Peut-être qu'en lui disant tout ça, il essaye aussi de se rassurer lui-même. Il tente tellement de se racheter depuis trois ans, ça finira bien par payer même si ça prend du temps. Peter n'a l'air d'en être qu'au tout début, il peut encore plus changer les choses et ne pas sombrer totalement. Mais quand il parle d'Adriel, l'ambiance est tout de suite différente. « Il est pas revenu quand tu es devenu sobre ? » Max hausse les épaules en s'allumant une nouvelle cigarette, comme si ça pouvait l'aider à mieux vivre cette conversation. « Non, comme le reste de la famille. » Il l'a bien vu à Noël, personne était là à part ces parents. « Après j'ai pas vraiment cherché à lui parler.. Je pense que j'ai peur au fond. » Est-ce qu'ils pourraient retrouver la même relation qu'avant ? Ca lui paraît impossible même s'il le voudrait. Mais peut-être aussi qu'il l'enverrait simplement chier. C'est plus facile de vivre sans savoir sa réaction face à lui.

« Je le vois pas souvent, mais ma sœur, elle et lui sont toujours aussi proches. Jte jure ils vont finir par se marier ces deux là. » Ca le fait sourire d'entendre ça. Lui qui n'était même pas au courant qu'ils avaient eu une relation il y a encore quelques mois. « Mais oui je crois qu’il va bien. » Il hoche la tête, gardant son sourire. S'il est heureux, alors il l'est aussi. C'est peut-être mieux comme ça. Max n'apporte toujours que du mal, peut-être qu'il est mieux sans lui. « Ce qu’elle m’a dit à l’hôpital Max…je pense pas qu’elle me pardonnera. » Il lève légèrement les yeux au ciel à ses mots, tournant la tête vers lui. « Elle risquait pas de t'accueillir avec le sourire, c'est normal. » Elle devait être énervée, avoir eu peur de voir qu'il n'est pas venu pendant plusieurs jours. Elle risquait pas de lui faire un câlin et le pardonner dans la seconde. « Peut-être qu'elle a été dure pour essayer de te faire réagir. » Est-ce que ça a marché ? Est-ce que c'est son déclic pour changer ?

Elle est là la grande question, est ce que malgré ses dérapages, est ce que malgré la connerie qu’il a fait, il a pu retrouver ses proches ? J’ai peur de la réponse, terriblement peur qu’il me dise que non, que c’était trop tard, qu’un fossé, qu’il n’a jamais pu réparer, a été créé entre ses parents, son frère et lui. Je regarde Maxence allumer une nouvelle cigarette, et je fais de même. « Non, comme le reste de la famille. Après j'ai pas vraiment cherché à lui parler. Je pense que j'ai peur au fond. » Mon cœur se serre parce que je me vois à sa place. Il arrive à être heureux sans ses proches ? Je sais que je serais incapable de supporter une vie sans ma famille et mes amis proches. M’imaginer sobre mais encore plus seul qu’avant me rend simplement un peu plus triste. « Il va m’arriver la même chose alors. » Je souffle, dans un aveu d’une peur bien trop grande, comme si c’était une fatalité.

On parle d’Adriel, de ce frère à qui il ne parle plus. Je lui explique pour Tessa et lui, lui dit que son frère va bien et qu’il a l’air heureux. Maxence sourit et je vois son attachement et les regrets finalement dans ses yeux. Je me décide à parler un peu plus. « Il a beaucoup voyagé, c’est comme ça qu’on s’est pas mal croisés. Je lui ai fait rencontrer quelques personnes sur des tournages sur lesquels je bossais quand il a débuté dans la photo. Il est doué ton frère. » Je parle doucement, pour ne pas brusquer avant de rester un instant silencieux repensant à ce que Tessa m’a dit à l’hôpital.

