était venu importuner la jeune femme, mais dans tous les cas, il allait rentrer chez lui fissa, s’il avait décidé de la faire chier. Andrew poussa la porte, café à la main. Il ne reconnut pas tout de suite celui qui se tenait debout dans la pièce. « Andrew ? Qu’est ce que tu fais là ? ». Andrew plissa les yeux, tentant de se remémorer qui était le gamin qui était là devant lui. Et puis soudain, la lumière s’alluma dans son cerveau. « Pete ? ». Une vague de panique parcourut son échine, tiraillant son ventre. Tess’ l’avait attendu toute la journée. Il n’était plus trop prévu au programme. Il s’approcha du lit, frôlant au passage l’épaule de Pete. Il empestait l’alcool. On aurait pu deviner qu’il était dans les parages à dix kilomètres à la ronde. Il posa son café sur la table de chevet. « Je suis venu… ». Il se racla la gorge, jetant un coup d’oeil à Tessa. Elle avait la mine encore plus fatiguée que quand il l’avait quitté. « Mia m’a demandé de passer ». C’était la première chose qui lui était passé par la tête. Ca n’allait sûrement pas passer. Il espérait que le gros sac en cuir qu’il avait emmené avant de venir, sac qui contenait plusieurs affaires pour Tessa, ne se verrait pas trop. Mais il n’avait pas envie d’expliquer pourquoi il était vraiment là. D’autant plus qu’il ne savait pas ce que les deux s’étaient dit juste avant. Il observa Pete. Le gamin était complètement déphasé. Il n’était plus le petit qu’il avait connu. « Pete, je ne suis pas sûr que tu sois en état de rester ici… ». Il essaya de s’approcher de lui. Il regarda en même temps Tess’, lui lançant un regard interrogateur. Elle ne savait pas s’il avait envie qu’il reste. Il ne voulait pas dégager un membre de sa famille si elle s’y opposait. Par contre, il lui botterait volontairement le cul pour l’emmener jusqu’à l’extérieur si jamais il la faisait chier, et ce, sans aucun scrupule. « Tessa ? ». Il s’était retenu d’utiliser son surnom. Il la regardait, attendant son verdict.
J’étais tellement en colère contre Peter, que je n’arrivais aucunement à avoir de la compassion pour lui. Peut-être que je serais d’avantage apte à réfléchir à tout cela quand il serait parti, dans une heure, ou deux, quand mon état d’énervement serait un peu redescendu. Je voyais bien que Peter était penaud, qu’il ne se sentait pas bien de se retrouver ainsi confronté à moi, qu’il avait conscience qu’il avait merdé, mais en réalité, à cet instant précis, tout ceci m’importait peu, j’avais juste pour idée de lui balancer en pleine figure, tout ce que j’avais gardé en moi ces derniers jours et autant dire qu’il était servi. Malgré toutes les méchancetés qu’il venait de se prendre en pleine figure, il s’approcha doucement de moi pour me prendre la main, en me faisant des promesses qu’il n’allait très certainement pas tenir. J’ouvrais la bouche pour répliquer, laissant une fois de plus mes émotions parler à la place de mon cœur. Mon frère, je l’aimais plus que tout au monde, mais j’étais incapable d’en être réellement consciente à ce moment précis. Sans que je n’aie le temps de répliquer quoique ce soit, je voyais Andrew passer la porte, me provoquant un léger soulagement. Il sembla perturbé d’avoir, très certainement, entendu des éclats de voix dans le couloir et semblait ne pas trop se comprendre ce qui était en train de se passer. Il tenta de se justifier compte tenu de sa présence à l’hôpital en lui disant que Mia l’avait envoyé, je me mordillais la lèvre pour me retenir de parler, alors qu’Andrew précisa à Peter qu’il ne semblait ne pas être en état d’être ici, me regardant avec insistance, cherchant apparemment à savoir ce qu’il devait faire. J’enlevais vigoureusement ma main de celle de Peter en secouant la tête, profondément agacée de voir Andrew être contraint de mentir et de se confronter à l’état pitoyable de mon frère. Je levais les yeux au ciel à l’adresse d’Andrew, lui faisant part de l’exaspération que je ressentais face à mon frère, puis je tournais de nouveau mon regard vers Peter. « Tu sais quoi ? Pendant qu’on en est à venir à se balancer toutes nos vérités. T’as passé ces trois derniers jours à boire ? Ben moi ça fait des semaines que je te cache un truc et comme t’es pas foutu de penser aux autres en ce moment, t’as même pas capté ce qu’il se passait pile sous ton nez ! » A cet instant, je n’étais pas consciente de l’incidence qu’allaient avoir mes paroles, de tout ce que j’étais en train de dire pourrait avoir comme conséquences. J’en avais marre de mentir, marre de préserver mon frère, alors que ça n’avait strictement aucun intérêt. « Si Andrew est là depuis que je me suis fait opérer, s’il est si présent dans ma vie depuis des semaines, c’est parce qu’on sort ensemble Peter et tu sais quoi ? J’en ai rien à faire de savoir si ça va te toucher, t’inquiéter ou t’énerver, parce que c’est comme ça et t’as pas le choix d’accepter parce que, comme toi, je fais ce que je veux de ma vie. Pendant que toi, tu avais même oublié mon existence, lui, il est resté auprès de moi, il a fait ce que tu n'as pas été capable de faire. » Alors que ma main avait lâché celle de Peter depuis un instant, je cherchais à présent celle d’Andrew, qui se tenait juste à côté de nous, dans un geste de réconfort. Maintenant que j’étais partie dans mes révélations, plus rien ne pouvait m’arrêter et, plus que jamais à ce jour, j’étais totalement apte à en assumer les conséquences. « Tu veux faire ce que tu veux ? Et bien, je ne te donnerai pas l’occasion d’émettre le moindre jugement sur la situation. Et si ça ne te plaît pas Peter, la porte est grande ouverte. » Je lui désignais alors la porte de ma chambre de ma main libre, sans craindre aucunement sa réaction. J'en étais à un point où je m'en fichais totalement, il m'avait tellement déçue que je n'étais pas à un éclat de voix supplémentaire.
