27 janvier

Je vais à ce barbecue sans vraiment en avoir envie. Plus par habitude qu’autre chose.  Un ami d’un ami m’y a invité et je veux juste oublier cette dernière semaine. Je crois même que j’aurais préféré retrouver le blackout dans lequel j’avais été plongé pendant trois jours, plutôt que de ressasser les confrontations de cette dernière semaine.

J’avance entre les gens sans réel but, en short et en t-shirt, mes pieds foulant le sable.  Tous des connaissances plus ou moins lointaines, quelques potes avec qui je fais des soirées de temps en temps, mais personne de proche. Le genre de soirée où l’on est incrustés parce que je fais partie de ceux qu’on voit un peu trop dans les bars, toujours présent, connaissance de tout le monde et de personne à la fois. Au moins ici, on ne me jugera pas, personne ne sait ce qui s’est passé ces dernières semaines. C’est là que je le vois, un peu éloigné du groupe, je le connais immédiatement pour l’avoir vu il y a quelques semaines.

« Max ? »  Il est la seule personne que je connais ici. Ma surprise est évidente sur mon visage. «  Je te croise pas pendant plus de dix ans et là je te croise deux fois en un mois. » Je ris légèrement mais il n’y a pas de réelle joie dans mon regard.

Ces paroles étaient restées ancrées dans mon esprit depuis que je l’avais vu, alors qu’il m’avait expliqué qu’à l’époque il allait au plus mal, qu’il était drogué et alcoolique là où moi je n’avais vu qu’un gamin aimant faire la fête, un peu comme moi en somme. J’avais été un peu choqué par ses paroles, mais trop bourré pour réagir, peut être aussi bien trop mal à l’aise par cette situation, me reconnaissant un peu trop aujourd’hui dans ce qu’il était en train de dire. J’étais vite parti rejoindre les gens avec qui j’étais au bar, coupant vite à cette rencontre avec ce fantôme du passé qui me renvoyait un peu trop mes erreurs actuelles.  Alors pourquoi aujourd’hui, c’est lui que je trouve dans le petit groupe de personnes ?  Comme la dernière fois il n’a pas de verre d’alcool à la main et moi j’ai une énième bière, le regard vitreux et cerné,  ça serait mentir de dire que j’ai commencé à boire à ce barbecue, non j’ai commencé à boire le matin même.


@Maxence Mayers  

La fête nationale bat son plein en ce moment et c'est pour cette raison que Maxence se retrouve au milieu d'un barbecue sur la plage avec ses amis. Tout le monde connaît l'amour très fort que porte Maxence à la nourriture, il était impossible qu'il refuse. Rien de mieux qu'un barbecue, des amis et la mer. Il profite au maximum de ce moment pour se changer les idées et éviter de penser à toutes les choses qui le perturbent en ce moment.

Un verre de coca à la main, une cigarette dans l'autre, il s'éloigne un peu de son petit groupe pour marcher dans le sable et regarder l'horizon. Il est perdu dans ces pensées, plus rien n'existe autour de lui à ce moment précis et il ne remarque même pas qu'un visage familier s'approche de lui. « Max ? » Il tourne la tête vers cette voix : Peter. Décidément, ça va devenir une habitude maintenant. «  Je te croise pas pendant plus de dix ans et là je te croise deux fois en un mois. » Il rit légèrement à ses mots, plus que d'accord avec lui. Mais depuis quelques mois, ça devient une habitude pour lui de croiser son passé par hasard. « Il faut croire que le destin veut nous réunir. » Il blague, évidemment. Mais en observant le visage de celui qui a été son ami pendant des années, il se rend compte que quelque chose à changer dans son regard.

La dernière fois, il la fuit. Quand ils se sont retrouvés et que Maxence lui expliquait qu'il était devenu clean, Peter était reparti presque aussitôt avec ses amis. Ca avait surpris le brun, il se demandait s'il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Ou si la perspective qu'il soit devenu clean le rendait tout de suite bien moins intéressant. « T'as une sale tête si je peux me permettre. » La délicatesse légendaire de Max, peu importe les situations. Mais il faut le dire, il a l'air fatigué. Son visage n'a pas l'air aussi joyeux que la dernière fois et ça attise la curiosité de Maxence. « Tu vas bien, Pete ? » Une question simple, anodine. A se demander s'il s'est trompé la dernière fois. Est-ce qu'il est aussi heureux qu'il l'a imaginé ? Il n'a jamais été doué pour les relations humaines, bien plus doué pour se préoccuper de lui-même. Mais ces dernières années, il essaye de changer et d'être plus présent pour les autres. Ca fait plus de dix ans qu'ils ne sont plus en contact, c'est peut-être culotté de vouloir être là maintenant mais mieux vaut tard que jamais.

