Les minutes passent et Erika oublie définitivement pourquoi elle est venue dans ce restaurant à la base, désormais focalisée sur Rudy et sur lui seule. La carte n’existe plus, ce qu’il y a dedans encore moins, et sa faim n’est plus qu’un lointain souvenir. Elle était venue pour manger, mais sa seule préoccupation réside désormais dans le fait d’avoir son attention, d’en apprendre davantage sur lui. La brune ne se soucie plus du regards des autres clients et évite de penser à ce que Ian dirait s’il entrait dans l’établissement et qu’il tombait sur elle, en grand conversation avec son serveur depuis bien trop de temps pour que cela puisse être vu comme normal. Car elle doit bien l’admettre Erika, elle est entrain de flirter avec lui. Il a induit le jeu de séduction et si elle s’est montrée méfiante au début, il est parvenu à la dérider, avec son charme et son franc parlé. La jeune femme se dit qu’elle ne risque rien finalement, qu’il s’agit d’un simple moment agréable qu’elle oubliera le lendemain, une fois que la vie reprendrait son cours et que tout reviendrait à la normale. Rudy retournerait à ses plats et elle retournerait à sa vie d’agent immobilier, ne repensant plus une seconde à cet instant. Et elle en est réellement persuadée, à ce moment là, elle qui est loin de se douter que cette soirée marque le début d’une longue série d’autres moments comme celui-ci. Pour l’heure, la brune profite simplement du sentiment grisant d’être le centre de l’attention d’un homme qui ne sait rien sur elle et qui semble vouloir tout apprendre. Erika aime séduire, ça n’a rien de nouveau, et ce petit jeu que Rudy lui offre est juste ce dont elle a besoin pour ressortir de l’Interlude avec un égo gonflé à bloc. A presque quarante ans, l’agent ne va certainement pas prétendre être insensible aux attentions d’un jeune homme qui doit avoir près de dix ans de moins qu’elle, au bas mot. Il la dévore des yeux et elle en fait de même, certaine de jouer avec le feu sans pour autant en craindre les conséquences. Dès qu’elle partirait, tout serait terminé. « Non, j’ai toute ma famille proche ici. » La brune hoche la tête, amusée de constater que sa famille proche à lui est ici alors que la sienne est sur un autre continent, littéralement. Elle n’a pas de frère et sœur – pas à sa connaissance – et la famille qu’elle a ici, finalement, c’est celle du cœur. Celle qu’elle a construite au fil des années, de ses voyages, des épreuves. Et sans eux, elle n’en serait certainement pas là aujourd’hui. « C’est le plus important. Les miens me manquent. » Elle appuie là-dessus pour qu’il se rende compte de sa chance, celle d’avoir les personnes qui lui sont les plus importantes autour de lui. « C’est pour ça qu’vous voyagez ? Genre d’manière personnelle en excluant le boulot, vous bougez à droite et à gauche pour revenir ici et vous sentir bien ? » La brune hésite alors qu’il la pousse à réfléchir, à faire le point sur toutes ces années à voyager sans que ça ne soit pour les besoins de l’agence. C’était de plus en plus rare, mais ça arrivait encore. « Oui, je retourne régulièrement à Seattle pour voir mes parents et faire le plein de culture américaine avant de revenir ici et de retrouver ma routine quotidienne. » Cette expression la fait sourire, car il n’y a absolument rien de routinier dans la vie de la Woodall. « C’est grâce à ces aller-retour que je tiens le coup, sans quoi je pense que j’aurais déjà migré vers les Etats-Unis. » Elle réfléchit presque à voix haute à ce stade, persuadée qu’un jour ou l’autre, elle reviendra vivre de manière permanente auprès des Woodall. Pour l’instant, toute sa vie tourne autour de son travail et elle n’imagine pas une seconde s’éloigner de Jacob, de Sawyer, d’Olivia ou de Marcus. Mais plus tard, qui sait de quoi l’avenir sera fait ? Certainement pas elle, elle ignore déjà comment va se dérouler le reste de cette soirée. Rudy s’éloigne pour déposer sa commande en cuisine et la brune s’empare de son téléphone, avant de se raviser et de le ranger dans son sac. Elle aura tout le loisir de s’occuper des affaires urgentes demain, mais là, la jeune femme se dit qu’elle a beaucoup mieux à faire.
