Le responsable fuit ses responsabilités. Il est facile de mettre sur le dos des autres ses soucis. Ce comportement est digne d’un enfant. Comme quoi, un adulte sait faire l’enfant de temps en temps. Tu ignores s’il est réellement un pion du système où s’il cherche à se débarrasser de vous. Peut-être un peu des deux. Il ne semble pas ouvert au dialogue. Tu ne lui en veux pas. Tu n’as pas envie de discuter avec lui non plus. Tu as mieux à faire. Ta cause, votre cause est à défendre. Par contre, tu reviendras le voir si la mairie te renvoie vers lui. Et tu seras moins gentille. Tu lui feras des grimaces et haussera le ton d’une octave de plus. Oui, tu as le sens de la méchanceté biaisé. Ta reine sera sûrement plus dure. Elle l’est déjà via son sarcasme. Si elle est colorée, ses propos ne sont guère édulcorés. Le gardien retourne à l’accueil sans demander son reste. Agenouillée et prête à porter la blondinette, elle formule une requête. Un large sourire se dessine sur tes lèvres. Plus qu’amoureuses de monde féérique, vous êtes également addict au sucre. « Bien sûr ! Des forces ne seront pas superflues avant de nous lancer dans cette bataille ! » Puis il te faudra aussi des forces pour la trimballer jusqu’à la bâtisse. Pas épaisse, elle pèse malgré tout son poids. Il n’a rien d’enfantin et tes lombaires te le rappellent. « Et moi de cookies. » Vous différez sur le choix du biscuit. Enfin, si ta préférence se tourne vers les cookies, tu prendras volontiers des langues de chat. En fait, n’importe quel gâteau fera ton affaire.
Accrochée à toi, tu prends la direction de la sortie. Tes pas sont pressés. Elle t’a donné faim avec ses paroles. Franchissant le seuil du parc, elle t’interroge sur ton prénom. « Je m’appelle Rose et toi ? » Tu lui rétorques la question par principe. Tu essaieras de retenir son nom. En réalité, tu es certaine de le retenir. Cette fille n’est pas une rencontre hasardeuse. Son image est déjà gravée dans ton cerveau. Tu reprends votre route. Voutée par sa présence, les passants vous jettent des regards étranges. Tu n’y prêtes pas attention. Tu avales les rues du mieux que le permet ta vitesse. Tu inspectes les panneaux en chemin pour t’assurer de ta destination. Il serait bête de parcourir des kilomètres bonus à cause d’une erreur. Au détour d’un virage, tu aperçois un marchand de glace ambulant installé sur le trottoir. Tes yeux s’illuminent dans la seconde. Certes, ce n’est pas de la barba papa ou des bonbons mais l’apport de sucre est garanti. « Voilà de quoi nous restaurer, ma reine. » Tu accélères ta marche. Face au marchand, tu fais descendre ta complice. Tu regardes l’encadré de ses parfums. Tu te commandes une glace deux boules citron et cassis. Pendant que ton acolyte fait son choix, tu sors ton portefeuille de ton sac à main. Tu règles vos gourmandises avec ta carte bancaire. Rangeant le tout dans ton cabas, tu récupères ton cornet dont tu t’empresses de lécher le sommet qui coule. Le froid, et surtout le sucre, mordent tes papilles. Un gémissement s’échappe de tes lèvres tellement c’est bon. « Un vrai délice ! Je pourrai me nourrir que de glaces je crois, pas toi ? » Tant pis pour l'équilibre alimentaire et ta ligne.
« Bien sûr ! Des forces ne seront pas superflues avant de nous lancer dans cette bataille ! » Birdie ne s’attendait pas à ce que sa comparse du jour lui réfute cette demande. Elle a l’air taillé dans la même veine, même si plus fluette et plus enfantine encore que la Cadburn qui a cette rage au fond des tripes qui ne la quitte jamais. « Et moi de cookies. » Des cookies, de la barbe papa, des bonbons, qu’importe tant qu’il y a de quoi se mettre sous la dent. Elle a le ventre qui grogne gentiment et elle met ça aussi sur l’excuse d’avoir perdu du sang et donc des forces. Quand bien même le bonbon rose qui l’accompagne lui fait aussi office de véhicule tant qu’elle la porte absolument partout. Il y aura bien un moment où elle demandera à être reposée sur terre car il est clair qu’elles iraient plus vite si elles étaient chacune sur leurs cannes. « Je m’appelle Rose et toi ? » Ah. Voilà un prénom qui a le mérite d’aller avec l’ensemble. Elle tient ses bras autour de la dénommée Rose et tu souris légèrement. “Est-ce que c’est le vrai prénom de ton acte de naissance ou tu l’as changé pour l’harmoniser avec tes cheveux ? Ou alors, tu as voulu harmoniser ton prénom à tes cheveux.” Elle ne serait pas surprise si c’était le deuxième cas. Après tout, l’humain est parfois surprenant dans ses excès, Birdie elle-même est bien placée pour le savoir. “Birdie.” Petit oiseau et bonbon rose, quel charmant duo vous faites. L’un qui paille et l’autre qui est doux ; autant dire que le destin est parfois un vrai petit farceur.
« Voilà de quoi nous restaurer, ma reine. » Les rues ont défilé, Rose étant surprenante de vigueur et d’énergie, c’est assez étonnant. Bien sûr que des gens ont levé la tête à leur passage, parce qu’elles ne passent toujours pas inaperçues ; en même temps, elles veulent se faire entendre donc cela leur convient sûrement pleinement. En tout cas, Birdie a toujours cherché à avoir le regard des autres sur elle ; il n’y a pas de place à l’indifférence concernant la Cadburn. Rose les arrête devant un marchand de glace ; Birdie aurait vraiment préféré des bonbons mais il y a supplément de fraises tagada si l’on veut. Boules fraise et frais tagada, alors. Du sucre, c’est au moins ça de pris pour aller affronter l’administration. « Un vrai délice ! Je pourrai me nourrir que de glaces je crois, pas toi ? » Birdie lèche déjà le cône avant de prendre une des fraises et la savourer pleinement. “Autant j’aime les glaces, autant les bonbons prennent mon ventre par les sentiments.” C’est peut-être pour cela qu’elle est toujours énergique. “On peut continuer en marchant, mes pieds survivront à ce nouveau périple.” Ils ont l’habitude de marcher nus et elle ne veut pas perdre plus de temps sur le sujet. Elle a d’autres projets futurs et aucun n’implique un scandale à la mairie. “T’avais l’air de bien connaitre le parc. T’y viens souvent ?” Et c’est plus facile aussi pour faire la conversation. Parce que ça aussi, elle aime bien, la Cadburn. Parler et faire sa curieuse. Surtout face à une Rose aux cheveux roses. C’est particulièrement drôle.
Les présentations. Une énième facétie d’adulte. Quelque chose de futile. Tu es ce que tu es via ton attitude, pas ton prénom. On te retient davantage par ton look que ton nom. Cela te convient. Tu ne retiens pas les noms non plus. Tu retiens les visages, les sourires, les éclats de rire, le plus important en soi. Un nom n’est rien. Il ne peut vous définir. Surtout que personne ne choisit le sien. Les parents décident sans demander votre avis. Ou du moins, quand ils le font, il est difficile d’y répondre plongée dans le liquide amniotique. Tu aimes ton prénom malgré tout. Pour rien au monde tu en changerais. Avant de correspondre à ta teinte capillaire et la couleur de ta vie, il est avant tout le signe de l’amour maternel. Ton acolyte l’ignore. Comme beaucoup, elle s’amuse de sa corrélation avec ton mode de vie coloré. Tu ne t’en offusques pas. Loin de faire la remarque pour se moquer de toi, tu y vois de la curiosité bien placée, de la bienveillance d’une reine envers son sujet égaré retrouvé. « C’est mon vrai prénom. Ma mère aime les fleurs et n’a rien trouvé de mieux que de me nommer par le symbole floral de l’amour. La couleur de mes cheveux est liée à une autre histoire… » Tu baisses les yeux vers le sol. Tu regrettes déjà tes paroles. Il y a des chances qu’elle veille en savoir plus désormais. Tu n’as pas envie de lui narrer tes déboires de Melbourne. Tu ne te sens pas apte à te confier de la sorte à elle. Si tu l’apprécies, elle ne représente pas une oreille attentive dans laquelle souffler ton passé. « Je comprends mieux la présence de tes ailes. » Un léger rire s’échappe de tes lèvres. Tu as retrouvé le sourire. Le pouvoir de cette blonde est extraordinaire. En un mot, elle a balayé ta nostalgie. Tu détiens là déjà une précieuse personne.