Je me suis éloigné de la foule, incapable de réellement apprécier cette fête où je connais simplement les gens de loin, culpabilisant toujours pour ces dernières semaines. C’est là que je le vois, Maxence, que j’ai fuis lâchement la dernière fois que je l’ai vu.

« T’as une sale tête si je peux me permettre. » Je ris sans joie, buvant une gorgée de plus, décidant de m’allumer une cigarette. « Qu’est ce que tu racontes je pète la forme ? » Mais je n’ai même plus le courage d’assumer mon humour, mon regard se perdant sur l’eau, restant un instant silencieux. « Ca se voit tant que ça ? »  j’ironise,  j’aimerais que mon visage ne montre rien, mais les nuits à ne pas dormir ces derniers jours n’ont rien arrangé à mon hygiène de vie.

« Tu vas bien, Pete ? »  La question pourrait être simple. Elle pourrait être répondue avec un grand sourire et hein t’inquiètes pas tout va bien. C’est ce que j’aurais fait avec n’importe qui d’autre.  Maxence et moi n’avions jamais été proches. On avait été des amis de soirée, de ceux qui passaient les meilleurs moments ensemble mais on n’avait jamais été sobre pour les vivre. Partenaires de soirées et de conneries, mais pas de réels amis. Sinon j’aurais dû voir qu’il avait sombré bien trop bas, sinon j’aurais sans doute cherché à prendre plus de nouvelles que ça.  J’ouvre la bouche pour répondre que oui tout va bien et pourtant ma gorge se serre, les mots refusant pour la première fois d’être prononcés. « Pas vraiment. » Je tente un sourire qui se veut rassurant mais qui est plus triste qu’autre chose. « Je repense à ce que tu m’as dit la dernière fois… » Je grimace un peu parce que j’étais vraiment parti rapidement, fuyant dès qu’il avait employé les termes alcoolique et drogué. « Tu as commencé à t’en rendre compte quand, que tu avais un problème ? » Je souffle sans assumer son regard, ne sachant pas vraiment pourquoi je lui parle de ça. Il a sûrement quelque chose d’autre à faire. On ne se connait plus, il n’a aucune raison de rester discuter de ça avec moi.

Tirant sur sa cigarette, il observe Peter du coin de l'oeil, ne pouvant pas s'empêcher de remarquer son visage si tiré, marqué, fatigué. « Qu’est ce que tu racontes je pète la forme ? » Il aimerait bien le croire. Il pourrait même faire semblant en allant dans son sens mais est-ce que c'est la meilleure chose à faire ? « Ca se voit tant que ça ? » Au moins, il le voit lui-même. Ce n'est pas Maxence qui hallucine et qui voit quelque chose d'étrange là où tout est normal. « Disons qu'il faudrait que tu dormes la nuit si tu veux qu'on te croit. » Peut-être qu'il a des choses à cacher, des choses dont il n'a pas envie de parler et qui l'empêche de trouver le sommeil. Mais ses yeux trahissent sa fatigue.