« Elle risquait pas de t'accueillir avec le sourire, c'est normal. » J’hoche la tête mon regard ancré sur le sable. « Putain Lawrence a dû me traîner de ma chambre d’hôtel de force pour y aller. Comment je peux effacer ça. » Je passe une main sur mon visage fatigué. « Peut-être qu'elle a été dure pour essayer de te faire réagir. » Je joue avec ma bouteille. « Je ne pense pas elle m’a dit que j’étais irrécupérable, que j’étais trop égoïste pour changer et que ça détruirait toutes nos vies. » Ma gorge se serre. « Je l’ai vraiment blessée j’avais promis d’être là. J’y suis même pas retourné depuis... »

« Il va m’arriver la même chose alors. » Le brun secoue la tête négativement dans la seconde. « Dis pas ça Pete, il est encore temps d'arranger tes conneries ! » Il n'a pas encore sombré au plus bas, il ne le pense pas en tout cas. C'est maintenant qu'il doit lâcher cette bière, les soirées et repartir sur le droit chemin. Avant qu'il soit trop tard pour faire demi-tour, sans même qu'il s'en rende compte. Mais Max sait qu'il ne peut pas le changer comme ça, qu'il ne peut pas le faire arrêter de boire en une soirée. Il espère juste qu'il va changer de lui-même.

Quand la conversation continue sur Adriel, il parle moins. Presque gêné, même si Pete a l'air de connaître un minimum la situation. « Il a beaucoup voyagé, c’est comme ça qu’on s’est pas mal croisés. Je lui ai fait rencontrer quelques personnes sur des tournages sur lesquels je bossais quand il a débuté dans la photo. Il est doué ton frère. » Un léger sourire aux lèvres, il tire longuement sur sa cigarette, laissant un léger silence de quelques secondes. « Quand il était au lycée, il parlait tout le temps de visiter le monde. Je suis fier de voir qu'il a suivi son rêve. » Et pas celui des parents. Il a toujours été comme lui là-dessus, c'est pour ça qu'ils s'entendaient si bien. Au moins, il doit avoir une vie heureuse, celle qu'il a toujours voulu avoir.

Maintenant, il ne veut juste pas que Pete perde sa soeur lui aussi. « Putain Lawrence a dû me traîner de ma chambre d’hôtel de force pour y aller. Comment je peux effacer ça. » Lawrence. Il a beau détester ce type au plus haut point, il est bien content qu'il ait agit de cette manière. Pour une fois qu'il est intelligent. « Tu peux pas. La seule chose que tu peux faire, c'est de ne plus jamais te retrouver dans cet état. » Ce qui signifie baisser sa consommation de l'alcool, voir même l'arrêter difficilement. Il est bien placé pour savoir comme c'est dur de ne pas boire dans cette société mais parfois ça reste la meilleure chose à faire. « Je ne pense pas elle m’a dit que j’étais irrécupérable, que j’étais trop égoïste pour changer et que ça détruirait toutes nos vies. » Il jette un coup d'oeil vers lui, se rendant bien compte comme il était mal en parlant de ça. « Je l’ai vraiment blessée j’avais promis d’être là. J’y suis même pas retourné depuis... » Il le comprend, c'est dur d'affronter le regard déçu des gens qu'on aime. « Prouve lui que tu peux changer, que tu peux devenir quelqu'un de meilleur et qu'elle peut compter sur toi. » Parce qu'il n'y a rien d'autresà faire que de chercher le pardon maintenant. Les erreurs sont faites, on ne peut pas revenir en arrière. « C'est pas en culpabilisant avec une énième bière à la main que les choses vont s'arranger. » Ce n'est pas méchant en soit, c'est juste la réalité.

