Elle s’était dit que, peut-être, ça pourrait lui changer un peu les idées. Elle s’était dit que, peut-être, ça lui ferait plaisir qu’ils entretiennent à la fois cette image de couple aux yeux du public mais surtout de pouvoir passer une soirée entre amis. Quand toutes les personnes autour d’eux fêtaient réellement l’amour, Debbie avait vu en cette occasion une bonne soirée pour sortir simplement avec Camil, lui offrir une réelle soirée de pause où il pourrait ne penser à rien, ni à son boulot ni aux problèmes de santé de sa sœur. Il pouvait entièrement consacrer son esprit à lui-même et à son estomac aussi puisque cela faisait bien une heure qu’ils avaient franchis les portes d’un restaurant réservé la veille, bras dessus bras dessous. Ce n’était pas le plus chic – notamment pour permettre à son compagnon de se détendre parce que c’était là le principal objectif – mais ce n’était pas le plus paumé de la ville. Un joli entre-deux que la brune avait absolument voulu lui faire découvrir et elle espérait qu’il n’était pas déçu. De son côté, elle n’avait jamais été déçue du résultat et elle se régalait à chaque fois. Elle avait toujours cette sensation de goûter à la cuisine de mamie, toujours très goutue, sans en faire des caisses mais sans que cela ne ressemble à la plâtrée de la cantine pour autant. « Alors, qu’est-ce que tu en dis ? Est-ce que tu vas continuer à choisir les lieux où on va ou tu vas enfin me faire confiance sur les choix ? » demandait-elle alors qu’elle venait de finir son plat et qu’elle portait son verre de vin à ses lèvres carmines, non sans un sourire taquin. Il était vrai que la plupart du temps, pour leurs sorties officielles, c’était très souvent Camil qui choisissait leurs lieux de sorties et Deborah n’avait jamais été déçue mais elle voulait aussi lui montrer qu’elle était tout à fait capable de choisir et que ça pouvait tout autant lui plaire, simplement sur une échelle différente de celle qu’il a pour habitude de fréquenter.
« Dans ce restaurant, les regards ont au moins l’avantage d’être discrets. » Elle ne comptait plus le nombre de fois où ils s’étaient fait dévisagés ailleurs, notamment parce que les gens avaient, à raison, la sensation d’avoir déjà vu le blond quelque part. Ici, ils étaient plus ou moins anonymes et ça faisait du bien. « Je crois que c’est le bon moment pour t’offrir un petit truc. Désolée mais ça m’a fait penser à toi, je me suis sentie obligée. » Un sourire amusé sur les lèvres, elle lui tendait une boite noire mate fermée d’un nœud rouge. Elle s’excusait parce qu’ils n’étaient pas un véritable couple et que les cadeaux de saint-valentin ne faisaient pas partie du programme mais au fil de l’année qui s’était écoulée, elle avait appris à le connaître et au fond, c’était bien à son ami qu’elle offrait ce cadeau. Rien de très onéreux finalement puisque la boite renfermait surtout quelques symboles : Un vinyle des années 70 du groupe Aérosmith qu’elle avait miraculeusement trouvé dans un dépôt vente, un pot de beurre de cacahuète d’une marque qu’elle avait repéré chez lui, des minis gants de boxe en porte-clé qu’il pourrait accrocher où bon lui semblerait, pour finalement terminer sur des places d’un match de Rugby de son équipe préférée. « Ta sœur est une vraie mine d’or pour les informations. Grâce à elle, j’aurais pu gentiment te troller avec un caleçon Calvin Klein de la collection dont tu as fait la pub il y a quelques années mais je n’ai pas trouvé le bon modèle. » en plus d’ignorer la taille de Camil mais ça c’était une autre histoire.
« C’était parfait. » Concéda-t-il en souriant, avant de se laisser aller dans le fond de son siège. Il était content de s’être finalement laissé persuader par Deborah, au sujet du choix du restaurant. Habitué à être en perpétuelle représentation en raison de sa posture professionnelle, Camil n’avait fini par fréquenter que des lieux où il était certain d’y croiser ses semblables. « Et je ne suis même pas obligé d’être en chemise… Tu n’as pas idée du bien que ça me fait. » Reconnut-il. Jean gris, tee-shirt noir et baskets blanches : il était loin de ses standards habituels, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Son interlocutrice avait, pour sa part, opté pour une tenue vaporeuse et plus suggestive que les robes travaillées qu’elle était obligée de porter, lors des meetings et autres galas de charité auxquels ils se rendaient de temps à autre. « Par discret, tu entends respectueux ? » Demanda-t-il, cherchant à lever le doute sur une interrogation qu’il avait. Il savait que son monde, fait d’apparence et de faux-semblant, n’était pas tendre — notamment avec les novices. Mais puisqu’il l’entrainait avec elle, il s’était promis d’être vigilant et de veiller à ce que Deborah ne soit pas trop atteinte par les piques et autres remarques qui pourraient lui être adressées.
« Aerosmith, quel excellent choix. » Commenta Camil, alors que ses yeux clairs pétillaient de malice. Il laissa échapper un léger rire lorsqu’il tomba sur le beurre de cacahuète — son péché mignon — et fut sincèrement touché de voir que Deborah avait poussé le vice jusqu’à trouver la marque qu’il affectionnait tant, et qu’il ne trouvait qu’aux États-Unis. « Tu voudras venir avec moi ? » Demanda-t-il, alors qu’il agitait les deux places de rugby sous les yeux de Deborah. En bonne Irlandaise qu’elle était, elle ne devait pas être insensible à ce sport… ou en tout cas, aux muscles saillants des sportifs qui s’échinaient sur le terrain. « En tout bien tout honneur. » Évidemment. Avec autorisation de boire de grandes pintes — un luxe qu’il ne s’offrait que trop rarement à son goût, toujours dans le but de passer pour le gendre idéal. Et pourtant : il adorait l’ambiance des stades, et l’alcoolémie qui allait souvent de paire avec ladite ambiance. « Ne t’en fais pas pour moi à ce sujet : je leur ai fait tellement bonne impression il y a quelques années que, désormais, je reçois une boîte à chacune de leur nouvelle collection. » Déclara Camil en souriant. Et le pire ? Il ne mentait pas. La première fois, il avait été perplexe de recevoir un tel cadeau. Aujourd’hui ? Il y était simplement habitué. Mais ça les faisait toujours autant rire, avec Sixtine. « Ma reconversion est toute trouvée, si jamais j’échoue aux élections. » Faire le mannequin ? Très peu pour lui. D’ailleurs, sa soeur et ses arguments irréfutables avaient été les deux seules et uniques raisons pour lesquelles il avait consenti à se dévêtir. Non pas qu’il soit mal à l’aise avec son corps — c’était plutôt l’inverse — mais chacun son job. « Merci, baby Deb. » Murmura-t-il, avant de se pencher par-dessus la table pour déposer ses lèvres sur sa joue. Il avait été touché par ses petites marques d’attention, mais bien sûr, il n’en dirait rien. Il avait trouvé en elle une véritable alliée et, à vrai dire, il était rassuré de savoir qu’il serait soutenu dans ses démarches et projets. « Cela étant dit, il faudra que je rappelle à Sixtine de tenir sa langue, de temps en temps. » Plaisanta-t-il, alors qu’il sortait ses clés de voiture pour y accrocher le porte-clés que Deborah venait de lui offrir. Il observa le résultat, et un sourire sincère glissa sur ses lèvres. Il rangea ensuite les clés dans sa poche, et en profita pour ressortir le cadeau qu’il avait pris pour Deborah. « Tiens. » Dit-il en faisant glisser vers elle une enveloppe. Simple, blanche, sans indication. Il avait expressément demandé à l’institut dans lequel il s’était rendu de ne rien laisser paraître — au cas où le regard de Deborah, qui était plutôt observatrice, ne s’égare sur son cadeau avant qu’il n’ait le temps de le lui donner. « Fais-en bon usage. » Dit-il, alors qu’il la voyait ouvrir l’enveloppe, intriguée. Ça n’était rien de très original, mais il était convaincu que ça ne pouvait que plaire : une panoplie de soins et de massages. La promesse d’une après-midi girly, qui la détendrait complètement, avant que leur marathon « représentation » ne commence. Les échéances politiques se rapprochaient et, bientôt, Camil entrerait dans l’arène. À partir de ce moment-là, il était évident que les choses s’accélèreraient.