Le serveur revient vers elle et s’installe sur la chaise d’en face, comme il lui a promis. Il a prétexté vouloir lui montrer la carte et elle a accepté en feignant un intérêt quelconque, mais ils savent tous les deux ce qu’il en est vraiment. D’ailleurs, Erika n’y jette pas le moindre coup d’œil et préfère se concentrer sur ce qu’elle a face à elle. Rudy ne fait pas partie du genre d’homme sur lequel elle se serait arrêtée en temps normal, mais il dégage quelque chose qui le rend terriblement séduisant. Il semble sûr de lui et savoir ce qu’il veut, deux qualités qui ne manquent pas d’interpeler la jeune femme qui plonge ses yeux dans les siens dès qu’elle en a l’occasion. Elle lui explique le pourquoi de ce repérage, ce qu’elle fait et ce qu’elle recherche pour ses clients. Il s’agit là d’une tradition qu’elle a mise en place il y a bien longtemps et depuis, elle ne cesse de trouver de nouveaux endroits à découvrir. « Bah écoutez, faites ça, on saura les réconforter ici. » Elle n’en doute pas la brune, et elle lui rend son sourire sans la moindre hésitation. « Je dois bien avouer que vous avez quelques arguments solides. » Erika désigne la carte, pourtant son regard ne décolle par du sien. Ca l’amuse de jouer ainsi et elle se félicite d’avoir écouté les conseils de son ami, même si elle ne se souvient plus de qui le lui a donné, exactement. « C’bien de travailler tout l’temps quand on aime ça. Mais ça doit pas être simple si on a quelqu’un qui nous attend à la maison, pour une vie d’famille, tout ça. » Cette réflexion lui arrache un sourire de plus alors qu’elle se demande si la question est volontairement orientée ou non. « Je n’ai pas ce problème. » Lance-t-elle en oubliant de mentionner Ian, ce qui ne fait qu’accentuer le fait qu’elle soit consciente de flirter avec les limites du raisonnable en discutant ainsi avec Rudy. « J’ai choisi ma carrière. C’est ça qui m’anime et me fait me réveiller tous les matins. » Elle pourrait préciser qu’elle a déjà tenté d’expérimenter la vie de femme au foyer lorsqu’elle était avec Darren, mais cette période de sa vie lui file des cheveux blancs dès qu’elle y pense. La brune n’est pas taillée pour la monotonie et elle l’a bien compris. Elle pince les lèvres et observe le brun, se demande ce qu’il pense tout au fond de lui. « Ça dépend, moi j’suis toujours là où on ne m’attend pas. Si vous fermez les yeux et qu’vous y croyez très fort, p’t’être que je serai là à chaque fois que vous viendrez dans l’coin. » Erika éclate de rire face à cette réponse qui n’a pas le moindre sens et qui pourtant, parvient à l’amuser. Le serveur a tout pour la distraire et est loin, très loin de ressembler aux hommes qu’elle côtoie d’habitude. « J’travaille jamais les mêmes soirs, mais j’suis là régulièrement. On verra si vous êtes chanceuse à chaque fois, ou non. En tout cas j’espère qu’un d’mes collègues me piquera pas mon travail, c’est à moi d’vous faire découvrir la carte. Ils le feront pas aussi bien qu’moi, vous voyez ? » La jeune femme voit très bien où il veut en venir, en effet. Elle soutient son regard et recouvre légèrement son sérieux, sensible aux sous-entendus qu’il laisse sur son passage. « On verra si j’ai de la chance, oui. Peut-être que je n’aurai pas d’autre choix que de me satisfaire du service que l’on me propose, quand je reviendrai. » Elle fronce joliment le nez, amusée de prétendre qu’elle pourrait effectivement jouer à ce jeu avec n’importe lequel de ses collègues. « Racontez-moi un truc. » Erike lève un sourcil surpris, désarçonnée par cette question directe qui témoigne de son envie d’en apprendre sur elle, autant que possible, comme il le lui avait annoncé. « Genre, n’importe quoi, un truc un peu fou qu’vous avez fait. » Sur presque quarante ans de vie, cette question mérite réflexion, c’est certain. Alors la brune joue pensivement avec son verre avant de sourire et de lui répondre, avec un brin de sarcasme dans la voix. « Eh bien