☽ 14 février 2021. Milo était en intervention sur la base principale de la côte est sur Sydney. Il avait d’ailleurs eu l’occasion d’aller voir quelques connaissances et amis de cette région, natif de Sydney il avait un bon carnet dans le coin. Toutefois, il ne restait jamais bien longtemps à terre préférant s’investir un maximum à la base dont il appartient. En effet, Milo avait gravi les échelons doucement mais sûrement, accompagné de Cian et Thomas, les hommes avaient grandi ensemble et avaient également appris le métier côte à côte. Milo partait souvent en grande intervention étant donné qu’il travaillait pour la Royal Australian Navy, spécialisé dans la Navy Aviation Force, Milo était quelqu’un de très confiant, sérieux, autoritaire. Dans son travail, il était extrêmement respecté mais il cachait un passé beaucoup plus sombre. Milo n’en parlait jamais, très peu de gens étaient au courant car il avait bien fallu qu’il se confie un jour où le poids était trop lourd à supporter sur ses épaules. Il avait préféré cacher la vérité à sa sœur, et à son frère, il ne voulait pas que l’image qu’ils avaient de leur père soit d’autant plus dégradée, et de toute manière toute cette histoire était bien trop sombre pour pouvoir leur dire la vérité. Pourtant, les actions de son père avaient eu une importante répercussion sur la vie de Milo. Il avait dû faire énormément de sacrifices dont très peu de personnes étaient au courant. Sa mère, bien évidemment, ses meilleurs amis, mais aussi la mère de Zoey. Il s’était confié, complètement apeuré, encore jeune et naïf, il avait dû prendre une décision pour la sécurité de l’australienne qui était encore lourde de conséquences à l’heure d’aujourd’hui. Milo n’avait pas pu remplir ses obligations de père, du moins il l’avait fait mais à distance, prenant toujours soin de ne pas louper un anniversaire, ni un Noël. Zoey n’était pas au courant, elle était restée sur cette image de l’homme fuyard, qui avait tourné les talons lorsqu’elle lui avait appris être enceinte. La vérité était beaucoup plus sombre, beaucoup plus compliquée. Pourtant, cet appel n’avait pas eu le temps de faire deux fois le tour dans sa tête qu’il était déjà au volant de sa Ducati XDiavel noire et rouge. Il la sortait rarement, quand il avait le temps d’aller se faire des balades perdues dans les méandres routières australiennes. Mais cet appel lui avait froid dans le dos: “Lou est à l’hôpital, Zoey ne veut pas que je m’y rende, je crois que c’est grave, Milo. Il faut que tu viennes”. C’était les mots de la mère de Zoey qui résonnaient dans sa tête, le casque sur la tête il fonçait donc de Sydney à Brisbane, il mettrait la nuit pour y arriver mais il n’avait pas réfléchi une seconde. Aucunement, il se disait qu’il allait croiser Zoey alors que c’était pourtant évident. Il était tellement apeuré d’apprendre qu’il était arrivé quoique ce soit à Lou qu’il ne réfléchissait même pas à ce qu’il allait dire à Zoey.
Il avait roulé une bonne partie de la nuit, s’arrêtant pour boire quelques cafés, après dix heures de route, au petit matin il était là. Il était à Brisbane alors qu’il n’était pas censé revenir, il ne devait pas poser un pied dans la ville au risque de revoir le Club lui tomber dessus. Pourtant, il était bel et bien là à l’accueil du service pédiatrique. « Bonjour, est-ce que Lou Thomson est ici ? est-ce qu’elle va bien ?» il était paniqué, il était en folie de ne rien savoir… « Bonjour monsieur. Avez-vous un lien de parenté avec la petite Lou ?» Les deux mains plaquées contre le comptoir, il avait mis son casque autour du bras et devait probablement paraître très fatigué. « Je suis son père. Dites-moi comment elle va, s’il vous plaît.» dit-il d’un air désemparé, il ne contrôlait rien, il ne savait rien. Il avait peur, il ne pensait pas qu’à deux pas se trouvait Zoey, au lit de leur fille, seule et inquiète. « Je n’ai rien dans le dossier de Lou Thomson vous concernant, je ne peux rien vous dire, Monsieur.» Milo releva la tête pour croiser le regard de cette secrétaire, il n’en croyait pas ses oreilles, il ne demandait pas la lune, quand même ? Seulement si sa fille était en vie. « Je m’en fous de votre dossier, Madame. Je veux juste savoir si ma fille est en vie, est-ce trop demandé ?» Cette fois-ci, Milo s’était montré ferme, d’une voix forte et grave, il ne laissait pas vraiment le choix à la secrétaire, il avait sûrement parlé beaucoup plus fort qu’espéré... Il ne se doutait pas qu’à deux pas, deux billes bleus étaient en train de l’observer comme si elle était en train de regarder un fantôme…