Deborah était ravie que ça lui plaise. C’était un restaurant qu’elle aimait beaucoup. Cela lui faisait plaisir de pouvoir partager ses goûts avec son ami et ce n’était pas le sourire tendre qu’elle portait aux lèvres qui allait dire le contraire. « Ça me fait vraiment plaisir que ça te plaise et tu sois détendu. On pourra revenir quand tu veux. » parce que c’était trop rare qu’il le soit ces derniers temps. Par moment, elle avait la sensation de marcher sur des œufs et pourtant, elle n’arrivait pas à lui en vouloir. Sa sœur, son métier, la fatigue en général, il menait tout de front et au lieu de lui en vouloir pour quoi que ce soit, elle le trouvait outrageusement courageux. Probablement qu’il n’avait pas idée du regard que Debbie pouvait porter sur lui et c’était bien dommage. Peut-être qu’il s’en apercevrait, un jour ou l’autre, comme à cet instant précis où il utilisait l’exact bon mot pour désigner les regards auxquels ils ont le droit d’habitude. Un léger soupire passait les lèvres de la brune, comme si elle était prise sur le fait. « Oui, c’est ça. » avouait-elle sans demi-mot mais haussant un peu les épaules comme si ce n’était pas grave. Et pour le moment, ça ne l’était pas. On ne l’avait pas vraiment embêtée, on n’avait pas encore cherché à lui tirer quelconques vers du nez mais elle commençait à comprendre ce que Camil voulait dire quand il l’avait mise en garde lors des premiers mois de leur relation. Les regards la dévisageant de la tête aux pieds, les messes basses parfois et les faux sourires des vendeuses des boutiques de luxe qu’elle se devait à présent de fréquenter. Quelques couacs pas encore gênants mais qui, elle s’y attendait, allaient probablement grossir avec le temps. Elle allait juste devoir s’y faire et si possible, rapidement, pour éviter d’en pâtir.
Une conversation qu’elle évinçait d’un signe de main, davantage enthousiasme de lui offrir son cadeau, bien plus symbolique pour leur amitié que pour une histoire d’amour. Ils avaient appris à se connaître et elle voulait simplement lui montrer qu’elle l’appréciait en sachant lui faire plaisir. Une jolie façon de lui montrer qu’il comptait pour elle, bien au-delà de leur petit jeu de fourbes bien rôdé et forcément, sa proposition ne pouvait la faire que sourire. « C’est très gentil de penser à moi mais je veux vraiment que ce match soit un moment de détente pour toi. J’aurais peur que ça devienne… enfin tu vois quoi, ce qui se passe quand on est tous les deux. » une représentation de leur couple, c’était de ça dont elle parlait sans pour autant dire vraiment le mot, de peur sûrement qu’on les écoute d’une oreille trop attentive. Evidemment que ça lui ferait plaisir de l’accompagner, en tout bien tout honneur comme il avait si bien su le dire, mais il ne fallait se leurrer. Une sortie ensemble, c’était prendre le risque d’être repérés par un quelconque média et donc d’être obligés de jouer un jeu auquel elle ne voulait pas le forcer dans ce genre de moment. « Ca me touche beaucoup que tu m’invites comme ça instinctivement. » disait-elle en portant sa main à son cœur, lui notifiant ainsi combien elle était sincère et touchée. Un instant qui s’envolait dans un rire quand il lui avouait qu’il recevait déjà les boxers des collections Calvin Klein et que si jamais la politique ne marchait pas, il savait vers quoi se tourner. Une idée qu’elle n’avait pas le temps de commenter qu’il la remerciait déjà, l’affabulant d’un surnom appuyé d’un baiser. « Je t’en pries, ça me fait plaisir, poussin. »
Un échange de regard amusé et ce fut au tour du blond de glisser une enveloppe sur la table. Pendant un instant, Deborah penchait un peu la tête sur le côté, le regard désapprobateur mais toujours son légendaire sourire sur les lippes. « Heureusement que j’ai eu l’idée de cette petite boîte, j’aurais eu l’air bien bête. » Ce n’était un secret pour personne, Deborah était bien plus à l’aise pour offrir que pour recevoir et elle se serait retrouvée bien gênée de rien avoir en retour pour lui. Heureusement ce n’était pas le cas mais ça n’empêchait pas son esprit farceur d’en rajouter une petite couche alors qu’elle saisissait l’enveloppe vierge de toute inscription pour presque cacher son sourire trop amusé. « Cela dit je suis quand même un peu déçue. Ce n’est visiblement pas une bague de fiançailles. » Il ne lui fallait alors pas plus de temps pour ouvrir l’enveloppe et découvrir son cadeau. Si ce n’était pas trop original, c’était en revanche plus que bienvenue. Camil s’était certainement rendu compte que ce n’était pas évident pour Deborah d’entrer dans son monde, de se faire aux codes et coutumes, de quoi peser un peu sur ses épaules tant elle n’était jamais sûre d’elle quand elle n’avait pas l’occasion de demander l’approbation de son compagnon. « Merci Camil, je te promet de les utiliser à bon escient. » lançait-elle en rangeant l’enveloppe dans son sac à main resté à ses pieds. Alors qu’elle se redressait, elle jetait un coup d’œil à sa montre. En soi, eux n’étaient pas pressés, mais ils étaient arrivés lors du second service du restaurant et même s’il y avait encore du monde autour d’eux et que personne les pressait, Deborah avait toujours été de ces gens en compassion avec les serveurs et plus généralement avec l’équipe entière d’un restaurant. En connaissance de cause, elle savait combien les fins de soirée était difficile et même si elle voulait profiter de l’instant, elle ne comptait pas tirer en longueur pour autant. « Est-ce que ça te dirait qu’on prenne un dessert à emporter ? Si tu en veux un, évidemment. J’aimerai t’emmener dans un endroit que je trouve chouette et ça le serait encore plus si on avait une gourmandise sucrée à se mettre sous la dent. » Est-ce qu’elle jouait un peu les mystérieuses ? Non ! Elle jouait beaucoup !
« Hm. » Grommela-t-il en faisant la moue, forcé d’admettre que les doutes de Deborah n’étaient pas sans fondement. S’il était suffisamment malin pour être discret sur sa vie privée, et suffisamment sûr de lui pour être indifférent sur ce que l’on racontait sur son dos, il lui arrivait parfois d’être las. Que ses paroles soient écoutées, disséquées et critiquées, ça ne l’embêtait pas : il savait que c’était le lot des politiciens. Ça faisait partie du jeu. Mais depuis quelques années, l’attention des journalistes était aussi portée sur les agissements privés des élus. Qui ils fréquentaient, pour quelles raisons, à quelle fréquence… « Ça risque effectivement de se transformer en moment de couple. » Dit-il en soupirant en mettant des guillemets autour du mot couple. Tout simplement parce que les journalistes présents seraient surpris de voir ces deux-là, d’ordinaire si fusionnels, se comporter comme deux bons amis. Éveiller les soupçons à cause d’un manque de vigilance ? Ils étaient trop futés et trop malins pour ça. « Poussin t’emmerde tellement, si tu savais. » Dit-il en roulant des yeux. Ce surnom, dont Deborah l’affublait de temps à autre, le faisait en réalité plus sourire qu’il ne l’agaçait. Mais, par principe, il préférait grogner. « Je devrais me teindre les cheveux en noir, tiens. Juste pour voir la gueule que tu tirerais. » Ricana Camil, tout en sachant pertinemment qu’il ne le ferait jamais. Et puis quoi encore ?
« Je n’attends rien de plus de toi que ce qui est stipulé sur ton contrat, tu sais. » Rappela Camil avec douceur. Il s’était déjà montré très clair à ce sujet, mais il lui semblait malgré tout important de le rappeler à la principale concernée, de temps à autres. « Ce qui ne signifie pas que je regrette ce qui est en train de se passer, je précise. » Ils auraient pu se détester, s’ennuyer ensemble, n’avoir rien en commun. Ils auraient pu être parfaitement indifférents l’un à l’autre, n’avoir aucun atome crochu, et malgré tout exécuter ledit contrat. Mais ça n’était pas arrivé ; les deux compères s’entendaient comme larrons en foire, et Camil était heureux d’avoir trouvé en Deborah une véritable alliée. Une femme qui était à ses côtés, qui l’avait soutenu dans les moments difficiles et dans les moments de doutes, et qui s’affichait à son bras avec plus de naturel que si elle sortait réellement avec lui. « Une bague de fiançailles ? » Répéta Camil, hilare. Il secoua la tête ; effectivement, sur ce point, il n’y avait aucun doute. Le politicien n’était pas du genre à s’engager, sentimentalement parlant. « T’as cru que j’épousais facilement mes meufs ou quoi ? » Demanda-t-il en levant les yeux au ciel. Deborah serait probablement outrée de l’entendre parler de ses petites amies et autres maîtresses en ces termes peu élogieux. « Sur ce point, je te fais confiance. » Déclara l’Australien en souriant, alors qu’ils se redressaient et se dirigeaient d’un pas décidé vers le comptoir de l’accueil. « Vendu. » Déclara-t-il en hochant la tête. « Ce sera une crème brûlée, pour moi. » Il sortit sa carte bancaire de son porte-feuille, qu’il tendit machinalement au serveur. Il posa un coude sur le comptoir, et se tourna légèrement pour croiser le regard de Deborah. « Alors, tu vas m’en dire plus ? » Demanda-t-il en arquant un sourcil, curieux de savoir ce qu’elle lui avait réservé. Il fit la moue en constatant que, vraisemblablement, elle n’était pas encline à lui donner davantage de détail. « Est-ce que j’ai besoin de conduire ? Parce qu’il n’est pas question que je te confie les clés de mon dernier bébé. » Fit remarquer l’Américain en souriant, alors qu’il sortait les clés de sa dernière acquisition. Avec regret, il avait dû abandonner sa Porsche 911 au profit d’une voiture qui faisait plus « sérieuse ». S’il était resté fidèle à la marque Allemande, il avait opté pour un modèle plus écologique, plus grand, plus familial, aussi. Et surtout, plus facile à défendre lors des prochaines élections. « C’est loin ? C’est un lieu important pour toi ? C’est un lieu symbolique ? » Demanda-t-il, les questions s’échappant de ses lèvres sans discontinuer.