pour commencer, j’ai passé ma soirée avec un serveur au lieu de me concentrer sur mes mails et mon repas, comme j’en ai pourtant l’habitude. » Une lueur amusée illumine son regard et elle poursuit, un rien plus sérieuse. « Sinon, je me suis déjà retrouvée coincée en pleine jungle amazonienne avec une alerte de tempête, non pas que ça ait été volontaire de ma part. » Elle éclate de rire et réfléchi à quelque chose qu’elle a fait d’elle-même, pour dépasser ses limites. « Mais le plus fou, je crois, c’est d’avoir sauté en parachute pour mes trente ans. » Elle y repense et ça la fait sourire, une fois de plus. Sa vie est ponctuée de souvenirs tous plus fous les uns que les autres, et elle réalise qu’elle a énormément de chance. « A vous. Le truc le plus fou que vous ayez fait ? Ou un événement marquant de votre vie ? » Elle lui retourne la question, curieuse, avant de relever la tête en direction d’un autre serveur qui arrive avec ce qui semble être sa commande. A cet instant, son estomac se réveille, en même temps que ses papilles alors que l’odeur de ce qu’il amène est à tomber à la renverse. « Et je vois que le service est rapide, en plus de ça. » Elle ajoute, impatiente de découvrir la cuisine tant réputée de l’Interlude.
Dans sa cellule, Rudy a pensé à ce moment une bonne centaine de fois. À ce soir où il poserait ses yeux sur quelqu’un, et où ce quelqu’un deviendrait la solution à tous ses problèmes. Ce qu’il n’imaginait jamais dans ces moments-là, c’est que ça serait si facile d’obtenir toute son attention, de l’avoir totalement à sa disposition dès le premier soir. Et pourtant, c’est exactement ce qui est en train de se passer avec Erika. Il ne sait pas si cette femme se sent atrocement seule ou si quelque chose de fort les lie déjà, mais ils sont incapables de se décrocher de l’un et de l’autre. Si Rudy sait pourquoi elle lui fait cet effet-là, c’est vrai qu’il se demande la raison qu’il y a dans le sens inverse : quelle est la raison qui pousse la jeune femme à poursuivre cette conversation si longtemps, sans se lasser, sans se demander ce qu’elle est en train de faire ? Peut-être qu’elle a un plan encore plus machiavélique que le sien, qui sait. Il préfère ne pas penser à ça et se dire qu’il est extrêmement chanceux. Tout ce qui aurait pu mal se dérouler s’est bien passé, pour l’instant, et il prie intérieurement pour que la soirée continue de se dérouler ainsi. Sans encombre, c’est tout ce qu’il souhaite. Leur conversation ne fait que de converger d’un point à un autre, et Rudy se surprend à lui avouer des détails de sa vie qui ne regardent que lui. Sa famille, c’est tout ce qu’il a : et en parler aussi facilement n’est pas une habitude, pour lui, qui a peur que l’on se retourne contre eux pour le blesser lui. C’est le plus important. Les miens me manquent. Mais Erika n’a rien de malveillant en elle, loin de là. Il le comprend à cette phrase, même s’il a déjà pas mal d’indices depuis le début de leur conversation. Est-ce qu’il va pouvoir se regarder dans une glace, dans quelques mois, après avoir mené à bien sa mission ? Il en doute très fortement, alors qu’il l’écoute répondre à sa question. Oui, je retourne régulièrement à Seattle pour voir mes parents et faire le plein de culture américaine avant de retourner ici et de retrouver ma routine quotidienne. C’est grâce à ces allers-retours que je tiens le coup, sans quoi je pense que j’aurais déjà migré vers les Etats-Unis. Il espère qu’elle ne compte pas faire un voyage comme celui-ci dans les jours ou semaines qui suivent. Ce serait un contre-temps qu’il ne peut pas se permettre. Vous allez y retourner bientôt ? Il demande, toujours plus curieux. Il espère un aveu qui lui ferait comprendre qu’elle est rentrée il n’y a pas si longtemps de son dernier, ou qu’elle n’a vraiment pas le temps en ce moment. Tout, n’importe quoi pour le rassurer et le conforter dans l’idée qu’elle ne s’envolera pas – au sens propre du terme.