☽ 14 février 2021. La tête de Milo bourdonnait, il conduisait en se demandant l’état de Lou. La mère de Zoey avait été si vague et pourtant, si inquiétante à la fois. Le militaire n’avait pas hésité une seconde, il avait expliqué la situation pour demander une permission, était monté sur sa moto et avait roulé toute la nuit. Il ne s’était pas demandé une seule fois comment ses retrouvailles avec Zoey allaient se produire, il voulait juste savoir si Lou était en vie, et saine et sauve. Il était arrivé à toute allure au comptoir principal du service, il avait laissé sa moto garée devant, son casque sous le bras il voulait qu’on lui dise vite ce qui s’était passé, si elle était en vie et pourtant la secrétaire ne semblait pas vouloir coopérer avec lui. Bien entendu, il n’était pas écrit dans les dossiers, c’était logique et pourtant Milo n’avait jamais arrêté de prendre de ses nouvelles, de s’assurer que tout allait bien, et d’être là pour elle par procuration, il n’avait pas le choix. C’était bien trop risqué pour Zoey et Lou de rester en contact avec lui, il prenait déjà énormément de risques en étant en ville…
Il était totalement impuissant, il ne pouvait rien faire à part espérer qu’on lui donne des nouvelles concrètes de Lou. Il n’avait pas senti le regard soutenu sur lui que lui portait Zoey, la mère de sa fille, qui devait ne rien comprendre… « Qu'est ce que tu fais là Milo ? Tu n'as pas ta place ici et tu le sais mieux que quiconque» Ça lui brisait le coeur d’entendre ses propos mais c’était légitime, elle ne pouvait pas s’imaginer ce que ces dix dernières années avaient été pour lui. Il avait tout suivi, du premier anniversaire à l’entrée à l’école, aux premiers bobos, Milo savait tout mais Zoey n’en savait rien… « Zoey...» Son regard croisa enfin le sien, il avait le coeur brisé de la voir devant lui, il avait envie de la serrer dans ses bras, d’être là pour elle mais il savait qu’au plus profond d’elle, elle voulait probablement le frapper. « C'est bien son père » Ce n’était clairement pas facile pour elle de dire ces mots-là. Milo se détacha du comptoir pour s’approcher d’elle. « Comment tu as su ? Et surtout qu’est ce que cela peut te faire ? » Milo soupira, il prit une grande inspiration, il ne s’était pas préparé à une telle confrontation. Il était inquiet. Il savait pertinemment que la mère de Zoey s’était tirée une balle dans le pied en l’incitant à le faire venir ici, elle savait que sa fille lui en voudrait d’avoir caché la vérité pendant plus de dix ans. «Elle va bien ? Dis-moi qu’elle est en vie ?» pria-t-il, c’était d’abord ce qu’il voulait savoir depuis la seconde où sa mère l’avait appelé. Zoey devait avoir tout un tas de questions mais Milo ne pourrait sûrement pas y répondre. Il avait le cœur brisé de la voir, surtout dans cet état-là, mais il avait accepté ce sacrifice. « Bien sûr que ça m’importe, Zoey. Cela a toujours été le cas malgré ce que tu crois.» finit-il par dire en relevant le regard pour fixer ses yeux bleus perçants. Il savait qu’elle allait le remballer, qu’elle n’allait pas le croire, surtout avec le peu d’informations qu’il pourrait lui donner. Ce qui était sûr, c’était qu’il était bel et bien là car il était inquiet pour Lou, mais aussi pour Zoey. Elle ne pouvait pas être seule à vivre dans cette attente, il savait aussi qu’il n’était pas la meilleure personne pour l’accompagner, et qu’il risquait gros en étant ici, mais cela avait été plus fort que lui. Il la fixait en espérant qu’elle lui dise finalement ce qui s’était passé, et l’état de Lou…
☽ 14 février 2021. Milo avait roulé toute la nuit sans vraiment réfléchir à ce qu'il allait dire à Zoey. Quand il croisa son regard, le temps s'arrêta. Elle n'avait pas changé, ses boucles dorés entouraient son visage et Milo était déjà perdu dans son regard. Il était figé, impossible de dire quoique ce soit alors qu'il voyait dans son regard à quel point elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Elle était loin de s'imaginer que toutes ces années, Milo avait été là dans l'ombre, à garder un oeil sur elles. Le militaire n'était pas prêt à tout lui raconter, c'était encore trop dangereux pour elles. Pourtant, le métisse avait pris le risque de venir, mais le risque valait la peine de poser le pied ici. Il la vit, en arrière plan, branchée à toutes ses machines, sa fille.
