Il n'était pas aisé de gérer deux terreurs en pleurs au beau milieu d'un centre commercial mais Tim tâchait de tenir le coup. Il était parfois usé de toute l'énergie qu'il devait mettre afin de calmer Gabriel puis Willow, les deux s'unissant toujours bien malgré lui pour transformer ses journées en véritable cirque de Pinder. Il les aimait, ces mômes, plus que tout alors, il se mit à sourire en susurrant une comptine dont il avait déjà oublié les paroles, réussissant à faire taire la fille alors que le garçon bougeait dans tous les sens au fond de sa poussette. Timothy tâcha de ne pas se démonter en passant les portes automatiques du magasin de jouets. Il espérait sincèrement qu'il n'y avait pas une centaine de clients dans les allées où le grand Decastel aurait vite honte de sa tribu qui n'arrivait pas à se calmer malgré les appels désespérés de leur père. Dépassé mais pas abattu, le libraire alla dans l'allée des jouets pour s'enquérir d'appuyer sur tous les boutons possibles et imaginables: le bruit pouvait avoir un effet extrêmement positif sur Gabriel, sans que le français ne comprenne vraiment d'où cela lui venait. De sa mère, certainement, car Tim avait toujours été plus silencieux que l'inverse. Le petit arrêta de brailler et Timothy put se rendre dans l'allée des jeux du premier âge, hésitant entre des milliers de produits qui semblaient convenir au développement moteur de ses bambins. Même choisir des jouets n'était pas si simple que cela en réalité et Tim se demandait comment son entourage avait fait pour trouver ce qu'il fallait pour ses jumeaux le jour de leur premier anniversaire. Il finit par choisir un circuit de trains et un jeu de cubes, sans distinguer ce qui serait à Willow de ce qui serait à Gabriel. Ils partageaient tout et Tim voyait en aberration les distinctions de genres. Au bout du compte, il arriva à la caisse, observant que l'employé seul ce jour-là était occupé à renseigner une jeune femme aux cheveux roses bonbon sur des jeux qui ne paraissaient pas être de son âge, à première vue. Comme s'il y avait un âge pour s'amuser, Timothy. Ce fut alors qu'il attendait sagement son tour que ses enfants se remirent à exister aux yeux du monde, pleurant à l'unisson sans raison apparente, Tim leur intimant au silence en recommençant à marmonner des chansons. "Eh, Gabriel, tu veux tester le nouveau Jeu? Willow, chérie, où est ta peluche?" Le désespoir était immense à l'heure actuelle et ce cher Decastel ne voyait pas d'issue avant que tous les regards ne se tournent vers la petite famille, celle-là était loin d'être conventionnelle pour sûr mais c'était la sienne. Celle qu'il n'avait pas choisi mais qu'il chérissait plus que tout, pour le meilleur et pour le pire. Pour toujours.

@Rose Grant

Le grand brun n'avait clairement pas l'air d'être le père de l'année au beau milieu de ce grand magasin de jouets. Il devait faire avec les pleurs simultanés de ses deux marmots et Tim culpabilisait quelque peu de ne pas être le papa en mesure de les rassurer en un claquement de doigts. C'était sûrement le problème avec le français, il angoissait pour peu de choses, voire même trois fois rien et envisager qu'il puisse déranger tous les clients et le personnel de la boutique le rendait presque malade. Cela dit, il devait tenir le coup, ce n'était qu'un moment à passer et bientôt, sa comptine aurait l'effet escompté au moins sur un des deux bambins. C'était presque cela en effet, puisque la cliente devant lui s'approcha en fredonnant à son tour la petite chanson, Tim souriant en la voyant agir avec Willow. Celle-ci semblait tout de suite bien heureuse, riant à grands éclats dans le magasin, sûrement parce que le jouet venait titiller tous ses sens. Il était fier du spectacle, le grand brun, se disant que le tout était peine perdue dix secondes plus tôt et voilà qu'il avait une héroïne sans cape qui venait en renfort pour le sauver du désarroi dans lequel il était tombé. Cela dit, Timothy n'eut pas tellement le temps de remercier la jeune femme aux cheveux roses que celle-ci l'interpellait sur la fuite de la version mâle des mini Decastel, Timothy accourant derrière lui pour l'attraper en plein vol avant qu'il n'aille se coincer les doigts dans un portique ou la porte d'entrée. Forcément, le sale caractère de Gabriel l'invita à se laisser aller à des sanglots tonitruants, son père tentant de le réconforter d'un câlin et d'un baiser sur la joue, berçant son petit corps