Précieuse personne que tu dorlotes avec une offrande glaciale. Un apport de sucre pour se donner des forces et du courage. Son coup de langue est aussi précis que le tien. Nul doute qu’elle est familière de ces gourmandises. « Tu seras la reine Candy dans ce cas. » Tu pouffes. Peu douée pour retenir les prénoms, tu es la championne pour formuler des sobriquets. Ils se gravent plus facilement dans ta mémoire. Tu valides sa proposition d’un signe de tête. Vous reprenez votre route, dégustant vos cornets en marchant. Maladroite que tu es, des gouttes de cassis glissent sur tes doigts puis de tes doigts à ta robe. Tu es décidemment incapable de manger sans te tâcher. Tu es pire qu’un enfant. Ma foi, tu assumes ce que tu es. Terminant ta sucrerie, tu lèches tes doigts un à un pour ne rien gaspiller. Ton acolyte t’interroge sur ta connaissance du parc. « J’y venais souvent. En fait, je reviens à Brisbane après sept ans passés à Melbourne. Ce parc représente ma jeunesse et mon innocence. » Si tu es encore jeune, du moins dans ta tête, tu ne peux en dire autant de ton innocence. Tu ne nieras pas avoir goûté aux plaisirs coupables en grandissant. A ce niveau-là, tu es une femme accomplie bien que célibataire. « Pourquoi y étais-tu, toi ? Il représente quelque chose à tes yeux ? Ou tu voulais simplement profiter des jeux avant que ta blessure ne vienne compromettre tes projets ? » A ton tour de faire ta curieuse. Pour quelle raison la reine a-t-elle quittée son royaume ? Peut-être pour venir admirer le réel représenté par ce coin de verdure ? Ou alors pour te croiser. Elle t’a peut-être repéré de son trône bonbon voire carrément prise pour un bonbon avec ton accoutrement. En tous cas, tu es heureuse de cette rencontre. Pour ton retour à tes racines, tu ne pensais pas te faire une amie si vite. Car pour toi, elle l’est déjà.
« C’est mon vrai prénom. Ma mère aime les fleurs et n’a rien trouvé de mieux que de me nommer par le symbole florale de l’amour. La couleur de mes cheveux est liée à une autre histoire… » Birdie ne va pas entreprendre d’avoir une opinion sur un tel prénom ; il est simplement joli et semble lui correspondre. Rose a même l’air d’en embrasser l’entièreté, comme le prouve sa chevelure liée à une histoire que la demoiselle n’a pas l’air encline à partager. Comment une histoire capillaire peut avoir une portée aussi forte pour qu’on se retienne d’en narrer les tenants et aboutissants ? Ce n’est qu’une histoire de cheveux, non ? “L’histoire d’une baguette magique qui a eu un pouvoir dessus ?” que Birdie écume en esquissant un sourire, amusée par sa propre remarque et englobant la narration des fées dont Rose a l’air si friande. Si la Cadburn est connue pour mettre mal à l’aise et pousser le bouchon trop loin, elle peut sentir quand elle est de trop et qu’il ne faut pas insister. “Ca aurait pu être pire que “rose”. Imagine, “pissenlit” ou “marguerite”. Au moins, Rose, c’est joli.” Comme celle qui le porte, mais ça, elle se retient bien de le dire. Il faut croire qu’il y a quelque chose en sa camarade rosée qui l’empêche d’aller au fond de ses propos. « Je comprends mieux la présence de tes ailes. » Ah, ça. Birdie lève ses prunelles vers le ciel en souriant un peu plus. “Tout a un sens quand on y pense, n’est-ce pas. Et il parait que je piaille comme un oiseau aussi. A croire que mes parents ont réussi à me cerner avant même ma première minute au monde.” Elle était déjà un bébé qui babillait beaucoup, qui pleurait pas mal et réclamait toujours l’attention tout le temps. Une vraie bénédictin - non, vraiment pas.
« Tu seras la reine Candy dans ce cas. » La jolie blonde poursuit le rire de sa compagne du jour alors que sa langue vient happer la crème glacée avec aucune retenue - elle préfère peut-être les bonbons mais il n’empêche pas que les glaces sont un élément essentiel dans son alimentation. « J’y venais souvent. En fait, je reviens à Brisbane après sept ans passés à Melbourne. Ce parc représente ma jeunesse et mon innocence. » Rose se tâche et Rose n’y prête pas attention tandis que Birdie suit les gouttes qui viennent ternir un peu la jolie tenue de la propriétaire. Elle relève les yeux quand elle lui parle de Melbourne, son cœur se serrant un peu dans sa poitrine, abandonnant un moment sa glace avant de reprendre son attention sur la route et les rues traversées, l’air de rien. “J’ai été à Melbourne aussi. C’est marrant, on aurait aussi pu se croiser là-bas.” Oui, marrant, c’est le mot le moins bien placé de l’univers en cet instant précis. « Pourquoi y étais-tu, toi ? Il représente quelque chose à tes yeux ? Ou tu voulais simplement profiter des jeux avant que ta blessure ne vienne compromettre tes projets ? » Birdie hausse les épaules. “Je voulais écrire à la base. Le parc est l’endroit le plus proche où je peux avoir un semblant de goût de mon quartier natal.” Elle croque dans le dernier morceau de sa glace avant de tourner la tête vers Rose. “Je viens d’une petite bourgade à une heure de Brisbane. C’est le genre perdue en pleine nature, bordée d’une forêt immense, de fermes et tout ça. Le parc ne vaut pas tout ça mais en ville, c’est le mieux qu’on puisse avoir.” Elle sourit légèrement. “Et j’avoue que j’aime bien les manèges à faire. Même si les parents me regardent avec un œil bizarre à chaque fois. Comme s’il y a un âge où ce n’est plus acceptable d’en profiter aussi.” Quelques pas plus tard et la bâtisse de la mairie semble se profiler devant les deux jeunes femmes. “Je crois qu’on est arrivées. J’y suis jamais rentrée. Faire un scandale pour une première fois, voilà qui est une belle entrée en matière je trouve.”
Dernière édition par Birdie Cadburry le Lun 24 Mai 2021 - 6:08, édité 1 fois
Tu souris à sa tentative d’explication concernant la teinte de tes cheveux. Elle dit vrai en quelque sorte. La crème du coiffeur peut paraître comme une baguette magique. Tu es rentrée brune dans le salon pour en ressortir avec un gyrophare capillaire rosé. Son pouvoir est éphémère, à renouveler chaque mois lorsque tes racines se noircissent. Tu ne répliques rien à ce sujet. Tu ne tiens pas à l’aborder. Tu n’en es pas encore prête. Tu n’exclus pas pour autant de lui confier la véritable histoire un jour. Ton passé est trop proche. Rien que d’y penser te fait du mal. En parler est impossible. Par chance, elle n’insiste pas sur ce détail. « Merci. » Tes pommettes rougissent face à son compliment. Après, ton prénom n’a guère d’importance. Il n’est qu’un mot définissant ton état civil. Ce n’est pas lui qui régit ta vie mais ton état d’esprit. A ce niveau, tu ne peux nier que les deux sont en corrélation. « Je trouve pas que tu pialles, moi. Ta voix chante comme une berceuse. » Tu es sincère. Des notes mélodieuses s’échappent de sa bouche. En tous cas en l’instant, depuis la fin de l’altercation. Son ton s’est montré beaucoup moins chaleureux face à l’homme incivil et au responsable du parc. Le calme bonifie son timbre. Peut-être que ta présence n’y est pas étrangère non plus. Il parait que tu as le don d’apaiser avec tes allures de fée.
Tu développes les raisons de ta défense du parc. Melbourne lui évoque des souvenirs. Ses mots étirent tes lèvres. Sûr que si tu l’avais croisée, ton séjour n’en aurait que meilleur. Tu n’aurais peut-être pas traversé l’Enfer. D’un côté, vous vous êtes peut-être déjà rencontrées. Dans ta vie antérieure, tu ne portais ce signe distinctif au sommet de ton crâne. Tes tenues n’étaient pas aussi vives non plus. Tu étais une fille lambda parmi la foule. Un mouton de la société. Dans ces conditions, elle n’a pas pu te repérer. Et tu n’as pas le souvenir d’avoir aperçu une fille si excentrique dans la rue. Il faut dire qu’à l’époque, tu ne cherchais pas à le faire. Ta vraie nature dormait encore. Il a fallu ce passage dans ce centre de soin pour qu’elle te soit révélée. « Tu ne m’aurais pas reconnu. Je n’ai pas toujours été une fée. » Tu as quelques photos de la toi d’avant. Le contraste est saisissant. Il n’y a que ton sourire rayonnant pour faire le rapprochement entre les deux personnalités. Tout le reste a changé. C’est comme si tu été morte et avais ressuscité. Ce qui n’est pas loin de la vérité. Tu n’as rien à voir avec la Rose mannequin, pâle, triste et terne. Elle se confie à son tour. Ses motivations sont semblables aux tiennes. Désireuse de revivre ton enfance via les jeux, elle souhaite revivre la sienne via la verdure. Et également les jeux. Ouf, tu as cru un instant t’être trompée de reine. « M’en parle pas, je subis les mêmes regards. Après notre plaidoirie, je te propose d’aller faire de la balançoire. » Pas une simple où l’une pousse l’autre. Non, une double où chacune s’assoit d’un côté pour profiter du mouvement de balancier. Ta grandeur est certes handicapante. Il t’est difficile de te positionner correctement dans le siège. Qu’à cela ne tienne, tu te places en amazone, tes compas sur la droite de l’attraction. Nul frein n’existe face à ta détermination ludique.