Bien sûr, la mère de Zoey lui envoyait des photos, lui donnait des nouvelles mais ce n'était pas pareil. Il avait ses yeux posés sur elle et se demandait comment un petit être pouvait être blessé de la sorte. Il voyait bien que Zoey était arrachée entre la colère, la tristesse et l'incompréhension. « Elle est dans le coma. » Milo ferma les yeux dans un soupir, son cœur manqua un battement, il avait terriblement mal. Il tenta de s'expliquer, sans vraiment donner d'informations délicates mais il comprenait bien que Zoey n'était pas là pour essayer de comprendre quoique ce soit. La situation était bien trop délicate pour que les deux commencent à se chiffonner dans les couloirs de l'hôpital. « Tu te fous de ma gueule là ? T'as fui dés que tu as su que j'étais enceinte et d'un coup il te vient un esprit paternel. » Milo encaissait les coups, il ne pouvait faire que ça, il n'avait aucun moyen de défenses car les seules choses qui pourraient lui dire, la mettraient en danger. Il n'eut même pas le temps de réfléchir à une réponse que les machines derrière Zoey se mirent à sonner de toute part. Les yeux du père absent s'écarquillèrent, il regardait le personnel médical s'agitait autour de leur fille et son coeur battait à vive allure. Mais que se passait-il ? La mère ne réfléchit pas une seconde et entra dans la chambre alors que Milo finit par la suivre sans pour autant trop s'approcher. « Elle a quoi ? » Milo était spectateur de la scène, impuissant. « Veuillez sortir madame » « Quoi ? Non c'est ma fille » Zoey était révoltée, et inquiète, quant au militaire il était incapable de dire quoique ce soit. Il savait qu'il n'avait pas la place de réagir à cette scène, à part être inquiet pour Lou, il n'aurait le droit de rien dire. Il le savait, et au fond ça lui faisait terriblement mal. Une infirmière les fit reculer jusqu'à sortir de la chambre pour leur expliquer la situation. « Votre fille a fait un arrêt cardiaque ... Le médecin l'a fait revenir mais là, il fait des examens pour comprendre d'où cela vient » Le sang de Milo se glaça aux mots prononcés par l'infirmière, il se prit la tête entre ses mains, ce n'était pas possible, cela ne pouvait pas être réel. « C'est ma faute, j'aurais pas du lui crier dessus et elle ...» La blonde s'effondra, elle se glissa contre le mur tentant d'accuser le coup. Milo et l'infirmière se regardaient, même l'homme ne savait plus quoi faire, il ne savait pas ce qu'il pouvait faire. « Elle ne serait pas sortie en courant et cette voiture ne lui serait pas rentré dedans » Milo se pinça les lèvres quand il apprenait ce qui s'était passé. La mère de Zoey n'avait donné aucun détail, s'inquiétant juste pour sa fille et sa petite-fille. Milo sentit qu'il était énervé d'apprendre que c'était à cause d'un mec qui ne savait pas rouler, ce qu'elle ajouta n'était pas pour le rassurer. « Et ce connard qui l'a vue et n'a pas freiné ... Et qui a pris la fuite ... Je vais le tuer ...» Milo fit signe à l'infirmière qui pouvait les laisser. Il s'agenouilla pour faire face à la blonde, le regard inquiet mais aussi la flamme d'un père en colère dans la voix. « Il y a eu un délit de fuite ? Tu as eu le temps de le signaler avec tout ça ? » dit-il d'une voix posée, il comprendrait si la blonde n'avait pas eu le temps de signaler cet accident. Il le ferait si ce n'était pas fait, et ne voulait pas la brusquer avec cette question. Mais, lui aussi comptait bien retrouver ce connard.