Il ne peut pas s'empêcher de lui demander comment il va. Cette question qu'on pose souvent sans réellement attendre de réponse sincère. Souvent même, on s'en moque bien de le savoir. Mais pas cette fois, il est bien trop intrigué pour faire comme s'il n'avait rien vu. « Pas vraiment. » Ca a le mérite d'être honnête alors qu'il observe son sourire qui ressemble plus à un faux sourire qu'autre chose. « Je repense à ce que tu m’as dit la dernière fois… » Les sourcils froncés, il ne comprend pas tellement pourquoi il lui dit ça. Il a repensé au fait qu'il est devenu clean ? Qu'il était alcoolique et drogué ? Pourquoi ça le perturberait autant alors que ça semblait évident pour tous qu'il l'était ? « Tu as commencé à t’en rendre compte quand, que tu avais un problème ? » Tout de suite, Max détourne le regard pour fixer la mer. Il déteste parler de ça, il déteste parler de son passé. Ca lui renvoie toujours toutes ces erreurs en pleine face. « Pour être honnête, je m'en suis pas rendu compte. » C'est bien ça le problème. Il a été dans le déni pendant des années jusqu'à dépasser les limites, franchir le dernier cap. « Mais un jour, j'ai fait quelque chose d'inacceptable et on ne m'a pas laissé le choix de me soigner. » Ce qui a été la meilleure décision pour lui au final, même s'il a détesté ses parents les premiers mois. Tout en recrachant la fumée de sa cigarette, il reporte son attention sur Peter. « Pourquoi tu me demandes ça ? » Est-ce qu'il a un problème avec l'alcool ? Ou la drogue ? Les deux ? Bizarrement, Max ne peut pas s'empêcher de se dire qu'il reconnaîtrait un alcoolique s'il en voyait un. Mais peut-être bien qu'il est encore dans le déni.

« Disons qu'il faudrait que tu dormes la nuit si tu veux qu'on te croit. » Pour ça il faudrait que j’arrive à dormir. Pour ça il faudrait que j’arrête de boire. Pour ça il faudrait que j’arrête toutes ces conneries. Si je dors ce n’est pas un sommeil profond, ce sont simplement des longs moments dont je n’ai aucun souvenir, ne sachant pas ce qui s’est passé ou comment je suis arrivé à un endroit.

J’aurais pu lui mentir, prétendre que tout allait bien. Mais ça aurait été un mensonge de plus. Ca n’aurait pas changé grand-chose. Peut-être que Maxence n’aurait pas creusé, peut-être qu’il cherchait simplement à être poli, qu’il n’attendait pas de réponse. Pourtant face à lui, je me retrouve à lui répondre honnêtement, avouant que non ça ne va pas si bien que ça. Alors quitte à l’avouer, je pose une question qui me démange depuis la dernière fois que je l’ai vu.  Comment s’est-il rendu qu’il avait un problème ?  A ça, le regard du brun se détourne, quitte le sien pour fixer la mer. Je me demande s’il va me répondre, sera-t-il sincère ? L’équilibre me semble fragile, un rien pouvant me pousser à réafficher mon sourire et à faire quelques pas en arrières pour aller me perdre dans la foule.

« Pour être honnête, je m'en suis pas rendu compte. » Je grimace, parce que j’ai un peu l’impression que c’est ce qui m’arrive. Je n’arrive pas à déterminer le point de départ de cette chute, à quel moment ça a commencé à déraper ? A quel moment mes sorties sont allées trop loin ?  « Mais un jour, j'ai fait quelque chose d'inacceptable et on ne m'a pas laissé le choix de me soigner. »   Mon regard bleu se fixe sur lui, tirant sur ma cigarette. « Tu as fait quoi ? » Je demande, curieux malgré moi, cherchant peut-être à trouver quelque chose de pire que ce que j’aurais pu faire, mais je savais que ça ne changerait rien à ma culpabilité.  « Pourquoi tu me demandes ça ? » C’est à moi de laisser mon regard se détourner. Je bois une gorgée de ma bière. « On m’a pas dit qu’une fois que je buvais trop Max. » Je prononce les mots d’un ton un peu hésitant. « Ma sœur s’est faite opérée le vingt. J’étais censé être là. J’me suis réveillé trois jours plus tard dans une chambre d’hôtel. J’ai aucun souvenir des jours d’avant. »