Du réconfort ne pourra que vous faire du bien après votre effort. Au détour d’un virage, vous arrivez devant l’édifice convoité. La tour de l’horloge est impressionnante. Malgré ta grande taille, tu es minuscule à côté. « Moi non plus. Vas-y pas trop fort non plus. » Tu ignores de quoi les adultes sont capables. De méchanceté à coup sûr. Tu ne tiens à découvrir la panoplie de leurs sanctions. Tu saisis la main de Birdie pour te donner du courage. Votre duo franchit le seuil du bâtiment. Devant vous, un comptoir où est inscrit Accueil en lettres capitales. Une femme qu’une quarantaine d’année à la chevelure auburn se trouve derrière. Vous avancez en sa direction. Arrivée sa hauteur, ses yeux ronds émeraudes quittent son écran d’ordinateur et vous scrutent tour à tour. « Bonjour Mesdemoiselles, en quoi puis-je vous aider ? » « Nous voulons parler au Maire, c’est urgent. » Un rictus moqueur se dessine sur son visage. « Il est en réunion et ne reçoit pas comme cela. Il vous faut un rendez-vous et un prétexte important. » Elle sous-entend d’avance que le vôtre ne l’est pas. « La cause juvénile est plus qu’importante, elle est primordiale ! » Tu répliques sèchement, d’un ton trahissant ton agacement. « Nous allons l’attendre. » Tu n’as rien de mieux à faire de toute façon. Ton acolyte ne sera pas forcément de ton avis. Tu vous diriges vers un banc accolé à un mur. En chemin, tu remarques le carrelage au sol formant un damier. Ton âme enfantine refait immédiatement surface. Tu marches sur les dalles noires, évitant chacune des blanches. Sur le point de t’asseoir, une idée te traverse l’esprit. Tu fouilles dans ton sac à main. Tu en extrais un morceau de craie. « On fait une partie de marelle pour patienter ? », demandes-tu à ta binôme, pointant le bâtonnet de calcaire, prête à tracer le plateau de jeu sur ce marbre probablement hors de prix.
« Je trouve pas que tu pialles, moi. Ta voix chante comme une berceuse. » Voilà qui change de ce qu’elle a l’habitude d’entendre. Voilà qui fait plaisir. Quelqu’un qui la comprend un peu mieux. Alors elle sourit, Birdie, à la jolie fée rose à ses côtés. Elle est gentille alors que personne ne le lui a demandé de l’être. Elle ne répond rien mais le cœur y est dans son sourire. Sincère pour une fois. Même si sa voix ne lui a jamais posé de problème. Qu’elle piale ou qu’elle chante, jamais personne n’a réussi à lui tordre le cou pour la faire taire. Y en a qui ont essayé mais la preuve que le résultat est un échec cuisant ; l’oiseau s’égosille encore plus. Une douce revanche face à ceux qui la traitaient. L’insulter. Trop différente, trop originale. Autant dire qu’elle est fière d’avoir réussi à garder les pieds ancrés. A rester ce qu’elle a toujours été. Mais tout ça, Rose n’est pas obligée de l’entendre. Elle aussi a l’air d’avoir subi. « Tu ne m’aurais pas reconnu. Je n’ai pas toujours été une fée. » Birdie ne s’y connaît pas franchement beaucoup en humain mais elle peut entendre là un aveu qu’elle n’a pas toujours été comme ça. Aussi joyeuse, aussi pétillante, aussi détonante. Elle peut comprendre, la Cadburn. Elle peut assimiler que Rose a changé de trajectoire, et sûrement pour le meilleur. Tant mieux. Il ne faut pas rester poser sur ses faiblesses. Il faut exploiter ses acquis et accepter ce que l’on est. Toujours plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas ? « M’en parle pas, je subis les mêmes regards. Après notre plaidoirie, je te propose d’aller faire de la balançoire. » La blonde pouffe légèrement. “Comme si j’avais envie de kidnapper leurs marmots. J’aime bien les enfants mais au moins d’en prendre un pour moi. Certainement pas.” Les enfants sont de bons partenaires de jeux ; pas de vie. “Avec plaisir pour la balançoire.” Elle n’a connu que les jeux simples dans son enfance ; la forêt n’a rien avoir avec un parc mais ça regorge d’idées nouvelles quand on est gosse. L’imagination fonctionne et Birdie en a toujours eu beaucoup trop. Mais la balançoire, c’est bien aussi. Elle n’en a jamais fait assez, selon elle.
« Moi non plus. Vas-y pas trop fort non plus. » Birdie hoche la tête. “Je vais essayer.” Mais elle ne peut pas promettre. Parce qu’il a été prouvé que la blonde est plus tempêtueuse que la rose. Même si la cause tient plus à cœur à sa partenaire qu’à elle-même ; ce n’est pas pour rien qu’elle retourne à Elimbah de temps en temps. Pour oublier la ville, ses bâtiments, ses contraintes, son bitume. Elles s’approchent du comptoir de l’accueil et Rose répond à la dame. Birdie a l’impression qu’elle les toise. Encore une. Décidément, tout est fait pour que la mayonnaise monte et prend. La bonne femme n’a pas seulement le regard suffisant mais aussi le ton ; “un prétexte important”, dit-elle, comme si toutes les demandes de citoyens de cette ville ne sont pas importantes. Elle fronce des sourcils en même temps que Rose s’exclame. “Et puis, en tant qu’habitantes de cette ville qui payons le maire, je pense que chaque prétexte est important. Surtout si ce prétexte blesse ladite habitante.” Elle toise en retour, l’oiseau, le visage plus sévère mais la retenue qui se fait parce qu’elles sont dans un lieu important, municipal et qu’il y a des gardes de sécurité qui peuvent les embarquer aussitôt. Cela n’aiderait pas plus à la cause alors elle n’y va pas trop fort. « Nous allons l’attendre. » Une bonne conclusion alors que Birdie plisse les yeux. “Et on est très patientes.” Elle peut l’être quand elle veut être chiante. Et chiante, elle va l’être.
Elles s’éloignent et Birdie rejoint sa coéquipière qui est en train de marcher sur les dalles. La blonde voit ce qu’elle fait et elle sourit légèrement. « On fait une partie de marelle pour patienter ? » Elle sourit encore plus fort parce que Rose facilite le processus en brandissant une craie. Elle regarde cependant son pied encore enroulé dans son emballage de fortune et elle fait la moue. Cependant, elle est prête à souffrir pour emmerder son monde. “Je peux essayer mais je promets rien. Mais fais quand même le plateau. Insiste bien sur les dalles noires, faut que ça se voit bien.” Sur le banc assise, elle ose donner des conseils à Rose sans pour autant prendre part à la préparation. Oh mais “t’as aussi un caillou ? Ou un truc à jeter dessus ?” De préférence qui fait du bruit ? Qui peut abimer ? “On doit pouvoir en trouver à l’extérieur, tu crois ?” Oh oui, elles sont bien parties pour l’embêter, la dame hautaine de l’accueil. Qui les regarde du coin de l’oeil, sans rien dire. Pour le moment.
Après l’effort, le réconfort. Et si tu anticipes déjà le délicieux réconfort balançoire, l’effort est loin d’être fait. Tu as un instant cru naïvement rentrer dans la mairie, demander à voir le maire, le voir, plaider ta cause, obtenir gain de cause et repartir. En quinze minutes, tout était réglé. C’était sans compter sur la lourdeur procédurale administrative. Et sur cette femme. Tu es partie pour rester un moment ici. Plutôt vous êtes parties pour reste un moment ici. La reine des fées n’est pas décidée à t’abandonner malgré l’attente qui se profile. Elle a dit être patiente. Voilà une divergence notable dans vos ressemblances. Toi, tu ne l’es pas beaucoup. Tu as eu vite fait de faire un caprice pour obtenir ce que tu voulais tout de suite dans ta jeunesse. Tu t’es assagie en grandissant. Pas au point d’être un modèle du genre. Tu ne lui proposes une partie de marelle juste pour honorer ton côté enfantin. Cette activité est là pour tuer le temps en s’amusant. Tu es incapable de rester les fesses vissées sur une chaise. Sauf lorsque tu dessines ou couds. Ton métier est capable de te canaliser. En soi, tu aurais pu sortir ton bloc-notes et un crayon de ton sac à main. Tu ne te voyais pas t’occuper seule en compagnie d’une consœur colorée. L’idée semble lui plaire. Sur le coup, tu n’as pas pensé à l’état de son pied. Elle, elle aurait sans doute apprécié s’assoir. Ou du moins rester assise sur le banc.