Il débarque dans cette chambre comme si c’était la sienne. Café à la main, il se fige en entrant. Il ne me reconnait pas tout de suite le McKullan mais moi je le reconnais en un instant. Andrew n’a aucune raison d’être là. « Pete ? »
« Je suis venu…Mia m’a demandé de passer. » L’homme se racle la gorge, posant son café sur la table de chevet. Je fronce les sourcils. « Ca n’a pas de sens. » Je commente, la tension se créant soudain dans la pièce dans que je ne m’en rende compte. Mia n’avait aucune raison de proposer à Andrew de passer. Ce type regarde ma sœur puis me regarde et ne semble pas savoir quoi faire. « Pete, je ne suis pas sûr que tu sois en état de rester ici… ». Je le regarde, mon regard noircissant à vue d’œil. « J’crois pas que ce soit ton rôle de me dire si oui ou non j’ai le droit d’être dans la chambre de ma sœur Andrew. » Mes mots claquent sèchement, il n’a rien à faire là et je regarde Tessa d’un air interrogateur. Qu’est-ce que tout ce manège veut dire ? « Tessa ? » Andrew se tourne vers ma sœur et il suffit d’un seul regard pour que je commence à imaginer le pire. Tessa a enlevé sa main de la mienne et je les regarde tout à tour sans comprendre.
« Tu sais quoi ? Pendant qu’on en est à venir à se balancer toutes nos vérités. T’as passé ces trois derniers jours à boire ? Ben moi ça fait des semaines que je te cache un truc et comme t’es pas foutu de penser aux autres en ce moment, t’as même pas capté ce qu’il se passait pile sous ton nez ! » Mon visage se ferme, parce que dans mon cerveau embrumé par l’alcool, je devine sans problème ce qu’elle va me dire et je ne peux pas l’accepter.
« Si Andrew est là depuis que je me suis fait opérer, s’il est si présent dans ma vie depuis des semaines, c’est parce qu’on sort ensemble Peter et tu sais quoi ? J’en ai rien à faire de savoir si ça va te toucher, t’inquiéter ou t’énerver, parce que c’est comme ça et t’as pas le choix d’accepter parce que, comme toi, je fais ce que je veux de ma vie. Pendant que toi, tu avais même oublié mon existence, lui, il est resté auprès de moi, il a fait ce que tu n'as pas été capable de faire. »
Je mets un moment à réagir, à comprendre ce qu’elle est en train de me dire. Un moment à ce que l’information aille jusqu’à mon cerveau à ce que je comprenne que la personne avec qui Tessa sort depuis des semaines n’est autre qu’Andrew McKullan. Je secoue la tête sans comprendre. « Hein ? De quoi tu parles ? » Elle me fait une farce, ça ne peut être que ça.
« Tu veux faire ce que tu veux ? Et bien, je ne te donnerai pas l’occasion d’émettre le moindre jugement sur la situation. Et si ça ne te plaît pas Peter, la porte est grande ouverte. » J’observe sa main qui se glisse dans celle d’Andrew et cette fois le dégoût est palpable sur mon visage. « Le mec avec qui tu sors depuis des semaines c’est Andrew ? » L’information aura mis du temps à atteindre mes neurones mais ca y est elle est enregistrée, bien que pas du tout acceptée.
« Andrew McKullan, le père de Mia qui a a littéralement l’âge de notre père Tessa ? » Mon ton est devenu glacial. « Qui est d’ailleurs ami avec notre père. » Je refuse toujours de regarder Andrew, mon regard uniquement braqué sur ma sœur. « T’es sérieuse là ? » Je ris jaune parce que ça ne peut être qu’une mauvaise blague. « Tu peux pas être sérieuse. » Mais apparemment si, elle l’est. Je me tourne vers Andrew. « Elle a vingt-sept ans bordel ! Vingt-sept ! C’est quoi t’as épuisé toutes les cinquantenaires de Brisbane, t’as pas autre chose à foutre que d’aller te trouver des filles qui ont plus de vingt ans de moins que toi ?! » Le respect est mort, il n’y en a aucun dans ma voix. Mes poings se sont serrés et mon ton devient un peu plus odieux plus les minutes passent.
Andrew essayait de ne pas le montrer, mais au fond de lui, il était tout simplement paniqué. Tessa l’avait prévenu que son frère était censé venir, alors Andrew avait à l’origine prévu de rester chez lui, pour ne pas tomber sur lui. Et puis, quand Tessa n’avait pas vu l’ombre d’un cheveu blond à l’horizon, ils s’étaient mis d’accord et Andrew avait pu revenir passer du temps avec elle. C’était sans compter son frère qui débarquait d’entre les presque morts, le regard vitreux et l’haleine aussi attirante que celle d’un pirate en fin de course. Un frisson parcourait l’échine du vieux, et il commençait presque à avoir des sueurs froides. Il aurait préféré que ce moment n’arrive jamais. Lui et Tess’ avaient tenté d’être discrets, jusque là. Ce n’était pas pour que tout soit balancé dans une chambre aseptisée d’hôpital. Il tenta d’éviter le sujet, proposant à Peter de partir puisqu’il n’était visiblement pas en état. « J’crois pas que ce soit ton rôle de me dire si oui ou non j’ai le droit d’être dans la chambre de ma sœur Andrew. ». L’animosité dégagée du jeune homme ne présageait rien de bon pour la suite. Il se tourna vers Tessa, cherchant de l’aide d’un regard suppliant.
