Kaya sait à quel point il n’est pas évident de gérer la perte de quelqu’un qui semble à la fin être depuis si longtemps et en même temps si proche. Leurs pertes est bien différente. Pour Kaya, c’est le feu qui a emporté son mari. Il avait protégé un de ses collègues et en avait perdu la vie. Pour Timothy, c’était différent. Elle était partie sans rien dire en lui laissant deux adorables créatures. C’était une chose peut être qui faisait plus mal de savoir que la personne est partie par choix. Pour la blondinette, ce n’était clairement pas prévue, pour Timothy, ça l’avait été. Cela voulait-il dire qu’il ne connaissait pas ses enfants avant qu’elle ne les lui laisse sur le pas de la porte ? Elle se posa la question mais évita de la formuler à voix haute. Après tout, ca devait être bien assez dur pour lui sans qu’elle en rajoute une couche. Peut être qu’un jour, lorsqu’ils se connaitraient réellement, elle lui poserait la question à moins qu’il ne lui donne la réponse de lui-même. Qui sait, tout était possible. Il avait l’air enclin à parler, plus qu’elle apparemment qui cherchait à cacher sa peine du mieux qu’elle le pouvait. Après tout, autour d’elle tout le monde avait repris le cours de sa vie et elle était une des rares personnes à ne pas réussir à avancer. Il le fallait et c’était bien pour cela qu’elle était présente aujourd’hui. Elle savait que son mari n’aurait pas voulu la voir comme cela. Il aurait voulu la voir heureuse. Enfin l’aurait-il vraiment voulu s’il avait su qu’elle en avait embrassé un autre ? Personne n’était au courant de ça, pas même sa sœur ; Elle s’était sentie tellement coupable et ce n’était pas terminé. Elle espérait que venir voir ce psy lui permettrait de se détacher de cette culpabilité de ne pas avoir été la femme parfaite et d’avoir l’impression que la mort de son mari était là pour la punir. « Oh je suis vraiment désolée. J’ai perdu mon mari cet été aussi. Je comprends ta douleur. Enfin même si ce n’est pas la même. » Non, deux douleurs bien différentes, avec des résultats différents mais une conséquence directe de leur raison ici. Tout du moins pour la jeune femme. Pour le jeune homme cela lui semblait un peu différent. Elle verrait peut être plus tard si c’était le cas. « Merci. » Elle faisait ce qu’elle pouvait pour inspirer la confiance. Au fond, elle était une personne de confiance. Elle ne dirait jamais quelque chose que l’on ne veut pas entendre ébruité. Elle ferra tout pour vous rendre heureux du mieux qu’elle peut en tout cas et vous aider. D’ailleurs, c’est ce qu’elle tente de faire comprendre au père de famille. Elle est là s’il a besoin d’elle. Et lorsqu’il veut à tout prix la remercier d’une quelque manière que ce soit, elle sourit. « Rien du tout voyons. Je fais ça pour t’aider, pas pour recevoir quelque chose. » Ce n’était pas pour l’argent qu’elle le faisait ou quelque chose en retour. Si c’était le cas, ça serait en contradiction avec ce qu’elle lui avait dit quelques instants plus tôt. Elle pouvait l’aider et elle le ferait parce que c’est ce que toute bonne personne devrait selon elle faire. Tendre la main à quelqu’un dans le besoin. « Mais si tu veux, disons que si un jour j’ai besoin, tu me rendras la pareille. Ca marche ?» Ce serait une manière comme une autre qu’il puisse la remercier même si là tout de suite, elle ne voyait pas de quoi il pourrait s’agir. Elle n’avait pas spécialement de problème mais qui sait, si jamais il est mécanicien ou peut l’aider sur autre chose, ça serait alors un échange de bons procédés.