Son esprit joueur est plus fort que la douleur. Tu es ravie de son annonce. L’essai est compris comme une acceptation. Craie en main, tu t’accroupis. Tu commences à tracer l’aire de jeu. Tu choisis la taille des dalles comme taille de carrés. Ce damier a cet avantage de ne pas te casser la tête sur les dimensions. Et le plateau sera régulier pour une fois. Quoique, pas tout à fait. Les doubles cases te posent problèmes. Il t’est complexe de définir avec exactitude le milieu. Tant pis. Tu agis à l’instinct. L’important n’est pas tant le tracé mais le moment ludique qui va en découler. « Je vais avoir ce qu’il faut dans mon sac. », rassures-tu la blonde. On trouve de tout dans un sac de femme. Non, tu n’as pas de palet. Tu penses à ton trousseau de clés où sont accrochés un porte-clés Brisbane écrit en lettres capitales noires sur un rectangle et un scoubidou rose et violet, cadeau de ta nièce. Le poids est idéal pour le lancer. Et il t’évite d’aller à l’extérieur en quête qu’un caillou. Ce souci réglé, tu reprends le traçage. Tu te montres minutieuse. Le bâtonnet glisse sur le marbre. Les traits blancs prennent place et le terrain prend forme. Tu inscris les chiffres dans les cases. Tu n’oublies pas l’arc de cercle au sommet où tu notes Ciel. Un dernier Terre en dessous de la case contenant le un et ton œuvre est terminée. Tu te relèves. Tu admires ta création. Elle manque de couleurs. Tu achèteras des craies de couleurs la prochaine fois.
Tu fouilles ton cabas. Tes clés ont eu la mauvaise idée de se cacher dans le fond. Qu’à cela ne tienne, tu renverse ton sac à côté de Birdie. Son contenant s’étale sur sa droite. Elle a tout le loisir de découvrir le bazar qui s’y trouve. Si des choses utiles telles tes lunettes de soleil rose en forme de cœur ou encore un paquet de mouchoirs sont visibles, d’autres sont questionnables. Cette place de cinéma datant d’un mois par exemple. « Je commence. » Tu ne lui laisses pas le choix. Pas de tirage de au sort. Pas de pile ou face. Pas de shifumi. Tu t’octroies ce droit. Tu le mettras sur le fait d’avoir tout installé. Et cela lui offre du repos supplémentaire. Tu te places face à l’édifice de craie, les deux pieds sur la Terre. Tu te concentres, fixant la première case. Tu lances ton trousseau de clé. Il tombe sur ta cible dans un vacarme assourdissant. Heureuse, tu souris et tape dans tes mains, applaudissant ton succès. Tant pis si c’était facile à cette distance. Toute victoire se fête pour toi. « Vous faites quoi mesdemoiselles ?! » La voix de l’agent d’accueil provient de ton dos. Tu l’avais oublié. Tu tournes ta tête, tes lèvres étirées. La sienne est toujours fermée, cadenassée derrière son visage arrondi. « On joue. Vous voulez vous joindre à nous ? » Toute partenaire de jeu est la bienvenue. Elle serait mieux là qu’à sa position. La pauvre doit s’ennuyer, il n’y a pas un chat. Elle n’a que son écran d’ordinateur pour se distraire. Sans attendre sa réponse, tu débutes le voyage vers le ciel. A cloche-pied évidemment. Prenant soin d’éviter la case marquée et les lignes. Birdie te surveille. En cas d’échec, elle saura te le signifier sans aucun doute possible.
« Je vais avoir ce qu’il faut dans mon sac. » Le bonbon rosé se trimbale avec un sac et Birdie fait la moue ; non pas que le sac la dérange, mais elle aurait aimé un caillou. Tu laisses à Rose le bénéfice du doute ; elle aurait peut-être mieux qu’un vulgaire caillou. Tant que c’est quelque chose qui fait du bruit, qui résonne, qui façonnerait chaque atterrissage dans le délicieux marbre par une petite pliure qui ferait tâche. Birdie n’aime pas quand c’est propre, ordonné, sage, cérémonieux. La mairie transpire de cette description. C’est un lieu royal, un lieu sérieux, et il n’y a qu’à juger les deux jeunes femmes dans ce lieu sordide ; elles sont les deux seules personnes avec un minimum de couleurs. Elles n’ont pas l’air strict, elles n’ont pas l’air sérieuses. Elle ne le sont qu’intérieurement, dans leurs débats, leurs principes. C’est bien pour cela qu’elles se sont déplacées jusqu’ici. Le sens du devoir, de la justice mal fichue. En tant que citoyenne de Brisbane, d’Australie et de la planète Terre, c’est quelque chose d’important de savoir protester. Le fait que les enfants perdent leurs jeux collectifs est une protestation. Voir s’échapper de la verdure au profil de la civilisation est une outrance. Ne parlons même pas des gens aussi hargneux et dénués de principes.
La Cadburn observe sa partenaire de jeu finir son dessin au sol, redressant le buste sur son banc afin de regarder la forme qu’elle vient de faire et approuver silencieusement que la gamine y a mis du cœur. Elle a même une jolie écriture, pour ce qu’elle peut juger d’ici. Elle revient à côté d’elle pour y retourner son sac, affolant les yeux curieux de Birdie qui naviguent aussi bien sur la place de cinéma que sur les lunettes qu’elle attrape entre ses doigts avec un sourire amusé. “J’adore. J’ai les mêmes chez moi. Une paire rose et une paire jaune.” Forme de coeur, forme de fleurs, elle avait même réussi à trouver une paire en forme de nuage. « Je commence. » Rose a pris ses clés et Birdie est satisfaite ; son sourire s’aggrandit un peu plus en l’entendant s’écraser contre la dalle désignée par la joueuse et elle tape même dans ses mains pour accompagner sa compagne de jeu du jour pour l’encourager.
Cette dernière observe donc Rose faire son premier tour, tout en étendant sa jambe avec une légère grimace - d’accord, elle en fait un peu trop mais la douleur est revenue à force d’y repenser et ça fait quand même mal, d’avoir des bouts de verre plantés sous le pied. Elle songe à prévoir un détour par les urgences, pour bien vérifier que rien ne reste ; elle ne compte pas rester avec un bout de verre planté dans le pied. Non pas qu’elle n’ait pas confiance en Rose mais l’avis supplémentaire de professionnel n’est pas négligeable.
« Vous faites quoi mesdemoiselles ?! » « On joue. Vous voulez vous joindre à nous ? » “Il vous faudra perdre cet air coincé, par contre.”
Hors de question d’accepter une joueuse qui n’a aucune mèche qui dépasse de son chignon et qui a l’air aussi détendue qu’une porte de prison. D’ailleurs, au lieu de céder à l’invitation forte aimable de Rose, l’agente fronce des sourcils un peu plus - réduisant le peu de capital sympathie que son métier pouvait donner, quelque chose que Birdie ne connaît pas vraiment. La même dame fait le tour de son îlot de bureau pour foncer sur les demoiselles avec une démarche qui n’est pas du tout celle de quelqu’un qui est ravie d’être invitée à jouer à la marelle. “Vous allez me faire le plaisir de sortir d’ici avant que j’appelle la sécurité.” Birdie affale son dos contre le mur, le soupir lourd et les yeux levés vers le ciel.
“On ne fait rien de mal, on attend.” “Vous n’avez pas à attendre en dégradant un domaine public. On appelle ça du vandalisme, jeunes filles.” “Si on avait eu notre entretien, notre ennui ne nous aurait pas poussé à chercher une activité à faire en patientant. On serait même peut-être déjà parties, ça se trouve. Mais non. Nous sommes là. A patienter. On fait ce que vous avez demandé.” Birdie garde le menton levé et le regard coincé sur la forme de l’agente qui a l’air de bouillonner de l’intérieur. “Je vais appeler la sécurité. Non seulement vous ne verrez pas le maire mais vous serez sorties aussi rapidement que vous êtes rentrées.” La jolie blonde hausse les épaules. “Appelez la sécurité. Je dirai qu’on m’a sauvagement agressé, que mon pied en est la preuve et j’irai porter plainte.” Un peu extrême, Birdie, non ? Toujours, elle ne connaît pas la demi-mesure. Surtout quand il s’agit de provoquer. “Et Rose sera mon témoin, n’est-ce pas ?”