@Maxence Mayers  

Le changement d'ambiance par rapport à la dernière fois est flagrant. Peter n'est plus dans un mood aussi festif et pourtant, il a toujours une bière à la main. Comme la moitié des personnes présentes sur cette plage. Tout le monde est prêt à faire la fête et à boire jusqu'au bout de la nuit. Mais Peter, il a juste l'air pensif. Alors quand il pose des questions sur son passé, sur son alcoolisme, il est mal à l'aise Maxence. Même des années après, ça lui donne l'impression que ça le poursuit. Il est impossible d'oublier celui qu'il a été.  « Tu as fait quoi ? » Les yeux rivés sur les vagues, il laisse un léger silence s'installer. Est-ce qu'il lui dit ? D'un côté, s'il a besoin d'un électro choque ça pourrait l'aider mais d'un autre côté, il risque aussi de le regarder différemment. « J'ai levé la main sur ma copine. » Une gifle. Une gifle qui avait tout changé, tout fait exploser. Un mal pour un bien sûrement. C'est ce qu'il essaye de se dire en tout cas. La seule chose positive de tout ça, c'est qu'il s'est enfin soigné. Mais il en aura perdu celle qu'il aimait.

« On m’a pas dit qu’une fois que je buvais trop Max. » Il relève les yeux vers lui, observant la bière dans sa main. Lui aussi on lui a dit qu'il buvait trop, des milliers de fois, mais il n'a jamais écouté. « Ma sœur s’est faite opérée le vingt. J’étais censé être là. J’me suis réveillé trois jours plus tard dans une chambre d’hôtel. J’ai aucun souvenir des jours d’avant. » Il sait pour Tessa, l'ayant vu la veille de son opération. Jamais il n'aurait pu se douter que Peter n'a pas été là dans un moment comme celui-là. Encore moins en étant dans un état comme celui-là. Pour n'avoir aucun souvenir pendant trois jours, il a dû y aller bien fort. Mais il est bien mal placé pour le juger. « J'avoue que t'as merdé sur ce coup-là mais maintenant tu dois te poser les bonnes questions. » Toutes ces questions stupides qu'on lui a posées quand il est arrivé dans ce centre de désintox. Un passage nécessaire pour qu'il comprenne son problème. « T'es capable de passer une soirée sans boire ? » Qu'il demande en l'observant, quasiment sûr de sa réponse. A moins qu'il ne soit pas honnête mais maintenant, il est évident pour Maxence qu'il a un problème avec l'alcool. Il doit juste ouvrir les yeux et faire ce qu'il faut mais ça.. C'est plus simple à dire qu'à faire.

« J’ai levé la main sur ma copine. » Je ne dis rien, me contente de poser mon regard sur lui un instant. Il n’y a pas de jugements sur mon visage. Peut-être parce que si je n’ai jamais levé la main sur une femme, j’ai été bien trop odieux avec Molly par le passé à cause de l’alcool. Je ne peux pas le juger, quand je ne vaux pas mieux que la personne qu’il était à l’époque. Lui à la différence de moi a changé, moi je n’ai fait qu’empirer. « Je comprends pas comment je m’en suis pas rendu compte… Pour moi t’allais bien. » J’hausse les épaules, conscient d’avoir été à côté de la plaque.

Je ne sais pas pourquoi je lui avoue. Lui qui ne connait plus rien de moi, qui n’a que le souvenir de ce j’ai été des années en arrière. Il ne me connait pas. Je ne le connais pas. Notre amitié est un souvenir de notre adolescence et pourtant aujourd’hui les paroles qu’il a prononcées restent présentes dans mon esprit, me poussant à la questionner et pour la première fois à tendre vers le fait que j’ai un problème. Maxence met un moment à reprendre la parole mais ses mots sont sans jugement. « J'avoue que t'as merdé sur ce coup-là mais maintenant tu dois te poser les bonnes questions. » Que sont-elles ces questions ? Est-ce que j’ai envie de me les poser ? Je n’en suis pas si sûr. « T'es capable de passer une soirée sans boire ? » A ca je grimace et pour réponse je bois une nouvelle gorgée de bière ce qui en dit long. « Oui. » Non, c’est un mensonge. Ou plutôt oui j’en ai été capable mais au prix d’avoir l’impression de broyer mon corps en morceaux. « Enfin…disons que… si je bois pas je suis…agité.. » Agité, pas bien, le corps tremblant, désespéré d’avoir un verre de plus, le front brûlant, le cœur battant bien trop vite. Cela faisait longtemps que je n’avais pas réussi à arrêter de boire pendant une longue période. J’avais réessayé juste après avoir rendu visite à Tessa à l’hôpital, pour craquer le lendemain après mon interaction avec Mia, l’absence d’alcool insupportable.

