| leckie² + I'm going to a place where everybody's pretty |
| | (#)Mer 13 Jan 2021 - 8:41 | |
|
Voilà une dizaine de minutes que Norah se débattait avec son frère au téléphone. Non, vraiment, une journée entière à prendre soin d’elle, faire du shopping et mettre au placard ses rôles d’infirmière et de maman, ce n’était pas son truc. Elle avait tant de choses à faire, à penser, à s’inquiéter. “C’est chou que tu penses avoir le choix, sis’, fit Mac avec un léger rire à travers le combiné. C’est déjà tout vu. Allez, à demain !” Et il raccrocha sans laisser à sa cadette l’opportunité de gaspiller un peu plus sa salive en essayant de le dissuader de la traîner au centre-commercial. Mais qu’elle s’en rende compte ou pas ne changerait rien à la détermination du Leckie à être digne de son titre de meilleur grand frère du monde ; ils iraient la chouchouter, qu’elle le veuille ou non. Après son accident et la reprise du travail, cela était, à ses yeux, une initiative absolument nécessaire à la santé physique et mentale de Norah. Il n’y avait rien de pire qu’une personne s’oubliant soi-même au profit des rôles imposés par la vie adulte, la société, l'obsession de la productivité ; l’on est un professionnel de quelque chose, le parent de quelqu’un, obligés de ceci ou de cela, stressés par le trafic, les kilos en trop, le millimètre de poussière sur les meubles, les mauvaises nouvelles dans le monde, et avec le temps la place pour être simplement soi, sans attentes, sans responsabilités, disparaissait. Et c’était à ce moment-là que la vie, d’après lui, perdait tout son intérêt. Il fallait décrocher, être insouciant de temps en temps, ne penser qu’à soi et se laisser guider par ses envies, et ainsi faire le plein de courage. Alors le lendemain, Marcus fut bel et bien présent, garé devant la maison de sa sœur. Il avait réquisitionné Caelan pour garder les enfants. “Le train du fun est sur le point de partir !” lançait-il à travers les vitres ouvertes de la voiture avant d’appuyer sur son klaxon quitte à irriter tout le voisinage. Tchou, tchou !
Norah apparut et s’installa sur le siège passager. Malgré la bise enjouée que son aîné claquait sur ses joues, il sentait la récalcitrance de celle-ci. Cela ne l’empêcha pas d’appuyer sur le champignon après avoir salué les enfants de loin, sans aucune marche arrière possible. “Fais pas cette tête, je sais que tu vas adorer, reprit Marcus en conduisant, un large sourire aux lèvres. Et parce que je suis de si bonne humeur, je te forcerais pas à dire que j’avais raison à la fin de la journée.” Non, il n’en doutait pas une seule seconde. Tout le programme de la journée était clair dans son esprit et il était virtuellement impossible que Norah s’en plaigne à la fin de l’après-midi. Pour sa part, il trépignait. Et puis, à quoi bon avoir une petite soeur s’il ne pouvait pas espérer de virée spa et shopping avec elle de temps en temps ? Le trajet jusqu’au centre-ville ne fut que d’une petite demi-heure durant laquelle Marcus semblait aspirer tout l’air de l’habitacle en faisant le tour de sa semaine, radotant pour la centième fois à quel point le voyage à rallonge de Saül à Paris commençait doucement à lui taper sur le système (mais il comprenait, mais il en avait marre, mais il comprenait, vraiment, il n’était pas en colère, mais quand même, il lui dirait bien le fond de sa pensée, ou peut-être pas, le pauvre n’avait pas la vie facile en ce moment). En somme, il parut arriver dans le parking en un claquement de doigts, et en claquant sa portière, le brun se promit de ne plus autant s’étaler à son propre sujet. La journée n’était pas à propos de lui. “Attention, le premier arrêt est une surprise.” annonça-t-il avec un sourire. Il conduisit Norah plus loin dans la galerie marchande et, à quelques mètres du lieu, se plaça derrière elle et posa ses grandes mains sur ses yeux. “Petit pas, petit pas, petit pas eeeeeeet… voilà !” Leur avait-il réservé des massages et soins du visage ? Peut-être bien. Et cela n’était que le début.
|
| | | | (#)Jeu 21 Jan 2021 - 16:55 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Quand on demandait à Norah ce qu'elle aimait faire de son temps libre, on pouvait être sûr de l'entendre répondre qu'elle passerait sa journée à la plage ou à faire une randonnée quelque part. Mais jamais l'idée d'aller faire du shopping lui viendrait à l'idée en premier. Pas qu'elle n'aimait pas ça non plus, ce n'était juste pas ce qu'elle ferait d'instinct. Pourtant, elle aimait bien renouveler de temps en temps sa garde-robe. Avec Frank, avant la naissance des enfants, il leur arrivait de passer un weekend entier (quand leur planning respectif le permettait) loin de Brisbane, à marcher dans la nature et à dormir dans une auberge ou un hôtel pas trop loin avant de reprendre leur épopée. Parmi ses frères, Marcus était bien le seul à réussir à la traîner pour une journée shopping et selfcare, bien qu'il avait du s'imposer pour la convaincre de faire un peu autre chose de ses journées. Il avait du l'imaginer, à rouler légèrement des yeux comme elle avait l'habitude de faire quand elle était un peu blasée, suivi d'un soupir inaudible par le biais du combiné. L'aîné avait tout organisé pour cette journée; il avait anticipé la garde des enfants, il viendrait chercher sa petite soeur avec sa voiture. Norah éait toujours surprise du mélange qui définissait le caractère de Mac : d'un côté, l'on avait toujours ce côté très enfantin et joueur qu'il laissait transparaître sans le moindre soucis. Mais derrière l'immensité de cette façade qu'il étoffait jour après jour se trouvait une personne affectée par la mort brutal de son beau-frère. Marcus avait depuis toujours pris très à coeur le rôle et la responsabilité de l'aîné, par ses propres moyens. Il savait être sérieux, il savait être sensible, il ne laissait simplement pas l'occasion à tout le monde de le voir. Il les sélectionnait, même, et ceux qui le connaissaient vraiment bien devaient sûrement ne se compter que sur les doigts d'une seule main. Le lendemain, comme promis, il se trouvait garé devant devant chez elle, prêt à l'embarquer pour une journée qui lui était entièrement consacrée. Toujours sceptique, Norah restait plutôt mutique dans un premier temps. Mais Mac ne tardait pas à la faire dérider un peu. "Dis plutôt que ça t'arrange bien d'avoir trouvé quelqu'un avec qui tu te feras masser les pieds." rétorqua-t-elle avec un sourire moqueur. "Tu feras moins le malin quand ce sera moi qui te forcera à venir faire une promenade en moto avec moi. J'userai de mes puppy eyes." Elle lui fit un clin d'oeil (bien qu'elle était incapable d'en faire un décent, c'est pas faute de s'être entraînée depuis son plus jeune âge) avant de rediriger son regard vers la route. Reprendre le volant s'était avéré un peu plus difficile que ce qu'elle aurait pu s'imaginer. Toujours une petite boule au ventre, à se demander si un autre inconscient serait prêt à transgresser le code de la route pour lui foncer une nouvelle fois dedans. Il y avait des jours où c'était plus gérable que d'autres, mais c'était un malaise qu'elle ne verbalisait auprès de personne. Elle se disait que ça allait bien finir par passer. Elle qui aimait tant rouler et qui rêvait de chevaucher un jour une deux roues. Marcus était surexcité avec la journée qu'il leur offrait. Norah écoutait bien entendu les nombreux récits du frangin, qui avait toujours quelque chose à raconter de sa journée, ou de sa semaine. Agacé par son collègue, mais se voulant compréhensif, son discours alternait empathie et amertume sans que sa petite soeur n'ait à prononcer le moindre mot. Après avoir fait quelques pas dans la galerie marchande, Marcus lui couvrit les yeux avec ses propres mains pour lui faire un petit effet de surprise lorsqu'il lui redonnait la vue devant le salon de massages. Bon, d'accord, l'idée d'avoir un massage était assez séduisante (en toute subjectivité, elle dirait que Frank était le meilleur masseur qui soit, bien sûr). Elle se retourna vers son frère pour lui sourire. "Bon d'accord, ça peut être pas mal." reconnut-elle avec un rire. "Mais je me demande à qui ça fait le plus plaisir de venir ici : toi, ou moi ?" le taquina-t-elle en le bousculant légèrement d'un coup d'épaules. "Toi et ta peau parfaite." Parce que Marcus prenait soin de lui, à n'en pas douter. Encore suite à un manque cruel d'objectivité, Norah dirait qu'il était parmi les plus beaux hommes qui puissent exister. Elle adorait ses frères plus que tout. Ils sont beaucoup trop précieux pour ce monde avait-elle déjà dit un jour, tant elle se pensait chanceuse de les avoir tous à ses côtés. Les Leckie pénétrèrent dans l'institut pour enfin avoir droit à leur soin du visage. Ils furent installés l'un à côté de l'autre. "Il faudra que je te raconte un truc. Plus tard." lui confia-t-elle. Il y avait certains sujets de conservation pour lesquels Norah était particulièrement pudique. Elle ne voulait qu'une oreille curieuse vienne dénicher ici et là des confidences qu'elle ne fera pas à n'importe qui. "Rien de grave. Mais c'est important quand même." lui assura-t-elle. Norah allait un peu mieux, ses enfants se portaient bien, Marcus n'avait pas à se faire du souci pour cela. La dernière fois qu'elle avait du se faire un soin de visage remontait à plusieurs années, sûrement (il était même probable que ce soit Marcus qui l'ait aussi embarqué à ce moment là, d'ailleurs). Elle avait oublié combien cela pouvait être agréable, apaisant. Elle ne prononça pas un mot pendant qu'ils se faisaient bichonner. "T'as l'air d'en avoir besoin autant que moi." lui fit-elle remarquer au bout d'un moment. "Ton boulot met un peu tes nerfs à rude épreuve." Il suffisait d'écouter tout ce qu'il avait à en dire pour se faire une idée. Norah n'était absolument pas du milieu mais s'était toujours intéressée de près au travail de chacun de ses frères. "Tu vas finir par avoir des cheveux blancs." le taquinait-elle tout en le regardant d'un air attendri.
|
| | | | (#)Jeu 28 Jan 2021 - 9:57 | |
|
Il avait toujours raison, de toute manière. Du moins en tant qu’aîné de la fratrie, c’était une illusion qu’il devait maintenir. Si Marcus disait que sa soeur avait besoin de prendre soin d’elle, alors cela n’était pas vraiment discutable. A dire vrai, il ne comprenait même pas comment elle avait pu ne pas en avoir l’initiative plus tôt. Dans la voiture, elle parut cependant moins réfractaire qu’elle ne l’avait été au téléphone -sûrement parce qu’il était bien trop difficile d’être opposé bien longtemps au regard éternellement rieur de Mac. Et puis, il était toujours la garantie d’un bon moment, c’était ce qu’il savait faire et elle ne pouvait le nier. De même, il ne pouvait pas réfuter le fait qu’un des avantages d’avoir une soeur, à ses yeux, était justement ce type d’après-midi à deux. Percy ou Caelan ne comprendraient pas ou n’en verraient pas l’attrait. “Commence déjà par essayer de ne pas faire un clin d’oeil des deux yeux et on reparlera de tes puppy eyes.” rétorqua pourtant Marcus avec un sourire au coin des lèvres. Il n’avait pas changé d’avis au sujet de la moto et n’était pas prêt de se faire une raison, qu’elle l'implore ou non. Le brun meubla le reste du trajet jusqu’au centre commercial comme il savait si bien le faire. Norah n’avait jamais l’air lassée ou ennuyée par ses récits à rallonge, même s’il radotait parfois. D’un autre côté, il lui laissait rarement l’opportunité d’en placer une pour lui dire de se taire deux minutes -ou juste de reprendre sa respiration entre deux phrases.
Elle capitula face à la devanture de leur première étape de la journée, et déjà Marcus afficha un air satisfait et victorieux. Oui, il avait toujours raison, et le coup d’épaule de Norah ne faisait que le confirmer. Il avait le temps et l’argent de se rendre dans pareil institut de manière régulière. Prendre soin de soi était primordial à ses yeux, et cela était encore mieux si d’autres s’en chargeaient à votre place. Il dirait que cela était une des clés de la longévité, l’une des raisons pour lesquelles il était si bien conservé -alors qu’il commençait à montrer son âge qu’il le veuille ou non. “L’hydratation, pumpkin. Toujours l’hydratation.” prétendit-il à Norah néanmoins, ce qui n’était pas nier l’existence de ses très -trop- nombreuses crèmes et autres produits dans sa salle de bains.