Le médecin ressortit enfin de la chambre, Zoey se releva péniblement, et Milo croisa les bras. « Bonjour je suis le cardiologue de garde. Je suis désolée de vous annoncer ça après toutes les épreuves d'hier mais Lou doit se faire opérer d'urgences. Une hémorragie que les urgences n'ont pas détectée est présente et son arrêt cardiaque vient de là mais il nous faut votre accord » Milo soupira, cela ne faisait que s'enchaîner et il se demandait bien pourquoi Zoey avait interdit à sa mère de venir la soutenir, c'était inhumain de vivre tout ça, seule. « Allez-y, faites tout pour la sauver. » Milo acquiesça alors que le médecin lui adressa un regard, il n'était pas censé savoir que Milo n'avait aucun mot à dire dans cette affaire - même si c'était bien le cas, et le militaire le savait. Il fut tout de même soulagé que Zoey n'hésite pas à donner le feu vert. Il posa un regard sur la maman désemparée, il avait envie de se montrer présent, mais il craignait de se prendre une gifle méritée. Ce fut elle qui releva la tête pour croiser son regard, et faire le premier pas. « Tu ... Tu veux rester ? » Au fond de lui, il fut soulagé d'entendre ces mots mais il ne pouvait pas sauter de joie non plus, il hocha la tête doucement, il marchait continuellement sur des oeufs face à la flic. « Oui, j'aimerais rester. » approuva-t-il dans un sourire bienveillant. Ils virent leur fille se faire embarquer en salle d'opération, ils n'avaient plus qu'à attendre. « Viens, on va prendre un café, tu dois être crevée. » finit-il par proposer en commençant à marcher vers la cafétaria. De toute manière, ils en avaient sûrement pour quelques heures, les deux avaient le temps d'aller chercher un café et Milo se doutait qu'elle n'avait pas dû dormir de la nuit. Maintenant il craignait qu'elle revienne à la charge, il savait pertinemment que Zoey ne laisserait pas passer ça sans rien dire, sans rien demander. Elle voudrait comprendre pourquoi Milo était là mais le militaire était coincé entre ce qu'il devait cacher et la logique des choses. S'il s'en fichait réellement, il ne serait pas là. L'ancien couple avait pris leur boisson chaude respective, et ils se retrouvèrent dans la salle d'attente, Zoey n'avait pas voulu rester à la caféteria, elle ne voulait pas rater le chirurgien s'il voulait les prévenir de quoique ce soit concernant leur fille.
☽ 14 février 2021. Encore hier, Milo était sur le quai de Sydney à bavasser avec l'un de ses meilleurs amis. Il avait été loin d'imaginer qu'il aurait passé la nuit sur sa moto pour arriver dans la matinée ici, à l'hôpital de Brisbane. La pensée de croiser quelqu'un du gang ne l'avait pas lâché mais l'appel de la mère de Zoey l'avait tellement effrayé. Il se disait qu'il pouvait se passer tout un tas de choses en une nuit, et c'était pourquoi il arriva à l'accueil de cet hôpital désorienté, apeuré, et même sur les nerfs. Toutefois, il devait se calmer, notamment devant Zoey qui n'avait pas le droit de le voir ainsi. Elle n'avait pas le droit de voir à quel point il pouvait être sur les nerfs, elle ne comprendrait pas pourquoi il se montrerait aussi soucieux alors qu'il n'avait pas daigné lui parler pendant plus de dix ans. Milo avait voulu la protéger, les protéger et c'était toujours le cas... Le militaire avait la trouille d'être ici pourtant, il ne se voyait pas être ailleurs... Quand il apprit que tout cela était dû à un accident, et que l'homme s'était enfui, il pensa rapidement qu'il ne le lâcherait pas, il retrouverait cet homme, quitte à la tuer de ses propres mains. Il en serait capable. « Non ... Je dois le faire ... Faut que je le fasse maintenant, t'as raison » Milo fixait Zoey alors que ses larmes coulaient sur ses joues mais il n'osa pas la toucher, il aurait voulu la prendre dans ses bras mais il savait que ce n'était inapproprié. « Ne t'en fais pas, on va le faire ensemble. » dit-il doucement, il était sur le point de poser le dos de sa main le long de sa joue pour venir la caresser et la rassurer mais le médecin sortit enfin de la chambre pour leur expliquer la situation. Zoey se releva et Milo tenta de se ressaisir... Cela semblait être grave, très grave même et le militaire était assez décontenancé de ces nouvelles. Il était partagé entre l'idée de devoir rester longtemps à Brisbane et risquer de se faire tuer, et l'impossibilité pour lui de faire autre chose, il ne se voyait pas repartir comme si de rien était.
Un problème après l'autre... le plus urgent était l'état de Lou, mais aussi de Zoey. Il lui proposa d'aller chercher un café pour lui donner un peu de force, il était sûr qu'elle n'avait pas dû dormir, et la journée ne faisait que commencer... Les parents retournèrent à la salle d'attente, ils ne voulait pas louper une mise à jour de l'état de leur fille. Il savait pertinemment que la blonde voudrait des réponses mais il n'était pas sûr de pouvoir lui en donner beaucoup. « Comment tu as su ? » Milo se pinça les lèvres, il savait qu'il n'échapperait pas aux questions de la flic. Il baissa le regard, les coudes appuyées sur ses cuisses, il tenait son café entre les mains et n'osait pas regardé la blonde. Il détestait mentir, il détestait cette situation dans laquelle son père l'avait mise. Pourtant, depuis dix ans, il en subissait les conséquences. « On m'a prévenu, c'est tout. » dit-il, mais il savait que Zoey ne serait pas satisfaite de cette réponse, d'ailleurs il sentit son regard insistant sur lui, un regard qu'il n'osait toujours pas croisé. « J'ai un ami dans la police, il a appris pour Lou et me l'a dit. J'ai toujours gardé un oeil sur vous. » avoua-t-il, et même si c'était en partie faux car un ami flic n'était pas la vraie source d'informations, le reste était vrai. Il n'avait jamais cessé de garder un œil sur les femmes de sa vie. Il avait toujours été là pour Lou, grâce à la mère de Zoey, il avait pu maintenir ce contact, enfin... à sens unique car Lou ne se souvenait pas de ses premiers mois de bébé, et puis Milo avait fini par être obligé de se faire discret pour ne pas que Zoey se pose de questions, et se retrouve en danger. Milo avait fait le sacrifice de sa vie mais il ne regretterait jamais de l'avoir fait.