Le brun s’en va pour rapporter la commande en cuisine et revient s’installer face à elle. C’est étrange. Il a la sensation d’être à sa place et, en même temps, il sait que quelque chose ne va pas et que la réalité ne va pas tarder à les rattraper. Mais tant que ce n’est pas le cas, il compte bien profiter et essayer d’en apprendre un maximum sur la brune qui se trouve en face de lui. Lui faire découvrir la carte n’est qu’un prétexte, ils le savent très bien, tant l’un que l’autre. Je dois bien avouer que vous avez quelques arguments solides. Elle lui présente la carte mais il ne baisse pas les yeux vers elle, trop occupé à la dévorer du regard : tellement que cet échange silencieux en deviendrait presque indécent. Le brun fait allusion à un compagnon qu’elle pourrait avoir pour s’assurer que la voie est libre et qu’elle n’hésitera pas à le suivre, s’il cherche à aller plus loin avec elle. Il sait que la fidélité est quelque chose de moins en moins courant chez les jeunes de son âge mais, peut-être que chez les personnes qui ont dix ans de plus que lui, ça s’avère différent. Je n’ai pas ce problème. J’ai choisi ma carrière. C’est ça qui m’anime et qui me fait me réveiller tous les matins. Il comprend donc qu’il n’y a effectivement pas d’homme dans sa vie et qu’elle a énormément à perdre, vis-à-vis de sa carrière. Et puisqu’elle est une figure publique, elle est réellement la candidate idéale. Elle, elle lui demande si elle aura l’occasion de le revoir ici si elle repasse dans le coin, ou si elle a été chanceuse ce soir précisément. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’il est prêt à travailler tous les soirs de la semaine, si c’est ce qu’il faut, pour la revoir une seconde fois. On verra si j’ai de la chance, oui. Peut-être que je n’aurai pas d’autres choix que de me satisfaire du service que l’on me propose, quand je reviendrai. Il secoue très légèrement sa tête. J’vais faire en sorte qu’vous ayez le choix. Il dit, comme une promesse déguisée, pour lui dire qu’ils se reverront la prochaine fois qu’elle vient, quoiqu’il advienne. Ensuite, Rudy lui pose une question qu’il trouve lui-même surprenante. Peut-être qu’elle n’a aucun intérêt, qu’elle n’a pas sa place ici : mais il ne sait pas comment diriger la conversation, et c’est tout ce qu’il a trouvé. Qu’elle lui parle quelque chose de fou qu’elle a pu faire dans sa vie. Eh bien pour commencer, j’ai passé ma soirée avec un serveur au lieu de me concentrer sur mes mails ou mon repas, comme j’en ai pourtant l’habitude. Il ne peut que sourire face à ça, sans trop savoir quoi dire : il ne va certainement pas s’excuser d’avoir pris le dessus sur son téléphone. Sinon, je me suis déjà retrouvée coincée en pleine jungle amazonienne avec une alerte de tempête, non pas que ça ait été volontaire de ma part. Mais le plus fou, je crois, c’est d’avoir sauté en parachute pour mes trente ans. Ce qui le fait sourire, dans cette histoire, c’est qu’elle parle de ça comme un vieux souvenir quand, lui, n’a pas encore trente ans. La différence d’âge est réelle mais ne semble pas la déranger, ce qui lui plaît. À vous. Le truc le plus fou que vous ayez fait ? Ou un événement marquant de votre vie ? Un serveur vient lui apporter la commande pendant que Rudy pense à ce qu’il peut lui dire. Et je vois que le service est rapide, en plus de ça. L’autre serveur retourne en cuisines, mais le regard qu’il a lancé à Rudy en dit long. J’ai passé deux années très particulières. Il dit, tout en se disant à lui-même qu’il ne va pas lui avouer pour la prison. Il peut raconter ça autrement. Mais quand il ouvre la bouche, il n’a pas le temps de sortir le moindre mot. Rudy ? Tu viens là s’te plaît ? Le brun se pince les lèvres et se retourne légèrement sur sa chaise, pour voir l’autre serveur qui semble l’attendre vers les cuisines. À son ton, il comprend parfaitement qu’il ne va pas pouvoir revenir s’asseoir aux côtés d’Erika de sitôt. Ou peut-être que c’est de m’être fait passer un savon pour avoir voulu m’asseoir avec une cliente. J’vous dirais ça la prochaine fois. Il lui annonce comme une promesse alors qu’il se lève pour rejoindre l’autre serveur, toujours avec la même allure, la même assurance : qu’il ait fait une connerie ou non aux yeux des autres, pour lui, il a parfaitement réussi sa soirée.