« Dis pas ça Pete, il est encore temps d'arranger tes conneries ! »

Il a sûrement raison et pourtant je ne suis pas sûr d’en avoir le courage. Parce que ça implique de poser cette bière que j’ai entre les mains. Cette bière qui est si difficile à ne pas boire. Cette bière qui m’appelle souvent dès le réveil. Ça me semble plus simple de la boire. Plus simple ça que de tenter de réparer tout ce que j’ai brisé ces derniers jours. Je n’en ai pas le courage et je n’ose pas lui dire, regardant ma bière. Il essaye de m’aider Maxence mais je suis incapable de voir autre chose que cette bière.

On parle d’Adriel et c’est plus simple pour moi. Lui se referme un peu, encore blessé par tout ça. Je n’ose même pas imaginer ce que je deviendrai si ma famille refusait de m’adresser la parole. Cela me semble inconcevable. « Quand il était au lycée, il parlait tout le temps de visiter le monde. Je suis fier de voir qu'il a suivi son rêve. » Il sourit et je le vois bien à son regard que son frère lui manque. « Ca fait combien de temps que tu l’as pas vu ? » Je demande doucement. Je n’ose pas imaginer le nombre de mois ni le nombre d’années. Je me projette dans la relation qu’il a avec son frère, la transposant à celle que j’ai avec ma sœur.

« Tu peux pas. La seule chose que tu peux faire, c'est de ne plus jamais te retrouver dans cet état. » Non il a raison je ne peux rien effacer. « Prouve lui que tu peux changer, que tu peux devenir quelqu'un de meilleur et qu'elle peut compter sur toi. C'est pas en culpabilisant avec une énième bière à la main que les choses vont s'arranger. » Je ris parce qu’il a raison et pourtant malgré tout je bois une gorgée de plus. « Ca fait combien de temps que t’es sobre ? » dis-je en pointant mon doigt vers sa bouteille de coca.

A l'observer comme ça, il aurait presque envie de lui prendre sa bière des mains pour la vider sur le sable. Il aimerait réussir à trouver les bons mots pour qu'il la lâche de lui-même. Mais c'est quasiment impossible d'arrêter du jour au lendemain de cette manière. Maxence il a arrêté seulement car on l'a enfermé dans un centre de désintoxication. Si personne ne l'avait forcé à y aller, il serait sûrement dans la même merde qu'avant, il le sait.

« Ca fait combien de temps que tu l’as pas vu ? » C'est dur de parler d'Adriel. Ca lui fait repenser à tous ces vieux souvenirs où tout allait encore bien, quand ils étaient si proches. L'autre frère et l'autre soeur lui manquent moins, il n'a jamais été proche d'eux. Mais Adriel, c'est différent. « Ca va faire dix ans cette année. » Dix ans qu'il a embarqué Ava avec lui, dix ans qu'il a fait n'importe quoi, dix ans que toute sa famille a coupé les ponts avec lui. C'est si long dix ans, il n'arrive même pas à croire que ça fait déjà aussi longtemps, le temps passe trop vite.

Il observe Pete qui continue de boire sa bière malgré tout. Comme s'il était incapable de s'arrêter, incapable de comprendre qu'il continue de sombrer. « Ca fait combien de temps que t’es sobre ? » Max reporte son attention sur son coca, son fidèle allié depuis plusieurs années maintenant. « Bientôt quatre ans maintenant. » Cette année il va entamer sa quatrième année de sobriété. Et même si ça fait quatre ans, il a été plusieurs fois à deux doigts de retomber. Il y a quelques semaines d'ailleurs, il avait une bière à la main, prêt à replonger. « C'est pas tous les jours facile d'être sobre tu sais. Le mental n'est pas toujours là mais tu ne pourrais que te sentir mieux. » L'alcool ça détruit de l'intérieur, ça n'apporte réellement rien de bon. Même si Pete doit croire le contraire à l'heure actuelle.