Ils entrèrent dans l’établissement et furent cordialement invités à prendre place dans deux fauteuils allongés l’un à côté de l’autre. Le brun lâcha un soupir d’aise en laissant son crâne s’appuyer sur le repose-tête, sentant les muscles de sa nuque se décrisper d’ors et déjà. Lorsque le rouleau de jase commença à passer sur ses pommettes, il ferma les yeux et croisa ses mains sur son ventre, contenté comme Piscou sur une montagne d’or. Une oreille attentive envers Norah, il l’écouta lui teaser une future conversation qui, il se demandait bien pourquoi, ne pouvait visiblement pas avoir lieu face à deux esthéticiennes qu’elle ne connaissait pas, qui s’en avaient rien à faire et qui n’auraient aucun intérêt à le répéter. “Quel suspense, la tension est insoutenable.” soupira Marcus, un brin moqueur. Après le rouleau, une première crème fut appliquée et massée du bout des doigts. Il mentirait s’il prétendait que cela ne lui permettait pas de relâcher une bonne dose de tension accumulée dernièrement. “Il faut bien continuer à tenir la baraque pendant que Monsieur déguste de la baguette au sommet de la Tour Eiffel, ou que sais-je.” fit-il en balayant les absurdités du comportement de Saül d’un revers de la main. Les déplacements n’étaient pas rares à leur niveau de poste, mais lorsque les enjeux personnels ou romantiques entraient en ligne de compte, cela dépassait son esprit rationnel. Néanmoins, tout ceci ne le regardait pas, et sa seule préoccupation était de garder son ami en un morceau -car dieu savait à quel point le Williams pouvait se montrer plus auto-saboteur qu’il ne pouvait se l’avouer. S’il devait avoir des cheveux blancs, c’était à cause de cette vaste famille de lunatiques, et moins de la faute de son travail dans lequel il s’épanouissait toujours autant. “Oh, c’est déjà le cas, avoua-t-il sans gêne à Norah. J’ai trouvé mon premier cheveu blanc il y a des années de ça. Mais j’ai déniché une petite coloration pas piquée des hannetons qui fait des miracles.” Même au pic de la détente, Marcus persistait à parler avec les mains. Il persistait à parler de bêtises tout court d’ailleurs, et même à tourner la tête vers sa soeur - recevant un claquement de langue désapprobateur de sa masseuse. “Si tu le dis à qui que ce soit j’échangerais ton dentifrice avec de la crème pour les pieds.” Il utilisait la même menace depuis ses dix ans sans jamais l’exécuter.
|
| | | | (#)Mar 16 Fév 2021 - 13:21 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Marcus voulait toujours se montrer fort, solide comme un roc. Celui sur qui le monde entier pourrait se reposer s'il venait à s'effondrer, si cela permettait de sauver ses frères et sa soeur. La comparaison ne relevait pas de l'euphémisme, dans la mesure où il serait tout à fait capable de remuer ciel et terre pour sa famille. "Que je sache les faire ou part, t'as de toute façon bien du mal à résister, de base." rétorquait-elle avec un léger. "Si je papillonnais des yeux en faisant la moue pour te demander si tu veux bien faire un peu de shopping avec moi, je me mets ma main à couper que tu enfoncerais totalement la pédale de l'accélérateur pour aller plus vite." Elle glissait ses doigts dans sa propre chevelure tout en laissant échapper un rire. Elle se donnait pour objectif de l'embarquer un jour avec elle sur la moto qu'elle se permettra d'acheter. Ils étaient tous les deux très déterminés et très têtus quand ils le voulaient. De ce fait, les négociations pour que Mac finisse par accepter allaient être plutôt intéressantes. Norah se réjouissait même pour ça. C'était bête, ce n'était pas grand chose. Ils se retrouvaient ensuite dans l'institut. Marcus prenait beaucoup soin de lui, ça crevait les yeux. Il en était même venu à donner plus d'une fois des conseils à Norah qui, elle, restait très simple dans l'hydratation de sa peau. Pourtant, l'épiderme de la jeune femme n'était pas tout mal non plus. Avec ses petites tâches de rousseur qui se montraient bien plus lorsqu'elle passait ses journées au soleil. Lorsqu'ils étaient installés et bichonnés, elle confia à son grand frère qu'elle désirait lui parler d'un sujet sensible loin des oreilles baladeuse. "Tu comprendras vite pourquoi." souffla-t-elle d'un ton ferme presque ferme. Il savait qu'elle ne parlait pas de Frank devant n'importe qui, ni n'importe où. Il y avait beaucoup de sujets qui ne lui posaient aucun problèmes, qu'il s'agisse de débats houleux ou de conversations risquées. Mais parler de son feu mari juste comme ça, non. Bien que Marcus priorisait avant tout sa famille, son travail avait une place de taille dans son quotidien. Et parfois, cela lui faisait perdre patience. Il en parlait sans trop de gêne, le moulin à paroles qu'il était parvenait à meubler des dizaines de minutes de conversation. Des paroles que Norah entendaient, écoutaient, sans forcément trouver d'intérêt à rebondir sur ce qu'il racontait. Il savait qu'il trouverait chez sa soeur une oreille à l'écoute et il n'avait pas forcément toujours besoin de bien plus. "Tu préférerais être à sa place ?" lui répondit-elle avec amusement. A manger baguette et croissant dans la capitale française. Si l'aîné Leckie était inquiet, il le cachait très bien. Il se montait la tête tout seul à devoir être l'aîné parfait, irréprochable. Si la situation venait à s'inverser, et que ce soit finalement Norah qui prenne soin de lui, son égo en serait probablement blessé. "Déjà envie de les dissimuler au grand public ? Je suis certaine que quelques cheveux blancs ici et là t'apporteraient un charme fou." souligna-t-elle. Enfin, Marcus pouvait bien ce qu'il voulait de ses cheveux, sa petite soeur le trouverait toujours aussi beau. "T'en fais pas, ton secret sera bien gardé avec moi." lui assura-t-elle, quoi qu'il n'avait pas de raisons d'en douter. "Pas besoin de me menacer pour ça." Elle pouffait légèrement. "On a qu'à dire ce que ça relève du secret médical." Combien d'informations Norah disposaient sous ce couvert, par le biais de son métier. Un bon nombre de secrets inavoués de ses patients, de motifs d'hospitalisation indécents, de drames dans les services. La liste était longue et cela n'avait jamais quitté sa maison. Quand elle avait passé une journée très éprouvante, elle se contentait de la décrire comme tel. Elle n'entrait jamais vraiment dans les détails. Tout comme Frank ne parlait pas des interventions qu'il faisait, ni des affaires qu'il tentait d'élucider. Parmi les Leckie, le travail n'était pas non plus un sujet prévalent. Le soin suivait tranquillement son cours, la masseuse de Marcus faisant preuve d'une patience admirable face aux gestes incessants de son client. Les deux employées s'éloignèrent un instant pour chercher ce dont elles avaient besoin pour la suite. La belle brune profita de ce laps de temps pour confier à son grand frère. "Un ancien collègue de Frank a trouvé une lettre en déménageant le vestiaire. Elle m'était adressée." Le ton de Norah était évasif. Elle était pour l'heure la seule à l'avoir lue, à savoir précisément son contenu, le message qu'il tenait à lui faire passer. Elle était plus chamboulée qu'elle ne le laissait entrevoir. Mais son visage devint impassible dès que les masseuses refirent leur apparition, le sourire aux lèvres. "J'ai le droit de savoir quelle est la prochaine étape de cette journée ?" demanda-t-elle après quelques minutes où elle était restée silencieuse, à profiter simplement des soins prodiguées, qui eux, touchaient à leur fin. "Ou est-ce que le tout ne sera qu'une suite de surprises ?" Une fois debout, elle réarrangea ses cheveux. "Si le programme n'est pas trop serrée, j'aimerais juste aller acheter des vermicelles en sucre. Les enfants ont vu une photo de confetti cake et j'ai bien compris que je devais m'y essayer." Et Norah prenait toujours beaucoup de plaisir à pâtisser pour les autres, à expérimenter des recettes qu'elle n'avait jamais faites, peaufiner l'aspect visuel de chacun de ses délices. "Et la réponse est oui, tu pourras en avoir une part. Même deux, si tu es sage." le taquinait-elle.
|
| | | | (#)Jeu 18 Fév 2021 - 11:04 | |
|
Le teasing de Norah était bien peu pour piquer sa curiosité, trop habitué aux grandes envolées pleines d’hyperboles des dramas queens de son service pour qui tout était affaire de secrets, de messes basses et de scandales -les marketeux, je vous jure. Il attendrait patiemment que sa jeune sœur se décide à lui confier la fameuse information qu’elle gardait jalousement et que leurs esthéticiennes n’avaient aucun droit d’en obtenir même une bribe. De toute manière, lorsqu’il s’accordait un moment de détente ainsi, Marcus devenait absolument imperturbable -probablement plus qu’il ne l’était déjà. Il pouvait évoquer les sujets les plus contrariants sans un sursaut d’émotion ; non, vraiment, ce serait gâcher les effets des massages et des crèmes que de froncer les traits de son visage. Si ses mains ne connaissaient aucun repos, son faciès, en revanche, devenait aussi mou que de la guimauve. “A Paris ? reprenait-il de l’interrogation de sa cadette à propos des voyages de Saül. Seigneur Dieu, non. Une fashion week par an me suffit amplement à faire le plein de rats et de senteurs d'égouts à hanter mes narines pendant des mois.” Mac appréciait l’euphorie ambiante de New-York, l'extravagance de Londres, la grâce de Milan, mais de Paris, il n’aimait ni la ville ni les habitants. Chaque année, il prétendait que sa venue serait la dernière. Chaque année, il y retournait malgré tout -et rouspétait pendant tout le vol de retour. Il n’y avait rien à comprendre.
La coquetterie du brun n’était plus à prouver et les pseudo-menaces qu’il formulait à l’encontre de Norah à propos de ces cheveux blancs -qui étaient un complexe probablement plus grand qu’il ne voulait l’admettre- en témoignaient. Il savait que Caelan sauterait sur l’occasion de le titiller avec cette information et il ne voulait pas lui donner ce plaisir. “Tu dis ça parce que tu n’en as pas.” qu’il rétorquait. Marcus ne trouvait cela ni charmant, ni n’importe quel autre qualificatif positif. Il n’avait pas envie d’être perçu comme il ne savait quel potentiel sugar daddy avec des tempes grises et un portefeuille bien rempli. Peut-être cherchait-il à gagner du temps sur la réalisation pas si évidente que le temps lui filait entre les doigts, et qu’il était toujours un workaholic solitaire. Mais le temps n’était pas à l’introspection -le temps n’était jamais à l’introspection. “Je savais que je pouvais compter sur toi.” Il avait la parole de Norah, nul besoin de lui faire manger de la crème pour les pieds, et tout allait bien dans le meilleur des mondes ; c’était en tout cas l’effet que la suite du traitement de sa peau lui faisait.
Sur un court moment d’absence des esthéticiennes, la cadette se tourna vers lui. En quelques mots, elle lui dévoila le sujet dont elle souhaitait lui parler, et qu’aucune autre paire d’oreilles ne pouvait entendre. Les sourcils de Marcus se froncèrent -tant pis pour les rides. “Une lettre ?” Aucun détail sur le pourquoi, le comment, le contenu. Le teasing venait de monter d’un niveau et l’impassibilité du brun fut définitivement mise à l’épreuve. “Sis’, là tu piques ma curiosité.” dit-il avec un sourire intéressé, le rictus d’excitation à l’approche d’une information croustillante à souhait. Il s’en tortillait sur sa chaise. Pourquoi cette lettre n'apparaissait-elle que maintenant ? La police n’avait-elle toujours pas nettoyé le casier de Frank ? Ne l’avait-il pas mentionnée dans son testament ? Et bien sûr, pourquoi en laisser une ? Oh, il connaissait bien assez sa petite soeur pour savoir que ce mystère l’avait happée au moins autant que lui. Et il savait exactement ce dont ils avaient besoin pour accompagner ce genre de révélations : frozen yogurt. Il venait d’ajouter cette ligne à leur programme de la journée pour finir en beauté.