Elle n’aurait su dire pourquoi, mais le regard qu’a Rudy en parlant de sa famille laisse penser qu’il y est grandement attaché, bien plus que d’autres pourraient l’être. La brune pense que c’est un bon point pour lui, parce que les valeurs familiales sont également très importantes à ses yeux, mais elle interrompt très vite le fil de ses pensées ; est-elle réellement entrain de compter les points ? Pourquoi ? Il y a fort à parier que ce jeune homme se comporte ainsi avec la plupart de ses clientes, probablement dans le but de se voir offrir des pourboires conséquents. C’est ce dont Erika essaie de se convaincre, même s’il semble aussi hypnotisé qu’elle lorsque leurs regards se croisent. La brune est troublée et se laisse aller à ce petit jeu qu’elle juge sans conséquence, persuadée que tout sera fini à l’instant même où elle franchira les portes de l’Interlude pour rentrer chez elle. Elle ne fait rien de mal, elle sait que Ian se laisse parfois approcher lorsqu’il s’agit d’élaborer des relations importantes pour son travail. Elle l’accepte, parce que c’est le jeu. De son côté, elle n’a jamais usé de son physique pour arriver à ses fins, bien trop déterminée à se bâtir une réputation sur base de ses atouts professionnels et non ceux que l’ont pouvait déceler chez elle en dehors des heures de bureau. Et elle y est parvenue, sans trop de difficulté. Mais ça ne l’empêche pas d’apprécier lorsque le regard d’un homme se pose sur elle, surtout lorsqu’il s’agit de quelqu’un comme Rudy ; plus jeune, un brin mystérieux, totalement le genre pour lequel elle fondait à l’époque du lycée. Maintenant, elle est adulte et côtoie un genre différent. Mais ce qu’il se passe ce soir est une parenthèse salvatrice qui lui fait du bien au moral, qui lui insuffle une vague supplémentaire de confiance en elle. Erika parle de ses voyages vers Seattle pour retrouver ses parents, ravie de trouver en Rudy un interlocuteur aussi attentif. Peut-être qu’il n’en a rien à faire dans le fond, mais la jeune femme a le sentiment qu’il ne se joue pas d’elle et son intuition la trompe rarement. « Vous allez y retourner bientôt ? » La brune secoue la tête dans un sourire triste ; son dernier voyage remonte, mais elle n’a absolument pas le temps de prévoir une expédition pareille, pas avec son emploi du temps actuel. « Pas avant un moment non, j’ai beaucoup trop de projets en cours. » Son travail de directrice d’agence n’est que la partie immergée de l’iceberg ; elle est régulièrement invitée à des évènements et s’implique énormément dans diverses causes, ce qui ne manque pas de remplir son agenda de façon conséquente.