Elle ne pouvait s’empêcher de rire de la spontanéité de Camil. Il était clair qu’il était bien plus détendu ici qu’ailleurs, tout du moins lorsque ça consistait à sortir avec elle et à jouer les couples. Elle ne doutait pas une seconde qu’il était tout aussi détendu voire plus avec sa famille ou ses amis de longues dates. Aurait-il osé ce genre de propos dans un endroit plus guindé et, presque par définition, plus calme ? Probablement que non. Alors forcément, ça ne pouvait que faire plaisir à Deborah en dépit des mots prononcés – qu’elle ne prenait absolument pas à cœur, elle savait qu’entre eux, ce n’était que de la taquinerie et rien d’autre. « tu ne seras rien de plus que mon vilain petit canard, tu es sûr de vouloir faire cet échange-là ? » La brune n’était jamais en reste lorsqu’il s’agissait d’embêter son partenaire de crime en le surnommant de toutes les façons possibles. Il pouvait bien faire ce qu’il voulait de ses cheveux, elle trouverait toujours de quoi rebondir. « Et ne t’avises pas de te raser dans l’espoir de régler le problème, ça deviendrait bien trop tentant de te nommer Caliméro. » A la fois pour le geste désespéré mais aussi pour cette coquille d’œuf bien trop lisse qu’arborait le personnage. « Je peux te retourner l’exclamation. » disait-elle non sans un sourire tendre, comme une façon silencieuse de le remercier de tous les cadeaux qu’il lui avait déjà fait alors que rien ne l’obligeait, y compris celui qu’elle venait de déballer, s’octroyant le droit de rire de leur pseudo couple. « Non, je ne crois pas que tu épouses facilement tes meufs comme tu dis. En revanche, je crois très fort que tu es capable de tout. » Pour sa carrière notamment et son image qui va avec. La voiture dehors en témoignait, bien qu’il avait fortement calmé le jeu après l’annonce de la maladie de sa petite sœur.
Arrivés au comptoir du restaurant, elle fût plus rapide que le serveur, volant la carte bancaire de Camil. « Je vais prendre la même chose que lui. A emporter s’il vous plait. » déclarait-elle au serveur tandis qu’elle tendait sa propre carte de paiement, fusillant presque le blond du regard – quand bien même elle ne ressentait aucune colère mais c’était pour le principe et pour appuyer ses mots. « Tu es plus rapide que Lucky Luke pour la dégainer. C’est moi qui t’aie proposé de passer cette soirée tous les deux, c’est moi qui invite. » Evidemment, elle ne lui rendait la précieuse que lorsqu’elle était sûre que le serveur avait bien utilisé la sienne pour régler le repas. A sa question, elle se contentait seulement de secouer la tête par la négative. Il était hors de question qu’elle lui dise où elle comptait l’emmener pour cette soirée sous le signe de la romance pour tous les couples – même si le leur avait un arrière-goût de coup trop bien monté. Elle aurait pu s’amuser de sa curiosité s’il n’avait piqué son côté féministe qui la poussait à lui mettre un coup dans l’épaule. « Premièrement, par moment, t’es un vrai macho, tu mériterais un coup de pied au cul. Deuxièmement, soit tu me donnes les clés soit tu me portes sur ton dos sur quelques kilomètres soit tu me promets de ne pas tricher si je rentre l’adresse dans le GPS. » Peu importait la solution qu’il choisissait, c’était l’instant qu’avait choisi le serveur pour revenir vers eux avec leurs desserts bien emballés pour la route. Un remerciement plus tard, ils se dirigeaient vers la voiture. « Non. Oui. Oui. Je ne dirais rien de plus avant qu’on arrive. »
Et en effet, elle n’avait rien dit de plus sur le lieu où ils se rendaient jusqu’à ce que la voiture ne s’arrête aux abords d’un parc. Les yeux brillants de l’Irlandaise ne trompaient pas : cet endroit avait quelque chose de magique pour elle et elle souhaitait le partager avec lui. Bien entendu, elle ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi intense pour lui que pour elle mais elle espérait peut-être lui faire découvrir un endroit de calme, de paix, dans la ville tout en étant loin de son remous. Un endroit où il pourrait venir par lui-même pour se détendre dans des moments où il en aurait le plus besoin. Quand lui prenait soin de Sixtine tous les jours, Debbie tentait de prendre soin de lui à sa façon. Abandonnant ses chaussures à talons dans la voiture, le claquement de la portière était significatif de leurs premiers pas sur l’herbe. « J’espère que tu as pas peur de te mouiller. » Sourire en coin, amusement aux bords des lèvres, elle l’avait stratégiquement fait se garer du côté du parc où il y avait un étang. Sur leur chemin, ils ne croisaient personne en dehors de deux-trois badauds dans le sens opposé du leur. Quand eux s’y aventuraient, la plupart des gens en sortait à cette heure-ci. Deborah, elle, comptait bien profiter de la pénombre et pour cause. Lorsque l’herbe commençait à se confondre avec la plage de l’étang, elle laissait les crèmes brûlées à Camil et elle se dirigeait vers les pédalos, beaucoup trop enjouée face à cet amas de petits bateaux bien enchaînés pour ne pas être volés. Ça n’allait pas durer… Armée d’épingles pour cheveux, elle mettait à profit les skills de son enfance pour faire céder le cadenas de la chaîne de métal et libérer un pédalo. « Tu m’aides à le mettre à l’eau ou je dois tout faire toute seule ? Promis, on ne fait que l’emprunter, on le remettra après. » Un peu folle ? Sûrement.
« T’en as d’autres, des surnoms ridicules ? » Grommela-t-il en levant les yeux au ciel. Il secoua vivement la tête, lorsqu’elle lui déconseilla de se raser la tête pour éviter d’être affublé d’un nouveau surnom qui, sans doute, ne lui conviendrait pas. « Aucunement dans mes projets. » Dit-il, avant d’enchaîner : « J’aime trop faire mon beau-gosse en passant la main dedans, l’air de rien. » À vrai dire, c’était plus une manie qui se manifestait lorsqu’il était stressé qu’une tentative ridicule de séduction. Mais il poussa le vice à son paroxysme, certain que Deborah ne s’offusquerait pas de ses réflexions osées. « Et ce que j’aime encore plus, c’est quand les filles s’y accrochent. Chevelure à toute épreuve, donc. » Il lui fit un clin d’oeil qui en disait long, alors qu’il peinait à retenir un éclat de rire. « Capable de tout ? » Répéta-t-il en arquant un sourcil. À vrai dire, il ne s’était jamais posé la question de savoir si, effectivement, il était capable de tout pour parvenir à ses fins. Travailleur acharné, il était aussi maître dans l’art de la manipulation et de l’anticipation. Alors, à bien des égards, il devait admettre que l’Irlandaise n’avait pas tout à fait tort. « Presque tout. » Corrigea-t-il, amusé.