Comme toute bonne chose ayant une fin, le massage se termina un bon quart d’heure plus tard. A peine libérés des crèmes et des serviettes chaudes sur leurs pores purifiés et détendus à souhait, Norah demandait à connaître la suite des réjouissances et souhaitait déjà planifier celles-ci autour d’obligations et d’objectifs. Son cerveau s’était relancé bien trop rapidement au goût de Marcus qui, lui, flottait encore sur son petit nuage senteur patchoulis en sautillant vers l’accueil où il réglait la prestation. Bla bla, vermicelles, bla bla, les enfants… Si bien qu’une fois sa carte bleue retirée du lecteur, il plaqua celle-ci sur la bouche de sa soeur. “Shhhh. Tu parles bien trop pour quelqu’un qui vient d’avoir un des meilleurs soins du visage de la ville. Respire. Profite. Oublie les enfants. Et, oui, oublie aussi la pâtisserie.” Aussi délicieuse soit la cuisine de Norah, il n’était pas question qu’elle y songe parce que Jules et Aidan lui avaient très fortement suggéré d’essayer un gâteau en particulier pour leur faire plaisir. Ils pouvaient bien attendre. Elle non. Sur ce, il rangea la carte de crédit. “Cave Canem. C’est le latin pour “tais-toi et laisse faire ton grand frère”, un truc du genre.” Il n’en savait rien du tout, il s’agissait simplement des seuls mots de latin qu’il connaissait en dehors de carpe diem.
Plus loin dans la galerie marchande, Marcus entraîna Norah dans une première boutique de vêtements avec la ferme intention qu’elle s’offre -d’accord, qu’il lui offre- une pièce ou deux à ajouter à une garde robe trop rarement renouvelée à son goût. Qu’il s’agisse d’une robe, d’une paire de chaussures, l’australien est absolument convaincu du pouvoir euphorisant de la dépense et d’arpenter un centre commercial les bras remplis de sacs de toutes marques comme un parfait héritier Waldorf. “Tu vois quelque chose qui te plaît ?” lui demanda-t-il au bout de quelques minutes entre les portants. Bien entendu, lui avait déjà effectué une sélection personnelle de tout ce qui rendrait Norah plus belle qu’elle ne l’était déjà et, fier comme un coq, lui déposa celle-ci dans les bras cintre après cintre. “Tiens, tu vas me faire le plaisir de filer en cabine essayer ça, ça, ça, et ça. Tchop, tchop.”
|
| | | | (#)Sam 20 Fév 2021 - 15:19 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Le train de vie plutôt fancy que menait Marcus grâce à son boulot (et les études qu'il avait fait pour y parvenir) avait tendance à laisser sa petite soeur perplexe. Ce n'était pas un mode de vie qui l'inspirait, ni qu'elle enviait. Alors parler de fashion week ou ce genre de choses... Pas trop sa tasse de thé. Elle l'écoutait volontiers, elle restait une bonne oreille et s'y intéressait parce que c'était son frère. Mais ce n'était pas avec ses références qu'elle allait agrémenter ce genre de conversations. Et tout ce qu'elle avait appris dans ce domaine, c'était surtout grâce à son frère. Pas qu'elle n'avait aucun goût en la matière non plus (Mac s'en était assuré), mais elle ne faisait pas partie de ces femmes qui rêvaient d'un dressing plus grand que leur séjour. "Si c'est trop demandé pour ton petit nez, pourquoi tu continues d'y aller, alors ?" lui demanda-t-elle. Des défilés, il y en avait ailleurs, après tout. Dans des villes qui l'inspiraient beaucoup plus et dont il pouvait garder un bon souvenir. Mac était parfois assez précieux sur certains points, mais sa petite soeur trouvait cela à la fois amusant et rafraîchissant. Il avait bien du mal à accepter les premiers cheveux qu'il n'avait pas trop tardé à dissimuler sous une coloration. "Jaloux ?" répondait-elle à son tour, l'air attendri devant cette légère marque de vulnérabilité qu'il voulait bien lui montrer. Cependant, Norah était sincère lorsqu'elle l'avait complimenté. C'était à lui d'y croire ou non, mais jamais ne devrait-il négliger toute l'admiration qu'elle portait pour lui. Il restait le grand frère, pour toujours et à jamais. S'il tenait tant que ça à ce que le secret soit bien gardé, alors elle l'emporterait jusqu'à sa tombe. Profitant de l'absence des esthéticiennes à proximité, la belle brune se décida à donner une bride d'information sur la confidence qu'elle désirait lui faire. Elle restait volontairement succincte, relativement vague. Commencer trop dans les détails n'aurait qu'affamer Marcus encore plus qu'il ne l'était déjà avec ce qu'elle venait de lui apporter. Elle avait noté l'étincelle dans son regard, son envie de tout savoir. Elle pouvait presque même deviner les dizaines de questions qu'il se posait déjà avec le peu d'éléments qu'elle venait de lui donner. "Je sais." se contenta-t-elle de répondre d'un air presque satisfait. Il savait déjà qu'elle n'en dirait pas plus à ce sujet, pas ici. A la fin de leur massage, l'aîné des des Leckie profitait encore pleinement des bienfaits de tous ces soins alors que les neurones de sa soeur redémarrait déjà au quart de tour. Beaucoup trop rapide pour lui, qui s'évertuait rapidement à tenter de l'apaiser autant que possible. "Tu m'en demandes beaucoup, là." plaisantait-elle. Quoi que c'était assez vrai, dans le fond. Ne penser qu'à elle était encore un principe nouveau, ou du moins qu'elle n'avait plus utilisé depuis des années. Elle l'avait vite oublié. Faire un peu preuve d'égoïsme, c'était quand même le comble pour une infirmière. "Tu parles latin, toi ?" lui demanda-t-elle en arquant un sourcil perplexe. Norah n'en connaissait pas un moment, elle ne pouvait même pas vérifier s'il lui racontait des âneries et qu'il usait du peu de mots qu'il connaissait pour mettre en avant son autorité de grand frère. "Cave canem, un célèbre dicton de l'Antiquité qui t'arrange bien quand ça te chante." le taquina-t-elle en lui donnant un léger coup d'épaule, un rictus malicieux au coin de ses lèvres. Elle allait vérifier. Ils se dirigèrent ensuite dans un magasin de vêtements, où Mac ne tardait pas à faire une sélection de ce que sa soeur pourrait essayer par la suite. Il avait l'oeil. C'était en le voyant déambuler parmi les rayonnages qu'elle se rappelait combien elle était heureuse de l'avoir eu à ses côtés pour l'essayage de la robe pour son mariage. Il en avait eu la larme à l'oeil, mais il ne l'admettrait jamais. A l'instar de Marcus, Norah ne portait pas vraiment de couleurs vives. Elle restait relativement sobre. Elle n'arrivait même pas à définir son propre style vestimentaire. Mac trouverait bien un terme approprié lui. Féminine mais pas trop, pas trop sportive, pas trop simple non plus, pas vraiment romantique ou glamour, comme qui dirait. Qu'il se débrouille avec la description là, pensait-elle, amusée, alors qu'elle prit un chemisier vert foncé. Elle s'était également trouvé un débardeur et une robe au moment où Marcus s'était approché d'elle avec une sélection bien plus étoffée que la sienne. Ca ne la surprenait pas. Norah ne luttait jamais pour lui donner cette satisfaction là. Au fond, ça lui faisait plaisir à elle aussi. "J'ai trouvé ces trois trucs là." Rien qui ne saurait le surprendre, comparé à sa garde-robe habituelle. Elle récupérait les vêtements sélectionnés par son aîné. "Tout ça ?" s'exclama-t-elle en haussant les sourcils. "Je suis rhabillée pour l'année, avec tout ça." dit-elle afin de le taquiner, sachant pertinemment que Marcus allait bien plus souvent faire du shopping qu'elle. Elle se dirigeait vers les cabines d'essayage, jugeant qu'elle avait largement de quoi faire. Elle fermait le rideau derrière et se déshabilla afin d'essayer d'abord ce que Mac lui avait pris. Une fois changée, elle se montrait à lui. "Tu t'es rien trouvé, toi ?" lui demandait-elle tout en se regardant dans le miroir, à se décider si la tenue lui plaisait ou non. "Qu'est-ce que tu en dis ?" lui demanda-t-elle, même si elle déjà son propre avis sur la question. Norah s'étonnait de réaliser combien cela lui faisait déjà du bien. Un soin de visage, un renouvellement de sa garde-robe. Comme une vague de renouveau qui ne pouvait que lui être bénéfique. Un nouveau départ après son accident. Cela l'aidait à remettre certains faits en perspective, à remettre en question le train de vie infernal qu'elle s'était imposée ces dernières années. On n'avait pas encore retrouvé la Norah d'avant. Elle avait parfois quelques secondes d'absence, où elle songeait à son accident, à tout ceci. Mac avait probablement compris son cheminement, ce pourquoi il avait organisé cette journée. Il y contribuait, à sa manière. Lorsqu'elle sortait de ses pensées, elle esquissa un sourire tendre. "Qu'est-ce que je ferais sans toi ?" lui souffla-t-elle finalement avant de retourner dans la cabine d'essayage pour essayer la tenue suivante. "Et ce fut ainsi que les chevilles de Marcus Leckie explosèrent." plaisantait-ele ensuite, en laissant échapper un rire derrière le rideau. Une fois dans les autres vêtements à essayer, elle se rapprochait à nouveau de lui pour avoir son avis. “C’est pas si simple que ça, de s’accorder un temps uniquement pour soir.” admit-elle. “Pour certains, c’est juste une évidence, pour d’autres pas du tout.” Elle faisait bien évidemment partie de la deuxième catégorie. Les fois où elle aimait avoir du temps pour elle, c’était quand elle allait se défouler : courir, nager… D’ailleurs, elle avait hâte de reprendre une activité physique décente. Elle avait repris la course, mais sur des distances bien plus petites que ce dont elle était capable avant. Une vérité d’abord difficile à accepter aussi, d’avoir autant perdue en tonus en si peu de temps. Mais de là, elle s’était fixée des objectifs et parvenait à se motiver pour retrouver une forme physique qu’elle jugeait acceptable. Marcus s’était donné ce rôle de guide, réapprendre à sa petite soeur de lâcher du lest un peu. Elle savait ce qu’il faisait, elle comprenait. C’était pour ça, sans raison apparente, qu’elle le prit dans ses bras. Et pour quelqu’un qui n’était pas de nature très démonstrative, c’était faire beaucoup.
|
| | | | (#)Ven 12 Mar 2021 - 6:52 | |
|
“Pour la Place Vendôme, je suppose.” fit-il en haussant les épaules, un sourire au coin des lèvres. Les pavés beiges comme récurés à la brosse à dent mensuellement et les bâtiments Haussmanniens qui abritaient les plus grands joailliers derrière de grandes portes cochères maintenues closes au public, de rares vitrines pour faire rêver les nantis et donner un avant-goût de la beauté cachée là-derrière, accessible uniquement à l’élite sur rendez-vous. Qu’y avait-il à ne pas aimer, Place Vendôme ? L’endroit respirait le luxe et le beau, et le silence qui y régnait, quasiment religieux, en faisait une oasis au milieu de Paris. Cela l’était pour Marcus en tout cas, mais il se gardait bien de s’étaler sur la poésie de l’endroit au profit de son air éternellement plaisantin. Ses traits se détendaient sous les massages et disparaissaient sous les crèmes. Il avait apprécié chaque minute du soin et espérait que sa sœur en avait fait autant. Mais si elle avait été forcée de demeurer immobile un instant, rien ne pouvait empêcher son esprit de continuer à faire fonctionner ses rouages à grande vitesse, et cela, même son frère ne pouvait rien y faire. Difficile pour elle de décrocher de toutes les responsabilités qui reposaient sur ses épaules depuis la mort de son mari, et il suffisait de voir ses yeux lorsqu’elle avait mentionné son nom au sujet de la lettre récemment découverte pour comprendre que la perte était encore fraîche. Les années passaient mais sans mettre un nom sur le coupable, sans une personne à blâmer, ce chapitre demeurait grand ouvert dans leurs coeurs à tous. Peut-être n’auront-ils jamais le fin mot de ce qu’il s’était réellement passé ce jour-là et cette perspective avait le don de faire bouillir Marcus de l’intérieur. Norah méritait des réponses et de passer à autre chose. Et ce qu’il craignait était que la fameuse lettre ne soit qu’un moyen supplémentaire de raviver tous ces souvenirs, de s’y raccrocher encore bien fort, et de retarder le moment où il faudra accepter d’aller réellement de l’avant. La cadette n’avait pas eu besoin de perdre Frank pour ne jamais avoir été d’un naturel à prendre du temps pour elle. Elle était comme née infirmière et mère, cette vie inscrite dans son ADN. Et Mac avait toujours été présent pour pallier cela. Ce n’était pas la première fois qu’il l’embarquait dans ce genre de virée et ce ne sera pas la dernière. C’était son devoir, lorsque le monde était trop vibrant, trop bruyant, trop plein, d’apporter la bulle d’oxygène dont son entourage avait besoin pour tenir sous l’eau, qu’importe ce qui les y maintenait. Cave canem. Attention au chien. Pas grand-chose en rapport avec la traduction que Marcus livrait à sa soeur en dehors du fait que c’était lui, le gardien de la famille, celui qui aimait sans condition et qui défendait les siens, parfois contre eux-mêmes. Celui qui les forçait à mettre le nez dehors lorsque plus rien ne leur donnait envie de se lever. Celui qui faisait le pitre pour mettre un sourire sur leurs visages. Celui qui attaquerait quiconque viendrait mettre cette harmonie en péril. “Qui ne parle pas couramment latin de nos jours, franchement ?” prétendait-il, roulant des yeux comme s’il s’agissait d’une évidence tandis qu’il tapotait le code de sa carte bleue dans le lecteur de l’institut. Puis ils reprirent le cours de leur après-midi.