Mais elle en avait décidé autrement. « Tu sais quoi ? Pendant qu’on en est à venir à se balancer toutes nos vérités. T’as passé ces trois derniers jours à boire ? Ben moi ça fait des semaines que je te cache un truc et comme t’es pas foutu de penser aux autres en ce moment, t’as même pas capté ce qu’il se passait pile sous ton nez ! Si Andrew est là depuis que je me suis fait opérer, s’il est si présent dans ma vie depuis des semaines, c’est parce qu’on sort ensemble Peter et tu sais quoi ? J’en ai rien à faire de savoir si ça va te toucher, t’inquiéter ou t’énerver, parce que c’est comme ça et t’as pas le choix d’accepter parce que, comme toi, je fais ce que je veux de ma vie. Pendant que toi, tu avais même oublié mon existence, lui, il est resté auprès de moi, il a fait ce que tu n'as pas été capable de faire. ». Andrew ferma quelques instants les yeux, se passant les deux mains sur le visage. Tess’ était partie dans un monologue, il n’avait rien pu faire, rien pu dire. C’était trop tard pour faire machine arrière maintenant. Tess’ glissa sa main dans celle d’Andrew, il ne put s’empêcher de serrer ses doigts dans les siens. Il attendait la réaction de Peter. Et il savait que celle-ci serait explosive. Il en avait vu passer des gamins comme lui. Que ce soit quand il bossait à l’hôpital et qu’il croisait ce type d’énergumènes dans un autre service que le sien, ou au centre. Ça finissait toujours de la même manière.
Il commença par s’adresser à Tessa. Pointant la différence d’âge. Le fait qu’il était ami avec leur père. Puis, il se tourna vers Andrew, prêt à cracher tout ce qu’il pensait de lui. « Elle a vingt-sept ans bordel ! Vingt-sept ! C’est quoi t’as épuisé toutes les cinquantenaires de Brisbane, t’as pas autre chose à foutre que d’aller te trouver des filles qui ont plus de vingt ans de moins que toi ?! ». Andrew serra les dents. Sans bouger, sans lâcher la main de Tessa, il tenta de raisonner le gamin, même s’il savait que c’était peine perdue. « Ecoute, Peter…Je ne pense pas que tu sois en capacité de raisonner sur ce genre de choses, maintenant ». Il marqua une légère pause, essayant de trouver les mots. « Je ne vais pas perdre mon temps à te faire un monologue sur le fait que la différence d’âge n’a pas d’importance, que Tess’ est une adulte consentante et qu’on s’aime éperdument, puisque de toute façon, tu ne me croirais pas ». Son ton était volontairement sarcastique. Il lâcha la main de Tessa, tentant une nouvelle fois de s’approcher de son frère. Andrew était bien décidé à le faire sortir d’ici. Pete n’était décidément pas en état de faire quoi que ce soit, et il aurait été préférable pour lui qu’il sorte de la pièce. Il fixa le gamin, le regard dur. « Au moins, j’ai été là pour elle, Pete. Quand tu aurais dû l’être ». Sa voix était calme, mais froide. Il désigna d’un geste de la main la chaise installée à côté du lit. « Qui est-ce qui était là quand elle s’est réveillée ? Qui est-ce qui est allé lui chercher de quoi manger, de quoi boire ? Des affaires pour qu’elle puisse se sentir bien ? Certainement pas toi, Pete. Elle t’a attendu, attendu, et tu n’es jamais venu ». Assez proche de Pete maintenant, il gardait tout de même ses distances. Il n’avait pas forcément envie de se prendre une droite. En tout cas, pas tout de suite. « Alors tu peux parler autant que tu veux de la différence d’âge, en attendant, c’est le petit vieux qui a été là pour elle quand elle en avait besoin, et pas le petite jeune ». De nouveau, il fixa Pete. « Et tu oses parler de ton père ? Qu’est-ce que tu crois que ton père penserait de toi, là, maintenant ? ». Son ton était toujours aussi plat, mais ses mots volontairement durs. Il aurait voulu le dégager de la chambre sur le champ. L’envoyer au service dédiée à l’addictologie plus loin dans le couloir. Mais il savait qu’il ne partirait pas comme ça.
J’avais lâché une véritable bombe, attendant qu’elle se retourne contre moi, attendant qu’elle ne rende la situation incontrôlable. Rapidement, après avoir balancé la vérité en pleine figure de Peter, je me rendais compte que je n’aurais pas dû tout dire, sûrement pas maintenant et encore moins dans ces conditions. Seulement, il était trop tard et malgré ma culpabilité que j’avais par rapport à Andrew, cela n’enlevait rien à mon état d’énervement contre mon frère. Il l’avait mérité après tout, s’il n’avait pas été présent pour moi, il était hors de question qu’il juge les personnes qui l’étaient, elles, quel que soit le lien que je partageais avec ces dites personnes. Au fond de moi, je ressentais un léger soulagement, si la vérité n’avait pas éclaté à ce moment-là, elle l’aurait été tôt ou tard, nous n’aurions pas pu nous cacher éternellement. J’avais beau ne pas être dans mon état habituel, j’espérais déjà au fond de moi, que Lawrence n’était pas loin, pour calmer les choses si la situation dégénérait. Après tout, je n’étais pas vraiment capable de les séparer si besoin et pas non plus en état de me prendre un coup de poing perdu.