« Tu exagères. » Commenta-t-il en levant les yeux au ciel, alors que Deborah l’empêchait de payer. Certes, c’était elle qui avait proposé. Mais Camil était bien conscient que les moyens de la brune n’étaient pas démentiels, quand les siens étaient largement comblés par ce qu’il gagnait. « Arrête avec ton cinéma, je sais que c’est une facette de ma personnalité que tu adores. » Dit-il en souriant, poussant le vice jusqu’à faire battre ses paupières à une vitesse effrénée. « Rêve pas trop. » Dit-il en secouant la tête, refusant catégoriquement de déposer les clés de sa voiture dans la paume tendue de Deborah. « Il faudra me passer sur le corps pour les récupérer, je te préviens. » Les mots s’étaient échappés un peu rapidement de ses lippes, et Camil « Pour une fois, je t’assure qu’il n’y a aucun sous-entendu graveleux à cette réplique. » Ce qui était suffisamment rare pour être souligné. Leurs conversations, surtout en public, étaient souvent faites de sous-entendus qui n’appartenaient qu’à eux. Leur complicité était réelle, et cela arrangeait bien les affaires du politicien : tout le monde croyait dur comme fer à leur histoire, pourtant scénariste en tout point. « Ça va, c’est bon, t’as gagné : je ne tricherai pas. » Ils sortirent du restaurant, et Camil s’installa, comme prévu, derrière le siège du conducteur. De nombreuses questions traversaient son esprit, mais il n’en posa aucune : quand Deborah faisait preuve d’autant de détermination, il savait que rien ne pouvait la faire changer d’avis.
« J’ai bien envie de te dire de te démerder toute seule, pour le plaisir de te voir galérer. » Déclara-t-il, alors qu’un sourire narquois glissait sur ses lèvres. Les bras croisés sur son torse, il observait sa prétendue petite-amie se débattre avec son épingle à cheveux et le cadenas qui retenait la chaîne autour du pédalo. « Je vais t’aider, tu as l’air dépassée par les événements. » Une fois n’est pas coutume, il se moquait gentiment de la jeune femme. Dans la joie, et l’allégresse. Il abandonna ses baskets, et releva légèrement le bas de son jean pour éviter que l’eau ne vienne tremper le tissu. « T’es en train de me faire faire un truc interdit. » Grommela Camil en faisant la moue. Cependant, bon gré mal gré, il entreprit d’aider la jolie brune à mettre le pédalo à l’eau. Il fit quelques pas dans l’eau — plutôt douce, vu la saison hivernale — et s’installa dans l’un des sièges. « Ma campagne électorale se passait merveilleusement bien avant ce soir. » Fit remarquer le politicien, alors que Deborah prenait place à ses côtés. Pendant une fraction de seconde, il se demanda quelle excuse bidon ils trouveraient pour justifier leur « emprunt » nocturne. Une envie d’escapade ? Un besoin de discrétion ? Une envie irrépressible de muscler ses cuisses ? « Et voilà que tu me fais tomber dans la délinquance. » Ajouta-t-il. Heureusement, ils évitaient de peu le grand banditisme. « Tu vas me le payer, tu sais ça ? » Demanda-t-il en tournant légèrement la tête en direction de son interlocutrice. « Je ne sais pas encore comment, mais tu vas me le payer. » Par chance, l’Américain ne manquait jamais d’idée quand il s’agissait d’empoisonner la vie d’autrui. Mais promis : avec Deborah, il se montrerait plus clément qu’avec les autres. « Si tu comptes sur moi pour te trimballer, tu rêves ! » S’exclama-t-il, alors que sa main droite venait claquer la cuisse couverte de son interlocutrice. Le bruit raisonna dans la nuit, et Camil ne retint pas un franc éclat de rire.
Est-ce qu’elle avait vraiment besoin de lui répondre lorsqu’il lui demandait si elle avait d’autres surnoms ridicules ? Non, très certainement. L’un comme l’autre savait parfaitement qu’elle avait toujours des idées derrière la tête, encore plus lorsqu’il s’agit de connerie capable d’embêter l’autre. C’était un jeu qui s’était installé depuis le début entre eux, se mêlant à la séduction très souvent. C’était probablement ce qui leur avait permis d’avoir cette complicité marquée alors autant dire que ce n’était pas prêt de s’arrêter. Tout comme Camil et ses sous-entendus et/ou ses exclamations aussi graveleuse que machiste. « Oh je vois, c’est donc pour ça ce début de calvitie. » lançait-elle avec un sourire espiègle avant de rouler des yeux lorsqu’il affirmait que sa tendance a tout payer faisait partie de ce qu’elle adorait chez lui. Bon, il fallait admettre qu’au début ça l’était parce qu’avant d’avoir ses premiers salaires avec Camil, elle n’était pas pleine aux as et ne pouvait pas se permettre de sortir la carte bleue aussi souvent qu’ils étaient sortis ensemble. Aujourd’hui, elle n’était toujours pas pleine aux as mais elle pouvait payer de temps en temps un restaurant en fermant les yeux sur la facture sans soucier si la carte allait ou non passer. Si pour le blond c’était probablement naturel, pour Deborah c’était une grande évolution sur le plan financier et elle avait sa petite fierté de pouvoir le faire et surtout beaucoup de bonheur de pouvoir le partager avec des êtres chers dont le blond faisait maintenant partie – quand bien même elle restait prudente parce qu’elle savait que cette entrée d’argent ne durerait pas et qu’elle avait d’autres dépenses à faire bien plus importante qu’un restaurant.
« Je me disais bien que c’était bizarre que tu proposes une contrepartie agréable. Dommage que ce ne soit pas le cas. » Quand ce n’était pas l’un, c’était l’autre qui transformait les choses de façon graveleuse et c’était sur ces belles paroles qu’ils se rendaient à la voiture et rapidement dans l’un des parcs de la ville. Deborah n’avait pas perdu de temps à se rendre aux pédalos, s’évertuant à en détacher un pour le traîner avec difficulté sur le sable jusqu’à ce que le géant se décide enfin à l’aider. « Je dirais plutôt que je te fais un peu profiter de la vie. Même si tu trouves ton bonheur dans le boulot, il n’y a pas que ça dans la vie, il faut savoir s’amuser aussi. » Et avec Deborah, ça passait par un grain de folie, certes. « Smith aurait-il peur de se faire prendre en flagrant délit ? » La brune n’était pas inquiète. Quand bien même ils se faisaient prendre – ce qu’elle doutait fortement, qui viendrait les dénoncer franchement, il n’y avait personne et il ne foutait pas le bordel non plus – ils trouveraient toujours le moyen de s’en tirer sans aucun dégât, elle en était persuadée. D’autant plus que c’était une bêtise sans grande importance, sans conséquence non plus. Ils ne cassaient rien, ils ne faisaient pas de bruit, ils ne comptaient pas voler le matériel, tout allait très bien se passer. « Oui je sais, j’attends de voir à quelle sauce tu vas me manger. » Ce n’était pas la première fois qu’il promettait de se venger d’une de ses âneries et ça ne lui faisait pas peur outre mesure.
Enfin installés dans le pédalo, c’était un cri de surprise bien plus que de douleur qui résonnait dans le parc, confondu avec le rire de Camil. « Mais tu es pas possible roooh. Je suis assez grande pour fournir les efforts, toi te contentes de… » Ouais, pédaler aussi sinon seul son côté allait brasser l’eau et ils allaient se mettre à tourner en rond, ridicule. « Non mais voilà, tu peux pédaler juste pour avancer, moi je fournis le reste. » Oui bah oui… elle savait parfaitement que les forces seraient équilibrées mais tant pis. Rapidement le pédalo se mettait en route avec les deux comparses. De toute façon, ils n’allaient pas bien loin, c’était juste histoire de s’éloigner assez du bord pour avoir la sensation d’être au milieu de l’eau sans vraiment l’être. C’était à peine une question de cinq minutes. « Tu peux arrêter. » Quelques tours de gambettes supplémentaires de sa part et le pédalo tournait assez sur place à la fois pour s’arrêter mais aussi pour se tourner du côté de la lune, seule source de lumière quand elle déballait les desserts pour en tendre un à Camil. « Prends ça, tais-toi, regardes et écoutes. » Le silence. Le précieux silence seulement brisé par les bruits de la nature alors qu’elle s’étalait un peu plus dans le siège du pédalo pour se détendre et observer le ciel. L’eau du lac, les quelques grenouilles qui y ont élu domicile, le très léger bruissement des arbres, le reflet de la lune à la surface, le scintillement de quelques étoiles qu’on ne peut voir que d’ici parce qu’aucune lumière artificielle de la ville ne venait empêcher leur observation, même le craquement de la crème brûlée sous les cuillères étaient un plaisir à entendre. « Elle est là, ma richesse. » chuchotait-elle en tournant légèrement la tête vers Camil. Aucun reproche là-dedans, bien au contraire. Elle voulait seulement partager avec lui sa vision du monde, sa façon de profiter de la vie : en prenant le temps de s’accorder ce genre de plaisirs simples, tout simplement, ce que le blond faisait trop peu selon elle. Elle se souvenait encore d’une phrase toute particulière qu’il lui avait dit le premier jour de leur couple officiel. Ce premier fameux soir de nouvel an où il avait dit devoir encore travailler même après la soirée et où il avait été hésitant de juste prendre un bain. Rien qu’un foutu bain. Ça l’avait marqué, Debra, et elle n’avait pas oublié jusqu’à se promettre intérieurement de lui faire vivre ce genre de moment. Ce soir en était un.