Mieux valait arpenter les allées des rues commerçantes du centre de Brisbane en matinée afin d’éviter le bain de foule, mais Marcus n’était pas un lève-tôt et son beauty sleep du samedi n’était pas une étape optionnelle de ses longues semaines. Les magasins étaient donc particulièrement courus ces quelques heures, mais rien de tel n’était en mesure de se mettre entre le brun et son shopping. Il avait laissé Norah quelques minutes faire le tour de la première boutique et s’était, de son côté, attelé à lui trouver quelques pièces de son œil aiguisé. Lorsqu’il revint auprès d’elle, après avoir répété “pardon” une dizaine de fois en chemin entre les portants qui les séparaient, sa soeur s’était dégoté quelques habits dont il se chargea du tri en une seconde d’un jugement implacable et non-négociable ; “Oui, bof, certainement pas.” déclarait-il tour à tour pour le chemisier, la robe puis le débardeur. Enfin, il l’arma de sa propre sélection et l’envoya en cabine d’essayage. “Mais non, seulement pour une saison.” qu’il ricanait tandis que Norah s’estimait rhabillée pour l’année. Il s’installa sur le fameux petit banc du couloir des cabines, celui qui accueillait le fessier de nombreux hommes traînés de force dans les magasins par leur compagne et qui ne levaient pas le nez de leur téléphone sauf pour assurer vaguement que oui, ma chérie, ça te va très bien, sans forcément en avoir quelque chose à faire -ce que Marcus trouvait tout particulièrement rude. Lui s'émerveillait de chaque micro-défilé consistant simplement à rabattre le rideau pour dévoiler une tenue, il s’étalait pendant des minutes entières à propos des formes, des couleurs, et il n’hésitait pas à souligner ce qui n’était pas flatteur. Et puis, hors de question de toucher à son téléphone lors d’un moment privilégié avec sa sœur. “Ce n’est pas ma journée je te rappelle, hun’.” lança-t-il à travers la séparation de la cabine à Norah qui, forcément, s’assurait à ce qu’il trouve également son bonheur sur les cintres de la boutique. Il n’avait même pas regardé le rayon pour hommes -quoi qu’il avait louché sur une énième paire de mocassins d’un ton de brun qu’il n’avait pas encore mais qui ressemblait aux yeux de n’importe qui au même modèle qu’il possédait déjà en trois exemplaires. Enfin, sa cadette se révéla, et bien sûr qu’elle était belle -elle était toujours belle-, mais elle l’était encore plus dans des vêtements que lui avait choisis spécialement pour elle, évidemment. Il s’approcha, la détailla, la fit tourner sur elle-même. “J’en dis que Frank retomberait amoureux de toi dans la seconde s’il pouvait te voir.” se contentait-il de dire, usant de bien moins de mots qu’à son habitude mais de plus significatifs. Il claqua un baiser sur l’une des joues de Norah et l’invita à essayer encore autre chose. Contrairement à ce que le dodelinement fier de sa tête laissait penser, Marcus prenait la gratitude tacite de sa soeur avec une certaine humilité ; après tout, c’était dans les yeux de sa fratrie qu’il trouvait sa propre valeur. L’avis de personne importait dans son monde, mais le leur le définissait. Sur la tenue suivante, il arrangea le col du chemisier et fit la grimace concernant la jupe -mauvaise sélection de sa part. Un jean ferait bien mieux l’affaire, quelque chose au corps -après tout elle avait des jambes à tomber par terre, Norah. Le vert soulignait son regard et relevait son teint, ou était-ce d’enfin lâcher prise l’espace d’un instant qui faisait son effet ? “Et pour eux, il y a les gens comme moi.” déclarait-il avec un sourire comme pour assurer qu’il ne voyait aucun mal dans le naturel désintéressé de sa cadette. Le monde était bien fait et lui avait donné le bon frère pour équilibrer la balance. “Oh, ok, ok…” Ce fut la surprise lorsque Norah le prit soudainement dans ses bras, mais il y répondit aussitôt en l’étreignant à son tour. Il ne demanda pas d’où lui venait ce soudain élan d’affection, car cela n’avait pas vraiment d’importance ; il n’y avait jamais besoin de raison pour les embrassades. Mais celles qu’il accordait à sa soeur étaient toujours les plus sincères. “Allons régler tout ça.” murmura-t-il en séparant d’elle en douceur avant de la soulager des habits et des cintres le temps qu’elle revête ses propres vêtements. Marcus se chargea de commencer à faire la queue en caisse.
Il embarqua Norah à la manucure et l’abandonna aux bons soins des esthéticiennes pour la pédicure ; il passait son tour, incapable de laisser qui que ce soit lui toucher les pieds sans se tortiller comme un asticot dans le fauteuil jusqu’à faire perdre patience aux pauvres demoiselles qu’il empêchait de faire leur travail. A la place, il se rendit chez le barbier, à deux ou trois boutiques de là, pour l’entretien habituel de ce fameux poil qui ne quittait jamais son visage -sans quoi il perdait dix ans d’âge et autant de crédibilité. Il retrouva sa soeur devant le coiffeur où il lui laissa le soin de décider entre un changement de tête afin de l’aider à tourner cette page de l’accident de voiture -les coupes de cheveux avaient souvent cet effet- ou un simple rabotage des pointes. A la fin du brushing, on pouvait affirmer que la brune était désormais soyeuse des pieds à la tête, pores hydratés, cheveux nourris, ongles nets et, si Marcus avait bien fait son travail, le coeur plus léger qu’à leur arrivée. Et puisque leur parcours finement planifié prenait fin tandis que l’heure du goûter pointait le bout de son nez, l’aîné l’attira vers leur destination finale ; le stand de frozen yogurt. Mac couvrit le sien de caramel, beurre de cacahuète et d’Oreos qui lui auraient valu une taquinerie de la part de Caelan à propos de sa fameuse brioche s’il avait été présent. Puis ils s’installèrent à une table en plein air. “Alors, cette lettre, dis-moi tout.” dit-il en plongeant sa cuillère dans sa glace. Il n’avait pas oublié et ne manquait pas d'intérêt pour le sujet, mais pour l’aborder, il leur fallait le bon endroit et le bon moment. Et les voilà en tête-à-tête, contentés par leur après-midi, protégés du soleil de l’été australien par l’ombre d’un arbre, avec de quoi manger les éventuels sentiments que l’évocation de Frank pourraient faire remonter en eux. On ne faisait probablement pas beaucoup mieux.
|
| | | | (#)Ven 19 Mar 2021 - 18:09 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Il n'essayait même pas de cacher le plaisir indéniable qu'il avait à la simple idée de rhabiller sa petite soeur. Elle était une fille, après tout. Mais certainement pas de celles qui avaient un besoin quasi maladif de renouveler ses tenues toutes les semaines. Il lui arrivait d'investir dans quelques vêtements quand elle se permettait une sortie en ville, mais là où elle en achetait le plus, c'était bien avec son frère aîné. Pourtant Norah aimait porter de beaux vêtements, il fut même un temps où elle prenait un peu plus soin d'elle qu'elle ne le faisait depuis quelques années. Elle savait que Mac possédait bien plus de produits cosmétiques qu'elle. Cette anecdote l'amusait plus qu'autre chose. Il était aussi bien plus sélectif qu'elle en terme de vêtement et par conséquent, elle lui laissait le loisir de faire le tri dans ce qu'elle avait sélectionné. "Pour une saison ?" lui demanda-t-elle en le regardant avec surprise. "Tu veux dire que tu veux m'accompagner pour une après-midi comme celle-ci d'ici quatre mois ?" Au plus tard. Après lui avoir confié les habits qu'il lui avait choisi, Mac traîna sa petite soeur jusqu'aux cabines d'essayage. Il se réjouissait des tenues qu'il lui avait trouvé, impatient de la voir les porter. Norah se nourrissait beaucoup de ses réactions et de ses si précieux conseils. Elle ne baignait pas vraiment dans l'univers de la mode et ne s'intéressait pas aux dernières tendances. C'était son frère qui la mettait à la page à chaque fois qu'ils se voyaient ou qu'il la regardait sous toutes les coutures durant les essayages. "Que ce soit ta journée ou pas, rien ne t'empêche de te faire aussi un peu plaisir." lui fit-elle remarquait pendant qu'elle se déshabillait dans la cabine. A peine sortie de là, Marcus l'observait de près, sous tous les angles jusqu'à donner sa validation par le plus beau des compliments. Le genre qui laissait la belle brune sans voix et particulièrement émue. Le coeur soudainement gonflé d'émotions, elle plaça sa main sur son sternum, montrant ainsi combien il venait de la toucher. Il n'avait pas besoin d'en des caisses, de théâtraliser sa gestuelle pour se faire comprendre. Il se complaisait dans son rôle de styliste auprès de sa petite soeur. Il avait été là pour tous les grands rendez-vous vestimentaires de la jeune femme. De la tenue à mettre pour son premier vrai rencard avec Frank, à celle du jour de la remise des diplômes et bien évidemment, celle du mariage. Il avait même réussi à lui trouver des ensembles qui parvenaient à la mettre en valeur durant ses deux grossesses – ce qu'elle aurait pensé impossible. Et il fallait dire que durant ces périodes, la façon de s'habiller avait bien été le cadet de ses soucis. Surpris de l'étreinte inattendue de sa petite soeur, Marcus en avait perdu ses mots; et ça, ce n'était pas une mince affaire. Cela ne l'empêchait pas à répondre à cette marque d'affection avec toute autant de sincérité. Le frère aîné mit fit à leur étreinte en murmurant délicatement. Il prit le soin de récupérer les vêtements avec lesquels Norah rentrerait chez elle, lui laissant de se changer. L'infirmière le rejoignit dans la file d'attente un sourire léger aux lèvres. Elle se laissait embarquer ensuite chez une esthéticienne pour se faire bichonner (littéralement) jusqu'au bout des doigts. Ce n'était que durant cette séance qu'elle se retrouvait sans lui, préférant prendre soin de sa propre barbe. Norah lui avait toujours qu'avec une barbe rasée de près, il rajeunissait, mais un peu trop pour le coup. Il 'avait l'air d'un ado (ou d'un très (très) jeune homme). Elle le préférait largement avec. Chez le coiffeur, Norah optait pour une frange. Le reste de ses cheveux avait garder la même longueur, relativement – les pointes étaient un peu coupées pour rafraîchir un peu ses mèches, mais rien d'exorbitant. Pour changer un peu. Elle s'en était déjà faite une il y a plusieurs années et elle se disait que c'était l'occasion de changer un peu. Et de toute façon, si elle finissait par s'en lasser plus vite que prévu, elle se disait que sa chevelure repousserait bien assez vite pour rattraper le coup. Norah désormais bichonnée de la tête aux pieds, elle rejoignit son frère à la sortie du salon de coiffeur. "T'es canon." lui dit-elle d'un sourire sincère en passant une main furtive sur sa barbe soyeuse.