La tension avait été palpable dès l’apparition d’Andrew, ce qui n’était malheureusement pas prêt de s’arranger pour la suite. Peter me harcelait depuis des semaines pour que je lui balance le nom de celui qui partageait ma vie, il allait être servi. Une fois mon monologue terminé, toute l’attention de Peter se posa sur moi. « Le mec avec qui tu sors depuis des semaines c’est Andrew ? » Je hochais la tête d’un air provocateur, mon regard plongé dans celui de mon frère. Je n’étais pas prête à arrondir les angles, certainement pas dans les circonstances actuelles. « T’es sérieuse là ? » Je n’approuvais même plus, mon regard planté dans celui de mon frère parlant suffisamment pour moi. Il avait compris, enfin. C’est à cet instant que Pete se concentra sur Andrew, dans une réplique qui ne me surprit absolument pas. « Elle a vingt-sept ans bordel ! Vingt-sept ! C’est quoi t’as épuisé toutes les cinquantenaires de Brisbane, t’as pas autre chose à foutre que d’aller te trouver des filles qui ont plus de vingt ans de moins que toi ?! » Andrew aurait pu choisir de nous laisser régler nos histoires, mais il ne prit pas la fuite, au contraire, il essaya plus ou moins de raisonner Peter. Au fond de moi, je savais que c’était tout bonnement perdu d’avance. « Je ne vais pas perdre mon temps à te faire un monologue sur le fait que la différence d’âge n’a pas d’importance, que Tess’ est une adulte consentante et qu’on s’aime éperdument, puisque de toute façon, tu ne me croirais pas » J’étais totalement d’accord avec les propos d’Andrew, mais ne prenais pas la parole pour le moment, les deux hommes étant uniquement concentré l’un sur l’autre. J'avais l’impression d’être spectatrice d’un combat de coqs. « Qui est-ce qui était là quand elle s’est réveillée ? Qui est-ce qui est allé lui chercher de quoi manger, de quoi boire ? Des affaires pour qu’elle puisse se sentir bien ? Certainement pas toi, Pete. Elle t’a attendu, attendu, et tu n’es jamais venu ». Il avait choisi de taper là où ça faisait mal. Le pire dans l’histoire était certainement le fait que Pete ne pouvait pas le contredire sur ce point. Andrew avait été là depuis le début, mon frère non. Les faits étaient prouvés et personne ne pouvait les démentir. « Et tu oses parler de ton père ? Qu’est-ce que tu crois que ton père penserait de toi, là, maintenant ? » Une légère grimace se dessina sur mon visage pâle. Andrew avait totalement raison, mais je doutais que Peter le laisserait lui parler de la sorte sans répliquer et je craignais l’escalade de provocations que cela allait créer. « Peter, il a raison. » Commençais-je, assez fortement pour attirer l’attention sur moi. « Tu sais quoi ? Au lieu de le blâmer pour une connerie de différence d’âge qui n’a aucun intérêt, tu devrais plutôt le remercier d’avoir pris soin de moi, contrairement à d’autres. » Lançais-je, en essayant d’éviter de remuer le couteau dans la plaie davantage, en balançant vraiment tout ce que j'avais sur le cœur. « Tu veux quoi Peter ? Qu’on s’excuse parce qu’on n’a pas le même âge ? T’aurais préféré que je sorte avec un connard plutôt qu’Andrew, mais un connard de mon âge c’est ça ? » C’était un peu trop facile, de juger la moindre de mes relations parce que telle ou telle chose ne lui plaisait pas. Après tout, j’étais majeure depuis quelques années déjà et je refusais qu’il puisse juger ma relation, sans même chercher à savoir si j’étais heureuse ou non. « Tu sais quoi ? Avant d’essayer de contrôler ma vie, tu ferais plutôt mieux d’essayer de contrôler la tienne, je pense que tu es mal placé pour me faire une leçon de moral, surtout en ce moment. »
. « Ecoute, Peter…Je ne pense pas que tu sois en capacité de raisonner sur ce genre de choses, maintenant ». Il m’agace dès l’instant où il ouvre la bouche, dès le moment où il me regarde de haut sans lâcher la main de ma sœur. Comme s’il savait mieux, comme s’il était au centre de cette histoire. « Je ne vais pas perdre mon temps à te faire un monologue sur le fait que la différence d’âge n’a pas d’importance, que Tess’ est une adulte consentante et qu’on s’aime éperdument, puisque de toute façon, tu ne me croirais pas »
Plus il parle plus mon regard affiche un dégoût profond. Je n’arrive pas à croire que c’est ce type qu’elle m’a caché. Ce type dont elle savait parfaitement que personne dans la famille n’approuverait. Ce type que j’ai considéré comme une ordure dès l’instant où il a abandonné Mia. Mon visage affiche une grimace dès le moment où il ose dire qu’ils s’aiment, parce que ça me semble impossible et hors de question. Je me tourne vers Tessa ajoutant simplement. « Sérieusement Tessa ?! » Une part de moi doute encore un peu comme si on essayait de me faire une mauvaise blague.
« Au moins, j’ai été là pour elle, Pete. Quand tu aurais dû l’être » A ces mots, mon regard bleu devient glacial, mes poings se serrent et je me retiens de ne pas lui balancer mon poing en pleine figure. « Qui est-ce qui était là quand elle s’est réveillée ? Qui est-ce qui est allé lui chercher de quoi manger, de quoi boire ? Des affaires pour qu’elle puisse se sentir bien ? Certainement pas toi, Pete. Elle t’a attendu, attendu, et tu n’es jamais venu ». Il appuie sur ma culpabilité et ma honte et mon regard fuit, parce que je sais qu’il a raison, que j’aurais dû être là pour ma sœur et que j’avais monumentalement foiré.
« Alors tu peux parler autant que tu veux de la différence d’âge, en attendant, c’est le petit vieux qui a été là pour elle quand elle en avait besoin, et pas le petite jeune. Et tu oses parler de ton père ? Qu’est-ce que tu crois que ton père penserait de toi, là, maintenant ? ». Il mentionne mon père et je pense que mon poing va finir par arriver dans sa figure.
