☽ 14 février 2021. Milo avait bien conscience que tout ce qu'il disait n'avait aucun sens pour la blonde. Il retenait les informations les plus importantes, alors que s'il pouvait tout dire Zoey pourrait tout comprendre, elle serait peut-être même dans la capacité de lui pardonner. Mais c'était inenvisageable, c'était impossible, Milo ne pouvait pas prendre ce risque alors il répondait à demi-mots. Bien entendu, rien était de sa volonté mais ça, la blonde ne pouvait pas le comprendre, elle devait même le prendre pour un fou. Il sentait dans l'intonation de sa voix qu'elle ne le croyait pas, elle était sûrement dépitée de le voir répondre de la sorte. Il restait vague et Zoey devait se faire des idées, en dix ans, il s'en était passé des choses. Lui, il avait gardé des nouvelles de Zoey et de Lou par l'intermédiaire de sa mère, même si Emmy ne partageait rien de plus sur la vie privée de sa fille. Le militaire se rendait bien compte qu'il était un fantôme du passé qui revenait sans prévenir et qu'elle devait être chamboulée. « Tu dis ça alors que tu ne sais rien. Ton ami a beau te dire ce qu'il voit, il ne sait pas ce qu'il se passe une fois les portes fermées. Et si j'étais une si bonne mère, elle ne serait pas dans cette salle d'opération, j'aurais su trouver les mots quand ça n'allait pas. Mon père avait peut-être raison en disant que j'étais pas prête à mère, que je devais ... » Il regardait ses lèvres bouger, il entendant ce qu'elle disait et ne pouvait pas supporter l'idée de la voir se sentir coupable. « Ne te blâme pas, s'il te plaît. Ne t'inflige pas ça. » supplia-t-il d'une voix triste, car c'était trop dur de la voir s'infliger quand on savait que Milo avait été absent tout ce temps. Zoey ne pouvait pas se sentir coupable, Milo ne le supportait pas, il préférait qu'elle le déteste. Sur ces mots, la blonde finit par partir. Il se permit tout de même de la suivre jusqu'à cet ascenseur pour la simple et bonne raison que son cœur se brisait à chaque fois qu'il la voyait les larmes aux yeux, la voix tremblante. Il avait envie de la rassurer, il se jeta dans cette boîte en fer, et se voulut rassurant, même s'il était persuadé de ne pas être la bonne personne pour tenir ce rôle.
Les yeux larmoyants, la voix brisée, la blonde était en train de lui briser le cœur. La vision de sa fille remplie d'œdèmes et branchée aux machines l'avait déjà achevé, mais là c'était trop pour lui en si peu de temps. L'homme n'arrivait pas à supporter la vision des gens qu'il aimait être blessé de quelque sorte qu'il soit. Milo était un homme si grand du cœur, il avait grandi dans les valeurs de la famille qu'il avait dû bafouer sans se retourner. Il ne pouvait plus se regarder dans un miroir à cause de son père et aujourd'hui, il devait assumer ses choix. C'étaient des choix qu'il ne regrettait pas pour la simple raison que ça lui avait permis de cacher l'existence de Zoey et Lou au Club. Il s'était donc approché de la blonde pour la prendre dans ses bras car il ne supportait pas de la voir ainsi, mais il savait qu'à tout moment, elle pourrait se retourner contre lui. « Est ce que tu l'as regretté ? Même un tout petit peu ? » Alors qu'il sentait la tête de la blonde contre son torse, il ferma ses yeux en entendant ses mots, elle ne pouvait pas comprendre ce qu'il ressentait. Il était évident qu'il n'avait aucun regret, à part le regret d'avoir laissé son père sombrer de la sorte et de ne pas avoir pu le sauver à temps. Si son paternel l'avait prévenu plus tôt peut être qu'il aurait pu débloquer des fonds avec sa mère, et le sauver. Mais avec des "si", on refaisait le monde. Milo ne regrettait donc rien de ses décisions. « C'était la meilleure décision à prendre. » finit-il donc par dire après quelques secondes, car c'était vrai. Et il ne pouvait pas lui mentir une fois de plus, même si ça ne faisait aucun sens pour la flic. Un jour, il espérait, que toute cette histoire soit enterrée et que Zoey sache tout, mais il doutait que cela arrive rapidement, ou même que ça arrive tout court. Le gang de la ville ne