Frozen yogourt en main, les Leckie s'installèrent à une table à l'extérieur, à l'ombre d'un arbre. Les lunettes de soleil sur le nez, elle écoutait Marcus revenir sur le sujet de la fameuse lettre. Il ne perdait jamais le nord, Mac. La brune avait dans un premier temps sa tête appuyée dans la paume de sa main, le coude sur la table. Ses doigts libres jouaient avec la cuillère qui lui avait été fournée avec le délice glacé. Elle restait songeuse un moment. "Elle a été trouvée en débarrassant des casiers d'un de leurs vestiaires. Ils voulaient réaménager la pièce, quelque chose comme ça." Elle savait que ce n'était pas les informations que Mac attendait. Seulement, même si elle avait déjà lu et relu l'écriture de Frank un bon nombre et qu'elle ne l'avait égoïstement montré à personne d'autre à ce jour, l'émotion était toujours particulièrement vive. "Un collègue d'Anwar lui a confié la lettre, et il me l'a donné il y a peu, préférant que je sois remise de l'accident pour être dans de meilleures... conditions pour la lire." Et au fond, il n'avait pas eu tort. Là, les pensées de Norah se décousirent, ne sachant par quel bout commencer. Elle faisait machinalement tourner son gobelet de frozen yogurt. L'accident lui en avait jeté un sacré coup. Pas qu'elle avait totalement perdu confiance en elle, pas qu'elle était tétanisée à l'idée d'entrer dans une voiture (sinon Marcus n'aurait jamais pu la faire entrer dans la sienne). Si l'on faisait un bilan global de l'impact de son accident sur son état mental, il était majoritairement bénéfique. Un électrochoc, certes un peu trop violent, qui lui avait permis de refaire le tri dans sa vie, de savoir prioriser ce qu'il y avait de plus important. Mais il y avait tout de même une résultante négative. De petites angoisses qu'elle n'avait pas avant, des images traumatiques qui lui revenaient parfois en mémoire. "C'était une lettre qui m'était destinée si jamais il venait à mourir au boulot." Ses paroles semblaient être crues, sèches, détachées. Pourtant, l'émotion restait vive. Elle plaçait finalement ses lunettes sur son cuir chevelu, afin de se frotter un oeil. "C'était pas un sujet qu'on abordait. Pas qu'on n'y pensait pas, on est plutôt pragmatiques à ce sujet." Ce qui doit arriver arrivera. Ils ne se prétendaient pas invincibles, ni au dessus des autres. Loin de là. "Alors de savoir qu'il avait très sérieusement pensé à cette éventualité là, au point d'anticiper les choses au cas où il partirait trop vite, je..." Les lèvres plus que pincées, elle haussait les épaules d'un air abattu avant de retenir de discrètes larmes au bord de ses paupières. "... C'est que de l'amour, dans cette lettre, je t'assure." se sentit-elle obligée de préciser. "C'est l'une des plus belles preuves d'amour qu'il ait pu me faire." Lui-même s'était résolu à désirer qu'elle refasse sa vie le jour où il ne serait plus là. Il savait qu'elle resterait coincée des années dans la situation dans laquelle elle se trouvait présentement. "Mais je... Une toute petite partie de moi se sent terriblement coupable de ne pas y avoir songé, du coup." Norah vivait au jour le jour. Bien sûr qu'ils faisaient des économies pour promettre de beaux jours à leurs enfants et rendre réel les projets qu'ils avaient ensemble. Mais ils ne rendaient pas leur conscience plus lourdes en s'imposant de tels sujets que la mort. Ils y étaient paradoxalement confrontés tous les deux sur leurs lieux de travails respectifs, cela aurait du donc être un sujet qui aurait été facile à aborder entre eux. Mais non. Norah refusait d'envisager de voir un jour Frank dans un lit d'hôpital suite à une maladie ou un accident tout comme lui s'assurait qu'elle ne se trouve jamais dans des zones de la ville qu'il savait à risque. Ils refusaient de s'imaginer l'un l'autre dans des situations aussi critiques. "Il m'y demande de... le laisser partir. Que je m'empêche pas de vivre sous prétexte qu'il n'est plus là." Dans les grandes lignes, c'était ça. "Pour le moment, il y a de quoi parler d'un échec plutôt cuisant." conclut-elle d'un sourire tantôt mélancolique, tantôt amusé, alors qu'elle continuait de jouer avec sa cuillère, plongée dans le frozen yogurt qu'elle n'avait même pas encore entamé.
|
| | | | (#)Mar 13 Avr 2021 - 14:23 | |
|
Il lui aurait bien précisé que dans frozen yogurt le premier mot signifiait bien que cela était meilleur froid, mais à peine Marcus eut-il lancé sa soeur sur le sujet de la fameuse lettre dont elle lui avait teasé l’existence au début de leur après-midi, elle se lança dans un récit qu’il n’osa pas interrompre. Lui n’hésitait pas à déguster sa glace, en revanche, coup de cuillère après coup de cuillère, pas moins pendu aux lèvres de Norah pour autant. Aspirateur à nourriture et confident, l’aîné Leckie n’était au niveau 1 de son multitasking -il fallait l'apercevoir au travail pour réellement prendre conscience de ses capacités tentaculaires. Son regard alternait entre sa cadette et son dessert -et le dessert de celle-ci qui finirait en soupe- l’oreille attentive aux détails de sa découverte. Malgré l’apparent détachement dont il faisait preuve vis-à-vis de cette lettre, de son contenu et des émotions que tout ceci suscitait chez Norah, Mac était bien loin d’être insensible. Elle savait parfaitement à quel point la mort de Frank l’avait affecté lui aussi, mais il gérait l’événement avec pudeur. Chez lui, les émotions les plus volatiles et superflues explosaient, et les affects profonds, eux, se murmuraient. Éventuellement le brun se retint de lever les yeux au ciel en apprenant que Anwar s’était permis d’être le juge du moment et de la manière dont sa soeur ferait l’acquisition de la missive plutôt que de la lui remettre immédiatement. Norah était forte et raisonnable, une grande personne capable de prendre ses propres décisions ; elle n’avait pas besoin d’être paternalisée de la sorte. Si elle n’avait pas jugé le moment adéquat, elle n’aurait pas ouvert la lettre. Mais le moment aurait été mal choisi pour souligner, une fois encore, l’amertume de Marcus envers le policier. Il comprit qu’il n’aurait pas droit à une retranscription précise du contenu de l’ultime note de Frank pour son épouse. Le discours ému et décousu de Norah le dissuadait de laisser aller sa curiosité et son amour des détails croustillants en la bombardant de questions. Le brun savait que ces lignes ne le regardaient pas, qu’il s’agissait d’une confession d’un amant à un autre, mais la frustration était présente. Marcus se consolait en se disant que son beau-frère avait véritablement fait preuve de prévenance en laissant cette lettre, bien qu’il eût préféré que sa sœur la reçoive plus tôt. A se demander à quelle fréquence ils faisaient le ménage dans ce poste. Aucun étonnement ne traversa l’australien lorsque Norah lui révéla que Frank souhaitait qu’elle refasse sa vie. Cela serait le vœu de toute personne bienveillante envers sa moitié. Et puis, l’inverse n’aurait pas sonné comme Frank, il ne l’aurait pas assujettie à un deuil éternel -qui le ferait ? Cependant, il semblait que Norah avait besoin de cette bénédiction d’outre-tombe de tourner la page, cela avait bien plus de valeur que tous les encouragements de son entourage à ne plus se renfermer sur elle-même et personne ne pouvait lui en tenir rigueur. “Pumpkin…” Enfin, Marcus avait lâché sa cuillère pour poser sa main sur le bras de sa soeur. Il capta son regard avec toute la compassion et la bienveillance dont il était naturellement capable et voulait, par ce contact, lui transmettre un peu de chaleur et de courage. Qu’elle sache qu’il comprenait son émotion et la partageait, même s’il ne savait que montrer mille nuances de sourires pour le traduire. “Tu ne peux pas t’en vouloir de ne pas avoir pensé à tout et de ne pas passer à autre chose aussi facilement. C’est quelque chose de terrible et de brutal qui est arrivé à un homme que tu as aimé pendant treize ans, l’homme avec qui tu as été plus de la moitié de ta vie à l’époque. Tu parles de “le laisser partir” ! Qui laisserait partir la moitié de sa vie comme ça ?” Aller de l’avant était un processus difficile. Personne ne voulait oublier, et pour autant, le passé ne pouvait pas être éternellement une justification pour l'immobilisme. L’équilibre entre chérir un souvenir, un chapitre, et écrire le suivant avec respect et sensibilité, était quelque chose que Norah seule trouverait. Marcus n’avait jamais douté qu’elle ne serait pas à jamais prisonnière du fantôme de son mari, qu’elle ne laisserait pas sa vie lui filer entre les doigts au nom de ce drame. Cette lettre devait être le coup de pouce dont elle avait besoin, et non une excuse pour retourner cinq ans en arrière. Hors de question qu’elle se blâme et s’ancre dans le sol à grands coups de culpabilité. “Même Frank en écrivant cette lettre ne pouvait pas savoir mieux que toi aujourd’hui comment gérer cette situation. Et tu t’en sors comme une cheffe, sweetie, vraiment. Moi je ne vois aucun échec.” Il serra délicatement le bras de Norah puis la lâcha. Nonchalamment, Marcus reprit sa cuillère et lui adressa un clin d’oeil. “Et même si ça doit te prendre cinq ans supplémentaires pour te lancer dans le dating-game à nouveau, tu seras toujours plus jeune que moi lorsque tu trouveras quelqu’un avec qui refaire ta vie.”