« Ca va faire dix ans cette année. »

Dix ans et mon cœur se serre pour lui, pour son frère, pour toute leur famille. Dix ans que je n’imagine pas passer sans voir ma sœur ou mon frère. Inconsciemment je me projette dans ce qu’il a vécu, et j’imagine le pire. L’idée que Tessa ne me pardonne jamais. L’idée de devenir ce paria qu’on invitera plus aux fêtes de famille dont on ne sera plus jamais proche parce qu’il a foiré et qu’il foirera toujours. Je me dis que c’est ça qui finira par arriver si je ne fais rien, si je continue mes conneries. « Dix ans… » je répète choqué. « Pourquoi tu ne retourne pas vers lui ? » Le temps est passé, ne pourraient-ils pas se réconcilier ? Je tire sur ma cigarette, pensif. Jamais je n’aurais cru avoir cette conversation aujourd’hui et je ne sais pas si elle me fait du bien ou du mal, si elle m’aide ou si elle me donne juste la peur au ventre. Je suis perdu dans mes pensées, essayant de comprendre de ce que je ressens face à tout ça.

Je devrais poser cette bière et pourtant malgré notre conversation je ne le fais pas. Parce que je n’en ai pas le courage pas encore, pas tout de suite. Je lui demande depuis combien de temps il est sobre. « Bientôt quatre ans maintenant. C'est pas tous les jours facile d'être sobre tu sais. Le mental n'est pas toujours là mais tu ne pourrais que te sentir mieux. » Quatre ans. Quatre ans sans boire une seule goutte d’alcool et cela me semble une éternité. Quatre ans seulement et je réalise alors à quel point il a dû sombrer depuis qu’il a quitté notre petit groupe qui s’est toujours plus entraîné vers le bas que vers le haut.

Quatre ans pourtant c’est un monde inatteignable quand moi je ne tiens même pas plus que quelques heures. « Et tu es heureux maintenant ? » Sans alcool, sans tout le reste, as-t-il réglé ses problèmes ? Il me semble seul malgré tout.

Il parle jamais d'Adriel et des années qui continuent de passer sans lui. Même avec ses parents, il évite le sujet. Mais au final, ça lui fait plus du bien qu'il le croit d'enfin dire tout ça à voix haute. « Dix ans… Pourquoi tu ne retourne pas vers lui ? » Il pourrait sûrement, oui. Sa mère accepterait de lui donner son adresse et il pourrait affronter tout ça. Tenter d'enfin changer les choses. « Parce que je suis lâche Pete. » Tout simplement, la fuite a toujours été plus simple pour lui. « J'ai peur de voir son regard, de lire un mélange de déception et de colère. J'ai peur qu'il ne me pardonne jamais, de ne plus jamais être ce frère qu'il aimait tant. » Cette conversation devait aider Pete et au final, elle aide aussi à lui. Il peut dire ces peurs, ce qu'il ressent, sans avoir peur d'être jugé. Parce qu'ils se comprennent bien mieux qu'ils pourraient le croire. Plus de dix ans sans se voir et quand ils se retrouvent, ils se ressemblent toujours autant qu'à l'époque où ils étaient deux fêtards. Certaines choses ne changent pas.

Il répond à ses questions, continuant de fumer sa cigarette, se demandant si ça va l'aider. Ou est-ce qu'il va sombrer encore plus ? Il s'en voudrait s'il n'arrive pas à s'en sortir, s'il n'a pas réussi à l'aider. « Et tu es heureux maintenant ? » C'est une question simple, à laquelle il aimerait dire oui mais ce serait mentir. Il n'est ni heureux, ni malheureux. Au fond, il essaye juste de tenir en espérant que les choses changeront un jour. « Pas vraiment.. » Peut-être qu'il aurait dû mentir pour lui donner envie de changer. Mais s'il y a bien une chose qu'il ne veut plus faire au maximum Max, c'est de s'enfoncer dans ces mensonges. « Je peux pas me plaindre mais disons qu'il y a des jours mieux que d'autres. » C'est par période. Parfois il est très heureux pour des choses simples et parfois son passé le rattrape. Il n'arrivera sûrement jamais à effacer toutes ces erreurs, à passer complètement à autre chose mais au moins, il fait son maximum pour ne plus redevenir ce gros con qu'il a été.