alors qu'il revenait vers la petite troupe à la caisse. "Gabriel et son sale caractère, comme toujours. Mais je vois que Willow vous aime bien, par contre." Les jumeaux étaient le jour et la nuit en termes de personnalité sur énormément d'éléments et l'un d'eux montrait son côté grognon alors que l'autre arborait la joie de vivre. Timothy finit par déposer un Gabriel plaintif dans la poussette, lui redonnant sa tétine, sachant que cet effet le calmait toujours au bout d'un moment. "En tout cas, je suis désolé du dérangement, ça ne doit pas être agréable d'être dérangé dans ses emplettes à cause d'enfants qui braillent." La honte du père qui ne gérait pas grand chose, il devait l'assumer depuis un an désormais mais Tim tâchait de pallier à tous les manques pour les jumeaux car il n'avait plus leur mère et qu'il devait bien trouver tous les substituts pour qu'ils soient heureux malgré tout. "Et vous, vous avez des enfants, non? Enfin, vous aviez l'air de vouloir acheter un jouet géant, j'ai supposé que c'était un beau cadeau pour un bambin." Tim mettait clairement les pieds dans le plat mais c'était fréquent avec lui et sa timidité autrefois maladive. Aujourd'hui, ses yeux bleus arrivaient à soutenir ceux de leur vis-à vis et il tenait la conversation avec aisance, comme quoi tout changeait avec l'âge et l'expérience.

Il lui fallait encore du temps pour s'adapter au monde maintenant qu'il était père de deux enfants. Jusque là, Tim avait toujours été confronté à l'univers en étant seul, ce qui était déjà suffisamment difficile à gérer par ailleurs. Combien de fois s'était-il senti mal au milieu de la foule? Trop de fois pour qu'il ait pu garder un compte précis toutes ces années et puis, les jumeaux étaient arrivés alors que rien n'avait été prévu ni anticipé. Tim n'avait jamais pensé avoir des enfants un jour: en réalité, il avait toujours été le genre de garçons trop timides qui pensaient finir sa vie tout seul dans un coin. Ou dans un cimetière, dans son cas. Les choses avaient pourtant changé à une vitesse folle: il ne travaillait plus au cimetière depuis presque deux ans, se perdant entre les rayonnages d'une librairie après une formation militaire avortée. Bien sûr, il rêvait encore de son business d'horticulture mais il ne pouvait pas encore en vivre décemment. De seul, il était passé à la charge de deux enfants et puis, il avait choisi de vivre une histoire plus qu'amicale avec Héïana. Sa vie avait été très nettement chamboulée en l'espace de deux ans et Timothy n'y était au final pas si habitué que cela. Alors, il rattrapa son petit bout aussi vite que possible, le déposant délicatement dans la poussette, s'essuyant un peu le front parce qu'il avait eu peur que quelque chose ne lui arrive. Cela aussi, c'était en changement puisque Tim n'avait jamais été aussi effrayé par le monde que depuis qu'il avait des enfants. "De sa mère, j'en ai peur. Même si elle ne le saura jamais." Elle avait abandonné les jumeaux quelques mois auparavant et abandonné ses droits parentaux, laissant Timothy parfaitement seul pour gérer leur éducation. C'était un challenge difficile mais qu'il tâchait de relever au quotidien, se disant que cela valait le coup lorsqu'il voyait Willow sourire ainsi ou Gabriel faire son bambin ronchon en serrant son nounours plus fort entre ses petits doigts. "On fait au mieux en tout cas, c'est pas toujours simple d'être un papa tout seul." Il était donc obligé de se rendre dans les magasins avec les deux marmots sous le bras, s'attendant à ce genre de crises qui viendraient déranger la quiétude des environs. Heureusement, les gens comme Rose ne semblaient pas franchement dérangés par ce qui venait de se passer, la jeune femme s'osant à répondre aux questions du français sans paraître profondément choquée. "Oh, bientôt peut être... Pour vous? Vous aimez les jouets?" La question paraissait clairement idiote, c'était ce que Tim se disait après coup alors qu'il rougissait, il n'était vraiment pas doué en société. "C'est la première fois que je rencontre un adulte qui aime autant les poupées et ce genre de choses. Votre maison doit être aussi colorée que vous." Il émettait des hypothèses mais cette jeune femme avait l'air de rayonner en plus d'avoir des cheveux roses pétants. En un sens, c'était magique et c'était exactement ce que Tim n'avait jamais connu durant cette fameuse période d'innocence qu'était l'enfance. Si seulement il pouvait rattraper le temps.