|
| | | | (#)Mar 20 Avr 2021 - 15:21 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Ce que Norah prenait pour de la faiblesse et de la vulnérabilité, elle ne le montrait qu'à ses proches. Ses frères et Anwar notamment. Elle se damnait d'avoir de tels coups de mou, bien qu'il était évident qu'elle remontait peu à peu la pente depuis qu'elle était sortie de l'hôpital. Mais elle savait qu'elle pouvait montrer cette facette là à Marcus sans que celui-ci ne cherche à s'en moquer ouvertement ou à ne pas prendre au sérieux et à coeur le simple fait qu'elle acepte de se confier à lui. Il excellait dans le job de grand frère. Norah savait qu'il était terriblement curieux de connaître les mots qu'avaient placé son beau-frère dans cette lettre. Elle savait également qu'il respecterait le fait que pour le moment, elle préférait garder cette dernière trace de lui égoïstement, comme le bien le plus précieux qu'elle pouvait avoir en sa possession. Sa main bienveillante se déposa alors sur l'avant-bras de sa petite soeur, l'interpellant par un surnom qu'il avait toujours utilisé. Tout ça à cause d'un déguisement de citrouille qu'elle avait eu le droit de porter alors qu'elle n'était encore qu'un bambin qui venait à peine de savoir comment marcher. Depuis, il n'y avait pas eu un jour Marcus ne l'avait pas appelé ainsi. Il s'agissait avant tout d'une marque d'affection. Son regard ému se leva en sa direction. Jamais ne l'avait-il jugé sur la façon dont elle gérait son deuil, ni du temps que celui prenait à se faire. "Je le laisserai pas partir de cette façon-là." lui assura-t-elle, avec un sourire plus serein qu'il ne l'avait jamais été. Jamais n'oublierait-elle toutes ces années passées à ses côtés. Elle n'avait aucun regret. Même pour les tensions qu'il y avait pu avoir entre eux deux. "Pas juste comme ça." précisa-t-elle en faisant un claquement de doigt. "J'entendais par là qu'il faudrait peut-être que je m'accroche un petit peu moins à lui. Je compte pas l'oublier pour autant. Je pense même pas que ce soit possible." Il venait de le dire lui-même : comment oublier tout ce temps passé aux côtés d'un homme qu'elle aimait éperdument. "Je le voyais, Mac." confia-t-elle ensuite plus bas, après quelques secondes silencieuses. "Il y avait des jours où je jurai voir son ombre, sa silhouette. Des matins où je me réveillais, persuadée qu'il était toujours vivant et qu'il n'était simplement pas rentré du travail. Il me fallait à chaque fois quelques secondes pour réaliser que... Non, il ne reviendrait pas." Et c'était à chaque fois un instant terrible à traverser, lorsqu'elle devait réaliser une nouvelle fois qu'il n'était plus là. "Je l'aimerai toujours." Et ça, c'était une certitude. Ses sentiments pour lui se faneront probablement jamais. "S'il te plaît, ne me fais pas interner maintenant que tu sais ça." dit-elle ensuite sur le ton un peu plus plaisantin. "C'est en partie à cause de ça que j'ai décidé de déménager. Parce que j'espérais moins le voir." Une façon un peu plus concrète et matérielle pour faire mine d'avancer. Même si depuis, la force mentale de Norah n'avait fait que déclliner. Elle se reconstruisait, peu à peu. La brune vint à se demander si son frère aîné n'avait pas une petite tendance à l'idéaliser lorsqu'elle l'entendait dire qu'il trouvait qu'elle gérait très bien son quotidien. Ceci étant dit, elle ne doutait néanmoins pas de la sincérité de ses mots. "Tu trouves ?" Tout n'avait pas été rose. L'année 2020 était synonyme de chute libre pour elle. Elle se dégradait de jour en jour et la fin de l'année était marquée au fer rouge par un grave accident de voiture et une rééducation qui avait pris du temps. "L'année dernière n'a pas été très rose non plus. Je parlerai pas d'échec, mais on peut pas parler de franc succès non plus." lui rappelait-elle. Oui, c'est vrai, l'accident, elle n'y pouvait rien. Seulement elle était assez contrariée contre elle-même d'avoir faibli à ce point. Pour elle, c'était un échec particulièrement cuisant. Marcus lui ne désespérait pas. A ses yeux, il n'était pas trop tard pour qu'elle refasse sa vie. Il parvenait à la faire sourire, et même rire. "Seul l'avenir nous le dira." dit-elle en dégustant enfin une bouchée de son frozen yogurt. "Mais disons que la possibilité de rencontrer quelqu'un me semble un peu moins inconcevable que ça ne l'était il y a quelques mois." reconnut-elle d'un ton songeur. "Et s'il y a quelqu'un, il faudra qu'il franchisse toutes les étapes, dont celle de rencontrer les frangins." Norah ne comptait que des hommes dans sa fratrie, ça pouvait être dissuasif. "Même Frank n'avait pas été totalement serein à votre première rencontre. Je m'en souviens." s'amusait-elle à lui préciser. Surtout que Mac avait une certaine prestance. Il pouvait impressionner (ou alors il prenait un malin plaisir à paraître impressionnant). "Mais ça doit faire partie de ton job de faire un peu peur, non ?" Elle fit un de ces clins d'oeil qu'elle n'arrivait toujours pas à faire puis prit à son tour l'une de ses mains afin d'avoir toute son attention. "Merci, Mac." lui souffla-t-elle. D'être là, d'être lui, de ne pas la juger pour sa façon de gérer les événements et son quotidien. Il comprendrait, il saurait. Elle serrait un peu plus ses doigts. Qu'est-ce qu'elle pouvait l'adorer. "T'as toujours personne en vue, toi ?" Comme ils parlaient de rencards, autant voir où ça en était du côté du frère aîné. Pas de relations sérieuses à noter jusque là, cependant Norah ne perdait pas espoir. Elle voyait Marcus comme un oiseau rare et bien difficile à attraper. Il fallait savoir le cerner, contourner la façade pour voir ce qu'il y avait derrière. Et pour ça, il fallait être persévérant et déterminé. Très déterminé. Comme Frank avait su l'être avec Norah car elle était de celle qu'il fallait également la comprendre. Il fallait savoir lui faire front, ne pas se vexer au moindre de ses commentaires et ne pas interpréter son impassibilité pour de l'indifférence. L'inspecteur avait su saisir toutes les subtilités. Il fallait dire que lui n'avait pas été non plus des plus expressifs. "Ou est-ce que tu continues de te contenter de l'éphémère ?" Norah ne l'avait jamais pressé pour quoi que ce soit. Chacun de ses frères vivait leur vie comme elle l'entendait, elle ne mettrait des barrières que lorsqu'elle les verrait prendre une pente glissante. Concernant Caelan, il avait glissé bien avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit et il le lui avait caché pendant longtemps. Mais là, ils n'allaient pas parlé de Caelan; c'était un sujet qui allait énerver Mac au plus haut point. Norah continuait de déguster son frozen yogurt (plus si frozen que ça, vu le temps qu'elle prenait pour le manger).
|
| | | | (#)Lun 10 Mai 2021 - 15:41 | |
|
Norah et ses histoires de fantômes. Mac ne pourrait pas prétendre être surpris d’entendre sa soeur se prêter à l’exercice de la superstition une fois de plus, même s’il découvrait les prétendues visions de Frank des années après que celles-ci l’aient hantée. Pour lui, rien de surnaturel dans l’équation ; il manquait à Norah et le deuil avait un effet différent et étrange propre à chacun. Il mettait les apparitions de la silhouette sur le compte de souvenirs, d’un déjà-vu, et le reste sur une routine émotionnelle réconfortante dont elle avait été forcée de se sevrer soudainement. Peut-être que le brun manquait de romantisme ou d’imagination, peut-être avait-il peur de tout ce qui découlait de l’hypothèse que certaines âmes continuaient de fouler la terre ou de visiter les vivants ; il était cartésien, et intérieurement il qualifiait tout ceci de ramassis de bêtises pour enfants bonnes seulement pour les feux de camp. Néanmoins, il n’avait jamais arraché sa soeur à ses rêveries. Lorsqu’elle était plus jeune, il avait espéré que la raison l’emporterait sur sa fascination pour les esprits. Maintenant, il était résigné, et le cas de Norah était tout bonnement désespéré. “J’avais pas besoin de ces détails pour savoir que t’es folle à lier, rétorquait-il sarcastiquement. T’as épousé un flic en premier lieu, faut pas avoir toute sa tête pour ça.” Les journées de travail sans vraiment compter les heures, les shifts changeants, le danger permanent, tous les risques. Norah avait eu conscience de tout ceci dès le départ sans se voiler la face. Perdre son mari pendant qu’il faisait son devoir avait toujours été une hypothèse. Mac, lui, n’y avait jamais vraiment pensé, pas comme eux. Foncièrement optimiste, il avait naïvement pensé que le malheur n’arrivait qu’aux autres, et c’était sans doute l’une des raisons pour lesquelles le décès de son beau-frère l’avait autant percuté. Le retour à la réalité était d’une violence inouïe. Impossible de comparer son propre deuil à celui de sa soeur après ces événements, mais le chapitre n’était pas tout à fait clos pour l’australien et la faute reposait entièrement sur Anwar. Qu’importe à quel point celui-ci essayait, il ne remplirait jamais la moindre partie du vide que Frank avait laissé derrière lui. S’il était tenté de s’engouffrer dans la brèche que Norah confessait ouvrir dans sa vie, la possibilité de rencontrer quelqu’un, Mac ferait barrage. Il n’avait aucune honte à abuser de son pouvoir d’approbation de tout prétendant de Norah, plus encore maintenant que son coeur avait été fragilisé. “Moi ? Intimider Frank ?” Retour vers le passé, le Leckie lâcha un rire. Il se souvenait de sa rencontre avec son futur beau-frère comme de la veille et il n’avait pas souvenir que celui-ci lui ait donné l’impression d’être particulièrement nerveux. Marcus et son mètre soixante-dix n’avaient décemment pas pu impressionner le grand gaillard. “Je veux dire, oui, c’est vrai, j’ai l’air tout droit descendu de l’Olympe et offert aux hommes par Zeus en personne, renchérissait-il ironiquement en passant une main dans ses cheveux, mais même ça, ça ne fait pas le poids contre un gars qui ressemble au rouquin sexy de Homeland.” Certes, la série n’était pas diffusée à l’époque de leur rencontre, mais dès que le show débarqua sur le petit écran, Mac s’était empressé de harceler Frank de textos à ce sujet. Bizarrement, il avait arrêté de suivre après la première saison. “Et je ne dis pas que c’était son ticket pour entrer dans la famille, mais je le nierais pas devant un tribunal.” il ajouta en jouant avec sa cuillère en plastique. Malgré son débit de paroles, son frozen yogurt disparaissait à très bon rythme. Bien que naturellement inquiet des péripéties qui pouvaient atteindre sa soeur si celle-ci se lançait de nouveau dans le dating-game, le brun se réjouissait de la nouvelle ; cela signifiait qu’elle se portait bien, qu’elle allait mieux et qu’elle se sentait capable d’aller de l’avant désormais. Il lui souhaitait de trouver quelqu’un qui soit à la hauteur pour Julie et Aidan également, et cela demandait une sacré paire d’épaules. Des épaules sexy, de préférence. Et s’il avait cru y échapper, Norah rappliquait ; le fameux “et toi ?” tant redouté des conversations autour des histoires de coeur. Marcus demeurait verrouillé face à la perspective de toute relation sérieuse ; loin d’y être imperméable, il avait été naïf et blessé plus de fois qu’il n’avait eu l’illusion d’un bonheur durable et le jeu n’en valait pas la chandelle. Il ne voulait pas se justifier de ses longues journées de travail ou aménager son planning pour faire de la place à quelqu’un qui finirait éternellement insatisfait de ses efforts. Il ne voulait pas se battre dans le choix de musique dans sa voiture ou son appartement, négocier le contenu du dîner, se forcer à sortir pour chasser la routine et autres compromis impliqués par la vie de couple. Il se sentait comme un grand puzzle dont il manquait une pièce à la forme bien spécifique ; il ne pouvait rien changer aux angles et aux arrondis de l’espace qui restait à combler, et la pièce semblait introuvable, mais Mac demeurait aussi complet qu’on puisse l’être malgré tout. Ce n’était qu’une pièce de rien du tout, pas de quoi gâcher le paysage. “C’est une très jolie manière de qualifier les booty calls, mais tu peux appeler un chat un chat tu sais.” fit-il face à la pudeur que mettait sa soeur dans ses questions à ce sujet. Lui n’avait honte de rien quant à sa manière de combler ses envies ponctuellement. L’éphémère, comme elle disait. “Non, rien en vue…Pas vraiment.” Il était bien trop tôt pour mentionner Zach et le fait que celui-ci soit un collègue de Norah ne l’incitait pas plus à se confier à ce sujet, bien au contraire. Hors de question de mettre sa soeur en porte-à-faux sur son propre lieu de travail. Hors de question qu’elle mette son nez dans tout cela non plus. Ce n’étaient que quelques appels, des textos, rien de plus. Et les papillons dans le ventre finiraient par disparaître lorsque Mac perdrait son intérêt tout naturellement. “Je ne peux pas laisser ce genre de distractions me détourner de mon grand projet d’acheter un manoir et de le remplir de fuck-boys pour devenir the gay Hugh Hefner, tu vois.” Le voilà qui dressait ses défenses d’humour tout autour de lui, comme à chaque fois. Le sourire léger, le regard pétillant, la cuillère mordillée entre ses dents.