Il sait pas pourquoi il lui dit. Il ne parle que très rarement de ça, il évite de le dire aux personnes qui ne sont pas au courant. Mais à vrai dire, il a l'impression que Pete a besoin d'entendre certaines choses pour réussir à avancer. « Je comprends pas comment je m’en suis pas rendu compte… Pour moi t’allais bien. » Max soupire en tournant la tête vers lui, un léger sourire aux lèvres malgré la tristesse dans son regard. « On s'amusait à l'époque, on réfléchissait pas, tu pouvais pas le comprendre. » Personne du groupe n'aurait pu comprendre car ils se ressemblaient tous. La seule différence c'est qu'ils s'en sont sortis alors qu'il s'est enfoncé. Même si tout ça a l'air de rattraper Pete maintenant.

Quand il lui parle de l'opération de Tessa, de ce black-out de plusieurs jours, Maxence comprend tout de suite qu'il commence à bien trop plonger. Et s'en veut de ne pas avoir vu les signes la dernière fois. Dès qu'il s'est barré pendant la discussion, ça aurait dû lui mettre à la puce à l'oreille. Alors il se met à jouer au psy, comme on l'a fait pour lui à l'époque. Et à sa réponse, il lève les yeux au ciel. « Oui. » Il n'y croit pas. C'est impossible à ses yeux parce qu'il connaît cette situation par coeur, malheureusement. « Enfin…disons que… si je bois pas je suis…agité.. » Ca semble bien plus logique, normal. C'est la triste réalité de l'alcool, du manque qu'on peut ressentir quand le corps n'a pas sa dose à laquelle il a était habitué. « Au fond, tu sais déjà que c'est pas normal et que t'as un problème. » Il en a parlé de lui-même, sans même que Maxence ait eu besoin d'insister ou de poser les bonnes questions. Il en a conscience, assez rapidement et c'est positif. « Pourquoi tu bois Pete ? » Maxence, il a commencé à boire pour faire chier ses parents. Puis ensuite ça s'est enchaîné, le manque d'argent, les liens coupés avec sa famille, la vie minable. Tout était plus beau et plus simple avec l'alcool et la drogue. La vie est tellement plus simple quand on est incapable de penser et de réfléchir.

« On s'amusait à l'époque, on réfléchissait pas, tu pouvais pas le comprendre. »

Oui on s’amusait comme des gamins ne sachant pas vraiment quoi faire.  Des gamins prenant l’alcool et la drogue comme leur saint graal. Je n’avais jamais eu l’impression de boire trop même à l’époque, pourtant déjà ma consommation n’était pas normale. Mais tout le monde mettait ça sur le compte de l’adolescence. Parce que c’était normal de boire et de faire la fête, normal de profiter de sa jeunesse. Sauf évidemment lorsque cela dérapait de la sorte sans aucun contrôle.  Je n’étais plus un adolescent et je n’avais plus l’excuse de profiter de ma jeunesse. J’étais en train de sombrer purement et simplement.

Je tente de mentir lorsqu’il me demande si je suis capable de ne pas boire le temps d’une soirée. Si je suis capable de tenir sans alcool dans mon organisme. Ce n’est pas le cas.

« Au fond, tu sais déjà que c'est pas normal et que t'as un problème. » Je ne dis rien, mon regard se posant sur le sable, alors que je fume un peu trop vite cette cigarette dans l’espoir qu’elle calme mes nerfs. Mon silence parle pour moi. C’est un oui.  Si j’arrêtais le temps d’une soirée ou d’une matinée, le manque commençait sans que je ne le contrôle.  « Pourquoi tu bois Pete ? » A ca je le regarde un peu surpris. Parce qu’il est l’un des premiers à vraiment poser la question. Tout le monde partant finalement du principe qu’il passait son temps à faire la fête. « T’es le premier à vraiment poser la question. » Je souffle.  « Je sais pas… Pour m’amuser ? » Mais ça n’avait plus rien de drôle ou d’amusant… « Pour pas penser ? » A la solitude, aux pensées sombres, au reste. La question est difficile. J’ai dû mal à croiser son regard. Je ne sais pas pourquoi je me confie réellement à lui.  « Tu buvais pourquoi toi ? »

Il a l'impression de se voir plusieurs années en arrière quand il parle avec lui. Dans ces semaines où il a commencé à prendre conscience qu'il avait un problème pour pouvoir réussir à guérir ensuite. Au moins, Pete a l'air de s'en rendre compte dans ces premières vraies semaines d'alcoolisme, alors ça devrait se soigner plus rapidement. Max le pense en tout cas, même s'il est loin d'être médecin et qu'au fond, il ne peut que juger par rapport à sa propre expérience.