Tim ne voulait pas que la mère de ses enfants devienne un sujet tabou par sa faute, même si ce serait certainement toujours ardu pour lui de la mentionner lorsque les jumeaux poseraient des questions. Il savait que cet instant viendrait lorsqu'ils seraient un peu plus grands, indiquant ainsi leur envie de savoir d'où ils venaient et surtout, dans quelles circonstances ils avaient pu arriver dans ce bas monde. Decastel ne voulait pas leur cacher un seul secret mais ce ne serait pas des mots faciles à entendre car ils étaient de purs accidents, un manque de vigilance de la part de la mère, un manque d'informations de la part du père, autant dire que c'était une erreur qui les avait menés sur terre mais Tim n'en regrettait absolument rien. Ils étaient depuis ses petits trésors et jamais il n'imaginait sa vie sans eux: quelque part, il avait la sensation que Gabriel et Willow l'avaient sauvé d'un destin funeste. Il n'était pas au meilleur de sa forme lorsque la grossesse avait été annoncée et les événements s'étaient enchainés à une vitesse folle, ce qui avait forcé Timothy à prendre des décisions radicales pour son bien-être et celui de ses proches. Depuis, il avait pris en confiance et heureusement, sinon il n'aurait pas tenu deux jours dans son rôle de père célibataire. Oh, bien sûr, il n'était pas si seul puisqu'il était accompagné de Heïana depuis de nombreux mois maintenant et son frère avait toujours été là pour offrir un coup de main en cas de besoin. Il avait toujours eu ce que d'autres n'avaient pas pu obtenir, un peu de soutien de la part de son entourage et Decastel était extrêmement reconnaissant à ces personnes qui lui avaient tendu la main lorsque la mère des jumeaux avaient plié bagage en abandonnant ses droits parentaux par la même occasion. Maintenant, le français pouvait en sourire face à Rose, de ce statut de père qui n'était pas simple de base mais qui l'était encore moins lorsqu'on était seul. Il hocha la tête, vérité générale qui ne pouvait être discutée, surtout pas alors que les petits bougeaient dans tous les sens pour attirer l'attention de leur toute nouvelle amie. Celle-ci resplendissait de mille feux aussi, il fallait le dire et pour des enfants, voir ce genre de profils les emportaient loin. Cela dit, le tout marchait également sur Tim qui avait perdu son âme enfantine bien trop jeune sous les sévices de sa mère. Depuis, il n'avait jamais essayé de retourner dans cet état d'innocence mais peut être qu'il pourrait oser avec quelqu'un d'aussi libérée sur le sujet que Grant. "Jouer? J'ai même pas eu le temps de tester étant petit mais je dois dire que j'aimerais bien me rattraper maintenant... Vous pourriez me montrer ce que c'est?" Sa naïveté était de mise, mais Tim était réellement intrigué, il avait tant vécu et plus de mauvais que de bon, assurément, pourquoi ne pas changer la donne maintenant? "Tout doit être rose... Et les petits ont l'air d'adorer. Vous avez deux nouveaux fans. Ils vont pas vouloir se décoller de vous, je suis désolé." Ses petits pots de colle d'amour qui avaient très envie de jouer avec Rose eux aussi vu que Willow tendait le bras pour attraper une mèche rose de ses cheveux. "Vous avez jamais fait du babysitting ou quelque chose du genre? Vous êtes douée avec les bébés, ça se voit... Au fait, moi, c'est Tim." Se présenter ne semblait pas un mal maintenant que la glace était brisée et que les petits étaient d'excellente humeur face à leur nouvelle camarade de jeu.

