Un barbecue qui tourne mal.  Ou qui tourne bien ?  J’en sais trop rien, prisonnier d’une bande de potes que je ne connais pas tant que ça. Je parle, je parle, je raconte plus de conneries qu’il n’en existe à la seconde.  Je souris à qui veut et surtout je ne pense pas au reste. A tout ce qui va mal et tout ce que je veux oublier.  J’observe le gars qui fait griller les steaks à côté de moi.  C’est quoi son nom ? Josh ? Ollie ? J’en ai aucune idée, pourtant je lui ai fait la conversation pendant dix minutes. Je bois des gorgées de bière de temps en temps. Ma peau a un peu cramé sous le soleil, mais ca y est il se couche enfin. Tous ces gens sont des amis d’amis, des potes de soirées plus ou moins recommandables. On est là que pour une chose. Boire, peut être manger ces grillades et profiter d’un énième barbecue sur la plage en plein mois de janvier. Vivre un peu, boire beaucoup, s’échapper. Ca me semble être un bon programme.

C’est là que je le vois, il parle à une fille avec son sourire d’abruti.  Je le connais de loin Wyatt, je l’ai déjà croisé en soirée, j’ai déjà enchaîné bien trop de verres avec lui.  Je le regarde avec un sourire malicieux alors qu’il discute. Je me demande s’il la drague et je sais pas pourquoi, je décide de jouer au con. J’attrape le ballon de volley après avoir fini ma bière. « Eh Wyatt ! » Je n’attends pas qu’il se retourne pour lui balancer le ballon dans la tête, pas pour blesser plus pour emmerder, me marrant déjà. « Laisse tomber, t’es trop vieux, elle te trouve moche elle ose pas te le dire ! » Peut-être qu’il n’était même pas en train de la draguer. Peut-être que oui. Je n’en ai pas grand-chose à faire à vrai dire. Il y a des jours où on a envie de tenter le diable et de provoquer des réactions parce que la soirée est un peu trop prévisible. C’était le cas ce soir.

@Wyatt Parker  

Elle parle trop la blonde, elle parle pour ne rien dire, parle pour se rendre intéressante à mes yeux. Sans aucune gêne, elle vient de passer plus de dix minutes à me répéter qu’Emile Zola est un écrivain allemand et qu’elle a lu toutes ses œuvres. Comprenez, elle a voyagé en Europe, elle. C’est si aisé de faire basculer la conversation sur ses prétendus voyages. C’est encore bien plus amusant de réaliser qu’elle a probablement récupérer son pitch dans les écrits d’un blog déniché au milieu des poussières de l’Internet. Lorsqu’elle évoque la France mon sourire ne deviens que plus grand, enfin un terrain intéressant surtout lorsqu’elle prétend connaître la langue. « Vraiment, tu parles français ? » Et je l’ai perdu, dès la seconde où j’ai ouvert la bouche pour m’exprimer dans un Français sans aucun accent. Paumée, elle a préféré rire, boire une longue gorgée de son verre avant de s’excuser. Tant pis, je vais peut-être pouvoir me concentrer sur son amie qui ne cesse de m’observer depuis le début de la soirée. Soirée, barbecue, squattage intensif d’un moment entre gens que je ne connais absolument pas ? Qui se fiche bien de la définition. Il y a de l’alcool à volonté, quelques trucs à manger et surtout des filles pas mal du tout. Tout ce dont j’avais besoin.

Les heures défilent et le feeling semble bien passer avec la nouvelle demoiselle. La conversation est aisée, elle ne cherche pas à se donner un rôle, un acte qui me ferait tomber dans le panneau. Elle boit, elle jure, elle promet ne connaître que quelques têtes à cette soirée, parfait sous-entendu pour se casser à tout moment sans prévenir. C’était le plan avant qu’une voix hurle dans mon dos. « Eh Wyatt ! » Pas le temps de m’excuser ou de me tourner que je reçois un ballon bien trop gonfler dans l’arrière du crâne. « Connard ! » que j’insulte avant même de connaître l’auteur de cet affront. « Laisse tomber, t’es trop vieux, elle te trouve moche elle n'ose pas te le dire ! » Il arrive fier comme un paon Pete alors que la jeune femme nous observe les sourcils relevés. « Faut pas l’écouter, c’est lui le vieillard. » Sur le papier, j’ai perdu la bataille, mais elle n’en saura rien. Voilà qu’elle s’excuse pour aller retrouver une amie et que je me tourne, regard noir vers le fautif. « Tu fais chier Mulligan, j’allais la ramener chez moi. » Enfin… Non, je lui aurais proposé qu’on aille chez elle, mais ce n’est qu’un détail. « T’as pas autre chose à foutre pour t’occuper ?! » Il a l’air légèrement défoncé et généralement, c’est assez drôle quand ça commence comme cela.