|
| | | | (#)Dim 13 Juin 2021 - 18:13 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
Norah pouffa de rire lorsqu'elle l'entendait dire qu'il la pensait folle à lier. Marier un flic. Certains feraient les grands yeux, pour différentes raisons. Les réactions étaient diverses et variées, pas toujours très positives. Mais Norah s'en fichait bien. "Et pourtant ça ne t'a pas dissuadé pour m'arrêter." rétorquait-elle avec un sourire en coin. La brune savait que son frère aînait adorait Frank. Sa perte avait été un grand chose pour lui aussi, il l'avait juste bien mieux caché que les autres. Il le cachait encore. Norah savait qu'il vivait particulièrement mal le fait qu'Anwar n'avait toujours pas mis la main sur la personne qui avait tué Frank. "C'était pour remplir le stéréotype de l'infirmière qui épouse le policier. Plus basique que ça, tu meurs." répondait-elle avec amusement. "Ca t'a pas empêché d'avoir la larme à l'oeil le jour de mon mariage, cela dit." fit-elle remarquer, supposant qu'il allait probablement prétendre qu'il avait une poussière dans l'oeil, ou autre supercherie du genre. Derrière ses plaisanteries, Mac devait tout de même avoir un peu d'inquiétude à ce sujet. Ils avaient tous les deux des plannings indécents et pourtant, ils avaient réussi le miracle que d'avoir une vie de famille. Oui, il y avait des tensions, à ce sujet principalement. Mais les Linley menaient la barque avec une adresse déconcertante. Norah n'avait pas la prétention de dire qu'elle excellait dans tout ce qu'elle faisait. Elle avait de l'assurance, indéniablement, mais jamais ne dirait-elle que ses méthodes étaient parfaites. Elle s'adaptait, elle faisait ce qui lui semblait être juste et en accord avec ses principes. "T'as pas idée." lui fit-elle remarquer lorsqu'ils remémoraient ensemble Frank qui rencontrait pour la première fois la fratrie de la famille. Norah riait à la remarque de Marcus, qui, bien qu'il avait parfaitement conscience de toutes ses qualités, ne pensait pas valoir autant que son beau-frère. C'était dire combien il l'adorait. "Débarquer dans une famille aussi soudée que la nôtre alors que la sienne était en morceau et repartir d'un bon pied, oui, il était vraiment flippé. Et non seulement il allait devoir rencontrer les parents, mais aussi trois frères. Avoue que ça en impose. Il était juste extrêmement doué pour cacher ses émotions." lui assurait-elle. "Même s'il faisait quasiment dix centimètres de plus que toi." lui dit-elle afin de le taquiner. "Et il est bien plus sexy que le mec de Homeland. Cela va sans dire." Norah n'était absolument pas objective sur ce sujet et s'en fichait royalement. Elle notait que ça devait être probablement l'une des premières fois où elle parvenait à parler de l'amour de sa vie avec sourire et légèreté. Que parler de souvenirs si chers lui mettait du baume coeur. Que cette fois-ci, non, ça ne la peinait pas. "En dehors de son charisme, c'était quoi le qui t'a convaincu, chez lui ?" Ce qui l'avait empêche de le mettre à la porte dès le premier échange. Norah était curieuse de le savoir. Elle continuait de manger son frozen yogurt, bien moins entamé que celui de son frangin. Il restait bien silencieux devant une Norah qui se confiait et dont les aveux en disaient long sur son état d'esprit. Mais assez parlé d'elle, la brune tournait la conversation vers Mac. "Oh je sais pas, j'essayais juste d'être un peu plus délicate et poétique que d'habitude." plaisantait-elle. D'être un petit moins directe qu'à l'usure. Car Norah n'avait jamais vraiment mâché ses mots. Elle disait ce qu'elle pensait, mais n'était pas sans filtre non plus. "Mais si tu veux vraiment, je réajuste ma question : ça te convient toujours autant, tes plans cul ?" Toujours rien de sérieux à l'horizon, ou du moins, pas grand monde que Marcus pensait être suffisamment digne pour le présenter à Norah. Elle ne le poussait pas à quoi que ce soit, elle l'avait toujours accepté dans son entièreté. Tant qu'il était heureux, elle l'était pour lui également et cela était le cas pour chacun de ses frères. "Comment ça, pas vraiment ?" Ca changeait du non radical habituel. C'était subtil, mais c'était là. Suffisamment pour que ça l'interpelle et qu'elle rebondisse dessus. Comme par hasard, Marcus retombait dans ce qu'il préférait faire afin d'ériger de nouvelles barrières entre son côté sensible et le reste du monde. "Charmant." commentait-elle avant d'avaler une nouvelle cuillerée de son yogurt. "Au moins avec ça, t'aurais même plus le temps de t'ennuyer." Marcus était fier de ses plaisanteries, il s'en amusait tout seul, mais savait également que Norah était bon public. Elle le suivait facilement, connaissant très bien les limites entre la plaisanterie et la réalité. "Si bien que tu n'auras sûrement même plus le temps de profiter de ta frangine et de ses enfants." Autant aller jusqu'à l'exagération, n'est-ce pas ? "Et donc, de facto, plus de pâtisseries pour ta nièce, ton neveu, et tes deux frères. C'est bête." dit-elle l'air de rien, en haussant les épaules. Son scénario frôlait l'absurdité, tant cela lui semblait inconcevable. Ca l'amusait. Mais après deuxième réflexion, elle espérait que cela n'arrive jamais – pas qu'il se construise un manoir glauque avec des dizaines d'hommes plus séduisants les uns que les autres pour faire des galipettes, mais plutôt de le voir s'éloigner de sa famille. Après tout, elle pensait son lien avec Caelan indéfectible et pourtant quelque chose s'était brisé après son année d'absence et ses aveux tardifs. L'affection qu'elle avait pour lui ne changeait pas, mais ce n'était plus pareil. Et c'était également le cas pour toute la fratrie Leckie : la dynamique n'allait plus jamais être la même. A se demander comment allaient se passer les prochaines réunions de famille. Ca promettait. "D'autres projets en vue que ce manoir prometteur ?" lui demandait-elle l'air véritablement intéressé. A moins que le quotidien qu'il avait lui convenait parfaitement et qu'il ne le changerait pour rien au monde. Norah ne serait pas surprise, cela dit. Marcus gérait très bien sa vie mais il devait beaucoup aimé le confort de vie qu'il avait obtenue. "En dehors de refaire la garde-robe de ta petite soeur." Il s'agissait là d'une activité dont il ne se lasserait probablement jamais. Que si elle lui disait qu'elle serait opérationnelle pour faire plus régulièrement des journées de ce genre, il se jetterait sur la moindre opportunité pour ajouter un peu de rose poudré dans le panel de couleurs qu'elle avait déjà dans son armoire. "Je pense partir en vacances avec les enfants cette année." finit-elle par lui dire. "J'ai pas trop décidé de quand, ni de la destination, mais voir un peu de pays ne que faire du bien." Tant que ça restait dans son budget. Mais Norah pensait pouvoir leur offrir quelque chose de très correct et qui leur plairait. Ils adoraient passer le plus clair de leur temps dehors. L'une pour lire, l'autre pour courir partout. Mais ils s'y retrouvaient tous, au final. "Plus tard dans l'année, ça c'est sûr. Je me sens pas encore totalement remise pour que je puisse y aller en toute sérénité." admit-elle sans que, pour une fois, ça ne lui coûte trop en fierté. C'était factuel. Elle désirait avoir la conscience tranquille durant ses vacances, et cela signifiait en partir avoir retrouvé une forme physique décente sans que cela n'éveille de quelconques douleurs. "Donc si tu as des bonnes adresses, je suis preneuse. Mais ne compte pas sur moi pour les emmener à Paris." Marcus voyageait bien plus qu'elle, après tout. "Ou même, je me disais, si tu veux nous rejoindre à un moment donné..." proposait-elle en haussant les épaules. Bien sûr qu'elle voulait avoir un moment privilégié avec la prunelle de ses yeux. Mais Norah restait Norah, et cela signifiait aussi que même la maison qu'elle louerait pour les vacances seraient ouvertes à ses proches. Elle ne dirait jamais non à quelques jours de vacances avec ses frères. Les saveurs étaient différentes que lorsqu'ils se retrouvaient en ville ou dans le domicile d'une des personnes de la fratrie, et cela leur permettait de se forger des souvenirs. Et elle était la première à connaître leur véritable valeur.
|
| | | | (#)Mer 14 Juil 2021 - 11:50 | |
|
Il y avait une douce nostalgie à mentionner Frank, comme s’ils s’étaient vus pour la dernière fois la semaine dernière -ou peut-être celle d’avant. Tant que Marcus se songeait pas à son décès, ou plutôt à son meurtre et à l’impunité de celui-ci, il appréciait tout particulièrement arpenter ces souvenirs de la même manière dont on feuillette un vieil album de famille. Car il en avait toujours fait partie, à ses yeux, probablement avant qu’il n’épouse Norah. Ils avaient la complicité, la camaraderie, la loyauté que des frères auraient entre eux. Alors cela lui donnait toujours le sourire aux lèvres, d’en parler. Remonter aussi loin que la première fois où, encore jeune homme, il avait été introduit à la fratrie, le cœur bourré d’appréhension. Il ne provenait pas du même schéma familial, Frank, et cela était bien plus intimidant que l’aîné Leckie feignant de l’inspecter avec un sourcil levé tout le long du dîner juste par plaisir de le déstabiliser. Mais il n’avait pas laissé paraître sa nervosité. Il s’était intégré rapidement. Norah semblait heureuse à ses côtés, et il était un homme bien sous toutes les coutures, répondant aux valeurs selon lesquelles Mac, Percy et Caelan avaient été élevés. Il inspirait confiance et n’avait jamais fait quoi que ce soit de suspicieux ou discutable. Leur sœur ne leur rapportait pas de dispute au sein du couple. Il y avait eu quelque chose de naturel et d’évident à ce mariage, au final. “Je sais pas. Juste, vous deux ensemble, répondit le brun aux qualités qu’il trouvait à son beau-frère à l’époque. Vous étiez bien assortis et j’ai tout de suite pensé à quel point vous alliez me mettre en valeur sur les photos de mariage.” La barrière de la plaisanterie levée, il était évident que Marcus tentait de désamorcer l’émotion du sujet. Il ne tenait pas à honorer la foule du centre commercial de gros sanglots entre deux cuillerées de son frozen yogurt. Ce n’était pas pour rien qu’il n’existait pas de remake de Bridget Jones avec un homme blanc d’une quarantaine d’années dans le rôle titre. Personne ne voulait voir ça.
La vie sentimentale de Norah n’était pas plus palpitante que celle de Marcus, pourtant c’était toujours de la sienne dont on s’inquiétait le plus systématiquement. Visiblement, être veuve était le joker ultime pour que l’on vous foute la paix à ce propos. Lui ne comprenait pas l’inquiétude ambiante autour de son CDI : célibat à durée indéterminée. Il n’avait pas le temps ni l’envie de s’investir dans une relation sérieuse et cela était bien mieux pour tout le monde qu’il ne fasse pas perdre de précieuses années de vie à qui que ce soit capable de dénicher plus disponible et palpitant que lui. La notion de couple était devenue comme une injonction sociétale l’écœurant du concept même au fil du temps ; plus il en entendait parler, plus il ressentait un rejet à ce sujet. Et l’insistance de Norah à propos du très vague sous-entendu selon lequel il y aurait hypothétiquement une piste de ce côté le fit grimacer instantanément. “Commence pas, implorait-il, la tête sur le côté d’un air las. Si c’était quoi que ce soit de notable, tu sais que je t’en parlerais.” Cependant, le fait que Marcus sorte la tête de son auto-sabotage sentimental permanent assez longtemps pour qu’il en arrive à la conclusion qu’il serait temps de se confier à sa petite soeur était moins garanti que la construction d’un entrepôt Amazon sur la Lune au cours du siècle prochain. Ou qu’il ouvre bel et bien les portes de ce fameux palais de luxure dont il venait d’élaborer le plan au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche, encore une fois afin de détourner l’attention. Au moins, Norah joua le jeu. “Est-ce que tu es en train de sous-entendre que tes pâtisseries sont si bonnes qu’elles devraient me détourner d’un manoir rempli de beaux mâles ? Parce que honey tu risques d’être déçue, et de perdre l’accès illimité à la piscine que je comptais te donner.” Il la pointait du bout de sa cuillère, la bouche en coeur, se sachant bien plus expérimenté en négociations que tout le reste de ses frères et sœurs. La vie d’entreprise et sa politique impitoyable avaient cet effet là.