☽ 14 février 2021. Penser et dire le mot "ensemble" sonnait presque faux à la bouche de Milo. Pourtant, c'était bel et bien un mot qu'il n'eut peur de dire quand cela concernait leur fille, Lou. Le militaire s'était risqué à le dire dans le seul but de la rassurer, il ne savait pas si ça marcherait mais c'était le but. Il ne s'était pas encore pris de gifle, très probablement parce que Zoey était bien trop perturbée par tout ce qui était en train de se passer. Milo tentait d'y aller doucement, il savait pertinemment qu'il marchait sur des oeufs et qu'à tout moment, Zoey pouvait exploser. Après l'annonce de l'opération imminente, il lui proposa d'aller se chercher un café pour prendre des forces. La journée allait être longue, en plus ce n'était pas n'importe quel jour aujourd'hui. C'était le dimanche 14 février, la fête des amoureux, et Milo avait fait le rapprochement en voyant la date sur son téléphone qu'il venait de regarder pour savoir l'heure. Ce n'était pourtant pas un jour de fête aux vues des circonstances.
Milo s'était assis dans cette salle d'attente sachant que la blonde allait probablement l'inonder de questions. C'était normal, il s'y attendait même s'il n'était pas préparé. Il préférait ne rien dire concernant la mère de Zoey, il se doutait qu'elle avait menti et après tout ce qu'elle avait fait pour lui, il ne voulait pas l'entraîner dans sa chute. Il improvisa un mensonge, concernant la source des informations qu'il avait eues. Milo avoua avoir toujours gardé un oeil sur elles. « Donc tu veux dire que depuis toutes ces années, tu nous observe de loin grâce à lui ? » Milo leva la tête pour la regarder se lever, il sentait bien sa nervosité, elle voulait tout savoir mais il ne pourrait pas lui dire, absolument rien. Il ne voulait pas risquer quoique ce soit. Il hocha la tête alors que leurs regards se croisèrent. C'était impossible pour lui de mentir avec la tête froide, non... Bien au contraire, c'était terriblement dur de soutenir le regard et de la voir se tourmenter face à lui de la sorte. « Que tu me laisses tomber moi, passe encore mais si comme tu le sous-entends, Lou a toujours eu une certaine importance dans ta vie alors pourquoi tu lui as fait ça ? Pourquoi Milo ? » Ces "pourquoi" lui assénèrent le coeur, des coups de poignards à chaque question posée, le militaire était décontenancé, car il savait très bien qu'il n'avait aucune excuse justifiable à lui offrir. « Je ne peux pas mener une vie de famille, Zoey. » se contenta-t-il de bafouer, il savait que Zoey ne se contenterait pas de son silence et qu'il valait mieux lui répondre, même si ses réponses étaient fausses, mêmes si elles étaient très éloignées de la vérité et qu'elles n'arrangeraient rien à sa situation au regard de la blonde... Bien au contraire, il savait qu'il était en train de s'enfoncer. « Tu sais pas à quel point elle est triste de ne pas avoir de père ! Tu sais pas que ces derniers temps, c'était notre sujet de dispute. Que ... Qu'hier c'est encore à cause de ça qu'elle a pris la porte et que ... » Une fois de plus, ses mots l'affublèrent de coups aiguisés dans le cœur, le militaire ferma les yeux un court instant en l'écoutant alors qu'il s'imaginait sa fille triste, en train de le pleurer. Mais les mots qu'elle rajoutèrent étaient presque trop pour lui, pour son cœur, la tête entre ses mains, il manqua de respirer. « Si tu avais été là pour elle, tout ça ne ce serait peut-être pas passé Milo » Si tu avais été là pour elle, tout ça ne ce serait peut-être pas passé Milo ses mots se répétèrent dans sa tête, il avait la tête qui tournait, elle venait de l'achever, un coup de poignard dans le coeur, la gorge serrée, il était incapable de répondre.