@Peter Mulligan

Il la drague j’en suis sûre.  Il prend son air de charmeur, je le vois de temps en temps qui passe sa main dans ses cheveux. Il sourit et il parle parle parle.  Wyatt a l’habitude. Je suis sûre qu’il arrive à choper qui il veut sans trop de problème. Faut dire que le bougre a un charme naturel. Il doit se dire qu’il va pouvoir la ramener chez lui la nana.  Qu’elle est prête à se glisser dans son lit, qu’il n’a plus grand-chose à faire et qu’elle acceptera de s’échapper de cette soirée avec lui. Pas de doute je suis sûre qu’il se dit ça.

Peut-être est-ce parce que je m’ennuie. Peut-être que personne n’est assez intéressant à cette soirée et que lui a au moins le mérite de l’être un peu plus. Je ne sais pas vraiment mais toujours est-il que je tente le tout pour le tout, attrapant un ballon de volley, lui envoyant sur la tête. « Connard ! » Ca y est mon sourire malicieux prend toute la place. Je lui annonce qu’il est trop vieux, qu’il est trop moche, qu’en somme il ferait mieux d’abandonner tout de suite.  J’arrive d’un pas fanfaron, prêt à lui gâcher son coup un peu plus. « Faut pas l’écouter, c’est lui le vieillard. » « Il a quarante balais tu sais, ça commence à devenir compliqué pour lui, bientôt la maison de retraite tout ça. » J’ai pris un air triste hochant la tête, imaginant ce futur Wyatt en couche culotte de vieillesse. La tristesse, le désespoir,  l’incontinence tout ça.  Elle s’en va la demoiselle. « Oh déjà ? Non mais faut pas partir ? »  Mais c’est trop tard elle est déjà loin et je ricane. « Tu fais chier Mulligan, j’allais la ramener chez moi. » «  Je lui ai sauvé la mise alors ! C’est la bonne action du jour ! » Je lui donne une tape sur l’épaule avant de récupérer mon ballon. « T’as pas autre chose à foutre pour t’occuper ?! » Je regarde autour de moi faisant mine de réfléchir. « Faut croire que non. » Et bim je lui envoie de nouveau le ballon doucement sur la tête. « Une partie de volley ça te dit ? » Mon grand sourire est revenu et je ne prendrais pas non comme réponse.

@Wyatt Parker  

Je n’avais prêté aucune attention aux autres personnes présente autour du feu. Je n’avais même pas prévu de m’incruster au milieu de la populace de la plage. Je sortais d’une session écriture enflammer avec Ariane, il fallait que je prenne l’air. De loin, l’agitation m’avait semblé comme la meilleure des distractions. Je ne m’étais pas trop trompé, de l’alcool, des filles. Rien de mieux pour se prendre à nouveau pour un étudiant et oublier que je suis censé travailler sur mon écriture. C’était la parenthèse idéale, mais c’était sans compter sur le casse-pied que peut-être Pete Mulligan. On ne se connaît pas vraiment tous les deux, on se croise bien trop souvent dans des circonstances impliquant stupéfiants et alcool. Visiblement, il a décidé que me casser les pieds serait la meilleure des activités pour le reste de sa soirée. « Il a quarante balais, tu sais, ça commence à devenir compliqué pour lui, bientôt la maison de retraite tout ça. » Le regard que je lui envoie pourrait le tuer à la seconde. Je déteste que l’on parle de mon âge, déteste d’entendre ce chiffre associé à ma personne, déteste encore plus que dans quelques semaines, il faudra en rajouter une unité. « Ferme ta gueule Mulligan. » Elle semble gêner la demoiselle, son regard change complètement et voilà qu’elle s’en va. « Oh déjà ? Non mais faut pas partir ? » « Super génie, tu les fais toutes fuir. » que je grogne sans connaître la résonnance de mes propos.

« Une partie de volley ça te dit ? » Du regard, je cherche la balle qu’il m’avait envoyée dans le crâne. Une fois la main dessus, je ne me gêne pas pour l’envoyer en direction de son visage. « Aller commence, avant que je te rétame. » On s’éloigne l’un de l’autre pour aller plus loin du feu et commencer une partie qui promet d’être bancale.