« Parce que je suis lâche Pete. » Les mots raisonnent entre les vagues et mon regard bleu se pose sur son visage. « J'ai peur de voir son regard, de lire un mélange de déception et de colère. J'ai peur qu'il ne me pardonne jamais, de ne plus jamais être ce frère qu'il aimait tant. »

Je le comprends parce que je suis capable de me projeter dans ce qu’il me dit. Je le comprends parce qu’au fond je suis tout aussi lâche que lui. Sa peur raisonne avec la mienne et je fais tourner la bouteille entre mes doigts. « Je comprends.  J’ai peur aussi. »  Je souffle, dans un aveu. Moi qui n’ait jamais su parler, aujourd’hui réussi enfin à m’ouvrir un peu. « J’ai peur que ce soit le faux pas de trop, de pas mériter de porter leur nom. J’ai peur qu’un jour ils regrettent de m’avoir accueilli dans leur famille, j’ai peur de foirer jusqu’à la fin des temps. »

Je n’ai pas de mots pour le réconforter. Mais j’essaye malgré tout. « Mais ton frère…peut-être qu’il t’a pardonné…peut être que ça fait assez longtemps… » Avec des peut-être on pourrait refaire le monde.

J’ai envie qu’il me dise que tout va mieux depuis qu’il est sobre, que ses relations se sont arrangées, qu’il est bien plus heureux à présent et pourtant plus il parle plus je comprends que ce n’est pas le cas et je ne peux m’empêcher de me demander si cela vaut le coup, de poser cette bière malgré tout ?  « Pas vraiment.. Je peux pas me plaindre mais disons qu'il y a des jours mieux que d'autres.» J’apprécie son honnêteté malgré la peur qui me prend. Pourtant je ne peux m’empêcher de demander. « Alors pourquoi ? Pourquoi arrêter si finalement tout n’est pas mieux à présent ? »

Il ne sait pas pourquoi il se confie à lui. Ca semble facile, les mots sortent tout seul, sans qu'il réfléchisse. Les yeux rivés sur la mer, sur les vagues, il laisse juste son corps parler pour une fois. « Je comprends.  J’ai peur aussi. » C'est normal qu'ils aient peur. Ils savent qu'ils sont les deux fautifs dans l'histoire, les deux fautifs pour la colère de leur famille. « J’ai peur que ce soit le faux pas de trop, de pas mériter de porter leur nom. J’ai peur qu’un jour ils regrettent de m’avoir accueilli dans leur famille, j’ai peur de foirer jusqu’à la fin des temps. » Max relève les yeux vers lui, touché par ces mots. « Il est toujours possible de changer tu sais, même si ça risque de prendre du temps. » Sûrement qu'il ne sera pas pardonné dans la seconde, qu'il devra prouver qu'il a vraiment changé. Sa mère l'a mis au défi à Max et encore aujourd'hui, il sait très bien qu'elle le surveille. « Mais ton frère…peut-être qu’il t’a pardonné…peut être que ça fait assez longtemps… » « Peut-être oui.. » Ses yeux se baissent sur son verre de coca à la main, légèrement perdu dans ses pensées. « C'est bête mais.. Il sait que je suis revenu. Alors je me dis que s'il m'avait pardonné, il aurait pris contact avec moi. » Il sait que c'est à lui de le faire, qu'il devrait faire le premier pas, mais ça le terrifie. Parce qu'il peut pas s'empêcher de se dire qu'il a peut-être pas envie de le voir et de pouvoir continuer sa vie tranquille sans lui.