Tu fais preuve d’une application remarquable lors de ton passage entre les cases de la marelle. Plus que sauter, tu survoles le terrain de jeu. Le pan de ta robe et ta chevelure rosée virevoltent à chacun de tes bonds. Ta danse reflète ta bonne humeur. Ton âme enfantine s’exprime. Il ne t’en faut pas plus pour être heureuse. Pour faire la fine bouche, tu dirais qu’il manque un brouhaha ambiant. Un silence de cathédrale règne dans la mairie. Tu plains les gens qui y doivent s’y rendre. Et davantage les personnes qui y travaillent. Tu ne pourrais supporter tout ce sérieux. Tu deviendrais folle à n’entendre que tes doigts pianotant sur ton clavier d’ordinateur à longueur de journées. Ton tour terminé, tu aperçois l’agente d’accueil avancer vers vous. Un large sourire se dessine sur tes lèvres, ravie de compter une joueuse de plus. Ton visage se referme à son annonce. Elle n’est pas venue se joindre à vous. Elle semble décider à vous rappeler les codes adultes. Un lieu, une fonction. La mairie n’est pas un terrain de jeu à l’écouter. Elle parait vouloir vous mettre dehors. En fait, tu en es certaine. Derrière sa politesse se cache le désir de se débarrasser de vous. Voilà le parfait exemple de quelqu’un qui a perdu son âme d’enfant en grandissant. Tu es triste pour elle. Tu lui ferais bien un câlin pour tenter de réveiller sa jeunesse endormie. « Nous le dégradons pas, nous l’embellissons ! » Bien que détestant les conflits, tu ne peux t’empêcher de la recadrer. Jamais tu n’as envie de vandaliser quoi que ce soit. Tu n’es pas une hors-la-loi. Tu as simplement transformé ce damier carrelé en aire de jeu le temps de votre attente. Un coup de serpillière après votre départ et le sol retrouvera son austérité originale. Birdie argumente par la suite. Tu hoches ta tête pour valider ses propos. Elle n’est pas la porte-parole du royaume des faits par hasard. Chacune de ses phrases le défend. Le tout sans élever la voix. La secrétaire ne peut qu’admettre sa défaite. L’amusement a gagné cette bataille. Elle ne partage pas ton avis. Titubante et les joues rougies par l’agacement, elle vous déclare la guerre. Vicieuse, elle dégaine l’arme de la sécurité. Les choses prennent des proportions immenses. Elles t’échappent. Tu commences à angoisser. Tu n’as pas envie d’avoir des ennuis.
Tu ne tiens pas non plus à abandonner la blonde. Seule contre le service de sécurité, elle n’a aucune chance. Surtout qu’elle est blessée. Elle ne pourra se défendre correctement même si elle a une langue aiguisée. Puis, elle ne s’est pas dérobée face au responsable du parc. « Totalement ! Sans mon intervention, elle serait à l’hôpital à l‘heure actuelle. Peut-être même qu’on lui aurait amputé le pied. » Tu en fais beaucoup. Tu dramatises la situation. D’un côté, une blessure qui s’infecte peut amener de graves complications. D’ailleurs, tu n’as utilisé que de l’eau lors de ton soin. De l’eau et ton attention. Ça a été suffisant pour remettre la blondinette sur pied mais ta solution reste éphémère. Tu l’as remarquée à ses grimaces affichées sur ses traits féeriques par instant. « Vous auriez dû vous y rendre au lieu de venir ici dans ce cas. » Son ton est sec et témoigne de sa sévérité. Son torse bombé, elle repart en direction de son bureau. Vous lançant un regard noir, elle se saisit de son téléphone. Discutant dans le combiné, un rictus vicieux étire ses commissures. Elle est ravie de sa démarche. Tu lis tout son contentement dans son attitude. Sa méchanceté te glace le sang. Ton cœur tambourine dans ta poitrine. La peur grimpe dans tes veines. Tu t’empresses de rassembler tes affaires. Tu les balances dans ton sac sans tendresse. Ta vitesse brise une branche de tes lunettes. Tu les pleureras plus tard. Tu les répareras lors de ton retour à ton domicile. Tu possèdes un tube de colle pour ce genre de mésaventures. Il te faudra seulement te souvenir où tu l’as rangé. Ou devrais-tu dire où il traîne. Chaque chose en son temps. D’abord filer. S’enfuir avant l’arrivée du ou des gorilles. Tu effaces avec tes pieds le tracé. Tu étales plus la craie qu’autre chose, empirant l’état du marbre. Il est vraiment temps de partir. Tu t’accroupis dos à Birdie. « Monte, je te ramène chez toi. On va planifier un plan d’action. Nous reviendrons plus tard. » Tu ne lâches pas l’affaire. Tu recules pour mieux sauter. Tes revendications ne se sont pas envolées. Patientant la montée de Birdie, tu attrapes tes clés gisant sur le tracé. Une fois suspendue à toi, tu te redresses. Tu marches jusqu’à rejoindre le comptoir. « Vous n’êtes qu’une vilaine adulte ! » Tu tires la langue à l’employée. Tu lui offres ta plus horrible mimique. Et avant qu’elle ne réplique quoi que ce soit, tu déguerpis à toute enjambée. Il faut espérer que Birdie soit bien accrochée. Tu prends à droite en sortant du bâtiment au hasard. Tu ignores l’adresse de ton acolyte. En tous cas, tu continues de courir, comme si tu étais poursuivie par un chien enragé.
« Nous le dégradons pas, nous l’embellissons ! » Elle ne pourrait pas avoir plus raison, le grand bonbon rose. D’autant que la vieille pie vient l’interrompre dans son amusement, elle qui semblait se plaire à jouer de sa marelle. Birdie aurait pu l’y rejoindre mais il faut bien avouer que son pied lui faisait encore mal et elle ignore si son équilibre n’en prendrait pas un coup avec un pied handicapé. De toute façon, elle n’aura pas le temps de jouer, pas plus que Rose est le temps de savourer son ascension vers le Ciel que l’Adulte vient les foudroyer toutes les deux alors qu’elles ne font que patienter comme on le leur a demandé de le faire. Ce n’est que de la craie, ce n’est pas de la dégradation. Elles auraient utilisé un feutre que Birdie regrette de ne pas avoir pris, là, le sens de la dégradation aurait pris toute sa définition la plus élémentaire. La Cadburn n’est jamais la dernière pour s’attirer des ennuis ; plus pour contrarier autrui que pour une cause véritable. Mais là, il se trouve qu’il y a la cause et la contrariété. Cela est bénéfique pour tout le monde.
« Totalement ! Sans mon intervention, elle serait à l’hôpital à l‘heure actuelle. Peut-être même qu’on lui aurait amputé le pied. » La jolie blonde serre les lèvres pour retenir le gloussement qui menace de s’échapper et qui pourrait mettre à mal l’exagération sordide de sa comparse rosée. Elle est drôle, Rose, elle ne l’imaginait pas capable de pouvoir grossir la chose à des propositions comme ça. Bienvenue chez les dramaqueens, Rose. Elle sourit légèrement avant de remplacer ce visage joyeux par une grimace tout en tenant sa jambe de ce pied qui l’a fait souffrir - il a failli être amputé! « Vous auriez dû vous y rendre au lieu de venir ici dans ce cas. » Birdie fronce du nez. “Vous êtes vraiment sans coeur ni pitié.” Malheureusement, la jolie blonde n’a pas d’aile. Ses ailes à elle sont ses jambes. Si elle perd un pied, elle va dépérir. Comment pourrait-elle courir, naviguer, marcher, voguer, conduire, voyager si elle n’a pas ses deux pieds ? Cette bonne femme est cruelle, la fourberie transpire derrière ses petites lunettes et ses traits ne sont pas accueillants pour un rond. Quand elle part, Birdie ne la perd pas du regard. Elle plisse les yeux, elle se redresse, elle la voit au téléphone. Elle pourrait le lui faire bouffer. Elle va vraiment appeler la sécurité. Son sourire veut tout dire. Elles ont des ennuis et cette garce en sera débarrassée d’un. Ou de deux, plutôt. Birdie envisage de s’attacher à son banc. Comment, elle l’ignore, mais l’important est d’y croire.