Ne pas avoir pu profiter pleinement de son enfance restait une blessure béante au fond du coeur de Tim, même s'il faisait tout pour le cacher. Pourtant, il s'en rappelait très nettement, de tous ces instants où il observait ses camarades sur la cour de récréation, eux qui se couraient après et jouaient avec des balles en mousse. Lui, il restait dans son coin puisque personne ne lui adressait jamais la parole autrement que pour se moquer de ses accoutrements ou ses coupes de cheveux. Ce n'était clairement pas la faute du petit bonhomme s'il avait dû venir habillé ainsi jusqu'à l'école, les lubies de sa mère avaient toujours été les plus douloureuses pour son bambin mais Timothy avait fini par arrêter de se battre contre elle. Il n'essayait même plus de trouver d'autres habits ou une manière de retirer des chouchous fermement épinglés dans sa chevelure trop longue pour un garçon de son âge, c'était comme s'il avait accepté son sort. Voilà qui était affreusement triste et aujourd'hui encore, Timothy ne pouvait qu'y penser de manière régulière parce qu'il était sûrement passé à côté de quelque chose d'incroyable quand il était petit mais il ne savait pas en quoi le tout était exceptionnel. Il avait juste été témoin des rires de gamins de son âge, de moments de bonheur dont il n'avait jamais fait partie et il pensait à ses propres enfants: s'il ne savait pas ce que c'était, comment pourrait-il aider les jumeaux à être des enfants heureux? C'était ce qui le travaillait le plus ces derniers mois et sa rencontre avec Rose était une nouvelle manière de renverser la situation, de se sortir de circonstances tortueuses où il n'était que l'insouciant malheureux. Fini tout cela. "C'est noté, on va essayer et vous, tâchez de convaincre les autres que vous êtes digne de confiance avec des enfants." Timothy, lui, voyait bien qu'elle pouvait avoir le talent qui était nécessaire pour distraire des petites bouilles avec une capacité de concentration limitée. Il souriait, le Decastel, en entendant son prénom, elle n'aurait probablement pas pu avoir un patronyme aussi approprié que celui-ci avec sa chevelure couleur chewing gum et tout cela rendait heureux le jeune français. Il fut ensuite surpris en voyant Rose retirer ses chaussures et surtout, confier ses enfants au pauvre employé de caisse, il s'apprêtait à s'indigner: hors de question de laisser les jumeaux à de parfaits inconnus mais le caissier avait l'air d'apprécier beaucoup trop leur compagnie et Tim ne dit rien. Il ne le put pas tellement cela dit puisque Grant s'était déjà élancée dans un rayon en courant et le brun supposait qu'il était censé la suivre, voire l'attraper. Autant se lancer dans cette aventure, non? Il courut dans l'allée à son tour, cherchant à tout prix la jeune femme qui devait s'être cachée quelque part et lorsqu'il l'aperçut, il courut de tout son saoul pour arriver à sa hauteur et toucher son dos in extremis. La suite des règles, il ne la connaissait pas vraiment, évidemment. "C'est à ça que jouaient mes camarades d'école, je crois, je les regardais juste." Non, lui, il n'avait pas le droit de participer parce qu'il était trop bizarre, voire dangereux à leurs yeux. Ridicule idée.

Il aurait aimé avoir ces instants simples lorsqu'il était enfant, ne pas avoir à s'inquiéter de quoique ce fut, pouvoir simplement profiter de son innocence sans peur et sans regret. Ce n'était pas ce qui était arrivé à Timothy, il avait souffert perpétuellement, de sa naissance à sa treizième année et dans ces conditions, hors de question d'envisager qu'il puisse être un garçon normal. Alors, il n'avait pas eu cette chance de s'intégrer au milieu d'un groupe d'enfants de son âge: la plupart du temps, on le regardait, on l'humiliait et on essayait de le faire partir ou pleurer. Les gens pouvaient être si mesquins lorsqu'ils étaient en position de force et Decastel avait été une victime de choix quand il ne savait pas encore tellement qui il était. A cette époque, il n'était qu'une poupée entre les bras de sa génitrice, une poupée du nom d'Esmeralda et s'il essayait d'être Timothy, la réalité lui revenait brutalement en pleine face. Les sévices étaient tragiques et il en gardait encore des séquelles, son corps marqué par ce passé qu'il ne pourrait de toute évidence jamais oublier, même s'il le souhaitait ardemment. Il aimait cela, pourtant, l'idée d'obtenir un instant coupé du temps, où il pouvait apprendre à connaître ce môme qu'il n'avait jamais pu être, initié à de multiples jeux par la gentille Rose. La jeune femme pétillait, elle avait l'air d'être très créative et n'avait peur de rien: sa personnalité était ce que Tim aurait probablement voulu être et il lui souriait alors que la partie se terminait. Du moins, la première. Il avait été le chat mais Grant avait d'autres idées en tête, il y avait probablement des centaines de jeux de cour de récréation que Tim n'avait jamais pu expérimenter et il comptait assurément sur les cheveux roses face à lui pour lui offrir un cours de rattrapage de haut vol. "Me cacher? Je vais voir ce qui est faisable avec ma taille d'adulte..." Il réfléchissait au lieu d'agir et c'était clairement à l'avantage de Rose. Il passait son regard sur les allées alentour, cherchant assurément le meilleur refuge possible alors que le décompte commençait à enfler du côté de sa camarade de jeu. Timothy se décida donc à courir pour ne pas gâcher toutes ses chances de suite. Il alla de rayon en rayon, à la recherche de la cachette du St Graal, finissant par se caler derrière les poupées taille réelle. Il s'accroupit et sentit de nombreux souvenirs ressurgir. C'était comme s'il se retrouvait de nouveau dans cette position d'enfant meurtri au fond d'un placard pour empêcher sa mère de le tourmenter. Il tint sa tête entre ses mains et pria pour que personne ne vienne l'assommer. Pour qu'aucun mal ne le happe. Plus jamais.