« Alors pourquoi ? Pourquoi arrêter si finalement tout n’est pas mieux à présent ? » Il se pose souvent la question. Dès qu'il va mal, qu'il est à deux doigts de replonger, il se demande si tout ça vaut le coup. Etre sobre mais encore plus seul qu'avant, est-ce que c'est ça la bonne solution ? « Parce que j'ai pas envie qu'on se rappelle de moi seulement comme le connard drogué et alcoolique. » Une étiquette qui lui colle bien trop à la peau. Mais il se dit qu'elle finira par s'estomper avec les années et qu'il arrivera à prouver à tous qu'on peut s'en sortir. Qu'il s'en est sorti, lui. Il tourne la tête vers Pete, plantant son regard dans le sien. « T'as envie que ta soeur ne parle plus de toi par honte ? Que ta famille fuit toutes les conversations qui te concernent ? Qu'ils te rayent de l'entourage en se disant que t'es une peine perdue ? » C'est ce qu'il lui arrive et il sait à quel point ça fait mal. Même si ça va mieux avec ses parents tout n'est pas réglé encore.

« Il est toujours possible de changer tu sais, même si ça risque de prendre du temps. »

Tout le monde me dit ça comme si c’était facile. Comme si je pouvais réellement évoluer. Pourtant plus ils le disent et plus j’ai dû mal à y croire. Peut-être que je ne sais pas vraiment qui je serais en changeant, ou ce que j’ai réellement envie de changer. Ou peut être simplement que je suis lâche et que la peur m’empêche de réellement voir plus loin dans le futur, d’essayer de me projeter dans une meilleure version de moi-même.  

Je n’arrive pas que sa relation avec son frère est toujours aussi effritée, alors j’essaye tant bien que mal de lui dire que peut être qu’Adriel ne voit plus de la même manière les choses, parce qu’au fond c’est aussi un peu moi que ça rassure.

« Peut-être oui.. C'est bête mais.. Il sait que je suis revenu. Alors je me dis que s'il m'avait pardonné, il aurait pris contact avec moi. »  J’hoche doucement la tête comprenant le sentiment. « Je pense que tu n’as rien à perdre à aller le voir. » je murmure doucement, parce que je n’arrivais pas à imaginer Adriel ne pardonnant pas son frère après autant d’années.

Avec toutes ces confidences je finis par me demander si ça vaut vraiment le coup, si finalement devenir sobre changera réellement quelque chose. « Parce que j'ai pas envie qu'on se rappelle de moi seulement comme le connard drogué et alcoolique. » Mon regard croise le sien avant de se reposer sur le sable.  C’est comme ça qu’on se souviendra de moi aussi si je ne fais rien. Peut-être pas drogué, mais l’alcoolique, le petit con qui aura été incapable de changer, trop égoïste.  « T'as envie que ta soeur ne parle plus de toi par honte ? Que ta famille fuit toutes les conversations qui te concernent ? Qu'ils te rayent de l'entourage en se disant que t'es une peine perdue ? » Nos regards se croisent, le mien n’affiche qu’une angoisse palpable. On m’avait déjà dit que j’étais une cause perdue, irrécupérable. « Non…Je…Je comprends pas comme ça a dérapé. Tout était sous contrôle. Tout a toujours été sous contrôle, ça n’impactait pas ma vie, ça n’impactait pas mon boulot ou les gens que j’aime… » Mais c’était se voiler la face, ça avait impacté ma relation avec Molly pendant des années.

« Je pense que tu n’as rien à perdre à aller le voir. » Ca fait un an maintenant qu'il est rentré, un an qu'il espère le revoir par hasard au coin d'une rue. Il arrive à croiser par hasard Ava, la plupart de son ancien groupe mais pas son frère. Il faut croire que pour lui, il doit se bouger et forcer le destin. « T'as raison. J'irai le voir. » Il ne sait pas encore quand, ni comment mais il va essayer de le voir. Au moins il sera fixé, il pourra savoir s'il l'a définitivement perdu ou s'il a encore une chance de pouvoir retrouver son frère.