déconnait pas avec ça et Milo en était conscient. « Je t'assure que si j'y arrivais, je le ferais. A distance, c'était si simple mais là ... » Il préférait que Zoey le déteste, plutôt qu'elle se déteste elle-même. A ses mots, il se recula pour le regarder droit dans les yeux, et elle n'avait pas changé. Son regard exprimait toujours ce qu'elle ressentait, et même si elle ne disait rien, ses yeux la trahissaient. Il ravala sa salive, cherchant à lui répondre par ses yeux. Lui aussi ressentait toujours cette flamme entre eux mais il était certain que rien était plus possible entre eux. C'était bien trop dangereux, Milo n'avait pas sacrifié dix ans de sa vie pour tout gâcher maintenant. « Comment tu veux que je fasse ? » Il vint lui remettre une mèche de cheveux derrière l'oreille, il se pinça les lèvres car malgré tout ce qu'il avait pu faire, elle était encore là devant lui, elle n'avait pas encore crié, elle ne l'avait pas encore giflé et lui aussi, ça le rendait confus. « Cela serait plus simple si tu me détestais. » souffla-t-il en regardant tout son visage avant de poser ses billes bleues dans les siennes. Il s'était toujours imaginé des retrouvailles explosives, où de la vaisselle volait en éclats, des mots cinglants se faisaient entendre, et une gifle atterrissait sur sa joue. Il l'aurait mérité, du moins quand on ne savait rien comme Zoey, c'était clair qu'il l'aurait mérité.
Elle lui échappa, elle profita que l'ascenseur s'ouvre pour partir, pour briser cette proximité. Il soupira et sortit à son tour, il la regarda foncer dehors alors qu'il pleuvait. Il faisait lourd dehors et la pluie était en train de briser cette bulle de chaleur. Il finit par la suivre, l'air de dehors lui permettant de retrouver un peu d'air dans ses poumons, même s'il n'arrivait plus à y voir clair. Il arriva à sa hauteur, ne disant rien il n'était même pas sûre qu'il aurait dû la suivre jusqu'ici. Il laissa les gouttes de pluie lui tomber dessus sans rien dire, il ne put s'empêcher de jeter un oeil à sa moto qui était toujours là. Puis, il la regarda du coin de l'oeil, elle allait bien finir par exploser, et peut-être que ça lui ferait du bien de le détester ouvertement. Milo était prêt à encaisser les coups, il connaissait Zoey, elle était une bombe à retardement. Et même si elle disait ne pas arriver à le détester, il continuait à penser que cela serait plus simple pour lui si c'était le cas.
☽ 14 février 2021. « Tu ne sais rien Milo et tu ne sauras sans doute jamais rien vu ce que je comprends » Milo soupira car il ne pouvait rien faire, il ne contrôlait même pas sa vie, il ne pouvait clairement pas lui faire des promesses. Il n'y avait aucun plan sur la comète à se faire, elle avait raison il repartirait à nouveau sans rien pouvoir faire d'autre, car il n'avait pas le choix Milo. Tout serait différent s'il avait droit de donner son avis mais dans le Club, on ne donnait pas son avis, on subissait les conséquences. Son père l'avait foutu dans cette merde et il n'était même plus là pour pouvoir se plaindre et lui en vouloir de toutes ses forces. Non, il était mort, assassiné ce qui faisait de Milo un fils ingrats d'en vouloir à son père défunt. Le militaire n'avait pas la position facile dans cette situation et le pire, c'était qu'il regardait la blonde, le regard triste, sincère et pourtant que ses paroles disaient le contraire de ce qu'il pensait parce qu'il n'avait pas le choix, tout simplement. Il ne cesserait de lui mentir pour la protéger, pour les protéger. Dans cet ascenseur, il vit dans les yeux de Zoey qu'elle aurait pu tout lui pardonner et pourtant, cela serait plus facile si elle le détestait. Ce n'était pas vivable de vivre ça en direct, jusqu'ici il avait dû vivre avec ce secret seul, et il avait dû souffrir en silence à part les quelques fois où il avait pu se confier à la mère de Zoey. Toutefois, la blonde avait pu faire son deuil, le deuil de leur relation, mais la confronter aujourd'hui rendait les choses si réelles qu'elles étaient en train de détruire le cœur de Milo en mille morceaux.