Il n'est pas spécialement fier de ce qu'il est devenu, Tim fait du mieux qu'il peut même si le tout ne semble pas représenter grand chose à côté de tous les efforts fournis. Il ressent encore tant d'angoisses lorsque toutes les lumières s'éteignent ou quand les jumeaux pleurent et qu'il ne sait pas le moins du monde quoi faire. Sa vie n'est toujours peuplée que d'incertitudes, de doutes et de craintes mais Timothy sait qu'il doit tout affronter, ne pas baisser les bras malgré les difficultés parce qu'il a toujours promis à Noé qu'il n'abandonnerait pas la lutte même si c'est dur, même s'il est fatigué, même s'il pleure beaucoup. Il ne l'a pas fait depuis des semaines: raison simple assurément, le pauvre Decastel est beaucoup trop épuisé autant physiquement qu'émotionnellement pour avoir ce besoin physiologique particulier. Pourtant, il a le coeur gros depuis un moment, il le sait bien mais il ne peut pas s'y résoudre pour l'heure. Autant dans ce cas, se rendre à cette thérapie en espérant faire tomber les vannes et sortir les mouchoirs, même si le résultat n'est pas encore celui que le français espère. Il faut se donner du temps, voilà ce qu'on lui répète inlassablement ces dernières semaines mais Tim a l'impression qu'il n'en a pas énormément devant lui car il voit bien que les jumeaux grandissent à une vitesse folle et que, s'il n'arrive pas à assumer leur rythme, des catastrophes surviendraient. Voilà pourquoi il a certainement besoin d'aide aujourd'hui et si Kaya se présente à lui, c'est que le destin lui apporte assurément un début de solution, même si ce n'est que provisoire. "A croire qu'on vit nos pires moments plus ou moins en même temps, n'est-ce pas?" On se rit d'eux, le français ne voit que cela: elle perd son mari, il perd la femme de ses enfants et même si les circonstances sont radicalement différentes, Tim sait que c'est un nouveau point commun qu'ils ont, en plus de se rendre à cette thérapie en accéléré pour se remettre sur pied le plus vite possible. Elle accepte de l'aider avec les enfants et Timothy sent un poids se retirer peu à peu de ses épaules car il pourra peut être se rendre à l'hôpital psychiatrique voir sa génitrice, hors de question qu'il n'amène les petits là bas en vue de la folie de celle qui l'a "élevé". "Je te devrais une énorme chandelle tout de même, tu sais. C'est vraiment énorme d'accepter de garder deux enfants en bas âge quand on a sûrement quelque chose de mieux à faire. Alors je te dois au moins la construction d'une maison, tu vois le délire." Il n'est pas maçon, c'est bien là le problème, il risquerait de créer un enfer sur pilotis mais Tim veut qu'elle ait un élément de comparaison. "Tu préfères les garder chez toi ou chez moi? Que je sache un peu comment ça s'organise..." Il stresse encore. Toujours. Inlassablement. Le brun a besoin de contrôler et il le montre à nouveau mais on parle de ses enfants, c'est important pour lui. C'est tout même.

La vie nous joue parfois des tours et il est évident qu’en ce moment, c’était le cas. Ils se retrouvaient après avoir subi tous les deux des évènements difficiles plusieurs mois au par avant. Bien évidemment, ce n’était pas un cas si isolé que ça vu le nombre de personnes sur Terre mais se retrouver là tout les deux à cause de cet incident était assez surprenant. Kaya qui n’avait d’ailleurs pas eu trop envie de s’épancher sur ses problèmes se retrouvaient à en parler plus que prévu. Elle tentait de ne pas montrer qu’elle souffrait. Toujours paraître parfaite et joyeuse surtout était une évidence pour elle. Les gens n’avaient pas besoin de connaitre ses problèmes et surtout, elle voulait pouvoir toujours remonter le moral à quelqu’un. « Oui, ça a l’air en tout cas. » Elle sourit timidement avant de regarder les photos et les vidéos que lui montraient le jeune père de famille. Il était vrai que ça semblait plus compliqué que ce qu’elle pensait. En tout cas, si elle se retrouvait dans cette situation même mais elle espérait que ce ne serait pas le cas. Et puis au moins, cela lui permettrait de savoir s’il fallait qu’elle abandonne réellement son idée de devenir mère. Elle le pensait réellement mais peut être qu’elle s’était trompée. Enfin ça, elle ne le verrait que plus tard et seulement si son instinct lui demandait d’y réfléchir à deux fois, chose dont elle doutait. En tout cas, elle tenterait du mieux qu’elle pourrait de surveiller les deux petits bouts.