« Me cherche pas, ou tu vas me trouver. » Répondit-il avec un sourire narquois, alors qu’il se glissait derrière le volant. Il détourna les yeux lorsque Deborah saisit l’adresse dans le GPS, et en profita pour ajouter : « Toi, le petit Chaperon Rouge se jette innocemment dans la gueule du loup… » Ricana-t-il, alors qu’il verrouillait sa ceinture de sécurité. Les kilomètres défilèrent, et ils arrivèrent bien vite devant un parc de la ville. La brune l’entraîna à sa suite, et entreprit de détacher un pédalo pour le faire ensuite glisser sur le sable. Il l’observa faire en silence, pesant le pour et le contre de ce qu’ils s’apprêtaient à faire, puis il vint à sa rescousse pour l’aider. « Évidemment ! » S’exclama l’Américain en levant les yeux au ciel. « Au cas où tu l’aurais oublié, une partie de ma campagne est basée sur mon intégrité, et le fait que je ne profite pas d’être un homme politique pour bénéficier de largesses quelconques. » Et clairement, voler — ou plus exactement, emprunter — un pédalo risquait de nuire à l’image de lui-même qu’il s’efforçait de construire auprès du public. Alors oui, il n’y aurait pas mort d’homme, et ils avaient peu de chance de se faire pincer… Donc autant en profiter, elle avait raison. « Crue. » Répondit-il sans la moindre hésitation. « Quand la marchandise est de qualité, aucune raison de la dénaturer. » Et c’était reparti pour les sous-entendus graveleux — un des jeux qu’ils affectionnaient tous les deux particulièrement, et dans lequel ils excellaient. « Mais si tu as une passion chantilly ou pâte à tartiner, je n’y vois pas d’inconvénient majeur. » Ajouta-t-il, avant de prendre place dans le pédalo.
« T’en as pas marre de me donner des ordres, bébé ? » Demanda-t-il en battant des cils, alors qu’elle lui indiquait la marche à suivre pour qu’ils puissent avancer. Il se plia pourtant bien volontiers aux directives de Deborah, et ils s’éloignèrent du bord de l’eau assez rapidement. Ils avancèrent et, finalement, l’Irlandaise lui demanda de s’arrêter. Elle avait trouvé le meilleur des endroits pour qu’ils puissent déguster leur dessert. Camil se laissa légèrement glisser dans son siège, pour mieux observer le ciel. « Elle est chouette, ta vie. » Finit par dire Camil d’une voix douce, alors que seuls les clapotis de l’eau venait briser le silence de la nuit. Il n’y avait aucune trace de moquerie ou de sarcasme dans ce que le politicien venait de dire. Contrairement à lui, qui vivait à cent à l’heure et qui débordait de projets plus ou moins chronophage et plus ou moins ambitieux, Deborah disposait d’un élément qui n’avait pas de pris : le temps. « Et c’est gentil de bien vouloir me faire partager ces moments particuliers avec toi. » Comme des bulles, où ils n’étaient que tous les deux, et qui échappaient à la temporalité du monde. Des moments, souvent courts mais intenses, au cours desquels Camil avait l’impression que tout était suspendu. « J’y suis sensible. Vraiment. » Admit-il en souriant légèrement, tout en faisant preuve de sérieux. Ces derniers mois, le quotidien du politicien s’état considérablement compliqué. Sa campagne électorale était de plus en plus prenante : les événements s’enchaînaient à une vitesse effrénée, et ne lui laissait presque plus aucun moment de liberté. En parallèle, la maladie de Sixtine lui avait porté un sévère coup au moral, dont il avait eu toutes les peines du monde à se remettre — et aujourd’hui encore, même s’il commençait à voir un rayon de soleil derrière son ciel nuageux, il n’était pas sûr d’en être tout à fait remis. Par chance, sa petite-soeur était partie aux États-Unis pour suivre un traitement expérimental, qui avait l’air de plutôt bien fonctionner pour elle ; Camil se faisait donc nettement moins de tracas à son sujet, même s’il savait que le chemin qui restait encore à parcourir était long. Il se redressa, et retira son tee-shirt. « Je vais me baigner. » Déclara Camil, devant l’air perplexe de Deborah. Il retira ses baskets, son jean, et ouvrit le bidon en plastique qui se trouvait sur le pédalo pour y glisser ses affaires. Après avoir jeté un coup d’oeil aux alentours, il se mit debout et sauta finalement dans l’eau noire. Il disparut de longues secondes, et fit quelques brasses sous l’eau. Cet élément naturel, Camil l’affectionnait tout particulièrement : il avait l’impression d’être déconnecté de la réalité, quand il nageait. Il ne pensait à rien, faisait le vide dans son esprit, et se sentait plus léger — tant physiquement que moralement. Il remonta à la surface de longues secondes plus tard, fit quelques brasses en direction du pédalo, et croisa ses bras sur le flotteur. Il posa sa tête sur ses mains, et releva la tête vers Deborah. « Alors, petite joueuse ? Tu as peur que les petits poissons viennent se frotter à tes jambes ? » Ricana Camil, alors qu’il sentait quelques gouttes d’eau glisser le long de ses bras. Un sourire narquois glissa sur ses lèvres, et il la titilla pour tenter de la convaincre. « J’ai toujours su que tu étais une poule mouillée. » Mensonge, évidemment. Mais il aimait tellement la provoquer, parce qu’elle réagissait à chaque fois. « À moins que la dinde qui sommeille en toi ait peur de défaire son brushing ? » Demanda-t-il en arquant un sourcil. Il se laissa glisser le long du flotteur, recula de quelques mètres, et ajouta : « Je poursuis sur les métaphores de la basse cour, ou je t’ai convaincue de sauter le pas ? » De sauter tout court, ce ne serait déjà pas si mal, à la réflexion. « Allez, Brody : c'est toi qui m’a traîné là et qui a fait de moi un délinquant. Tu ne vas pas me laisser tout seul, quand même ! » S’exclama-t-il, alors qu’il se mettait en planche. Son regard se perdit dans la contemplation du ciel. « Après tout, que serait Clyde sans Bonnie ? » Un braqueur lambda, dont l’histoire ne se serait pas souvenu. Et que serait Camil sans Debbie ? Seul l’avenir le dirait.
Debbie ne pouvait s’empêcher de rire à la réflexion de son compagnon de route. Son regard sur lui se voulait volontairement joueur, presque invitant avant que ses mots ne viennent confirmer cette impression. « Je ne dirais rien, je préfère encore que tu le découvres par toi-même, c’est bien plus agréable. » Elle aurait même pu rajouter qu’il allait l’apprendre bien assez vite pour se moquer gentiment de lui et de sa propre tendance à faire tarder les choses depuis bien trop longtemps maintenant. Elle se demandait toujours pourquoi il n’avait pas abandonné l’idée depuis le temps. Le jeu, sûrement. Le défi, un peu. Elle était sûrement la femme qui lui avait le plus résisté jusque-là – si on ne comptait pas celles qui s’étaient refusées à lui tout court, bien sûr. Installés sur le pédalo, elle secouait négativement la tête, le sourire jusqu’aux oreilles. « Non, j’en ai pas marre. Je profite quand je peux le faire, ça change. » Parce que même s’ils étaient devenus amis avec le temps et qu’elle se prêtait au jeu de la petite-amie sans se forcer aucunement, il n’en restait pas moins qu’elle se pliait aux règles de Camil, que s’il lui demandait quoi que ce soit en rapport avec ce pseudo contrat qu’ils avaient, elle le faisait sans – trop – broncher. Dès lors qu’ils étaient en privé, elle ne pouvait qu’en profiter pour inverser un peu les rôles.
La brune n’était pas insensible aux remerciements qu’il lui octroyait. Ça lui faisait réellement plaisir de lui faire plaisir, de lui montrer une autre manière de vivre que la sienne : celle qui consiste surtout à profiter des simplicités de la vie, à se rendre compte de la chance d’être simplement en vie même avec peu de choses comme un pédalo et une crème brûlée. Ni plus ni moins. Une parenthèse dans sa vie à cent à l’heure, une bulle de sérénité dans son monde stressant et toujours pressé, toujours plus rapide, toujours plus rentable. « Tu seras toujours le bienvenue dans ma vie pour un moment de calme, les portes te seront toujours ouvertes. J’espère que tu le sais. » En toute sincérité, elle espérait que cette amitié aille bien au-delà de la date butoir de leur contrat. Il n’était plus vraiment son patron, ça allait bien plus loin, sans parler de sentiments amoureux bien entendu, ça mettrait trop la merde et elle n’avait pas envie de ça. Ce qu’ils avaient, cette amitié qui commençait sérieusement à être forte, lui convenait très bien et elle trouverait bien dommage que ça s’arrête – même si elle avait conscience que pour la crédibilité de leur future rupture, ils allaient devoir s’éloigner un peu mais ils se contenteraient sûrement d’un éloignement physique.