« Ta gueule Andrew, tu veux qu’on l’appelle mon père peut être ? Tu veux lui dire que tu couches avec sa fille, je suis sûr qu’il sera ravi de l’entendre ? » je ne me préoccupe pas de mon état, je n’essaye pas de penser à la honte que je verrais sûrement dans le regard de mon père s’il me voyait maintenant, puant l’alcool, odieux et cruel. Je suis prêt à me lancer dans une flopée de paroles venimeuses mais ma sœur reprend la parole, attirant mon regard vers elle. « Peter, il a raison. Tu sais quoi ? Au lieu de le blâmer pour une connerie de différence d’âge qui n’a aucun intérêt, tu devrais plutôt le remercier d’avoir pris soin de moi, contrairement à d’autres. » L’envie de secouer ma sœur est grande, je ne comprends pas comment elle ne se rend pas compte du monde qui existe entre eux. Le problème n’est pas seulement la différence d’âge mais bien est bien que ce soit Andrew McKullan pour qui je n’avais plus de respect depuis longtemps.
« Tu veux quoi Peter ? Qu’on s’excuse parce qu’on n’a pas le même âge ? T’aurais préféré que je sorte avec un connard plutôt qu’Andrew, mais un connard de mon âge c’est ça ? » « J’aurais préféré un type qui a pas l’âge de ton père et qui t’abandonnera pas comme il a abandonné tout le monde ! » je crache venimeux à l’encontre de ma petit sœur. Mais elle n’a pas fini et je crois que je ne l’ai jamais vue aussi en colère.
« Tu sais quoi ? Avant d’essayer de contrôler ma vie, tu ferais plutôt mieux d’essayer de contrôler la tienne, je pense que tu es mal placé pour me faire une leçon de moral, surtout en ce moment. » « On parle pas de moi là. On parle de LUI ! » je suis odieux, incapable de contrôler ma colère, me tournant de nouveau vers Andrew pour enfin lui dire le fond de ma pensée. « C’est bien Andrew, t’aurais été là pour au moins une personne dans ta vie, bravo ! Tu veux une médaille ? quoique effectivement elle a quasi l’âge de ta fille donc ça correspond un peu, t’essayes de te rattraper pour toutes les merdes que t’as fait dans ta vie c’est ça ? » mes lèvres s’étirent dans un semblant de sourire mauvais, cruel. Je cherche à blesser à présent, à rendre les coups à défaut d’avoir une seule excuse à présenter. « T’es là maintenant ? Tu seras là demain ? ou après demain ? De la part d’un type qui abandonné ses deux gosses ça m’étonnerait. » Je me suis rapproché de lui, les poings toujours serrés affrontant son regard.
« T’as été là pour ma soeur. Tu sais qui a été là pour ta fille Andrew ? Qui a été là pour la ramasser à la petite cuillère quand tu t’es barré comme un pauvre con ? Qui a été là quand elle a fait son putain de coma ? C’est que tu deviens un expert dans l’abandon de gamins, bravo, pas une fois mais deux fois, alors je crois que je devrais pas avoir de leçon à recevoir d’un type qui a jamais su être là ni pour Mia ni pour Jax et qui prétend pouvoir être là pour ma sœur ! »
Andrew était à la fois profondément mal à l’aise et terriblement en colère. Il n’aurait pas vraiment su comment décrire ce sentiment. Un mélange de profonde solitude et d’une fureur sourde, qui grondait à l’intérieur de lui comme s’il était prêt à imploser. Il avait aussi l’impression d’observer la scène comme s’il était en dehors de son propre corps. D’un côté, il assistait à un combat de coqs entre lui-même et Pete, et de l’autre, à une prise de bec entre un frangin et sa soeur qui n’avait même pas la force de lutter pleinement contre lui parce qu’il s’avérait qu’elle était tout simplement alitée. Avec le recul, cette situation avait tout d’un épisode de télé-réalité ou de telenovela. Il observait Pete qui se permettait de leur faire des réflexions alors qu’il n’était juste qu’un trou du cul qui s’était torché la veille - voire plusieurs jours avant, pour ce qu’il en savait - et qui n’avait pas été en l’état de débarquer à temps pour l’opération de sa propre soeur. Alors il s’était légèrement emporté. Une colère froide mais qui montrait clairement qu’il n’avait rien à faire ici pour le moment. Il ne pouvait pas le laisser venir ici, il ne pouvait pas le laisser venir cracher son poison et suinter le reste d’alcool qui coulait dans ses veines alors que Tess’ essayait de se reposer et de récupérer. Mais Mulligan n’était pas de cet avis, et il était bien décidé à rester.
« Ta gueule Andrew, tu veux qu’on l’appelle mon père peut être ? Tu veux lui dire que tu couches avec sa fille, je suis sûr qu’il sera ravi de l’entendre ? ». Andrew aurait voulu répliquer, lui dire que son père aurait sûrement été plus à même de comprendre qu’il sortait avec sa fille, plutôt que d’admettre qu’il avait hérité d’un poivrot de fils. Mais Tessa avait pris les devants et avait décidé de répondre avec lui. De le soutenir, de dire à Pete qu’il avait raison, et qu’il avait été là, lui. Lui demanda ce qu’il aurait préféré. « J’aurais préféré un type qui a pas l’âge de ton père et qui t’abandonnera pas comme il a abandonné tout le monde ! ». La phrase avait fusé. Comme un poignard lancé en plein vol. Le début d’une longue série de questionnements. De remise en question. T’es qu’une merde, McKullan. Combien de fois cette phrase avait traversé son esprit, lorsqu’il était si loin ? Dans des vieux motels miteux, Geo à ses côtés, à se mettre à chialer comme une merde parce que sa fille était loin de lui, qu’il n’avait pas retrouvé son fils ? Andrew pointa un doigt vers le gamin, son corps presque tout entier tremblait d’énervement. S’il n’y avait pas eu Tessa, il lui serait sûrement rentré dans le lard. « Je ne te permets pas, Pete. Tu ne connais rien de moi ».