Mais maintenant il essaye de comprendre un peu plus le fond du problème. De mettre le doigt sur le vrai problème, comme s'il était capable de l'aider. « T’es le premier à vraiment poser la question. » Ca fait doucement rire le brun qui n'est pas étonné. Beaucoup se disent que c'est simplement pour s'amuser alors qu'il y a toujours de vraies raisons derrière une addiction. « Je sais pas… Pour m’amuser ? Pour pas penser ? » Classique. Ca n'étonne pas le brun et il se rend compte qu'ils sont sûrement beaucoup à avoir commencé comme ça. « T'as vraiment l'impression que ça t'aide ? Tu penses plus le temps d'une nuit mais après, t'es toujours aussi mal, non ? » Au final, il pose des questions dont il est déjà quasiment sûr de la réponse. Mais c'est à Pete de s'en rendre compte, de comprendre ce qui se passe pour lui. Il sait très bien comme c'est dur de réellement l'assumer et de se rendre compte qu'on ne sait plus gérer sa propre consommation. « Tu buvais pourquoi toi ? » « Au début c'était juste pour me rebeller. » Qu'il répond en haussant les épaules. Un adolescent idiot. « Après, c'était juste pour oublier. » Comme lui. C'est tellement simple quand la vie paraît douce grâce à l'alcool. « Je comprends tu sais. C'est plus simple d'oublier que d'affronter ces problèmes. Mais au final, t'es juste en train de fuir la réalité. » Parce que les problèmes ne disparaissent pas par magie. Peu importe ce qui se passe dans sa vie, les raisons qui le poussent à boire, s'il n'affronte pas ça ne pourra pas s'arranger.

Je ne sais pas si j’aurais pu penser qu’un jour on aurait cette discussion, lui que je n’avais pas vu depuis des années. Il avait suffi de deux rencontres en ce mois de janvier pour que je m’ouvre à lui. Peut-être au fond parce qu’il était un inconnu tout en étant quelqu’un que je connaissais.

« T'as vraiment l'impression que ça t'aide ? Tu penses plus le temps d'une nuit mais après, t'es toujours aussi mal, non ? » Je fuis son regard, parce que ses mots touchent juste. Je le vois à son regard qu’il connait parfait la sensation, le réveil du matin qui détruit un peu plus où la bouche et pâteuse et où les pensées trop violentes, où on ne rêve qu’un verre de plus ou de quoique ce soit d’autre pour apaiser le mal être ambiant. « Ca aide…juste ça aide de moins en moins. » Parce qu’il fallait que je boive de plus en plus et parce que mon état physique était en train de me rattraper, me mettant au plus bas. Je lui demande alors pourquoi lui buvait. Je connais bien peu Maxence je réalise, m’étant contenté des apparences qu’il montrait adolescent sans chercher beaucoup plus loin.

« Au début c'était juste pour me rebeller. » Je l’observe sans rien dire. Je n’avais jamais eu l’impression pour ma part de chercher à me rebeller, peut être tout simplement à être le centre de l’attention, à faire le pitre. « Après, c'était juste pour oublier. » Mes yeux bleus rencontrent les siens et ça je le comprends, bien que d’autres. Oublier les conneries faites, les paroles prononcées, oublier ce qu’on ressent. « Je comprends tu sais. C'est plus simple d'oublier que d'affronter ces problèmes. Mais au final, t'es juste en train de fuir la réalité. » Mais j’avais toujours été doué pour fuir. « Je suis pas sûr d’être prêt à l’affronter la réalité si déjà j’arrive pas à l’affronter avec l’alcool. » Je soupire, faisant tourner ma bouteille entre les doigts. « C’est marrant parce que j’ai toujours été au centre de toutes ces putains de soirées. Et c’est toujours là que je me sentais le plus seul. »