Moment opportun qu’avait trouvé Camil – pour éviter le trop sérieux de cette conversation, l’Irlandaise en était persuadée – pour presque faire basculer le pédalo en se levant brusquement pour se déshabiller et annoncer sa prochaine folie : aller se baigner, sans plus de cérémonie. Un saut et quelques longues secondes de nage sous-marines plus tard, le grand blond refaisait surface, narguant Debra comme il a toujours si bien le faire. Pseudo peur des poissons, poule mouillée, dinde brushinguée. « Laisse-moi le temps de finir mon dessert, tu vas voir ! » disait-elle en donnant les derniers coups de cuillères à sa crème brûlée et en poussant légèrement Camil de son pied nu. Il avait raison : elle répondait toujours à ses provocations, bien incapable de faire autrement. « Un idiot qui se serait fait arrêter dès le début. » Parce que derrière chaque grand homme, il y a une femme, pas vrai ? Une femme maline, intrépide, pleine de ressources et, dans leur cas, toujours partante pour emmerder Camil en retour. « Cela dit, je pense sincèrement que tu vas regretter ta demande. » Celle de la faire venir dans l’eau et donc, indirectement, de lui demander de se déshabiller seule pour le rejoindre. Se souvenait-il de cette photo qu’elle lui avait envoyée quand elle lui avait proposé de passer la saint-valentin avec elle ? Elle n’avait pas menti et il pouvait le constater par lui-même. Au fur et à mesure de son effeuillage, son ensemble noir porte-jarretelles en dentelles se révélait à eux. Est-ce qu’elle faisait exprès d’être particulièrement lente quand il s’agissait de déclipser les pinces et de retirer ses bas ? Evidemment, c’était bien trop tentant de le faire regretter jusqu’au bout.
Pas pudique pour un sou, ce n’était que lorsqu’elle était en string qu’elle se décidait à sauter dans l’eau, remontant rapidement à la surface, les cheveux plaqués en arrière, le souffle presque coupé. « Punaise, je m’attendais à ce qu’elle soit un peu plus chaude quand même. » disait-elle non sans un rire de surprise, son corps parcourut d’intenses frissons pendant quelques secondes. « Là, pour le coup, si on se fait prendre ici, dans cette tenue, ça sera entièrement ta faute si on a des gros problèmes, j’espère que tu en es conscient. » Joueuse, elle nageait un peu plus vers lui, disparaissant un instant dans l’eau pour mieux refaire surface derrière lui, s’accrochant à son cou, ses gambettes se glissant autour de sa taille. Un baiser dans le cou avant d’approcher ses lèvres de son oreille. « Cela dit, quitte à avoir de gros problèmes, autant que ça vaille le coup. Un vrai délinquant prendrait le risque de perdre le pédalo pour satisfaire sa partenaire sur la berge. » L’invitation dans son murmure était sans équivoque et le regard de défi qu’elle lui lançait par-dessus son épaule était bien réel. « Bonnie et Clyde étaient avant tout des amants avant d’être assassins. » La comparaison ira-t-elle jusqu’au bout ? Osera-t-il ?
« Plains-toi ! » S’exclama-t-il, alors qu’ils étaient tous les deux installés sur le pédalo. Leur petite mascarade avait commencé des mois plus tôt, et s’était étalée tout au long de l’année. L’Américain et l’Irlandaise avaient pris l’habitude de s’afficher ensemble dans des événements plus ou moins importants, plus ou moins médiatisés — ce dernier choix reposant uniquement ur la volonté de Camil de prouver qu’il s’intéressait à tout, à tous, dans le cadre de sa campagne électorale. Il savait que certains de ses choix seraient observés, commentés, analysés. Mais Camil voulait être partout, à commencer par là où on ne l’attendait pas. En visite dans une maison de retraite. Lire un livre à des enfants malades. « T’as l’air vachement malheureuse. » Se moqua-t-il, alors qu’il obéissait sagement aux ordres donnés par l’Irlandaise. Il devait bien reconnaître que la tâche pour laquelle il l’avait employée n’avait rien de conventionnel, mais Deborah semblait s’être parfaitement acclimatée à ce rôle. Celui de la « femme de », un statut qui pouvait être moins enviable qu’il n’y paraissait. « Le moment me semble opportun pour te faire savoir, d’ailleurs, que tu te débrouilles comme un chef. » Il plongea sa main dans sa poche, et en retira son téléphone portable. Il pianota rapidement sur son écran tactile, et retrouva un article qui était paru dans la presse à scandales quelques jours plus tôt : « Regarde-moi ça. » Dit-il en montrant l’écran à l’Irlandaise : « L’atout charme », titrait l’article, avec une photo de Deborah. « T’as déjà commencé à me faire de l’ombre, poupée. » Ricana-t-il, alors qu’ils s’éloignaient progressivement de la terre ferme. Loin d’être peiné, le politicien était plutôt flatté ; cet article, c’était la preuve qu’il avait fait le bon choix avec son ancienne Community manager. Mais c’était avant tout le reflet de leur réussite commune.
Désormais arrêtés au beau milieu de nulle part, les deux comparses grignotèrent leur dessert, en profitant de la vue, spectaculaire. La lune claire se reflétait sur l’eau noire, distillant son image sur des vaguelettes sans danger. Camil profita de ce moment si spécial, comme suspendu dans le temps. Il inspira profondément, et songea avec un brin d’émotion à sa petite-soeur, repartie aux États-Unis pour bénéficier d’un traitement expérimental. Elle aurait adoré être là, insouciante et légère. Moqueuse, elle aurait sans doute applaudi son frère aîné d’avoir été capable de lâcher prise pendant quelques minutes. Il chassa ses pensées en se déshabillant, et s’immergea complètement dans l’eau du lac. Il refit bientôt surface, et nagea en direction du pédalo. « Je vais voir, je vais voir… » Répéta-t-il en levant les yeux au ciel, pas impressionné pour un sou. « Mets tes menaces à exécution pour une fois, Brody. » Dit-il, volontairement provoquant. Il croqua le dessus du pied de la brune, et s’éloigna dans un éclat de rire pour éviter toutes les représailles éventuelles auxquelles il s’était sciemment exposé. « Je te trouve un peu dure avec lui. » Fit-il remarquer en faisant la moue. Mais alors qu’il allait s’employer à défendre un brigand resté dans l’imaginaire populaire, il changea d’avis au moment où Deborah se redressa à son tour. Il siffla d’admiration, alors que l’Irlandaise se retrouvait, face à lui, dans un ensemble noir en dentelle. Il avait la délicieuse impression d’avoir droit à un spectacle très privé, dans un endroit où personne ne viendrait les chercher ou les surprendre. Il combla la faible distance qui le séparait de leur radeau de fortune et, à la force des bras, il se hissa légèrement sur le pédalo. Il déposa ses lèvres sur la peau laiteuse de la jambe de sa prétendue petite amie, et croisa les bras sur le pédalo, avant d’y déposer sa tête. « La vue est imprenable, d’ici. » Murmura-t-il, alors que l’Irlandaise se penchait pour retirer ses bas, qui tombèrent en un bruit léger sur la plateforme en plastique. Son index suivit la ligne de son tibia, et il demanda, presque rêveur : « Dis-moi Brody, tu caches toujours de pareils ensembles quand on sort ? Ou c’est seulement parce que c’est la Saint-Valentin, et que tu as décidé de me donner une deuxième part de dessert ? » Il eut un sourire gourmand lorsqu’il vit le soutien-gorge de l’Irlandaise rejoindre le reste de ses vêtements, avant que cette dernière ne vienne le rejoindre dans l’eau.