Ce n’est pas le cas de ta comparse qui s’agite. Les ondes autour d’elle s’agitent, tout comme son aura qui la fait ranger ses affaires avec précipitation. La Cadburn la regarde d’un air interdit ; elle n’aurait pas pensé voir Rose paniquer. Ceci dit, il y a une fragilité chez cette jeune fille qui ressort totalement à ce moment-là. Elle l’a déjà remarqué quand elle a planqué sa grande taille derrière la sienne, bien plus petite d’une tête et demi au moins. “On part ? On abandonne ? On baisse les bras ?” Visiblement oui car elle s’accroupit devant Birdie, qui regarde son dos en haussant un sourcil. « Monte, je te ramène chez toi. On va planifier un plan d’action. Nous reviendrons plus tard. » Mmh. Le problème de plus tard, c’est que Birdie ne sera plus dans le feu de l’action ; elle risque de n’avoir aucune volonté prochaine. Mais soit. Alors elle accroche ses bras et ses jambes de nouveau autour de Rose. « Vous n’êtes qu’une vilaine adulte ! » Si la jeune fille tire la langue, la Cadburn lève son majeur à l’encontre de la vilaine adulte, retenant des insultes bien plus fortes à son encontre. Heureusement que Rose est grande. Heureusement que ses jambes sont aussi bien proportionnées. Heureusement aussi que Birdie ne pèse pas trop. Parce qu’elle enchaîne les grandes enjambées, se mettant presque à courir. “T’as vraiment peur qu’ils nous rattrapent ?” Une fois sorties de la mairie, elles n’ont plus rien à craindre mais Rose souhaite visiblement mettre quelques distances sûres entre elles et le bâtiment. “Je pense qu’on est assez loin, ils ne viendront pas jusqu’ici. Tu peux me lâcher. Et en plus, j’habite à quinze minutes d’ici, tu ne vas pas me tenir sur ton dos pendant autant de temps. Je suis apte à marcher.” Etre secouée dans tous les sens n’a rien de très agréable, encore moins cette sensation d’être un boulet handicapé de la voûte plantaire. Une fois les pieds ancrés au sol, Birdie ne peut s’empêcher de faire un clin d'œil à Rose. “C’est une technique subtile pour savoir où j’habite, pas vrai ? Je retiens, c’est une bonne technique, je trouve.” Aider une personne et pister son lieu d’habitation, double bénéfice non négligeable. Birdie regarde autour d’elle ; elles sont en pleine rue commerçante, le genre avec des enseignes partout, de prêt-à-porter à outrance, la consommation de société qui pue les narines et qui la font grimacer. “Mon dieu que j’aime pas ces boutiques. Tout le monde s’habille pareil dans des couleurs tristes, sans compter sur l’appât du gain qui est juste affligeant…” Ce n’est pas étonnant qu’on vous regarde, vous deux, avec vos tenues jaunes et roses qui ne passent pas inaperçues. “Est-ce que t’habites plus près ? J’aurai bien envie d’un chocolat chaud avec une tonne de chantilly et de chamallows.” Les saisons n’ont pas d’impact sur ses envies, à la blonde ; après la glace, le chocolat. Quoi de plus naturel pour cette fille à la dent sucrée ?
Tu démontres toute l’étendue de ton courage à Birdie. Après l’épisode du parc, celui de la mairie. Prête à défendre la cause enfantine, tu n’es pas prête à affronter la méchanceté adulte. Tu n’es pas armée pour cela. De larges sourires, des tenues colorées, une joie de vivre ne suffisent pas à mener cette guerre. La reine des fées semblent posséder un arsenal plus fourni. Des mots aiguisés en premier lieu. Probablement des ongles acérés également. Mais seule face à plusieurs adultes, votre défaite est assurée. Malgré sa détermination, vous ne pouvez pas gagner. Alors tu choisis la fuite. Tu ne nieras pas être aussi motivée par l’envie de ne pas avoir d’ennuis. Tu reviens tout juste à Brisbane. Tu ne tiens pas à te faire remarquer dès ton retour. En tous cas, pas de cette façon. Tant pis pour tes principes. Tu te rattraperas plus tard. Tu prendras rendez-vous avec le maire. Tu t’arrangeras de venir avec Birdie. A deux contre un, le rapport de force sera à votre avantage. Il n’aura d’autre choix que de céder à vos requêtes. Du moins, tu penses de cette façon. D’ici qu’il vous rit au nez en entendant vos réclamations est une hypothèse plus réaliste. Tu aviseras le moment venu. En l’instant, tu détales à toutes enjambées. Tu avales le bitume à grande vitesse. Tu vas si vite que la pauvre blonde soit être ballotée dans tous les sens. Il est à espérer que tu ne lui donnes pas la nausée. Ses paroles censées te stoppent. Descendue de ton dos, tu poses tes mains sur tes genoux. Tu reprends ton souffle difficilement. Tu n’as jamais été une grande sportive. « Je préfère en être sûre. Les adultes apprécient pas recevoir de leçons. Ils se croient les rois du monde. Nous on sait qu’ils se trompent et que celles qui le régissent sont les fées. » Tu lui offres ton plus beau sourire. Vous avez clairement une meilleure vision de l’univers qui vous entoure. Vous savez où se situent les réelles priorités. Elles ne se trouvent pas dans le budget de la ville, l’urbanisme ou encore les élections. Elles sont tout simplement dans le sens de la vie. Vie qu’il faut prendre du côté de l’amusement. Le sérieux est son ennemi. Il rend les gens ternes et malheureux.
Ta bouche forme un O de surprise. Tu n’as pas agi par malice. Lorsque tu désires quelque chose, tu le demandes. Tu admets te montrer plus subtile en mode séduction. Tu n’as pas envisagé ceci en secourant la blonde. Il n’y aucune arrière-pensée dans ton attitude. Elle aurait été moins mignonne, tu aurais réagi de la même manière. « Zut, tu m’as démasquée. Je vais devoir peaufiner ma technique. » Tu glousses. Un rictus mutin rejoint tes lèvres. Tu n’as pas mis longtemps à retrouver de ta superbe. Ton côté joueuse à rapidement balayé l’étonnement de ses propos. Tu n’as pas pu t’empêcher de saisir sa perche et de surenchérir. Le tout pour le meilleur et pour le rire. Sauf quand on te bouscule. Une femme, le nez rivé sur son écran de téléphone vient de te percuter à l’épaule. Le choc est minime. Elle n’a même pas pris le temps de s’excuser. Ok, vous êtes plantées au milieu d’une rue commerçante mais la politesse n’est pas réservée à un lieu précis. Vous reprenez votre marche. Tu te cales sur le pas de ton acolyte. Elle critique les boutiques et la société de consommation. Décidemment, vous vous ressemblez plus que ce tu croyais. « Je partage ton avis. Je serai gouverneur général, j’imposerai du rose dans chaque tenue. Avec amende en cas de manquement. Et cet argent servirait à créer des jeux pour enfants. » En voilà un programme prodigieux, n’est-ce pas ? Si le poste était voté, tu aurais toutes tes chances. Malheureusement, ce n’est pas le cas. La reine Élisabeth II nomme cette personne. Tu es légèrement excessive. Tu peux te le permettre, tu ne seras jamais nommée à cette fonction. Birdie, probablement affamée après toutes vos aventures, te propose un goûter. A l’entente de ses mots, ton ventre se réjouit et gargouille. Ta langue lèche tes babines rien qu’ à visualiser la boisson et les bonbons. « Elle est pas mal ta technique pour aller chez moi. Je la note. » Tu lui lances un clin d’œil. « Mais je n’habite pas plus près, c’est bête. Tu vas devoir patienter pour visiter mon appartement. » Tu lui tires la langue, amusée par la situation à la différence de l’exaspération exprimée à la mairie lorsque tu as effectué cette mimique à votre départ. La destination coule de source désormais. Tu suis la guide. Le quartier commercial se mue en quartier résidentiel. La zone n’est pas plus colorée. Des maisons identiques aux murs grisâtres se dressent des deux côtés de la rue. « Elle est bizarre ta maison de fée. T’es sûre que t’es pas une imposteur ? » Tu arques un sourcil, tentant d’être crédible. Ton sourire vient trahir ta plaisanterie. Tu ne vas pas tarder à être fixée. Elle est en train de déverrouiller sa porte d’entrée. Dans une poignée de secondes, tu pénétreras dans son monde féérique.