Maxence il ne sait pas tellement comment l'aider. La seule chose qu'il se dit, c'est qu'il est à la première étape où il réalise qu'il y a un problème. Sauf que ça lui est arrivé plusieurs fois à lui aussi, dans certaines phases, mais ça ne l'a pas empêché d'arrêter à ce moment-là. «  Ca aide…juste ça aide de moins en moins. » Il n'est pas du genre à s'inquiéter pour les autres et pourtant, à la voir, à l'écouter, il ne peut pas s'empêcher de l'être un minimum. Peut-être parce qu'il pense à Tessa et qu'il n'a pas envie qu'il lui arrive la même chose qu'entre lui et Adriel. Il transpose bien trop son histoire à la sienne sans le vouloir.

« Je suis pas sûr d’être prêt à l’affronter la réalité si déjà j’arrive pas à l’affronter avec l’alcool. » « Tu cherches des excuses. » Il n'y aucune once de méchanceté dans sa voix, il sera le dernier à pouvoir le juger. Il fait juste partie des personnes qui peuvent le mieux comprendre ce qu'il ressent. « Je suis prêt à parier que l'alcool t'emmènes plus d'emmerdes que t'en avais déjà. » C'est toujours comme ça malheureusement. Il est sûr qu'il n'y a pas qu'avec l'opération de Tessa qu'il a merdé. Il a dû se passer d'autres choses, il a dû dire ou faire des choses tout aussi insensées. « C’est marrant parce que j’ai toujours été au centre de toutes ces putains de soirées. Et c’est toujours là que je me sentais le plus seul. » Max se met à rire en finissant son verre de coca. « C'est qu'une façade les soirées Pete. » Parfois ça lui manque au brun. Toutes ces soirées où il s'éclatait, où il oubliait tout et où tout semblait absolument parfait. Parce qu'il n'y avait que lui, l'alcool, la drogue et ses soi-disant amis plus toxiques les uns que les autres. Mais quand on est au milieu de tout ça, il est quasiment impossible de s'en rendre compte. « On se donne l'impression d'être heureux, d'être les rois du monde alors qu'en réalité on est plus rien à l'intérieur. » Si ce n'est une coquille vide qui se brise de plus en plus à chaque verre d'alcool bus.

« Tu cherches des excuses. » J’en cherche par milliers et ce depuis toujours. J’aimerais que tout soit plus simple, que ça ne demande aucun effort. J’arrive depuis des années à me convaincre que le verre de trop ne fera pas de mal. Et aujourd’hui j’arrive à me convaincre qu’il est le seul qui puisse me faire avancer.

« Je suis prêt à parier que l'alcool t'emmènes plus d'emmerdes que t'en avais déjà. »  A ça je ris parce que oui c’est effectivement le cas. Si l’alcool avait eu de l’impact sur ce mois-ci en particulier et sur mes relations avec tous mes proches, si cette fois était sans doute la fois où j’avais le plus merdé. « T’as pas tort. » Je pense à toutes mes engueulades avec Molly et à la façon dont je l’ai traitée. « Mon ex..j’ai été odieux avec elle parfois. »   J’hausse les épaules, mon regard fuyant.   Je parle des soirées et de ma solitude. Il est le premier à qui je l’exprime, toute barrière oubliée, peut-être parce que j’ai l’impression qu’il me comprend bien plus que d’autres qu’il sait exactement ce que je ressens. « C'est qu'une façade les soirées Pete. » Oui mais c’est une belle façade, une façade facile à garder. « On se donne l'impression d'être heureux, d'être les rois du monde alors qu'en réalité on n’est plus rien à l'intérieur.» J’ai pas touché à ma bière de nouveau, préférant tirer sur ma cigarette. Mon regard se perd sur l’océan. « C’est pour ça que tu vois plus ton frère ? » Je lui demande lentement, conscient de toucher à un sujet sensible que je ne maîtrisais pas. Peut-être parce que j’avais terriblement peur que Tessa ne me pardonne jamais et que je savais pour bien connaître Adriel aujourd’hui que lui et Maxence ne se côtoyaient plus. Pourtant je n’en savais pas la raison. Je pouvais simplement la deviner aujourd’hui après ce dont on avait discuté.