« On est au mois de Février, je te rappelle. L’été est derrière nous. » Fit remarquer le politicien en haussant les épaules. « Mais je connais un excellent moyen de se réchauffer, si tu veux. » C’était plus fort que lui, il ne pouvait pas s’en empêcher : faire des réflexions scabreuses à Deborah Brody le faisait beaucoup rire. Sans doute parce qu’elle ne s’en offusquait pas et, mieux encore, qu’elle y répondait volontiers. C’était un petit jeu qui s’était bien vite instauré entre eux, et qui n’avait fait que s’amplifier depuis qu’elle avait accepté de travailler avec lui. « Des problèmes, tout de suite des problèmes ! Est-ce vraiment de ma faute si tu n’as pas été capable de te retenir face à mon charme irrésistible ? » Un sourire narquois glissa sur ses lèvres, et il fit un mouvement de brasse en sa direction. « Je n’ai même pas eu besoin de te demander de te déshabiller ; tu l’as fait toute seule, comme une grande. » Ajouta-t-il, avant que l’Irlandaise ne disparaisse sous l’eau. Il savait qu’elle allait lui faire payer son accès de vanité, mais il s’en fichait ; il aimait beaucoup trop jouer avec Deborah pour s’en passer. Elle prit position dans son dos, noua ses bras autour de son cou et ses jambes autour de sa taille. Et, une fraction de seconde plus tard, elle l’électrisa avec quelques mots suggestifs. Il tourna légèrement la tête vers elle, et croisa son regard de défi. Il fit glisser ses mains sur ses genoux, pour la maintenir contre son dos, et entreprit de se rapprocher de la berge. Leurs corps, partiellement dénudés, se dévoilaient davantage à chacun des pas que Camil faisait. Il ne la relâcha qu’à partir du moment où l’eau lui léchait les chevilles, et se retourna vers elle. « T’es foutue, Brody. » Ricana-t-il en encadrant son visage de ses mains, avant de fondre sur les lèvres pulpeuses de la brune. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’embrassaient, et pourtant : ce baiser-là, il avait un goût nouveau. Peut-être était-ce parce qu’ils étaient peu vêtus. À moins que ce ne soit à cause des mains possessives de Camil, qui avaient trouvé une place de choix sur le fessier rebondi de l’Irlandaise. « C’est quoi qui te satisfais le plus, madame la donneuse d’ordre ? » Demanda-t-il en abandonnant momentanément sa bouche pour plonger son regard dans le sien. Il capta son sourire, et se pencha pour embrasser son cou. « Parce que dans ma grande mansuétude, il se pourrait que je sois disposé à t’obéir. » Confessa-t-il à son oreille, alors que ses doigts se crochetaient brusquement sur ses courbes voluptueuses.
C’était la curiosité de Deborah qui était à présent piquée. Le regard interrogateur, elle observait son complice pianoter sur son téléphone à la recherche d’une preuve. Inexorablement, son intérêt se portait sur le petit écran bien plus que sur le pédalage pour faire avancer leur moyen de transport. Saisissant l’appareil un instant, elle parcourait l’article d’un regard transversal avant de le redonner à son propriétaire non sans un sourire de fierté plaqué sur la trogne. « Et ça ne fait que commencer, soit prêt à ce que je t’évince entièrement du tableau. » disait-elle suivi d’un rire moqueur, surtout envers elle-même à vrai dire. Elle savait bien qu’elle n’aurait plus aucun intérêt pour les journalistes et autres paparazzis si Camil n’était plus dans le coin et puis tous les deux savaient que c’était bien qu’elle se fasse remarquer – positivement, bien entendu – mais que la lumière principale se devait de rester sur le blond et ils allaient tout mettre en œuvre pour ça jusqu’au clap final.
Le dessert avalé, la provocation entamée, Smith pataugeait rapidement dans une eau peu chaude tandis que la brune s’apprêtait à le rejoindre, jouant de ses charmes que Camil avait toujours su apprécier à sa juste valeur sans jamais avoir eu le droit de dépasser l’autorisation du regard posé sur ses formes féminines ou les mains quelques peu baladeuses/intimes pour parfaire leur image de couple. Forcément, elle ne pouvait que sourire lorsqu’il avouait sans mal apprécier ce petit spectacle d’effeuillage, profitant de sa position pour appuyer ses dires en déposant ses lèvres sur elle. « Tu vas sûrement être déçu mais non, je ne cache pas toujours des ensembles sous mes tenues. » Le temps de retirer son soutien-gorge et elle continuait sur sa lancée, bien trop joueuse pour s’arrêter à cette affirmation. « Parfois la tenue exige que je ne porte absolument rien... » Vérité ou petit mensonge provocateur, elle ne laissait pas le temps à Camil de l’interroger qu’elle plongeait à son tour dans la fraîcheur des eaux artificielles de Brisbane. C’était bien plus drôle de le laisser dans la réflexion et surtout dans l’imagination de quelle tenue elle avait porté qui l’obligerait à ne rien mettre en dessous.
« C’est marrant comme ça me surprend pas du tout venant de ta part. » Qu’il connaisse un moyen de se réchauffer tandis qu’elle mettait la faute sur lui si jamais ils avaient des problèmes plus gros que celui d’avoir emprunté un pédalo. « Non mais j’admets, j’admets. Je n’ai pas résisté à tes charmes pour venir dans l’eau. En revanche, c’est le prix de mon ensemble qui m’a obligé à me déshabiller, il était hors de question que je le flingue pour tes beaux yeux. » Même si dans l’effet domino, les beaux yeux de Camil avaient été aussi comblés de la voir se déshabiller presque entièrement. Finalement, il était gagnant sur tous les plans. D’autant plus lorsque la brune s’était rapprochée de lui après avoir disparue dans l’eau, bien accrochée à son dos, transformant leur jeu de séduction en défi réel de la combler sur la berge. La réaction du géant ne se faisait pas attendre, bien déterminé à rejoindre cette berge et répondre positivement au défi de Brody – rieuse de cette réaction si rapide et plus provocante encore en glissant délicatement ses ongles contre son torse et en déposant ses lèvres gourmandes dans son cou. Presque hors de l’eau, Camil s’empressait de la déposer au sol, capturant ses lèvres sans attendre davantage dans un baiser particulier par ce côté si privatif de leurs vies et sur le point de basculer sur un autre plan. Au-delà d’être amis, ils s’apprêtaient à devenir amants et ça rendait ce baiser bien plus important – aux yeux de Deborah en tout cas – et plus intense également. Ses lèvres ne quittaient les siennes que sous l’impulsion de Camil, au regret de Deborah qui avait cette sensation de trop peu. Si le blond avait toujours été le plus expressif sur l’envie d’aller plus loin avec elle, elle n’était pas en reste non plus, bien au contraire. L’envie devenait mordante, presque douloureuse sur l’instant tant la patience avait été consumée jusqu’à la moindre cendre.
Restant néanmoins malicieuse, ses doigts fins glissaient contre le torse de son partenaire, flirtant avec l’élastique de son boxer pour mieux légèrement le tirer et le relâcher dans un claquement provocateur mais non douloureux. « Tout dépend de quoi est capable mon ou ma partenaire, tout dépend de l’expérience de chacun. » Parce que, comme n’importe qui, même si Deborah avait ses préférences, il restait logique qu’elle appréciait les talents de chacun bien avant n’importe quel fantasme à réaliser. « Au-delà de mes envies égoïstes, c’est toi que j’ai envie de découvrir, je veux voir ce dont tu es capable. Ma satisfaction, je l’aurais en partie grâce à la tienne. » L’Irlandaise avait toujours vu le sexe surtout comme un échange et non comme une manière de se satisfaire égoïstement. Même lors des peu de coups d’un soir qu’elle avait eu – bien plus adepte des amants réguliers – elle avait toujours eu à cœur de satisfaire son/sa partenaire quitte à mettre son propre plaisir de côté pendant un instant. Camil ne passerait pas entre les mailles de ce filet. Le plaisir de Deborah prendrait sa source dans celui de Camil, sans aucun doute possible et ses talents cachés pour la rendre toute chose ne seraient que d’agréables bonus pour rendre ce moment d’autant plus unique et mémorable.
Ses lèvres accrochaient de nouveau les siennes, plus gourmandes encore qu’elles ne l’eussent été, le faisait reculer dans sur le sable puis dans l’herbe fraichement coupée un peu plus loin, plus à l’abri des regards. Lentement, elle s’affaissait de plus en plus, provoquant leur approche du sol jusqu’à se retrouver au-dessus de lui, son corps épousant le sien, satisfaite de sentir la moindre parcelle de peau cajoler la sienne. Son sourire n’était plus provocateur ou plein de défi, seulement charmeur et surtout charmé, s’échappant dans son cou, puis sur son torse. Elle aurait pu continuer jusqu’à nudité de Camil, jusqu’à l’évidence si sa conscience ne la rappelait pas brusquement à l’ordre, la faisant se redresser à califourchon sur lui, l’une de ses mains sur son torse pour le maintenir sans pression contre le sol. « Attends, attends, attends… on peut pas laisser s’échapper le pédalo. » Un petit blanc, rapide, juste le temps d’une grimace presque désolée à l’illumination qu’elle venait d’avoir. « Autant je m’en fou pour mes fringues, mon téléphone et autre mais je doute que l’orgasme vaille la peine de perdre le tien. » Oups. Il ne fallait pas se voiler la face. Aujourd’hui les téléphones étaient devenus de véritables outils de travail en eux-mêmes et dans l’organisation de la vie en général. Elle doutait fort que Camil soit satisfait de perdre des années de boulot au profit de quelques minutes de plaisir. « Sans compter que tu as sûrement laissé les clés de ta voiture aussi... » double oups.