Timothy la remercia à nouveau. Il fallait dire que c’était si évident pour elle que d’aider les autres mais ce n’était pas le cas pour tout le monde. Et puis, faire confiance à une inconnue était quand même un pari risqué. Par chance pour lui Kaya était le genre de personne à qui on pouvait faire confiance sans soucis. « Mais non voyons, c’est normal. Et puis ne t’inquiète pas, je gèrerai comme une grande. » Oui comme une grande fille. Enfin elle l’espérait sincèrement. Elle ne voulait pas se retrouver à le décevoir, surtout avec deux enfants aussi petits. Lorsqu’il lui dit qu’il lui construirait alors une maison, elle rit. « Quand même pas mais j’aime l’idée en tout cas. » Elle sourit. Au moins, elle avait l’air de pouvoir compter sur lui elle aussi.

Le début des questions praticités arriva alors. Si Timothy lui proposait chez elle ou chez lui, il lui semblait plus facile de s’occuper des enfants directement chez le jeune homme. Après tout, tout serait à sa disposition. Elle pouvait comprendre cependant s’il hésitait car c’était ouvrir sa maison à une totale inconnue et là encore, il fallait avoir confiance pour le faire. « Je pense que chez toi ça serait mieux non ? Ca éviterai que les petits soient trop déboussolés et ils auraient toutes leurs affaires à disposition. » Kaya pensait vraiment que c’était la meilleure solution et surtout la plus facile. Au moins, les petits ne seraient pas perturbés non seulement par une femme dont ils ne connaissaient pas le visage mais aussi parce qu’ils ne savaient plus où ils étaient. Avec le temps, ils devraient faire d’autres expériences mais vu son expérience limité en la matière, ce serait surement mieux comme ça.

Il restera angoissé quelques heures en pensant à cette idée de babysitting. Il n'y a eu que des personnes très proches de lui et des enfants qui avaient eu l'occasion de les garder jusqu'ici. Rien de plus normal dans ce genre de circonstances de sentir un certain stress s'immiscer au fond de sa carcasse mais Timothy ne désire pas le montrer. Il a la sensation qu'il peut faire confiance à Kaya: en tout cas, elle a l'air déterminée à faire les choses bien, même si Decastel a montré des vidéos où les petits anges ont plus l'air de grands démons. Elle ne s'est même pas débinée en voyant cela, au contraire, elle montre un visage confiant de A à Z, ce qui étonne plus ou moins le français d'ailleurs. Les gens ont plutôt tendance à fuir quand on les confronte à des difficultés et rester quelques heures avec les jumeaux de quelqu'un d'autre, c'est clairement ce qu'on peut qualifier de challenge mais elle doit avoir le coeur sur la main, la blonde, Tim ne voit que cela pour accepter ne serait-ce que l'idée. Il espère vraiment, oui, qu'elle gérera l'affaire avec brio car il n'a aucune idée du temps qu'il devra passer loin de la maison, tout dépendra des réactions de sa génitrice, autant dire que la surprise est de mise. Il a juste conscience de se rendre dans un hôpital psychiatrique pour la première fois depuis une longue année et la dernière fois qu'il a parcouru ce chemin, le misérable brun s'est retrouvé avec des mains vengeresses autour du coup, prêtes à l'éliminer de la surface de la planète. Au final, il ne sait pas ce qu'il doit appréhender le plus: les enfants avec une nouvelle babysitter ou le face à face avec sa mère, il verrait bien, voilà ce qu'il tâchait de se dire.