Les deux étaient lâchés. Il voulait se retenir, pour Tessa, pour éviter qu’elle n’ait à subir ça. Elle avait tout sauf besoin d’assister à une guerre entre celui qui partageait sa vie et son frère. Et Andrew avait tout sauf envie de faire une scène. Mais Pete était lancé. Andrew n’avait même pas le temps d’en placer une. Les mots s’enchaînèrent, frappant le vieux comme s’il se prenait un uppercut à chaque phrase. Tu veux une médaille ?, T’es là maintenant ? Tu seras là demain ? ou après demain ? De la part d’un type qui abandonné ses deux gosses ça m’étonnerait.. Il ne disait rien, et pourtant chaque mot était douloureux. Parce qu’il savait que Pete avait raison. Il savait que personne n’avait plus confiance en lui parce qu’il n’avait pas su rester quand il aurait dû rester, parce qu’il n’avait pas su revenir quand il aurait dû revenir. Et c’était presque pire de l’entendre de la bouche de quelqu’un qu’il avait côtoyé de loin. Parce que cela voulait dire que tout le monde pensait ça de lui, et pas seulement sa famille. Ca lui crevait le coeur. Peut-être même que Tessa pensait la même chose. Et puis, ce fut le coup de grâce. « C’est que tu deviens un expert dans l’abandon de gamins, bravo, pas une fois mais deux fois, alors je crois que je devrais pas avoir de leçon à recevoir d’un type qui a jamais su être là ni pour Mia ni pour Jax et qui prétend pouvoir être là pour ma sœur ! ». Andrew releva la tête vers Pete, le regardant droit dans les yeux, l’air mauvais pour cacher son incrédulité. « Jax ? ». Il voulait être sûr d’avoir bien compris. Être sûr d’avoir entendu le nom de celui qu’il avait croisé quelques fois, depuis qu’il était revenu ici. Et parce qu’il avait peur de comprendre ce que Pete était en train de lui dire. « De quoi tu parles, Mulligan ? ». Andrew regarda tour à tour Tessa, puis Peter, essayant de trouver des réponses dans les yeux de l’un ou de l’autre. Andrew osa un pas vers celui qui se croyait plus fort que tout le monde, aujourd’hui. Il s’approcha si près de lui qu’il pouvait presque le toucher. « De quoi tu parles, bordel ?! ». Andrew avait presque crié. Il avait peur de comprendre. Peur de comprendre que Pete venait de lui cracher une vérité à la gueule, une réponse à la question qu’il cherchait depuis longtemps. Il avait envie de le bousculer, mais la stupeur et la fureur l’empêchaient de faire que ce soit.
Je ne fus guère étonnée par la réaction de mon frère, bien au contraire, s’il avait réagi calmement à cette annonce, qui fut on ne peu plus brutale au vu du contexte, j’aurais été grandement étonnée. Si mes deux frères avaient toujours été surprotecteurs avec moi, Peter avait longtemps été celui qui réagissait au quart de tour, là où Link était un peu plus mesuré et essayait davantage de comprendre. Cette scène, je m’attendais à la vivre depuis le début de ma relation avec Andrew, mais certainement pas dans ce contexte. Si j’étais soulagée d’un poids, je savais que ce n’était le début d’une dispute qui risquait de s’éterniser et que lorsque Peter quitterait cet hôpital, tout ceci ne serait certainement pas réglé. L’air de dégoût qu’affichait Peter ne me plaisait absolument pas et ma mâchoire se serrait à mesure que la haine était déversée de la bouche de Peter. Qu’il me considère encore comme une gamine qui n’était pas apte de juger la situation, cela pouvait passer, après tout, dans sa tête, je savais que je resterais toujours la gamine innocente que j’avais longtemps été, mais qu’il s’en prenne à Andrew, je ne l’acceptais pas. Certes, le père de famille avait un passé compliqué, difficile à comprendre, mais Peter était simplement resté bloqué dans ses préjugés et n’avait pas cherché plus loin. A présent, il était on ne peut plus facile d’atteindre Andrew sur ses points faibles et je trouvais que c’était très bas de la part de mon aîné. « Sérieusement Tessa ?! » Je restais silencieuse, la mâchoire serrée, attendant la suite avec une crainte non dissimulable. Je connaissais trop mon frère pour espérer qu’il allait en rester là, qu’il allait laisser tomber et quitter tout bonnement cette chambre.