WIN : les premiers lancers sont un succès, sembleraient que ça soit une vraie partie.
SO CLOSE : la balle termine dans l’Océan dès le premier échange, il va falloir se dévouer pour aller la chercher.
FAIL : la balle termine sa course en plein milieu du feu, le gars qui en était le propriétaire semble vouloir les tuer.

« Ferme ta gueule Mulligan. » Il aime pas que je parle de son âge le Parker. La phobie des années qui passent, une peur que je peux comprendre. Moi non plus je n’aime pas me dire que j’ai maintenant trente-trois ans. De plus en plus de mes potes sont mariés ou avec des enfants et ça me terrifier. J’ai l’impression d’avoir cligné des yeux et que dix ans sont passés sans que je m’en aperçoive.

« Super génie, tu les fais toutes fuir. » Il touche juste sans le savoir, moi je me contente de lui tirer la langue un sourire fictif sur le visage. Il n’a pas tort et je pense à Molly comme à Jill pendant quelques secondes avant d’immédiatement me forcer à les chasser de mon esprit. Je ne veux pas que quoique ce soit me gâche la soirée.   Alors j’attrape la balle et je la lui lance proposant une partie de volley. " Aller commence, avant que je te rétame. » « Connard ! » je lui dis alors qu’il me l’envoie en pleine figure, réutilisant son insulte.  On s’éloigne un peu loin de l’autre et du feu. Apparemment on est tout sauf doués et la balle finit sa course dans le feu, le gars qui a passé un temps fou à l’allumer se redresse en s’exclamant. « Non mais vous êtes pas sérieux les gars ?! Dégagez plus loin là ! »  Je pouffe de rire mais la balle par contre est bien dans le brasier. « Bah bravo, je crois que tu t’es un peu trop enflammé. Parce qu’après tout c’est de sa faute si la balle est arrivée dans le brasier. « On fait quoi maintenant, une partie de volley ball sans balle ? » Je roule des yeux mais mon regard est attiré par une bande de gamins et je lance un regard malicieux à Wyatt. « Ou alors….on en vole une. » Parce que le groupe de gamins lui a une balle.

« Connard ! »
« Petit con ! »

Clairement, l’état d’esprit général est de perdre en maturité pour ne devenir que des gamins qui vont se prendre la tête au moindre petit rien. C’est tout ce qu’il y a de plus puéril à nos grands âges. C’est, pourtant, tout ce qu’il y a de plus libérateur lorsque l’on souhaite se dégager l’esprit. Je ne sais pas ce qu’il fout au milieu de ces gens, Pete. Peut-être en connaît-il certains, peut-être qu’il avait en tête de draguer lui aussi. Vu les cernes qui se sont invité de manière bien trop marquée sous ses paupières, j’opterais plus pour un passe-temps quelconque qui lui permettra de ne pas ruminer ce qui semble se passer ailleurs. « Aller joue ! » que je l’invite comme pour démontrer que l’on joue dans le même bateau et que je ne serais pas celui qui viendra l’emmerder avec des conversations philosophiques.

La partie n’aura duré que deux échanges avant que le ballon n’atterrisse en plein milieu du feu, nous valant quelques regards noirs et des insultes. « Faut pas lui en vouloir, là des problèmes de coordination le petit vieux. » Il a voulu jouer avec mon âge, je vais me faire un plaisir de faire de même. « On fait quoi maintenant, une partie de volley ball sans balle ? » « Je pourrais jouer avec ta tête. » Je mime le geste dans un coup de pied savamment envoyé, sourire démoniaque au coin des lèvres. « Mais ça serait trop facile, non ? » Ce serait lui donner ce qu’il cherche, je crois. « Ou alors… on en vole une. » Et mon sourire s’agrandit dans la seconde. « Ah je te reconnais enfin. » Ce n’est pas comme si on était les meilleurs potes du monde, mais je me souvenais d’un Mulligan prêt à tout pour pimenter une soirée. « On les encercle ? » Ils sont vraiment plus jeunes les gamins, ils jouent au volley eux aussi. « Ou on s’impose dans leur partie ? » Terroriser des gosses, ça devrait être un loisir tout ce qu’il y a de plus légal, non ? « Sinon, tu voles la balle, et je vais tirer l’alcool des parents. » Et après, on se casse, bien entendu.

« Petit con ! » Je lui adresse mon plus beau sourire avant de lui tirer la langue.