Il finit par passer une main sur sa barbe naissante, s'essuyant la bouche il releva son regard vers la blonde. « Je sais que je suis coupable de tout, Zoey. » Il n'avait que ça à faire, baisser la tête et encaisser les coups. « Je suis coupable de t'avoir laissé seule pour élever notre fille. Je suis coupable d'être parti sans jamais revenir vers toi. Je suis coupable d'avoir laissé notre fille grandir sans père. » Il s'était levé pour s'approcher de la fenêtre, son café resté derrière lui sur un siège, il était incapable de la regarder dans les yeux. « Je suis coupable de vous avoir lâchement abandonné. Je suis coupable de son accident, et tu peux être sûre, que je m'en voudrais toute ma vie. » poursuivit-il, son cœur battait à tout rompre car ses émotions se confondaient, et il ne pouvait rien dire d'autre. Il aurait aimé rajouter qu'il ne regrettait pourtant rien de ses choix car ces choix-là avaient permis qu'elles puissent toutes deux vivre, et ça c'était sa seule récompense. Mais il se pinça les lèvres, le regard perdu au travers cette fenêtre, il savait qu'elle n'accepterait aucune excuse, et qu'il ne pouvait pas dire la vérité. Il était là, prêt à encaisser les coups.
☽ 14 février 2021. L'événement qui venait de se produire allait entraîner une vague de conséquences à laquelle Milo n'était probablement prêt à vivre. Il était tapis dans l'ombre depuis près de dix ans, et n'avait pas passé autant de temps à Brisbane depuis bien des années. Le militaire avait scrupuleusement fait attention à respecter sa part du marché, il ne revenait pas en ville et on laissait tranquille sa famille. Sa famille n'était pas seulement sa sœur, son frère, sa mère, c'était aussi Zoey et Lou. Le brun avait fait le sacrifice de sa vie mais il ne pouvait pas, pour autant, vendre la mèche aussi facilement. Il devrait endosser le rôle du méchant aux yeux de Zoey, et autant, c'était dur de l'être quand elle était à millier des kilomètres de lui, autant face à elle, il se sentait si faible, et si merdique. Le beau brun aurait bien voulu choisir la vie de famille qu'il avait mérité à son sens, toutefois son père lui avait retiré ce droit alors que lui-même n'était plus en vie. Milo ne pouvait même pas lui en vouloir, à chaque fois qu'il se retrouvait à détester son père pour ses erreurs, il se détestait lui même pour ce sentiment contradictoire envers un homme qu'il avait tant admiré toute sa vie... Milo était complètement perdu et il avouait à Zoey, à demi-mot, qu'il n'était tout simplement pas fait pour une vie de famille. « Tu ne veux pas tu veux dire ? » Milo ravala difficilement sa salive, la gorge nouée, Zoey le repoussait sur ses limites, il ne pouvait pas en dire plus. « Et tu peux me dire ce que tu fous là alors ? Si je comprends bien, une fois que tu sauras qu'elle va bien, tu vas encore te barrer et la laisser tomber ? » Le militaire soupira, elle avait bien trop de questions pour lui, des questions dont il ne connaissait pas les réponses, pour la simple et bonne raison que Milo avait toujours vécu au jour le jour. Il ne savait même pas s'il serait encore vivant demain, alors à quoi bon se poser cette question ? « Non, ma volonté n'a rien à voir là-dedans. » Milo se voulait vague mais il voulait lui faire comprendre que s'il avait pu agir autrement, il l'aurait fait. On l'avait mis dans cette situation alors qu'il n'avait rien souhaité. Il subissait les erreurs de son père, encore dix ans après sa mort et c'était une torture pour lui. Malheureusement, Zoey ne pourrait pas le comprendre.