Andrew avait essayé de parler mesurément, même si je sentais en lui la colère monter au fil des paroles que déversaient Peter. « Ta gueule Andrew, tu veux qu’on l’appelle mon père peut être ? Tu veux lui dire que tu couches avec sa fille, je suis sûr qu’il sera ravi de l’entendre ? » Alors que mon regard s’était attardé un instant sur Andrew, je me tournais à présent vers Peter, lui faisant rapidement comprendre, par un simple regard, que je n’approuvais absolument pas ce qu’il venait de dire. Au fond de moi, je craignais grandement que Peter aille rapporter tout ce qui venait de se dire à nos parents et dans le fond, je savais qu’il avait raison, il était absolument impossible que mon père accepte cette relation, les histoires de familles risquaient de ne pas se terminer de sitôt. « J’aurais préféré un type qui a pas l’âge de ton père et qui t’abandonnera pas comme il a abandonné tout le monde ! » J’étais profondément touchée par les paroles de Peter et cela commençait réellement à se faire ressentir. « Je ne te permets pas, Pete. Tu ne connais rien de moi ». Mon regard s’attarda une seconde sur Andrew alors que je renchérissais à mon tour, même si je doutais que mon frère me croirait sur paroles. « Je lui fais entièrement confiance, que tu le veuilles ou non, je sais que ça n’arrivera pas ! » Jamais je n’avais douté de la sincérité des mots d’Andrew, il avait fait des erreurs dans le passé, soit, mais ce n’était pas pour autant qu’il allait recommencer, au contraire. « On parle pas de moi là. On parle de LUI ! » Peter s’acharnait, encore et toujours contre Andrew, on aurait presque eu l’impression que ce dernier m’avait manipulée, que j’étais une pauvre gamine influençable alors que c’était tout sauf le cas. Sans surprise, mon frangin ne cessa de déverser sa haine contre Andrew, ne mesurant pas ses mots ni les conséquences qu’ils pourraient avoir. Je sentais Andrew monter en pression et j’avais bien peur que cette dispute de s’arrête pas en si bon chemin. J’espérais sincèrement qu’ils n’en viendraient pas aux mains, alors que j’étais incapable de faire quoique ce soit pour empêcher cela. « C’est que tu deviens un expert dans l’abandon de gamins, bravo, pas une fois mais deux fois, alors je crois que je devrais pas avoir de leçon à recevoir d’un type qui a jamais su être là ni pour Mia ni pour Jax et qui prétend pouvoir être là pour ma sœur ! » Je fronçais les sourcils en regardant mon frère, ne comprenant pas tout de suite vraiment où il voulait en venir. « Il a été là pour moi au moment même où nous nous sommes retrouvés, il a déjà prouvé un bon nombre de fois qu’il ne me laissera pas tomb… » « Jax ? » Je me stoppais soudainement. Dans un premier temps, j’avais cru que les paroles de Peter n’étaient qu’un coup de bluffe pour faire douter Andrew, pour le torturer encore d’avantage, mais la réaction d’Andrew m’interloqua. « De quoi tu parles, Mulligan ? » Je regardais successivement mon frère et Andrew et croisais d’ailleurs le regard de ce dernier. Je secouais la tête, lui faisant comprendre que je ne voyais absolument pas où Peter voulait en venir et que s’il ne bluffait pas, je n’étais au courant de rien. « De quoi tu parles, bordel ?! » Andrew s’approcha de nouveau de Peter, l’air menaçant. Je me redressais dans mon lit, de peur qu’il n’en vienne aux mains. Clairement, même si Peter l’avait un peu mérité, il n’était pas en état de se défendre et je ne voulais sûrement pas que cette altercation prenne cette tournure. « Woh who ! Andrew, attends ! » Je me tournais ensuite vers mon frère. « De quoi tu parles Peter ? C’est quoi ces conneries ? Tu veux juste créer une discorde supplémentaire, rien de plus ? » Je l’espérais profondément, ce n’était certainement pas le moment ni le moyen de balancer ainsi la vérité à Andrew, si toutefois ce qu'il venait d'annoncer était vrai.
« Je ne te permets pas, Pete. Tu ne connais rien de moi ». Mon sourire se fait dur et glacial. « Oh si je te connais. » Je le connais parce que j’ai vécu les dégâts qu’il a commis sur son passage. Je le connais parce que j’ai été à la place de son fils dans cet orphelinat. Je le connais parce que j’ai vu la déception dans les yeux de sa fille et les morceaux brisés de son cœur. Je le connais par cœur parce que le mal qu’il a causé je le connais par cœur. Et s’il ne me l’a pas causé à moi, je sais pertinemment ce qu’a vécu Jax et j’ai fait partie des gens qui ont ramassé à la petite cuillère sa fille. Il pointe son doigt vers moi tremblant d’énervement et je n’attends que ça qu’il se laisse emporter par la colère et qu’il craque le premier. « Je lui fais entièrement confiance, que tu le veuilles ou non, je sais que ça n’arrivera pas ! » je roule des yeux face à ce que je prends pour de la naïveté de la part de ma sœur. Mais ce n’est pas elle que je regarde, je suis uniquement concentré sur lui. « Il a été là pour moi au moment même où nous nous sommes retrouvés, il a déjà prouvé un bon nombre de fois qu’il ne me laissera pas tomb… » « Tu sais rien du tout Tessa. » je dis sèchement à ma sœur, bien plus que je ne l’ai jamais été, mon regard toujours ancré dans celui d’Andrew, attendant que l’information atteigne ses neurones engourdis. « Jax ? » Le père McKullan a un air mauvais en plongeant son regard dans le mien et moi mon sourire est victorieux et cruel. « De quoi tu parles Mulligan ? » Il est perdu, regardant tour à tout Tessa puis moi, s’avançant bien trop près, alors que je relève la tête le défiant du regard, prêt à supporter les cris comme le poing qui ne tarderait peut être pas à venir. Parce qu’aujourd’hui j’étais celui qui pourrait le blesser bien plus qu’il ne pourrait me blesser.
« Woh who ! Andrew, attends ! » J’ignore ma sœur qui essaye de calmer une situation qui ne pourra qu’empirer dans les minutes qui vont arriver car je n’ai aucune intention de faire marche arrière. « De quoi tu parles Peter ? C’est quoi ces conneries ? Tu veux juste créer une discorde supplémentaire, rien de plus ? » Bien sûr qu’elle n’y croit pas, bien sûr qu’elle ne sait pas et ça n’a pas d’importance. Je reste uniquement concentré sur le père de Mia incapable de le lâcher des yeux. « Oh il sait exactement de quoi je parle. » Peut être que je mélange mes émotions, peut être que ma colère est si grande parce ce que je ne vois pas que lui devant moi mais les parents qui ont fait comme lui, qui m’ont abandonné de la même manière. « Tu sais j’étais même pas surpris quand Mia me l’a dit. Ca rentrait bien dans l’image du personnage, t’as été capable d’abandonner ta gamine ado alors abandonner un bébé, ça doit être encore plus facile. Pas d’attachement hein ? Il peut pas protester, il s’en souviendra pas d’façon. Il aura aucun souvenir de ton putain de visage. Mais t’as oublié un détail Andrew. Il se souviendra peut être pas de ton visage, mais il se souviendra que ses parents ont préféré le laisser moisir dans un orphelinat, il se souviendra de pas avoir été assez. » Chaque mot est prononcé avec une haine grandissante sans que je ne me rende compte que je ne parle peut-être pas que de Jax, mais peut être moi aussi. Je ne parle jamais de ça, de cet avant mon adoption, ma sœur ne m’a jamais entendu y faire référence tout simplement parce que c’est une conversation que j’ai toujours évitée. « Quoique avec Jax, ça aurait rien changé tu me diras. Si tu l’avais gardé, t’aurais trouvé une autre excuse pour te barrer, pour les laisser tous les deux. Tu me diras au moins ils se seraient trouvés avant Mia et lui. » Un rire jaune secoue mes épaules et j’enfonce mon doigt dans son torse le poussant en arrière. « Alors viens pas me parler d’être là pour ma sœur Andrew. Viens pas me parler d’être là pour qui que ce soit. Je ne vais pas écouter un lâche comme toi me faire la morale. » Je me tourne vers ma sœur alors. « Tu mérites mieux que ce type Tessa. » Elle méritait aussi un bien meilleur frère, mais il était bien plus simple pour moi de me concentrer sur ma colère contre Andrew plutôt que de ressentir la culpabilité qui me prenait quand je posais mon regard sur le visage fatigué de Tessa.