Le ballottement a cessé et tu as retrouvé pieds sur le sol. Non pas qu’avoir l’impression de voler te dérange, mais un dos n’est pas très confortable et surtout, tu te soucies de la silhouette fine de ta camarade de jeu et de protestation. Elle est grande, Rose, mais elle est aussi élancée. Svelte au point où sa capacité à te porter sur plusieurs minutes t’épate grandement. Tu es impressionnée, étant sûre que tu n’aurais pas pu faire de même si c’était l’inverse. Tu repenses aux débris de verre dans un parc et tu te sens de nouveau gonflé d’une indignation folle. Tout est parti de là, de l’irresponsabilité des adultes qui prônent pourtant la sagesse et la protection des enfants. Si tu as été coupée dans ta chaire, qu’en aurait-il été si cela avait été un enfant ? Sûrement que le maire vous aurait reçu si vous étiez parents. Si cela avait été une petite tête blonde qui se serait blessée. Il aurait geint et fait trembler les murs du bâtiment public, personne ne lui aurait rien dit. Mais vous, vous êtes des adultes. Bloquées dans un esprit enfantin mais l’apparence et vos cartes d’identité ne vous procurent pas la même sécurité. Alors oui, c’est injuste. Injuste qu'il y ait des débris de verre dans un lieu pareil. Injuste que personne n’entende vos jérémiades qui ne sont que pour le bien-être de la communauté. Vous êtes des portes-paroles mais personne ne semble le remarquer. « Je préfère en être sûre. Les adultes apprécient pas recevoir de leçons. Ils se croient les rois du monde. Nous on sait qu’ils se trompent et que celles qui le régissent sont les fées. » Exactement. “Mais nous devons garder notre monde secret parce qu’ils seraient capable de venir le détruire lui aussi.” Ta mauvaise humeur se fait sentir dans tes paroles. L’humain te fascine autant que tu peux le détester. Tu rencontres des gens exceptionnels mais d’autres te donnent envie de sortir les griffes et les crocs. Comme la mégère de l’accueil. Elle a de la chance que Rose soit là ; tu aurais été seule que tu lui serais rentrée dedans par un moyen ou un autre.
L’expression de ta partenaire du jour se transforme en véritable surprise et tu esquisses un sourire amusé face à ses traits. Tu ne perds jamais le temps pour faire preuve de charme et d’humour dans n’importe quelle situation. C’est un talent en soi ; certains trouvent cela agaçant. Mais toi, ça t’amuse et cela s’amplifie à voir Rose qui est véritablement ébahie que tu puisses penser une telle chose. « Zut, tu m’as démasquée. Je vais devoir peaufiner ma technique. » Tu te joins à son léger rire, ravie de voir qu’elle ne prend pas la mouche. Sait-on jamais, les réactions humaines peuvent être parfois surprenantes et tu n’es pas la dernière dans ce domaine. « Je partage ton avis. Je serai gouverneur général, j’imposerai du rose dans chaque tenue. Avec amende en cas de manquement. Et cet argent servirait à créer des jeux pour enfants. » Pourquoi cette réflexion ne t’étonne pas ? Tu hausse les épaules en parcourant la foule des yeux, le pied légèrement boiteux qui attire l’attention par son manque de chaussures - tu as l’habitude. “Je suis une fan invétérée de toutes les couleurs tant qu’elles donnent l’impression d’être en vie. Dans plusieurs teintes différentes. Que ça brûle les iris et que ça brille au soleil. Mais étrangement, même si ça ne fait pas longtemps qu’on se connaît, je ne suis pas surprise que tu imposerai ça. Tu deviendrai gouverneur mais tu transformerais en véritable dictactrice du rose.” Tu souris légèrement en pensant vaguement à Ombrage, dans Harry Potter. Une information que tu te retiens de dire car la comparaison n’est pas très juste pour ta compagne féérique, et que tu espères / penses sincèrement que Rose ne sera jamais aussi cruelle qu’elle. « Elle est pas mal ta technique pour aller chez moi. Je la note. » “Oooouh, fourberie!” Rose utilise tes mots contre toi, elle te rend la monnaie de ta pièce et tu pouffes de rire. « Mais je n’habite pas plus près, c’est bête. Tu vas devoir patienter pour visiter mon appartement. » Et elle tire la langue. Te serais-tu trouvé une jumelle quelque part dans ce monde ? Même si Rose ne doit pas avoir ton envie irrémédiable de foncer tête baissée dans le tas, elle partage cependant ton avis sur le manque de couleurs et de fun des adultes. Cela ne peut que te séduire et t’amuser, toi qui n’aurais pas pensé que tes gribouillis dans ton carnet se seraient fini avec une rencontre aussi solaire que surprenante.
Alors tu guides le bonbon rose à travers les rues et ruelles de la vie jusqu’à arriver à la demeure dont tu envahis la chambre libre depuis quelques semaines. « Elle est bizarre ta maison de fée. T’es sûre que t’es pas une imposteur ? » Tu souris légèrement alors que la clé s’enfonce dans la serrure. “Ce n’est pas ma maison. Un ami me laisse gentiment crécher chez lui avant que je me lasse vers d’autres contrées. Donc rien ne me ressemble ici, à part ma chambre.” Cela aurait été ta maison qu’elle ne serait pas quelconque comme ça. A commencer par la façade. Et la porte. Les fenêtres. La boîte aux lettres. Il n’y qu’à voir à quoi ressemble la maison familiale à Elimbah. Ou même ta chambre. Tu invites Rose à entrer dans les lieux, certaine que ton colocataire du moment n’est pas là car sa voiture est absente. “Je n’ai jamais réussi à supporter de vivre seule ni à me poser dans un seul endroit très longtemps.” Ce n’est pas pour rien que tu as un van à l’arrière aménagé ; cela te permet de pouvoir naviguer ailleurs quand tu le souhaites où tu le souhaites. La pièce à vivre est banale, plutôt masculine et ta présence se fait sentir simplement par les petites guirlandes à boules colorées que tu as rajoutées dans le salon. Tu as assez confiance pour t’effacer afin de laisser entrer Rose dans ta chambre, ton antre où n’importe qui n’y passe pas facilement. Mais Rose pourra donner son avis sur ta création en cours - une jupe céleste accrochée sur le mannequin de couture. Elle pourra apprécier les guirlandes et les plantes suspendues, les attrapes-rêves que tu as confectionné et acheté, le lit complètement défait, l’ambiance bohème et hippie que ta famille t’a transmise aux couleurs rayonnantes ici et là. “Est-ce que je suis toujours une imposteure ?”
« Ils n’ont aucune chance. Tant qu’il y aura des enfants, notre royaume existera. » Ou des enfants déguisés en adulte. Ils ont beau essayer, leur lutte est vouée à l’échec. Faire mûrir les jeunes et leur donner des responsabilités ne suffit pas à diminuer le nombre de vos adeptes. L’adulte réfléchit mal. Chaque enfant qui devient adulte a souvent envie d’avoir des enfants à son tour. Le cycle de la vie est fait ainsi. Sans reproduction, l’espèce serait vouée à disparaître. Ce sont ces mêmes critiqueurs qui vous offrent de nouveaux membres. Sans compter les personnes qui vous conserver dans vos rangs au fil des années. Celleux qui, comme toi, refusent de grandir et préfèrent rester dans cet univers ludique et coloré. Au final, en y regardant de plus près, votre royaume grossit chaque jour qui passe. Il ne sera jamais anéanti. Et si par malheur, il l’est un jour, la force de vos esprits imaginatifs le reconstruira en en rien de temps. Le jeu a encore de belles heures devant lui. Et tant mieux. Vivre sans jeu ne veut pas la peine. Tu souris à ses propos. Il est si rare que tu croises une compatriote amoureuse des couleurs vives. Tu pourrais la prendre pour ta jumelle cachée. Tu interrogeras ta mère lors de votre prochaine rencontre. La similitude est troublante. « Je suis pas obsédée par le rose. L’arc-en-ciel est ma palette. » Tu la rectifies. Certes, le rose te recouvre en grande partie comme en témoigne ton gyrophare capillaire mais cette teinte n’a pas le monopole de tes idées colorées. « Et je ne serai pas une dictatrice. J’écouterai la parole de chacun. » C’est le problème du monde actuel. Personne ne se soucie des voix enfantines. Elles sont jugées immatures et inutiles. Pourtant, elles sont parfois bien plus censées que celles des adultes soi-disant responsables. L’âge ne fait pas tout. Il n’est qu’un nombre. Le plus important concerne l’état d’esprit. Et bien que sagesse rime avec vieillesse, jeunesse également. Trop l’oublient.