Wyatt et Pete. Quarante et trente-trois ans respectivement. Pourtant en cet instant, l’âge mental général semble être bien plus bas. Je cherche tous les moyens possibles d’occuper mon esprit, de penser à autre chose. Il devient l’attraction principale. La seule personne intéressante de cette soirée qui pourra être entraînée dans des défis les uns stupides les uns que les autres. Je n’ai qu’à provoquer et il y répondra. Parce que sur certains côtés, on se ressemble lui et moi. Et ce soir, j’ai décidé qu’il serait mon partenaire de crime. « Aller joue ! » qu’il me dit et il suffit de ça pour que le jeu soit lancé et que la soirée prenne une tournure bien plus intéressante alors que je lui envoie le ballon.

Ballon qui atterrit bien vite, après seulement quelques échanges, dans le feu de camp organisé sur le plage pour les grillades. « Faut pas lui en vouloir, là des problèmes de coordination le petit vieux. » je lui adresse une grimace pour lui montrer ce que je pense de son insulte de pacotille. Que va-t-on faire maintenant que notre partie de volley a été brutalement avortée ? « Je pourrais jouer avec ta tête. Mais ça serait trop facile, non ? » Je l’observe mimer la chose, un beau coup de pied qui me fait rouler les yeux. « Fait gaffe tu vas te froisser un muscle dans ton grand âge ! »

Je propose finalement d’en voler une. « Ah je te reconnais enfin. » « Faut bien que quelqu’un ait des idées intéressantes ici ! » On regarde la bande de gamins en réfléchissant. « On les encercle ? Ou on s’impose dans leur partie ? Sinon, tu voles la balle, et je vais tirer l’alcool des parents. » Mon sourire s’agrandit « J’aime bien ta dernière proposition. »

Wyatt part d’un côté moi de l’autre, on verra qui amènera le butin.

Spoiler:

On est comme des gamins déçus lorsque l’on aperçoit notre ballon qui termine dans les flammes. Le cuir blanc devient soudainement noir à certains endroits et il est certain que l’on pourra plus se renvoyer la balle. On aime jouer comme des cons, mais on va éviter de se brûler au troisième degré malgré tout. Rester vivant est avant tout une bonne option. Néanmoins, l’idée de passer le rester de la soirée à draguer semble bien loin désormais et il va falloir trouver un remplacement à notre petit jouet. Vite, avant que l’ennui ne prenne place et que j’abandonne Pete à son triste sort. « Fait gaffe, tu vas te froisser un muscle dans ton grand âge ! » Pour toute réponse, il aura le droit à mon plus beau doigt d’honneur. Vraiment, il devrait se sentir privilégier ou une connerie dans le genre.

À la recherche de la première connerie qui nous passera sous le nez, on finit par trouver notre prochaine cible. Une bande de gamins qui s’amuse avec un ballon similaire à celui que l’on vient de perdre de causes tragiques. Je remarque assez rapidement les parents qui les surveilles et surtout la quantité de vin qui semble se cacher dans leur glacière. On pourrait faire deux coups en un. Autant ne pas perdre la main, rester échauffer et alerte. « J’aime bien ta dernière proposition. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. « Alors t’attends quoi ? »

Dans un discours silencieux, on décide de se séparer pour mieux encercler le groupe de manière innocente. Je laisse Pete tenter le premier mouvement, dès que les gamins vont se mettre à crier, les parents ne feront plus attention à rien. Il attaque sans attente Pete, il prend le ballon en l’air et se met à courir dans la direction opposée, laissant les gamins en pleurs. Je retiens un rire et attends que les parents tournent le dos pour attraper une bouteille, puis une deuxième.

WIN : il tente la troisième et arrive à se barrer sans que personne ne le voie faire.
SO CLOSE : une mère remarque ce qu’est en train de faire Wyatt, elle se met à lui hurler dessus et lui file un coup de pelle en plastique. Aie ça fait mal, mais il peut encore s’échapper.
FAIL : il arrive à tenter une fuite, mais un des pères le poursuit et arrive à rattraper Wyatt quand il est proche de Pete. C’est la merde…

Le cuir qui s’effrite jusqu’à devenir d’un noir cendre, le ballon brûlant en train de fondre devant nos yeux. On est comme deux gamins perdus sans notre nouveau jeu.  Il va vite falloir trouver une échappatoire. Une nouvelle façon de s’amuser ce soir, de ne pas retourner à cette soirée un peu trop fade.