« De quoi tu parles Peter ? C’est quoi ces conneries ? Tu veux juste créer une discorde supplémentaire, rien de plus ? ». Andrew espérait secrètement que Tess’ avait raison. Que Pete disait tout cela simplement pour foutre la merde. Son sang bouillonnait à l’intérieur de ses veines, il faisait de son mieux pour se contrôler mais il commençait à avoir du mal. Il refusait qu’un gamin comme Peter lui parle comme ça. Qu’il lui balance des trucs à la gueule sans mesurer la portée de ses propos. Il était beaucoup trop proche de lui. A deux doigts de lui balancer son poing dans la figure s’il continuait sur sa lancée. Pourtant, le gamin ne flancha pas. Au contraire, il était bien parti pour continuer. Il l’écoute parler. Lui dire qu’abandonner un nouveau-né ça doit être aussi facile que d’abandonner son ado de fille. Les mots sortent et coulent à flots, comme des torrents de haine déversés de la bouche du gamin. « Pas d’attachement ». Le coeur d’Andrew se sert un peu plus, sa gorge se noue davantage. Il a la nausée, et l’envie subite de quitter les lieux. Il pointe de nouveau un doigt vers le gamin. « Encore une fois, tu ne connais rien ». Il ressentait le besoin de se justifier. Certains que Pete percevrait ça comme une volonté de redorer son blason, mais Andrew faisait ça parce qu’il détestait que les gens se fassent une image fausse de lui. « J’ai aimé le petit à la seconde où je l’ai vu. Le voir partir dans les bras de quelqu’un d’autre, ça a été un crève-coeur. Mais qu’est-ce que t’en sais, hein ? Qu’est-ce que tu connais de ma vie, après tout ? Rien du tout Pete. Tu connais que ce qu’on a bien voulu te raconter ». Jusqu’à son retour à Brisbane, Mia n’avait jamais connu les détails du départ de son père. Elle n’avait jamais entendu parler de l’abandon de leur premier fils, à lui et Mary. Alors elle avait forcément raconté des choses. Mais tout ce qu’elle avait pu dire, quant bien même ce n’était pas de sa faute, était un tissu de mensonges et d’idées fausses. Andrew voulait bien qu’on le prenne pour un con, mais il ne se laisserait certainement pas traîner dans la boue comme ça.
Pete continua. Expliquant qu’il aurait de toute façon fini par se barrer. Parce qu’après tout, c’est ce qu’il avait fait toute sa vie. Fuir pour éviter de faire face à ses responsabilités. Andrew ne répondit pas. Il se retourna, commençant à récupérer ses affaires pour quitter la chambre. Il détestait cette situation, il détestait que Tessa ait eu à voir ça, à supporter cette querelle d’adolescents. Mais c’était trop pour Andrew. Il enfila sa veste, glissa son paquet de cigarettes qui traînait sur une chaise dans la poche de son pantalon. Il se tourna de nouveau vers Pete, n’écoutant quasiment plus ce qu’il lui disait, à propos du fait qu’il n’allait pas écouter un lâche comme lui. « Un lâche ? ». Andrew ricana légèrement, réajustant sa veste sur ses épaules. « Au moins, je suis revenu de mon plein gré. Je me suis pas fait traîner de force ici par quelqu’un d’autre, parce que je me suis noyée dans un verre trop rempli et que je n’ai pas su me souvenir des choses importantes ». Il jeta un coup d’oeil autour de lui, vérifiant qu’il avait toutes ses affaires. « Tu mérites mieux que ce type Tessa. ». Andrew secoua doucement la tête, rejoignant le lit où Tessa était allongée. Il la sentait crispée et déçue, et il s’en voulait terriblement pour ça. Il s’approcha d’elle, lui déposant un baiser sur le front puis sur les lèvres, faisant presque exprès de s’attarder un peu trop juste pour le plaisir d’entendre Pete grincer des dents. Il se détacha d’elle, la regardant d’un air désolé. Il serra quelques instants sa main. « Tu mérites mieux qu’un frère égoïste et alcoolique, Tess’ ». Il disait plus ça pour blesser Pete que pour blesser Tess’, même s'il savait que ces mots auraient une portée qu’il n’avait pas imaginé à l’origine. Andrew fit le tour du lit, prenant le soin de donner un léger coup d’épaule à Pete au passage, pour rejoindre la porte de la chambre d’hôpital. Avant de sortir, il se tourna une dernière fois vers Pete. « Tu comprendras jamais ce que c’est de devoir prendre des décisions pour le bien-être de quelqu’un, Pete. Parce que t’es trop centré sur ta personne pour te rendre compte que les choix que tu fais, tout le monde autour de toi en pâtît ». Sur ces mots, Andrew quitta la chambre, prenant soin de claquer la porte au passage.