Après avoir retourné ses propos contre elle, vous arrivez devant sa maison. Son manque de vie t’intrigue. Sur le coup, tu envisages t’être fait entourloupée. La reine des fées te rassure. Tu as envie de la croire. Tu n’imagines pas qu’elle te mente. On ne ment pas à ses amies. Et tu as l’impression qu’elle le devient au fur et à mesure des minutes tant vous vous entendez à merveille. Puis tu comprends sa difficulté à s’imposer chez les autres. Au centre de soin, tu n’as pas pu aménager ta chambre comme bon te semblait. Ta « colocataire » et surtout le personnel ne t’ont pas autorisé à repeindre les murs en rose. Tu as encore moins pu exprimer ton talent artistique dans les parties communes. Tant pis pour eux. Tu t’es rattrapée en rentrant à Brisbane. Avant de te préoccuper de tes cartons, tu as mis un point d’honneur à décorer les pièces. Si tout n’est pas encore comme tu le souhaites, faute de moyen et de temps, la personnalisation de ta demeure te satisfait. Tu la peaufineras tranquillement. Tu es pressée de découvrir le monde de Birdie. Tu passes la porte. A l’intérieur, tu repères les touches de ton acolyte. « Moi je vis seule. » Plus par défaut que par choix. Tu as déjà essayé la colocation lors de tes études. Tu es trop étourdie, bordélique, différent pour vivre en société. Tu as besoin de ta liberté d’action. Tu n’es pas capable de vivre sous la contrainte. Du moins, tu n’es plus. Tu l’as trop fait pendant ta période de mannequinat. « Et je n’aime bouger. Je voyage déjà assez dans mes rêves. » Tu glousses. Si tu sédentaire dans le réel, tu es nomade dans l’espace onirique. Tu n’es jamais deux fois au même endroit. Même si les endroits se ressemblent, il y a toujours des variantes. Tu suis la guide jusqu’à son jardin secret. Pénétrer dans la chambre de quelqu’un est un moment spécial. Un signe de confiance qui te touche. Tu lui signifies d’un large sourire.
L’ambiance contraste avec celle du salon. Les touches féeriques sont devenues des dominantes féeriques. Tes prunelles ne savent plus où se poser. Elles brillent d’excitation et d’admiration. Lorsqu’elles croisent cette jupe céleste, elles pétillent. Ton styliste interne se réveille. Tu t’avances vers la création. Tu l’effleures du bout des doigts. « Pardon ma reine. J’ai fait une grossière erreur. » Tu te plies et lui offre une révérence en riant. Tes empreintes reprennent le parcours de l’habit. De ta main de libre, tu saisis et décroches une guirlande. Tu ne penses pas une seule seconde ne pas être chez toi. Quand ton artiste s’exprime, il se moque du lieu dans lequel il se trouve. Tu la places autour de la taille de la création. Tu la noues grossièrement pour qu’elle tienne. Tu recules légèrement pour l’observer. Tu la trouves superbe. « C’est mieux comme ça, non ? », que tu demandes à la créatrice originale. Elle a le droit de ne pas aimer. Tu ne lui en voudrais pas si c’était le cas. Tu tentes simplement d’ajouter un peu de brillant dans sa brillance. « Au fait, tu as parlé de chocolat chaud avec une tonne de chantilly et de chamallows tout à l’heure. Ils sont où ? » Tu affiches un rictus malicieux. Tu as la mémoire sélective. Pour la gourmandise, tu sais te rappeler des choses. Enfin, tu triches un peu à ce niveau. La plupart du temps, c’est ton ventre qui te remémore les éléments relatifs à la nourriture. Le glouton ne perd jamais une occasion de se régaler de sucre depuis que tu es sortie de l’anorexie. « Dans ta table de nuit peut-être… » Tu as déjà tes doigts sur le tiroir, prête à l’ouvrir. Ce meuble est souvent le coin le plus secret d’une chambre. Elle y range peut-être son journal intime. Ou un accessoire coquin. Ce serait dérangeant. La blondinette risquerait de perdre ses jolies couleurs pour le rouge pivoine de la gêne.
« Je suis pas obsédée par le rose. L’arc-en-ciel est ma palette. » voilà que tu approuves par un petit hochement de tête. L’arc-en-ciel est joli, ça serait bête de ne pas l’exploiter. Tu n’accordes pas forcément les couleurs entre elles, tu vogues au gré de tes envies quand les créations te viennent. Tu pourrais te tenter à la peinture, adorant jouer avec des pots de couleurs et des crayons. Forcément que ton style serait abstrait parce que tu ne sais pas faire quelque chose de concret, et cela est valable pour ton état de vie, au-delà de l’art. « Et je ne serai pas une dictatrice. J’écouterai la parole de chacun. » “Voilà qui demandera beaucoup de temps et d’ouïe.” toi, tu ignores si tu aurais la patience d'écouter chaque voix. Tu jugerais celles qui méritent de l’attention et tu ferais taire si les paroles ne te plaisent pas. Mais comment savoir ce que l’autre peut penser réellement d’un simple coup d’oeil ? C’est une tâche bien trop compliquée pour toi, mais tu laisses volontiers à Rose le soin d’appréhender et d’être les oreilles du peuple, en plus d’être sa voix si elle le désire. Tes ambitions ne sont pas aussi hautes ; tu veux seulement pouvoir vivre ta vie sans que l’on te juge. La société étant comme elle est, cela rend l’entreprise plus compliquée qu’il n’y paraît et rien que l’attaque à votre encontre plus tôt au parc puis à la mairie sont des preuves que c’est une longue et pénible bataille à poursuivre et continuer. Ton énergie est débordante mais tu préfères la nourrir ailleurs. Si les gens sont trop obtus, ce n’est pas ton problème. Et si tu viens leur botter le derrière face à leurs réflexions, c’est aussi de leur ressort plutôt que du tien ; on ne récolte que ce que l’on sème, après tout.
« Moi je vis seule. » C’est un choix, une contrainte ou une envie particulière, chacun est libre de décider de son confort. “Je n’y arrive pas. Toute seule, j’ai peur de m’ennuyer. J’ai grandi dans une fratrie de quatre enfants, je suis la dernière. Ça doit expliquer que je n’aime pas vraiment la solitude.” Parce que pour toi, vivre seule est synonyme de solitude, d’isolement. Ta chambre te suffit pour t’isoler, tu n’as pas besoin d’un étendu de pièces pour cela. Si certains y voient là une contrainte, ça t’a forgé une capacité d’adaptation assez grandissante. Et puis, si tu as vraiment besoin de te couper du monde, tu as ton van dans lequel tu peux dormir et tu as Elimbah, aussi. Ta maison d’enfance où tout y retourne dès que l’opportunité se présente - ou plutôt, tu y retournais beaucoup avant de disparaître pendant deux ans. « Et je n’aime pas bouger. Je voyage déjà assez dans mes rêves. » tu te joins à son rire parce que tu la comprends. Tu voyages beaucoup dans l’espace, dans les rêves, dormi ou éveillée. Sur terre, tu ne t’es déplacée qu’à Melbourne de façon presque définitive mais sinon, tes nombreux séjours n’ont été que brefs mais tous portés pour applaudir un proche à soutenir.
Tu notes que Rose est curieuse de ton environnement une fois dans ta chambre. La porte ouverte, signe que ce n’est pas une invitation pour y séjourner pendant plusieurs heures car ça reste ton espace, ton intimité et que si tu l’as dirigé jusqu’ici, c’est simplement pour prouver que tu n’étais pas un leurre. Tu ne reçois jamais personne dans ta chambre et pour cause, même si elle change de localisation de temps en temps, ça reste ton endroit. « Pardon ma reine. J’ai fait une grossière erreur. » Rose te fait une révérence et tu secoues la tête en souriant, amusée par ses mots autant que par son geste. “Je dois bien avoir une couronne quelque part d’ailleurs.” mais tu passes la main contre ta nuque parce que, d’un, tu ne te rappelle pas où et deux, si c’est ici ou à Elimbah. Mais tu n’y penses pas plus quand Rose observe, caresse, frôle la création en cours avant d’aller attraper une guirlande pour la mettre en autour de la taille de la jupe, comme une ceinture lumineuse, ce qui te fait sourire en plus d’une exclamation étonnée. « C’est mieux comme ça, non ? » “Je suis déçue de ne pas y avoir pensé moi-même.” parce que ça rend mieux, ça rend bien et pourquoi tu n’y as pas pensé en premier lieu ? “Je songerai à cette technique plus souvent.”
« Au fait, tu as parlé de chocolat chaud avec une tonne de chantilly et de chamallows tout à l’heure. Ils sont où ? » Tu claques tes doigts les uns contre les autres en faisant un clin d’oeil avant que- « Dans ta table de nuit peut-être… » Tu fronces légèrement des sourcils avant de sourire légèrement. “Je ne suis pas sûre qu’une tasse de chocolat digne de ce nom puisse se cacher dans ce tiroir.” Rose peut toujours ouvrir mais tu n’apprécierai pas forcément. D’ailleurs, tu fais un signe vers l’extérieur de la chambre. “Si tu veux tout ça, c’est par là-bas que ça se passe. Tu pourras veiller à ce que je ne fasse pas de bêtises, comme ça. Il faut la dose nécessaire de chocolat et chantilly pour se remettre des émotions du jour.”
bouh.:
cela pourrait être une conclusion ou tu peux y répondre, tu me dis