Le jeu est facile, mon regard parcoure la plage à la recherche de quoique ce soit capable de retenir mon attention, de réveiller le gamin insupportable qui est en moi.  Je trouve facilement une bande de gamins avec un ballon étrangement similaire au notre. La suite est évidente, le vol nécessaire.  Quant à Wyatt, son regard à lui trouve les parents dont la glacière contient une belle quantité de bouteilles de vins. Assez pour qu’on puisse en voler une ou deux.  « Alors t’attends quoi ? »  qu’il me demande et je lui tire la langue pour seule réponse alors qu’on prend chacun la direction de la partie de notre plan qui nous concerne.

Moi je m’approche des enfants, entrant sur leur terrain improvisé, attrapant la balle au vol et sans demander mon reste, je pars en courant, faisant un clin d’œil à Wyatt au passage. Les enfants se mettent à hurler, les parents immédiatement distraits, occupés à essayer de comprendre ce qui se passe.  Wyatt arrive à subtiliser trois bouteilles et se barre en courant sans que personne ne le voit. On se retrouve sur la plage bien plus loin, un peu essoufflés. « TROIS ?! » Je m’exclame les étoiles pleines aux yeux. « Pour un vieux tu carbures ! » Dis-je en riant, jouant avec le ballon entre mes mains. Mais je regarde les bouteilles de vin, puis Wyatt, puis les bouteilles, puis Wyatt de nouveau. « Mais attend… on a pas de tire-bouchon ! » Je m’exclame avec horreur. Heureusement il y un petit groupe de filles non loin de là en plein barbecue, qui ont un tirebouchon. Je les regarde fixement. « C’est quoi le plan ? »

C’est presque trop simple tant, le plan se déroule comme sur des roulettes. Les gamins se mettent à chialer dès lors que Pete est parti avec leur balle et bien entendu les parents s’affolent de voir leur progéniture en plein désarroi. Pour le reste, c’est comme faire ses courses au supermarché, j’ai le temps de choisir les deux premières bouteilles et ne m’enquière guère de savoir ce que contient la troisième. Le butin fera largement l’affaire. Lorsqu’il s’agit de s’enfuir en courant, je décide d’emprunter un léger détour pour ne surtout par attirer l’attention sur moi. En réalité, je crois que j’aurais pu passer sous leur nez sans que personne ne réalise quoique ce soit.

Lorsque je retrouve Pete, il souffle comme un bœuf. Je ne fais pas mieux, mais qui a besoin de souligner ce genre de détails ? « TROIS ?! » Il a l’air surpris le jeune. « Pour un vieux, tu carbures ! » J’éclate de rire et viens claquer ma main sur l’arrière de son crâne. « Tu m’as pris pour un débutant ?! » Il est aussi sûr de lui que pourrait l’être, mon frère ou ma sœur. Les pires alors qu’ils étaient encore en couche culotte lorsque je volais mes premiers larcins. « Faut tout vous apprendre sérieux. » Et bien sûr que je râle comme un vieux, il ne cesse de me le répéter, c’est que ça doit être bien vrai. Ou pas.

« Mais attend… on a pas de tire-bouchon ! C’est quoi le plan ? » Il est déjà en train de lorgner sur un groupe de fille alors que je fouille les poches de mon jean. « T’as cru que j’allais partager ? » Si on se dirige vers elles, elles vont prendre cela pour une invitation. Ce n’est clairement pas mon idée, je préfère oublier ce genre de plan, maintenant qu’il m’a donné envie de boire. « Toujours sortir équiper Pete, je te l’ai déjà dit. » Et je finis par brandir vaillamment un couteau suisse toujours fourré dans mes poches. Le tire-bouchon est merdique, mais cela fait l’affaire pour déboucher la première bouteille. « T’explique la gueule que tu te traînes ? » Non parce qu’il m’a rendu curieux le gamin. « On a de quoi noyer n’importe quoi si jamais. » Des sentiments mal venus, un état d’âme, tout se noie avec l’alcool. « Pis y a des provisions tout autour. »

Ca s’appelle un coup de bol. Ou alors le talent. Toujours est-il que notre aventure est un succès.