Milo se redressa, lui aussi ne supportait pas être immobile sur ce divan. Il se dirigea vers la fenêtre en lui avouant se sentir coupable de tout. Elle n'avait pas besoin de le lui dire. « Je pensais que tu m'aimais Milo ... Je ... Je pensais que tu aurais été heureux qu'on devienne parents même si c'était tôt car ... Car je pensais qu'on était heureux » On l'était. Il avait envie de lui répondre que c'était bel et bien le cas, mais il ne pouvait pas car Zoey serait alors d'autant plus confuse face au comportement de Milo, dix ans en arrière. Il n'osait même pas la regarder. « Il vaut mieux vivre sans moi, je te le garantis. » dit-il, une voix tremblante, le poing serré, la mâchoire crispée, Milo était en colère contre son père. Il aurait voulu tout raconter à Zoey mais c'était impossible, surtout qu'elle faisait partie de la police et il ne pouvait pas se permettre de prendre un tel risque. Il tentait de noyer le poisson autant que possible, ajoutant qu'il savait pertinemment qu'il était coupable de tout. « T'es pas responsable de son accident. Je sais ce que j'ai dit mais non c'est pas ta faute mais celle de ce chauffard. Si ça n'avait pas été toi le sujet de la dispute, cela aurait été autre chose. » La blonde se reprenait mais elle pourrait dire ce qu'elle voulait cela ne retirerait pas le sentiment de culpabilité du beau brun. Il se tourna pour croiser son regard bleuté larmoyant; son cœur se serra en la voyant ainsi. « Mais Milo ne revient pas dans nos vies, si c'est pour partir. Lou ne le supporterait pas. Je n'ai jamais dit du mal de toi, elle ne sait quasi rien. Juste que son père ne fait pas partie du tableau » Il soupira, une fois de plus, Milo se rendait compte qu'il n'aurait peut-être pas dû revenir. Il avait réagi impulsivement, il avait tellement peur pour sa fille, mais Zoey avait raison, il ne pouvait pas débarquer dans leur vie de la sorte, en sachant qu'il ne pouvait pas rester. « Je suis venu pour te soutenir Zoey, si tu me dis de partir, je le ferai. » car Milo ne pouvait faire aucune promesse, qu'il n'était qu'un mirage et qu'à tout moment, il pouvait disparaître à nouveau. Il aurait aimé pouvoir lui dire qu'il était de retour, lui raconter pourquoi il était parti, mais c'était impossible. Il vit dans le regard de Zoey qu'elle était à bout de forces, c'était un choc émotionnel trop grand pour elle, entre l'accident de Lou et le retour de Milo, la blonde devait être totalement éreintée.
« J'ai besoin de prendre l'air » Il ferma les yeux un court instant, encaissant aussi toute cette conversation. Il était sans arrêt en train de réfléchir à chaque mot qu'il prononçait, en sachant parfaitement qu'aucune réponse serait entièrement satisfaisante pour la maman. Il la regarda s'éloigner, son regard se posa sur leurs affaires, son casque, son sac, leurs cafés à moitié bu. Il regarda une femme à l'accueil « Vous pouvez jeter un oeil à nos affaires s'il vous plaît, on revient. » lâcha-t-il alors que la dame acquiesce en souriant. Milo se met alors à trottiner pour tenter de la rattraper. « Bordel, mais tu vas arriver oui » Il vit la blonde attendre devant l'ascenseur avant de la voir y pénétrer, elle se retourna et leurs regards se croisèrent à nouveau. Il arriva jusqu'à hauteur et entra dans l'ascenseur de justesse. Il se retrouva tout près d'elle, son regard perdu dans le sien. Tout son corps était tendu, son regard était posé sur elle et il était dans sa bulle, c'était comme s'il ne s'était passé que deux secondes depuis la dernière fois qu'ils s'étaient embrassés alors que toute une décennie s'était écoulée. « Je suis tellement désolé, Zoey. » L'ascenseur se mit en marche pour descendre alors qu'il venait de murmurer ces mots en la fixant, il se pinça la lèvre, les yeux larmoyants, pour lui aussi c'était beaucoup trop.
☽ 14 février 2021. Milo ne contrôlait rien, même son propre destin n'était pas entre ses mains. Il était si frustré de devoir subir les conséquences de son père, et il avait d'ailleurs le résultat devant ses yeux. Zoey avait raison, c'était de sa faute s'ils en étaient arrivés là. C'était de sa faute si Lou s'était faite renversée et qu'elle était maintenant en train de subir une opération. Le militaire encaissait les coups et la blonde avait beau corrigé ses propos; cela ne changeait rien à la culpabilité du père. Il tentait de se défendre avec le peu d'armes qu'il avait, en tant que militaire c'était un comble. Toutefois, il préservait Zoey de la vérité car cela serait la mettre à risques que de tout lui dire, même si cela serait plus simple... Milo encaissa ses remarques car il n'y avait que ça à faire, c'était dur pour lui d'être aussi impuissant mais c'était inévitable. « Bien sur ... » Rien n'était de sa volonté, et même s'il disait ça en sachant pertinemment qu'il le disait dans le vide, il avait besoin de le dire.