Il n'a aucune idée du nombre de minutes où il reste recroquevillé derrière une peluche géante. Tim sait juste qu'il ne doit pas bouger et il excelle réellement à ce petit jeu, si seulement cela en avait toujours été un. Il y a toute l'histoire derrière, toute cette souffrance qui reste gravée parce que, lorsqu'il était petit, il n'avait pas le choix que d'aller se terrer dans les endroits les plus sombres de la maison, juste le temps que sa mère l'oublie. Il ne le faisait pas de gaieté de coeur, pas pour s'amuser avec des camarades de son âge ou son grand frère, il le faisait pour survivre et se protéger. Les séquelles sont immenses et quelques souvenirs le terrassent au moment où il coince sa tête entre ses bras, qu'il se resserre encore plus sur lui-même, comme s'il désire simplement disparaître de la planète. Rose ne le trouvera pas, c'est sûr et certain et Timothy oublie quelques temps que ce cache-cache n'a rien de douloureux, qu'il n'y a aucune brûlure de cigarette ou de gifle qui surgira au moment de la découverte de sa cachette. Non, pendant un temps, il oublie tout cela, il ressasse tout bonnement ce qu'il a traversé et il arrête d'être ce Timothy de trente quatre ans, celui qui n'a plus rien à craindre vis à vis de ce monde qui l'a déjà tant blessé. Il n'a plus à avoir peur pourtant car personne ne viendra le tirer de là par les cheveux pour lui donner la soufflante de l'année, il sera accueilli par de la joie, des rires, tant d'émotions qu'il n'a pas pu connaître durant sa jeunesse. Il ne peut pas oublier totalement le présent pourtant, il doit desserrer ses genoux, arrêter de maltraiter son poignet qui lui coupe la circulation du sang, il doit se reprendre car des pleurs s'annoncent, qu'on l'appelle, qu'on a besoin de lui.

Il se rappelle soudainement de son âge et de sa condition, surtout. Timothy est père de deux jumeaux qu'il a laissé à l'employé d'accueil le temps du jeu et il s'en veut instinctivement d'avoir pris cette décision. Et si quelque chose de grave se passe? Il sera responsable du mal d'un de ses enfants et il a la nausée en s'extirpant de sa cachette, apercevant Rose au bout de l'allée, elle qui ne l'a pas trouvé et qui a dû passer devant lui sans se douter qu'il pouvait se faire aussi petit. Il la regarde avec cet air désolé, s'élançant vers les caisses pour trouver Willow qui hurle à la mort parce qu'elle a perdu sa peluche et que personne n'est là pour lui rendre. Tim se répand en excuses, pire encore, une larme ou deux roule le long de ses joues alors qu'il attrape la petite fille et qu'il la berce entre ses bras. Le contact lui fait du bien, il se rappelle qui il est, où il est et ce qu'il doit faire pour sauver la face. "Je suis désolé que le jeu se soit interrompu, Rose... J'ai eu très peur pour eux." Il a encore peur, cela se lit sur les traits de son visage. Le français n'a pas l'habitude de les laisser livrés à eux-mêmes et il ne peut que culpabiliser de ce simple fait. "Est-ce que ça fait de moi un mauvais papa?" Il s'en inquiète réellement en tournant ses yeux légèrement rougis vers Rose, parce qu'il a vraiment peur qu'on lui retire ses enfants. Ils n'ont déjà plus de mère, comment feront-ils sans lui? Tim ne veut même pas le savoir. Jamais.