Il essaye vraiment d'aider Pete, lui qui n'a toujours été préoccupé que par lui-même jusqu'ici. Il n'a pas envie que Tessa perde son frère, qu'ils aient des relations aussi catastrophiques que lui avec Adriel. Il ne supporte plus vraiment de voir des vies se brisaient à cause de l'alcool. C'est même pour ça qu'il a rejoint une association pour essayer d'aider les jeunes en détresse, avant qu'ils ne brisent leur vie et celles de leurs proches. Mais étrangement, ça lui semble plus difficile de réussir à aider quelqu'un quand ce n'est pas un parfait inconnu. « Non…Je…Je comprends pas comme ça a dérapé. Tout était sous contrôle. Tout a toujours été sous contrôle, ça n’impactait pas ma vie, ça n’impactait pas mon boulot ou les gens que j’aime… » Son regard planté dans le sien, il voit bien qu'il a peur et qu'il ne contrôle plus rien. Il est en train de se perdre dans sa propre vie. « T'es sûr de ça ? T'es sûr que t'as toujours tout contrôlé ? » A partir du moment où il a commencé à trop boire, c'était le début de la fin. Il n'a pas pu le contrôler, il s'est juste laissé emporter sans faire attention au reste. « Pourquoi tu continues ? Pourquoi t'as cette bière à la main alors que tu sais que ça t'apporte que des problèmes ? » C'est plus simple de boire que d'affronter, oui, il le sait. Mais il a l'air d'être à la limite maintenant avec deux choix qui s'offrent à lui. Soit prendre le chemin de la guérison, soit plongé et risquer de tout perdre.

« T'as raison. J'irai le voir. »

J’espère que ça s’arrangera pour eux. Je l’espère parce que je ne peux pas imaginer qu’il en soit à jamais ainsi. Peut-être tout simplement que les deux ont eu peur de retourner l’un vers l’autre. Peut-être que ce n’est plus une histoire de pardon, simplement de tenter de se retrouver.

Je sais qu’il essaye de m’aider et peut être que ça me fait du bien de lui parler de tout ça, de m’ouvrir un peu pour la première fois à quelqu’un qui comprend exactement ce que je suis en train de vivre. « T'es sûr de ça ? T'es sûr que t'as toujours tout contrôlé ? » Je buvais trop depuis qu’on se connaissait., j’avais commencé adolescent. Mais jusqu’à récemment j’avais l’impression de réussir à contrôler cet aspect de ma vie. Des études brillantes, un boulot dont beaucoup aurait rêvé. L’alcool et les fêtes n’avaient jusqu’ici pas impacté le reste de ma vie. Mais dire que cela avait été sous contrôle était peut-être un mensonge. « Je sais pas… J’arrive pas à trouver le moment où tout a dérapé. » J’essaye de retrouver ce point de non-retour dans mon esprit mais mon passé me semble flou, comme si au fond il avait été noyé dans un verre de trop depuis déjà bien longtemps.

« Pourquoi tu continues ? Pourquoi t'as cette bière à la main alors que tu sais que ça t'apporte que des problèmes ? » Je regarde la bière entre mes mains, je pourrais la vider dans le sable et ne plus jamais y toucher. Je pourrais prendre mon courage à deux mains et ne plus regarder en arrière. Mon regard se pose dans le sien. « T’es pas heureux Max. Après tout ça, t’es pas heureux et tu parles toujours pas à ton frère. Je…. Je suis même pas sûr de me sentir mieux sobre. Au moins avec l’alcool…je ressens rien. Ca me semble plus simple. » J’avoue, prenant une gorgée de plus en haussant les épaules. J’avoue ma peur et mon absence de courage. J’avoue être terrifié de ne plus avoir cette excuse de l’alcool. Pourtant malgré tout je lui demande sans croiser son regard : « C’était comment le centre où t’étais ? »