Le militaire s'accusa de tous les maux, imaginant un instant ce qu'aurait été sa vie s'il aurait pu vivre son idylle avec Zoey. Il avait les yeux larmoyants, le regard perdu à travers cette fenêtre car il était incapable de regarder la maman. Il ne pouvait rien dire à propos de son père, à propos du Club et de la menace qui pesait sur lui. Il était en train de se demander combien de temps il pourrait rester ici sans se faire remarquer, il était loin d'imaginer que Mitchell s'était fait destitué et que peut-être, un jour, il pourrait rester ici sans craindre la mort à chaque coin de rue. Le militaire insistait sur le fait que tout était mieux ainsi, qu'on ne pouvait pas vivre avec lui, pas avec cette clé de Damoclès sur la tête, ce n'était pas une vie. Le beau brun souffla dans un soupir las car lui aussi était fatigué, il n'avait plus la force de se justifier quand il savait qu'aucune excuse ne serait suffisante. « Tu ne m'as laissé le choix de toute façon » Milo lui adressa un regard blessé, à lui non plus on ne lui avait pas laissé le choix, mais ça, il ne pouvait pas le dire. Il devait passer pour le méchant à ses yeux et c'était la seule solution pour qu'elles restent saines et sauves. C'était le plus important, et il n'arrêtait pas de se le répéter pour se convaincre de ne rien dire. « Ton soutien ? T'es sérieux ? C'est pas maintenant que j'en avais besoin mais bien avant. » Leurs regards se croisèrent, il était là pour la soutenir et s'assurer que Lou survive, sinon il serait déjà sur la route en train de traquer ce connard de fuyard. « J'avais besoin de toi pendant la grossesse, quand j'ai cru que j'allais perdre car je me suis rendue malade en ne te voyant pas revenir. J'avais besoin de toi quand elle ne faisait pas ses nuits. J'avais besoin de toi quand elle a eu ses premiers bobos, ses premiers pleurs. J'avais besoin de toi pour ... Moi aussi » Son cœur se brisa à chaque mot qu'elle prononçait, car elle appuyait là où ça faisait mal, parce qu'elle confirmait tout ce qu'il se disait depuis tout ce temps. Chaque jour il pensait à Zoey, à Lou, à ce qu'aurait pu être sa vie sans les conneries de son père. Il regardait très souvent cette vieille photo de Zoey et lui, pliée au fond de son porte-feuille. C'était une autre vie... Et il avait envie de lui crier que lui aussi avait eu besoin d'elle, mais il devait garder cette image de petit con, il avait l'impression qu'on était en train de lui broyer le coeur, qu'on était en train de l'écarteler et qu'il ne pouvait rien faire. « Tu es une maman exceptionnelle Zoey, tu as fait de Lou une petite fille tout aussi formidable. » Il tentait de lui faire comprendre qu'elle avait réussi sans lui, qu'elle n'avait pas besoin de lui même s'il comprenait ce qu'elle ressentait. Mais il ne pouvait pas lui dire la vérité, il devait jouer la comédie, une comédie qu'il ne faisait pas vraiment rire. Tout était beaucoup trop d'émotions en si peu de temps, et il partageait l'envie de Zoey de vouloir prendre l'air, de crier, de souffler mais il ne résista pas à la suivre. Il sentait qu'elle était à bout de nerfs, qu'elle était détruite et il aurait aimé pouvoir recoller chaque pièce du puzzle pour reconstruire son cœur, mais il savait qu'il ne pouvait pas avoir ce rôle dans sa vie, plus maintenant.
Il la rejoignit dans l'ascenseur, peut-être désespéré de la voir partir. Il lui murmura des excuses, il était sincère même si la blonde ne pourrait jamais réellement comprendre. « Je ... comprends pas Milo, je comprends rien » C'était évident, elle n'avait pas toutes les informations pour comprendre le schéma. Il la fixait alors qu'elle le regardait avec un air perdu, les larmes coulaient sur ses joues. « J'ai tellement espérer te revoir pour avoir l'opportunité de te détester et même ça, j'y arrive pas. Du moins pas comme je le voudrais » Ses yeux se fermèrent un court instant en entendant ses mots car il savait qu'une décennie s'était passée et que Zoey l'avait détesté tout ce temps. Ses yeux s'ouvrirent à nouveau pour se plonger dans le regard de la blonde, il osa porter ses deux mains sur ses joues pour venir essuyer ses larmes avec son pouce, tout paraissait si naturel et risqué à la fois. Le beau brun attira alors Zoey contre lui pour la prendre dans ses bras. Il avait envie de lui dire que le détester était la meilleure des solutions, la solution qui lui permettrait à lui de rester encore loin d'elles. « Je suis désolé que tu aies dû élever notre fille toute seule. Je.. » ne voulais pas partir, je voulais t'aimer, je voulais l'aimer, je voulais être là. Cela aurait pu être les mots qu'il aurait pu prononcer mais il ne pouvait pas dire ça. Il se pinça les lèvres en serrant Zoey dans ses bras. « Tu peux me détester aussi fort que cela te fait du bien. » finit-il par ajouter, il prit une grande inspiration sentant la blonde tout contre lui, cela lui faisait du bien même s'il savait que ce moment n'était qu'éphémère, il avait envie que le temps s'arrête même qu'une seconde.