Rudy disparaît pour amener sa commande en cuisine, ce qui pousse l’estomac de la jeune femme à se réveiller une seconde fois, un peu comme si la présence du brun avait suffit à lui faire oublier ce besoin primaire qui est de manger. Rien d’étonnant, la brune se rend bien compte qu’elle est captivée par chacune des paroles qui franchit la barrière de ses lèvres et si elle s’en veut un peu de se montrer aussi affable face à un parfait inconnu, elle n’a pas pour habitude de combattre ses propres ressentis. Il revient rapidement et Erika lui adresse un sourire ravi, faisant fi des convenances en le laissant s’installer face à elle alors qu’il n’est supposé être là que pour le service. Le fait qu’il soit assez aguerri pour risquer de se faire taper sur les doigts juste pour glaner quelques minutes supplémentaires avec elle lui fait plaisir, la flatte, et elle se penche vers lui alors qu’ils reprennent leur discussion comme si de rien n’était. La carte qu’il est supposé lui présenter reste résolument fermée, parce qu’aucun d’eux n’est réellement dupe quant à la raison de sa présence à cette table, et la brune reprend la parole en répondant à ses questions, sans le lâcher des yeux. « J’vais faire en sorte qu’vous ayez le choix. » Le petit jeu continue et ils se cherchent, dans leurs regards, dans leurs gestes, dans les inflexions de leur voix. Elle sent qu’il fera réellement en sorte d’être là quand elle reviendra, et Erika se demande si c’est une bonne idée. Elle sait qu’elle va quitter le restaurant en ayant envie d’y revenir aussi tôt que possible, et elle sait aussi que c’est loin d’être la meilleure des idées. Parce qu’elle est en couple et que le magnétisme de Rudy la séduit un peu trop pour son propre bien. Pourtant, si elle se voile encore la face, une part d’elle sait déjà que cette soirée est loin d’être la dernière à l’Interlude. « Des promesses. » Lance-t-elle dans un petit rire, comme si elle remettait sa parole en doute. Elle espère qu’il la tiendra, même si elle fait semblant de ne pas s’attarder sur ce détail. A la place, elle satisfait sa curiosité en lui racontant quelques anecdotes sur elle, sur sa vie, sur ce qui a marqué son existence au fil des années. Elle aimerait savoir ce qu’il en est pour lui, alors elle lui retourne la question, ignorant presque le serveur qui est venu lui amener son plat. « J’ai passé deux années très particulières. » Il répond, poussant la brune à hausser un sourcil interloqué. Erika aimerait en savoir plus, obtenir les détails, mais une voix s’élève à côté d’eux et interrompt leur échange : « Rudy ? Tu viens là s’te plaît ? » Le regard de la jeune femme glisse en direction de l’autre serveur et comprend en même temps que Rudy qu’il s’agit là de la fin de leur petit interlude. « Ou peut-être que c’est de m’être fait passer un savon pour avoir voulu m’asseoir avec une cliente. J’vous dirais ça la prochaine fois. » Sa remarque lui arrache un sourire alors qu’elle l’observe se lever et s’éloigner avec la même assurance qui le caractérise, bien loin de sembler s’inquiéter des conséquences de ses actions. Erika continue de regarder longuement dans sa direction durant le reste du repas qui n’a désormais plus la même saveur, maintenant qu’il n’est plus là pour le partager avec elle. Son attention finit par éventuellement se reporter sur son téléphone, comme elle avait initialement prévu de le faire, même si elle lui jette des coups d’œil fréquents lorsqu’elle le voit passer en salle. Finalement, elle demande l’addition et règle tout par carte, non sans laisser un généreux pourboire ; une habitude qu’elle a toujours eu et qui n’a rien à voir avec Rudy, même si elle espère que c’est lui qui y aura droit. Lorsqu’elle abandonne sa table et passe devant la jeune femme à l’accueil, elle lui tend sa carte de visite, exactement la même qu’elle a donné au brun un peu plus tôt dans la soirée, à un détail près ; son numéro personnel est inscrit à l’arrière. « Vous voudrez bien donner ça à Rudy pour moi ? » La blonde hoche la tête et Erika la remercie avant de disparaître pour de bon, un sourire au bord des lèvres. Pas une seule once d'hésitation n'a traversé la jeune femme qui n'a plus que le regard sombre du serveur à l'esprit. Rien de tout ça n'est une bonne idée, mais la brune sait déjà que ça ne l'empêchera pas de revenir, juste pour voir s'il tiendra parole, lui aussi.