Au fond, il ne sait pas vraiment comment l'aider Max. Lui, on l'a forcé à se soigner, on lui a pas laissé le choix. Est-ce que Pete aura la volonté de se soigner avant de trop déraper ? Avant d'aller trop loin ? Il l'espère mais quand il voit qu'il ne lâche pas cette bière dans sa main et qu'il continue de boire, il se dit que c'est peut-être trop tard maintenant. « Je sais pas… J’arrive pas à trouver le moment où tout a dérapé. » Même lui quand il y pense, il n'arrive pas à savoir quand il a commencé à trop déraper. Il buvait pour s'amuser, pour faire la fête. Mais il est incapable de dire quand ça a commencé à devenir bien trop présent dans sa vie.

« T’es pas heureux Max. Après tout ça, t’es pas heureux et tu parles toujours pas à ton frère. Je…. Je suis même pas sûr de me sentir mieux sobre. Au moins avec l’alcool…je ressens rien.  Ca me semble plus simple. » Il secoue la tête négativement en relevant les yeux vers lui. « J'ai pas dit que j'étais pas heureux juste que c'était pas aussi parfait que je le voudrais. Tu te cherches encore des excuses.. » Et ça lui fait de la peine de voir ça. Parce qu'il a l'impression qu'il aurait dû lui mentir, lui dire qu'il était très heureux et sa vie était parfaite. Peut-être qu'au final, parfois, les mensonges peuvent être justifiés. Mais c'est trop tard maintenant, c'est fait. Il espère juste qu'il ne va pas garder que ça en tête. « C’était comment le centre où t’étais ? » Ce fameux centre dans lequel il a fait des allers retours pendant des mois, finissant par replonger à chaque fois. « Au début j'ai trouvé ça horrible, évidemment. T'es obligé de parler à un psy, plus d'alcool, plus de drogue, plus rien, c'était dur. » Encore une fois, il fait le choix de ne pas mentir. « Mais à la fin, quand j'ai été sobre, je ne pouvais que les remercier de m'avoir sauvé la vie. » Parce qu'il serait peut-être mort ou en prison s'il était encore dans tout ce bordel. Il en a bien conscience au fond de lui.

« J'ai pas dit que j'étais pas heureux juste que c'était pas aussi parfait que je le voudrais. Tu te cherches encore des excuses.. » Bien sûr je me cherche des excuses. Je cherche à tout prix à éviter de devoir poser cette bière, de devoir affronter tout ce que je repousse au loin dans un coin de mon esprit. L’idée d’arrêter de boire me terrifie, je n’arrive pas imaginer une vie où je ne toucherais plus à l’alcool, pas quand j’ai passé plus de la moitié de ma vie à boire.  Je ne réponds rien mais au fond je sais qu’il a raison. J’ai peur, bien trop peur mais plus que tout je suis lâche.  Sinon j’aurais tenu plus d’une journée sans boire après avoir été confronté par ma sœur.

Dans le silence, seules les vagues et les conversations du groupe raisonnent plus loin. Ce barbecue me semble loin. Un autre monde, une autre vie. Comme si en cet instant dans cette conversation, on était dans une bulle hors du temps.  Je finis par lui demander comment était le centre où il était, j’essaie de m’y projeter. « Au début j'ai trouvé ça horrible, évidemment. T'es obligé de parler à un psy, plus d'alcool, plus de drogue, plus rien, c'était dur. »  Une grimace apparait sur mon visage.  « Mais à la fin, quand j'ai été sobre, je ne pouvais que les remercier de m'avoir sauvé la vie. » Son honnêté est étrangement ce qui me fait rester, ce qui m’inciter à l’écouter et à ne pas me fermer. Il a beau me dire des choses que je ne veux pas entendre et que j’ai dû mal à accepter, je me reconnais dans ses actions et ressentis et au fond c’est peut-être ça qui me donne un peu d’espoir. « Je vais y réfléchir… » je murmure sans le regarder. Un pas en avant, pas un grand, mais un petit. Peut-être que c’est déjà ça ?