Sa main claque sur ma nuque et je le fusille du regard. « Tu m’as pris pour un débutant ?! » Je roule des yeux avec un léger sourire moqueur. « Oh peut être juste un incompétent. » Je provoque pour le principe, malgré le fait que je sois impressionné. « Faut tout vous apprendre sérieux. » Il râle comme l’ancien qu’il est et ça ne m’étonne pas une seule seconde. Mon nez se fronce. « T’as eu de la chance que ma fuite fasse diversion oui ! »

C’est à ce moment-là que je me rends compte qu’on n’a pas de tire-bouchon, je regarde autour de nous bien décidé à trouver une solution et il fouille dans les poches de son jean. « T’as cru que j’allais partager ? » « J’voulais pas partager j’voulais leur voler ! » je réponds du tac et au tac, mais on peut arrêter de courir, mes poumons n’en seront que plus heureux.

« Toujours sortir équiper Pete, je te l’ai déjà dit. » Il a pas tort mais je suis du genre débrouillard qui aurait fini par trouver une solution pour borie dans tous les cas. Il débouchonne la première bouteille. « T’expliques la gueule que tu te traînes ? » Il parle de quoi, des bleus qu’on voit encore sur ma figure mais qui commence enfin à s’estomper un peu pour ne plus être flagrants ? Des cernes de trois kilomètres que je me traine depuis des semaines ? Je pose une main sur mon cœur, offusqué. « AH BAH MERCI. Dit que je suis moche aussi ? »

« On a de quoi noyer n’importe quoi si jamais. » je ris légèrement jaune, me décidant à m’allumer une clope, lui en proposant une avant de ranger mon paquet. « J’suis pas sûr que trois bouteilles suffisent pour ça. »

« Pis y a des provisions tout autour. » Je secoue la tête avec un sourire. « File moi une première bouteille déjà que je commence à boire ! » Je ne suis pas très enclin à parler de tout ça et pourtant je dis sur le ton de la rigolade. « Que veux-tu, problèmes de cœur ! Tu devrais me venger. » Si seulement c’était aussi simple que ça.

« Oh peut être juste un incompétent. » Le regard noir que je lui lance vaut toutes les insultes du monde. Qu’il recommence et il se prendre une énième tape à l’arrière du crâne, je ne suis plus à cela près, il prendra pour les autres. « T’as eu de la chance que ma fuite fasse diversion oui ! » Je lève les yeux au ciel, refusant de lui accorder pleinement mon succès lorsqu’il n’a contribué qu’a un petit rien. « Tu veux une médaille ? » Oh il va s’en vanter longuement de sa mini victoire de rien du tout, lui qui a simplement voler un ballon quand je suis allé chercher ce qui va nourrir le reste de notre soirée. Il voulait encore voler cet idiot alors que la solution se trouve immédiatement dans le fond de ma poche. On va se débrouiller à deux désormais, on a bien mérité un peu de calme après notre sprint. C’est pas que je suis essoufflé, mais un peu quand même.

On ne se connaît pas tant que ça tous les deux, mais je vois bien les cernes qui orne son visage et elles sont bien trop marquées pour n’être que synonyme d’une nuit de folie. C’est des nuits d’insomnies qui se lisent dans la pâleur de sa peau. Alors, j’ose, je lance la question à la volée, à lui de vouloir y répondre ou non. « AH BAH MERCI. Dit que je suis moche aussi ? » « T’es franchement pas le plus beau. » Comme si j’allais pouvoir réellement juger alors que je ne me suis jamais vraiment arrêté sur les traits de mon camarade de soirée. « J’suis pas sûr que trois bouteilles suffisent pour ça. » Un rire m’échappe alors que je comprends qu’il va lui falloir plusieurs bouteilles pour éponger tout cela. « File moi une première bouteille déjà que je commence à boire ! » « Ca va, ça va tiens. » Je lui file celle qui m’intéresse le moins, un rouge bon marché qui ne rivalise en rien avec les vins de mon pays de naissance. « Prends le temps de boire quand même, fait moi ce plaisir. » On ne gâche pas un vin, qu’importe sa provenance.

« Que veux-tu, problèmes de cœur ! Tu devrais me venger. » Alors c’est ça son problème ? Décidément… Il faut croire que les histoires de sentiments finissent toujours par nous mettre dans la merde. Intrigué par sa proposition, je relève la tête dans sa direction. « Faut que je brise le cœur de qui ? » J’en serais capable s’il me le demandait, jouer avec une fille pour lui faire payer. Juste pour le plaisir, juste pour le venger comme il dit si bien. « Si elle t’a trompé, on peut faire un combo gagnant, j’ai un connard à faire disparaître. » Lachlan cet enfoiré de première. « Ouais, tu n'es pas le seul dans la merde. » Au moins, ça a le mérite d’être clair.