Il se résigna à la suivre jusqu'à l'extérieur. Il ne savait pas pourquoi il faisait ça, il devrait la laisser tranquille et accuser le coup mais c'était plus fort que lui. Pendant dix ans, il avait dû la fuir et maintenant elle était à quelques mètres de lui et il ne pouvait pas résister au fait de vouloir la consoler, alors que c'était loin d'être son rôle. Il se retrouva la tête sous la pluie, en silence. Il hésita même à faire demi-tour mais les billes bleus de la blonde vinrent se poser à nouveau sur lui. « En fait, t'es juste venu te donner bonne conscience ! T'en as rien à faire de Lou, de moi, de nous deux ! » Il savait que la bombe à retardement arriverait à un moment ou un autre, il la connaissait par cœur malgré les années passées. Quand elle disait ces mots, le coeur de Milo s'émietta un peu plus. Elle était loin d'imaginer la vérité, qu'elles étaient toutes deux les femmes de sa vie et qu'il était privé injustement de pouvoir vivre une vie de famille tout à fait normale. « Et puis si c'était la bonne décision, qu'est ce que tu fous encore là ? » Elle s'était approchée de lui, l'accablant de petits coups sur le torse même s'il méritait probablement bien plus, il grimaça. Elle était en train d'exploser. « Qu'est ce que tu fous encore là ?! Va-t-en Milo ... Va-t-en ! On a pas besoin de toi. Tu sers à rien, t'es juste ... » Si elle savait... Si elle savait pourquoi il était là... le risque qu'il prenait en venant ici, elle serait probablement encore plus anéantie, et elle lui prierait même de partir au plus vite avant de se faire tuer. Mais c'était impossible de lui dire la vérité, et ses mots étaient en train de l'assommer un peu plus dans tous les sentiments qu'il ressentait déjà à son propre égard. « T'en as pas eu assez de me briser le cœur il y a 10 ans faut que tu reviennes pour recommencer et en plus briser le cœur de Lou. J'accepterais pas ça, tu entends ! Tu partiras encore alors elle ne saura pas qui tu es ! Non jamais. A moins que ... Que tu changes mais ça t'en es pas capable hein ?! Ou plutôt t'en as pas envie car si ça avait été le cas, si tu l'avais voulue, si tu avais voulu de notre famille, jamais non jamais tu ne serais parti » Elle tapait encore tout en pleurant, la voir ainsi le rendait dingue, mais il accusait les coups car il ne méritait que ça. « Tu as raison Zoey, je suis un gros connard, je ne sais même pas ce que je fais ici. » dit-il d'une voix serrée, presque tremblante... Jouer la comédie, faire le mec détaché, tout ceci était bien trop dur pour lui, une larme coula sur sa joue se mêlant à la pluie qui ruisselait déjà sur son visage. Son regard croisa celui de Zoey, rien était cohérent, entre les paroles détachées et ses larmes sincères, rien ne collait et pourtant, Milo devait tenir encore ce discours. « J'en ai rien à faire de vous, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai roulé toute la nuit. » ajouta-t-il d'un ton qui se voulait détaché, et froid, mais qui glissait des indices, des indices sur le fait que non, il n'en avait pas rien à faire d'elles, bien au contraire, qu'elles étaient la prunelle de ses yeux. Toutefois, il ne pouvait pas se permettre cette vie, il recula de quelques pas ne lâchant pas le regard de la blonde et décida de rentrer. Elle avait raison, il fallait qu'il parte et il ne pourrait pas se résigner à laisser Lou de la sorte, sans savoir la suite. Il allait probablement récupérer ses affaires à l'étage, et s'isoler quelque part dans l'hôpital... jusqu'à en savoir plus. Jusqu'à trouver la force de partir d'ici.