Outre le travail, il était clair que la vie de Marcus n’était pas la plus palpitante qui soit et il admettait lui-même volontiers. Il aimait son quotidien, ses habitudes, le calme de son appartement et quelques soirées mémorables de temps en temps. Il se laissait porter, ne forçait pas les choses, se complaisait dans ce qu’il avait acquis. Les projets n’étaient pas spécialement sa tasse de thé. Il prévoyait pas, ne courrait après rien. Pas très saumon, plutôt truite. Norah, elle, était bien plus active que lui. Après quelques années difficiles et des accidents déplorables, elle prévoyait des vacances en famille et s’était mise en quête d’une destination. Le brun réalisa qu’il n’avait pas songé à prendre le moindre congé depuis des mois. “Peut-être qu’un voyage hors du cadre du boulot me ferait pas de mal.” remarquait-il face à l’invitation de sa soeur. Car il voyait du monde, cela ne faisait aucun doute ; France, Italie, Etats-Unis, Russie, Japon, Chine, pour n’en citer que quelques-uns. Toujours en business class. Toujours pour travailler sur place. Mais il était assez probable que l’invitation de Norah finisse par passer à la trappe ; Mac ne pourrait décemment pas laisser Michael Hills hors de sa supervision sans craindre qu’à son retour l’immeuble ne soit qu’un tas de cendres. “Il y a de bonnes stations de ski du côté de Canberra et Melbourne. Maintenant que tu t’aies trouvé une passion pour les sensations fortes et les os cassés, peut-être que ça vaudrait le coup d’y aller.” Le tacle vis-à-vis de l’intention de la jeune femme de faire l’acquisition d’une moto était évident. S’il n’était pas du genre à réprimander sa cadette sur ses choix de vie, il ne pouvait pas s’empêcher de faire passer son désaccord de mille autres façons.
|
| | | | (#)Jeu 22 Juil 2021 - 13:00 | |
| I'M GOING TO A PLACE WHERE EVERYBODY'S PRETTY | |
L'aîné Leckie était loin d'être le plus romantique qui soit, mais il avait rapidement remarqué ce petit quelque chose entre Norah et Frank pour qu'il sache qu'ils étaient véritablement faits l'un pour l'autre. Elle n'avait été que peu loquace au sujet des quelques tensions dans leur couple. Pour elle, la fratrie n'avait pas besoin de le savoir et elle ne voulait pas qu'ils s'en mêlent. Mais ayant tous les deux des métiers qu'ils adoraient avec des horaires à s'en tirer les cheveux, il pouvait se passer des jours sans qu'ils ne se croisent vraiment. Lui voulait notamment qu'elle arrête de faire des nuits, Norah était agacée qu'il était régulièrement appelé sur ses jours de repos. Mais ça finissait par passer. Ils savaient se faire pardonner l''un l'autre. Le soir d'Halloween, il aurait du le passer avec sa famille. Il aurait du. Marcus conservait ses véritables émotions et ses faiblesses grâce à de nombreuses façades. Le voir faire volte-face alors que la discussion aurait pu prendre une tournure un peu plus sensible n'avait rien de surprenant, en soi. Pour lui aussi, la mort de Frank était tabou. Il en voulait à Anwar, aux forces de l'ordre, de ne toujours pas avoir résolu cette affaire qui traînait en longueur. La brune avait l'impression qu'elle était seule à ne pas avoir besoin de ça. Elle l'avait déjà dit, elle l'avait répété. Le sourire de Norah se voulut bien plus mesuré cette fois-ci. La belle brune le cherchait un petit peu après avoir eu l'impression d'entendre qu'il y avait anguille sous roche. Marcus la coupa court dans son élan. "J'en sais rien. Je serais pas non plus surprise que tu préfères le garder pour toi." lui fit-elle remarquer de son ton impassible. Et elle ne lui en n'aurait pas voulu outre mesure. Seulement dans la mesure où il n'avait jamais vraiment présenté quelqu'un qu'il voyait comme un petit ami, difficile de dire comment il se comporterait en temps et en heure. Norah se demandait s'il ne savait pas lui-même comment il serait. Chacun vivait sa vie comme il l'entendait, elle n'allait pas s'immiscer dans l'histoire des autres à moins qu'elle ne constate que ceux qu'elle aimait était en danger d'une façon ou d'une autre. "Eh bien, plus de pâtisseries pour moi, pas de piscine pour moi, alors." dit-elle d'un ton bien peu impressionné. Il voulait faire son petit commercial ? Norah négociait au quotidien avec ses patients aussi. Il osait espérer que Norah avait besoin d'un accès à sa piscine pour aller faire un plouf ? Please, Brisbane était à deux pas des côtes. "Comme ça tu pourrais aller t'enjailler avec tes mâles sans regrets." conclut-elle avec un sourire largement satisfait.
L'idée de faire un jour un voyage en famille plaisait beaucoup à Norah. Et cela rendrait également ses enfants heureux de pouvoir passer autant de temps avec leurs oncles. C'était gagnant pour tout le monde. Marcus, de part son métier, était devenu un sacré globe-trotteur. Il y avait toujours des voyages de programmé ici et là sur son agenda. Faire un séjour avec sa famille le changerait de son cadre professionnel. Le oui de l'aîné n'était pas franc. Sa phrase avait même été commencé par un peut-être. Donc rien n'était encore dit, mais il était certaine que Norah allait relancer l'idée à un moment donné ou à un autre. "Ca te changera, oui. Et le ski plairait énormément aux enfants, c'est sûr." Depuis quand était-il parti en vadrouille sans que cela ne dépende de Michael Hills, de près ou de loin ? Marcus ayant un talent certain pour faire circuler des sous-entendus dès qu'une opportunité se présentait à lui, il en profitait largement encore une fois afin de souligner sa désapprobation vis-à-vis d'un projet que sa petite soeur avait en tête depuis longtemps. "Si ça se trouve, c'est toi qui te pètera un os, ce coup-ci." Si ce fameux voyage en ski se profilait. Mais Norah se doutait qu'il n'avait utilisé cet exemple d'activité que pour souligner un point. Oui, il n'aimait pas cette idée, elle l'avait compris. Mais qu'il le rabache dès qu'il le pouvait commençait doucement à l'agacer. "Tu me feras pas changer d'avis, Mac." répondit-elle de son ton usuel. "Tu t'épuises pour rien." A se demander pourquoi il s'acharnait autant à mettre en avant sa désapprobation. Il savait qu'elle allait le faire et s'il continuait, cela finirait par avoir des répercussions sur leur relation. "Y'a tout autant d'accidents de ski, que de risque de se faire percuter en traversant la route." Norah aimait les sensations fortes mais elle n'avait jamais du genre à se mettre en danger inutilement. "Si ça se trouve, tu vas beaucoup aimer la tenue que je me suis trouvée pour. Certes, ça vaut pas une robe, mais c'est canon quand même." dit-elle d'un air largement satisfait. Norah avait tout ce dont elle avait besoin en matière d'équipement et elle se réjouissait d'avoir ses premières leçons de conduite. Elle avait beau avoir trente-six ans, elle restait au fond la petite soeur. Bien sûr, elle savait que son accident de voiture n'avait qu'accentuer l'appréhension de Marcus. "Toi, le bras dans le plâtre dans ton manoir, et moi, les os tout juste bien resoudés avec ma moto. Ca me semble pas tout mal." résumait-elle avec amusement et détachement. Mangeant (enfin) une nouvelle cuillèrée de son frozen yogurt, la jeune femme reprit avec plus de sérieux. "C'était un projet qu'on avait, avec Frank." Finalement, beaucoup de sujets de conversation revenait à lui. Il était l'amour de sa vie, après tout. "On voulait se faire un road trip. Pas en allant forcément très loin. On vous aurait confié les enfants pendant une semaine en partant en vadrouille." Norah se gardait bien de dire à son frère qu'elle aurait très probablement profiter de ce voyage à deux pour négocier un troisième enfant. Ce n'était de toute façon plus possible. Enfin, pas avec Frank en tout cas. "Et jusque là, je gardais la quasi totalité de la pension et une bonne partie de l'argent des heures supp' pour assurer l'avenir des enfants, s'ils veulent faire des études. Pour qu'ils ne manquent jamais de rien." L'infirmière s'était tant focalisé qu'elle ne s'était finalement accordée que trop peu de choses, pour son propre bien-être à elle. Heureusement qu'il y avait eu ses frères dans les parages pour rééquilibrer la balance. "Et quand je me suis écoutée, la prochaine chose que j'avais envie de faire, c'était ça." Ce n'était pas sur un coup de tête, ce n'était pas irréfléchi même si l'on pouvait aisément penser le contraire. "Et même sans lui, j'ai toujours envie de me lancer là-dedans." Norah avait conscience des risques, des tenants et des aboutissants. "Pour faire une analogie qui te parle... C'était comme si je voulais t'empêcher de t'acheter une nouvelle paire de mocassins, parce que diable celles que tu as déjà de la même couleur sont finalement un tantinet plus clairs et que du coup ça irait merveilleusement bien avec les deux pantalons que tu te serais acheté la semaine précédente." Il la cherchait, il la trouvait. [color=#009966]"Tu te l'achèterais quand même, cette paire de pompes, nan ?"(/color] Tous les prétextes étaient bons pour étoffer un dressing bien plus volumineux que sa soeur.
|
| | | | (#)Jeu 5 Aoû 2021 - 8:25 | |
|
“Des pompes risquent pas de me tuer, Norah.” qu’il voulait répondre à son analogie bancale. Mais Marcus décida de demeurer lèvres closes. Il s’épuisait pour rien, comme le disait Norah, et si rien de ce qu’il pouvait dire ou faire n’était susceptible de la faire changer d’avis, alors autant économiser sa salive et leur épargner une conversation plus houleuse. Il n’en avait pas envie, ils n’étaient pas là pour ça, et cela ferait une bien piètre conclusion à leur après-midi. Il regretta d’avoir terminé son frozen yogurt aussi vite, n’ayant plus rien pour occuper sa bouche et ses mains pendant que ses pensées étaient en ébullition. “Je ne suis pas assez neuneu pour oublier les risques sous prétexte que tu auras une jolie veste en cuir.” aurait-il aimé lui souligner, parce que sa superficialité de façade ne devait pas devenir un prétexte pour le prendre pour plus frivole qu’il ne l’était. Sa soeur ne cessait de mettre l’accent sur sa tenue comme si cela aurait la moindre importance aux yeux de l’aîné, comme on secouait un laser autour d’un chat pour le distraire. Elle ne pouvait pas décemment croire que le design de son casque ou la couleur de ses genouillères allaient le rassurer. Au contraire, que ses arguments soient aussi légers ne l’alarmaient que plus encore. Qu’elle invoque Frank, Mac pouvait le comprendre. Il pouvait saisir que l’annulation brutale de plans qu’ils avaient à deux susciterait des regrets et l’envie de les accomplir malgré tout. Il ne savait pas si Norah ne cherchait qu’à le prendre par les sentiments en avançant cela -il en doutait- mais il s’agissait là du véritable degré d’honnêteté que l’australien attendait de sa part. Elle n’avait pas besoin de le balader avec des comparaisons bon marché. Le Leckie lâcha un soupir en abandonnant sa cuillère en plastique qu’il tripotait depuis un moment. Il ne dissimulerait pas qu’il n’en pensait pas moins, mais si Norah ne souhaitait pas prendre en considération ce qu’il avait à dire, alors il ne lui ferait pas l’honneur d’abattre le mur autour de ses émotions à ce sujet. “T’es tout juste remise sur pieds. Alors laisse-moi être inquiet, je pense qu’après tout ça, c’est légitime.” Ça l'était, n’est-ce pas ? Après son beau-frère, la crise cardiaque de Saül, l’accident de Norah, comment était-il supposé s’adonner au laisser-aller quand ses proches semblaient menacer de tous s’écrouler comme des mouches ? La fragilité de l’existence lui était sans cesse rappelé ces derniers temps et voilà que sa soeur venant tout juste de frôler la mort mettait ses nerfs à l’épreuve en décidant de dompter un engin plus dangereux encore. Mais honte sur lui de faire preuve d’inquiétude, de vouloir la protéger, de tenter de la dissuader. Quelle empathie pour lui ? “Les jumeaux Leckie et les dangers de la route, ça commence à bien faire.” s’agaçait-il intérieurement. Caelan et Norah s’étaient avérés avoir un don pour faire exploser les statistiques de nombre d’accidents de la route dans une même famille -si un tel chiffre eut déjà été mesuré. Les probabilités voulaient que cela ne se reproduise plus, qu’ils avaient épuisé leur nombre d’incidents pour toute une vie, mais l’esprit de Mac n’appréhendait pas les choses dans ce sens là. Aux yeux de l’un comme de l’autre, il exagérait, le grand frère. Il en demandait trop, lui qui n’exigeait jamais rien. Il ne comprenait pas, lui qui acceptait toujours tout sans poser de questions. Il était étouffant, lui dont le soutien n’avait jamais failli et dont personne n’aurait osé se plaindre jusqu’à présent. “Parlant de mocassins, je pense que je vais retourner à la boutique de tout à l’heure, j’en avais repéré une paire. Et non, bien sûr que c’est une nuance que je n’ai pas. J’espère qu’ils auront encore ma pointure, en y pensant, sinon ça va rui-ner ma journée. Ces grands panards ne sont pas toujours faciles à chausser, tu sais.” Le flot de paroles emporte avec lui le sujet qui fâche, dont ni l’un ni l’autre ne souhaite parler plus longtemps. Marcus prenait l'initiative de faire comme si de rien n’était, il avait un don pour ça. “Termine vite, il reste quelque chose que je voudrais faire avant de te rendre à tes gosses.” Il avait une revanche à prendre au Dance Dance Revolution et ne comptait pas laisser passer l’occasion d’ajouter une victoire contre Norah à son palmarès.
|
| | | | | | | | leckie² + I'm going to a place where everybody's pretty |
|
| |