Au fond, il se demande si ça va l'aider cette conversation. Est-ce que ça va réellement lui faire prendre conscience du problème ? Est-ce qu'il va réussir à arrêter ? Il lui a fallu des mois à Maxence, même s'il avait compris. Alors une simple discussion de remise en question, ça risque de ne pas changer grand-chose. « T’as pas tort. » Il tourne les yeux vers lui, pas très surpris par sa réponse. « Mon ex..j’ai été odieux avec elle parfois. » Il ne risque pas de le juger là-dessus vu ce qu'il lui a raconté quelques minutes plus tôt. « L'alcool ça rend con et méchant. C'est pas une excuse pour autant mais garde en tête que tu peux encore changer les choses. » Parce qu'on peut toujours changer, arranger la situation. Il en est sûr Maxence, tout du moins il l'espère réellement.

« C’est pour ça que tu vois plus ton frère ? » Le sujet sensible qui débarque, Maxence qui se raidit d'un coup et détourne de nouveau le regard. Adriel est un sujet compliqué pour lui. Il a beau faire le fier, faire comme si tout allait bien, son petit-frère lui manque horriblement. « Ouais, il m'a laissé quand il a compris qu'il ne pouvait plus rien faire pour moi. » Et il a eu raison, il lui en veut pas le brun. Il le comprend totalement même s'il aimerait que les choses s'arrangent maintenant. Il a changé, il est clean, il a réussi. Mais tout le monde refuse de le voir dans la famille alors il fait avec. « Tu.. Tu le vois ? Il va bien ? » Il ose poser la question alors qu'il a toujours fuit la moindre conversation qui le concerne. Mais Pete a l'air de le connaître mieux que lui maintenant, il est sûrement le mieux placé pour lui donner des nouvelles. « J'ai pas envie que ça t'arrives avec Tessa. Si tu tiens vraiment à elle autant que je le crois, fais ce qui faut. » Parce que c'est le plus important. Perdre un membre de sa famille pour une addiction, c'est l'un des trucs les plus stupides qui peut arriver. Il sait à quel point ils sont proches en temps normal. Il espère juste qu'il sera plus fort qu'il ne l'a été quelques années en arrière.

« L'alcool ça rend con et méchant. C'est pas une excuse pour autant mais garde en tête que tu peux encore changer les choses. » Ca me fait du bien de l’entendre de dire ça. De me dire au fond que tout n’est pas perdu. Mais pourtant avec Molly je sais que c’est trop tard, qu’on arrivera peut-être à devenir amis mais qu’on ne sera plus jamais plus que j’ai bien trop fait tout foirer pour ça. Je me demande malgré tout si j’aurais été différent si j’avais été sobre, si je ne l’aurais pas blessée autant ou si simplement j’étais trop égoïste pour pourvoir réellement l’aimer. Je pouvais me cacher derrière l’alcool autant que je voulais au fond ce n’était pas que ça.

On parle d’Adriel, je lui demande au fond si elle est là la raison de leur distance, du fossé qui les sépare aujourd’hui. Immédiatement Maxence se raidit, son regard me fuyant. « Ouais, il m'a laissé quand il a compris qu'il ne pouvait plus rien faire pour moi. » Ca me fait peur ce qu’il me dit, tout simplement parce que c’est l’exact sentiment que j’ai avec Tessa aujourd’hui. « Il est pas revenu quand tu es devenu sobre ? »

Je le vois son regard qui malgré la peine est un peu curieux. « Tu.. Tu le vois ? Il va bien ? » J’hoche la tête. « Je le vois pas souvent, mais ma sœur, elle et lui sont toujours aussi proches. Jte jure ils vont finir par se marier ces deux là. » Je roule un peu des yeux avec un sourire. « Mais oui je crois qu’il va bien. » Mon ton est plus doux alors. « J'ai pas envie que ça t'arrives avec Tessa. Si tu tiens vraiment à elle autant que je le crois, fais ce qui faut. » C’est à moi de me détourner, de boire un peu de ma bière. « Ce qu’elle m’a dit à l’hôpital Max…je pense pas qu’elle me pardonnera. »