Il trouvera aussi une façon de rendre la pareille à la jeune Jones, même s'il n'a pas encore trouvé l'idée parfaite. Après tout, Timothy n'est ni maçon ni charpentier et il ne saurait pas comment aider à la construction d'une vraie maison mais sa plaisanterie a l'air de faire son effet, au moins pour quelques secondes. Ensuite, il faut vite envisager la suite de leur petite affaire, Tim réfléchissant aux côtés plus pratiques de cette garde inopinée: Kaya a l'air d'avoir les idées claires et choisit l'option qui sera la plus aisée pour les enfants, un point de plus pour elle, assurément. "Effectivement, ça fait sens de pas les perturber de trop, ils seront plus faciles à vivre avec leurs jouets autour. Tiens, je te laisse mon adresse et mon numéro." Il attrape vite une des feuilles de publicité qui traînent dans la salle d'attente, prend un crayon et griffonne tout cela à l'intention de Jones, pile au moment où on appelle son nom pour le prochain rendez-vous. L'heure pour lui de prendre congé vient et il sourit à la jeune femme avec une spontanéité ahurissante. "A demain, Kaya. T'as encore le temps de changer d'avis, hein?" Il préfère préciser, au cas où, pas de pression avec lui. Il trouvera bien une autre solution dans tous les cas, Tim a de la ressource maintenant.

Dans quelques heures Kaya se dira probablement qu’elle n’aurait pas du se proposer. Elle n’y connait pas grand-chose en enfants. Elle n’a pas pu être mère et franchement, ce n’est pas les quelques heures de babysitting avec sa sœur qui allait changer grand-chose. Surtout qu’à l’époque, Nico était bien plus grande que les deux bambins qu’elle allait garder. Elle le faisait cependant avec plaisir parce qu’elle aimait aider ceux qui en ont besoin. Elle pensera juste que la tâche est bien trop compliquée pour elle. Elle qui pourtant n’est pas du genre à se plaindre ou à avoir peur de faire quelque chose. Les vidéos qu’il lui a montré lui donne l’impression malgré tout qu’elle peut surmonter l’épreuve. Surtout s’il ne part que quelques heures. Elle peut bien gérer trois ou quatre heures de cris. Voir un peu plus si besoin. Au pire, elle pourrait peut être appeler la plus jeune des Jones qui sait ? Non, elle devrait se montrer forte comme une grande fille. Elle ne savait pas trop comment ça allait se passer mais ça serait une bonne chose et une bonne expérience. En tout cas, elle l’espérait.

En tout cas, le jeune homme voulait la remercier alors même qu’elle n’avait pas effectué sa « mission ». Peut être que demain il se dirait qu’il avait fait une erreur en revenant chez lui et en retrouvant ses enfants elle ne savait comment. Bon elle n’allait pas leur faire de mal mais qui sait comment ça allait se passer. Allez, zen, tout irait bien et il pourrait la remercier plus tard si vraiment c’était nécessaire. Kaya ne le pensait pas car elle faisait vraiment ça pour l’aider, rien de plus. Elle ne voulait pas gagner quelque chose par rapport à une faveur qu’elle faisait. Il lui demanda alors les modalités de leur arrangement. Où elle voulait qu’ils se retrouvent. Pour elle, c’était une évidence. Les petits auraient besoin de reconnaître leur environnement. Ce n’était pas la peine de les perturber plus que ça. Ils auraient surement déjà un peu peur en la voyant même si elle était du genre avenante. « Ca marche. Je t’appelle si je ne trouve pas.» Elle lit l’adresse et son numéro histoire d’être sûre de ne pas l’oublier. Elle a une mémoire visuelle et auditive alors ça devrait aller pour qu’elle s’en souvienne. « A demain Timothy. Et ne t’inquiète pas, je serais là. » Elle ne pouvait maintenant pas lui faire faux bon. Elle avait pris un engagement et elle le respecterait. Elle vérifia que son portable était bien en silencieux avec d’entendre à son tour son prénom et de se diriger vers l’endroit d’où le son était venu.