« Tu me rappelleras vite à tes côtés. » Rétorqua Camil en haussant les épaules, convaincu par ses propos. « Il n’y a rien de plus ennuyeux que d’être au sommet, mais seul. » S’il avait toujours aimé se montrer et être en représentation dans des soirées mondaines ou autres galas de charité, il devait bien reconnaître que, depuis que Deborah l’accompagnait dans ses déplacements, il y prenait encore plus de plaisir que précédemment. Il avait trouvé une partenaire de jeu, de rire, de messes basses et de complicité. Il savait que cela ne serait pas éternel, mais il s’en fichait : pour le moment, il profitait de l’instant présent, un point c’est tout.
« Tu devrais faire ça plus souvent. » Suggéra Camil, songeur, alors qu’il ne perdait pas une miette du spectacle que la brune lui offrait. Elle dévoilait sa peau laiteuse petit à petit, usant et abusant d’une lenteur exaspérante pour le faire languir. Elle le connaissait si bien maintenant, Camil : elle savait qu’il était d’une impatience folle, quand il avait quelque chose — ou, dans ce cas précis, quelqu’un — dans sa ligne de mire. « Quel dommage, ça me semblait si… » Il n’eut pas le temps de finir que l’Irlandaise enchaînait, lui apprenant qu’il lui arrivait de ne rien porter. Il écarquilla les yeux, arrêta d’embrasser sa peau laiteuse, et se recula légèrement pour croiser le regard malicieux de la brune, qui le surplombait de toute sa hauteur, presque nue. Scié, il n’eut pas le temps de réagir avant qu’elle ne vienne le rejoindre, en plongeant dans l’eau fraîche du lac. « Enfin tu le reconnais ! » S’exclama-t-il, tandis qu’un sourire malicieux venait glisser sur ses lèvres fines. Ils jouaient ensemble depuis longtemps, bien trop longtemps, pour ne pas se rendre compte de l’évidence : leur alchimie était de plus en plus présente, de plus en plus prégnante. « Je regrette de ne pas t’avoir enregistrée, alors que tu admettais enfin que mes charmes font effet sur toi. » La vérité, c’est qu’il n’avait plus aucun doute à ce sujet depuis des semaines, et l’inverse était encore plus vrai. Même les photographes avaient fini par capturer leurs regards complices et malicieux, alors que les journalistes vantaient la pétillante de ce couple à qui tout semblait réussir. « Aussitôt déchiré, aussitôt remplacé. » Rétorqua Camil, alors que Debbie justifiait sa quasi nudité par le tarif de son ensemble en dentelle. Elle disparut quelques secondes sous l’eau, avant de réapparaître derrière lui, et de s’agripper à ses épaules. Ses mains délaissèrent sa carrure bien vite, glissant sans plus attendre sur son torse. Au fur et à mesure qu’il sortait leurs deux corps de l’eau, il pouvait sentir les lèvres de l’Irlandaise goûter à sa peau, de part et d’autre de son cou. Il en aurait probablement gémi de plaisir, s’il n’avait pas été concentré sur un point précis : se dépêcher d’arriver jusqu’à la berge, pour lui aussi pouvoir profiter des charmes de sa prétendue petite-amie. Mais l’impatience le guettait et, n’y tenant plus, il la déposa alors que l’eau leur léchait encore les mollets. Leur rapprochement physique avait été naturel, instinctif, presque inné. À croire qu’ils réclamaient la présence, le toucher, et la chaleur de l’autre. Ils s’appâtaient, s’attiraient irrémédiablement. « De tout. » Plaisanta Camil, alors que Deborah faisait claquer l’élastique de son boxer contre sa peau. Il grommela de frustration, et plongea son regard clair dans celui chocolat de son interlocutrice. Une main glissa derrière sa nuque, et il la rapprocha de lui, faisant se percuter leurs corps. « La preuve, je suis à deux doigts de te demander de m’épouser, quand je t’entends dire des trucs pareils. » Plaisanta-t-il contre ses lèvres, quémandant un baiser qu’elle lui offrit de bonne grâce. Ils reculèrent jusqu’à atteindre la berge, plus précisément un endroit légèrement éloigné du rivage, qui avait aussi le mérite d’être plus discret. Et au vu des activités auxquelles les deux futurs amants comptaient s’adonner, prendre le soin d’être invisibles des yeux de badauds qui auraient peut-être des envies de ballade nocturne dans les parages n’était pas la plus mauvaise des idées. Camil laissait pour le moment l’Irlandaise mener la danse, pas malheureux pour un sou de la vue imprenable qu’elle lui offrait. La pulpe de ses doigts caressait fiévreusement les courbes de sa pseudo fiancée. « T’en auras mis du temps à te laisser convaincre. » Ricana l’Américain, alors que ses doigts pinçaient ses fesses. Il plongea son nez dans le cou de Deborah, et inspira profondément. Tous ses sens étaient-ils décuplés, ou avait-elle mis le paquet pour lui faire tourner la tête ? Il n’en avait pas la moindre idée et, à vrai dire, il s’en fichait royalement. Pour le moment, son esprit divaguait vers des envies et des besoins de plus en plus lubriques, de moins en moins catholiques. Et alors qu’il s’apprêtait à prendre le dessus sur l’irlandaise, cette dernière le ramena douloureusement à la réalité. « On s’en fout. » Souffla Camil, le regard rivé sur la brune. Le pédalo ? C’était clairement le cadet de ses soucis. À cet instant précis, il n’avait qu’une seule et simple envie : ne faire plus qu’un avec son ancienne community manager. Ils n’avaient jamais été aussi proches physiquement, aussi connectés. Si la fraîcheur de l’eau avait pu les déranger pendant quelques instants, ce n’était désormais plus qu’un lointain souvenir : désormais, il frissonnait d’impatience et de désir. Il se redressa sur ses coudes, réduisant considérablement l’espace qui les séparait l’un de l’autre. « Cherche pas à te défiler, Brody. » Ajouta Camil, alors qu’il plongeait son regard clair dans le sien. Il s’apprêtait à quémander un baiser à l’Irlandaise quand cette dernière, décidément plus raisonnable que le politicien, lui lista les divers éléments qui devaient les empêcher de se laisser complètement aller. « Merde. » Murmura-t-il en inclinant la tête, comprenant que ces premiers émois avec Deborah allaient devoir prendre fin ici, et maintenant. Il se laissa retomber au sol, et poussa un soupir à fendre l’âme. Ses mains passèrent sur son visage, alors que la brune était toujours installée sur lui. « Je crois que c’est l’un de mes plus grands échecs. » Commenta l’Américain, alors que ses doigts se déposaient sur les hanches de l’Irlandaise. Il bougea légèrement, et ferma les yeux pour se soustraire à la vue de rêve que lui offrait, bien malgré elle, Deborah. « Comme tu peux le constater, un bain froid ne pourra pas me faire de mal. » Grommela le politicien, toujours allongé sur le sol. « Tu ne perds rien pour attendre, Brody. » Dit-il en se redressant, déposant machinalement ses lèvres sur les siennes. Les doigts de se main droite effleurèrent la courbe arrondie de l’un de ses seins, alors qu’il se dirigeait d’un pas résigné vers le lac. Il y entra progressivement, et se retourna une dernière fois vers sa naïade, abandonnée sur la berge. « Je te retrouve près de la voiture. » Précisa-t-il, avant de faire quelques mouvements de brasse en direction du pédalo. Le froid le fit d’abord grelotter, mais il s’accoutuma rapidement à la température de l’eau. Intérieurement, il pesta contre les astres, qui n’avaient pas encore daigné s’aligner pour lui faire vivre une expérience qu’il crevait d’envie de mener à terme. Après quelques minutes à avancer dans l’eau, Camil se hissa sur le pédalo à la force des bras, et entreprit de ramener l’engin à bon port.
« Tu vas être bien malheureux sans moi alors quand tout ça sera terminé. » affirmait-elle concernant l’idée d’être seul au sommet, avant que la situation ne s’accélère entre eux. L’impatience parlait pour eux et prenait naturellement le dessus. L’eau fraîche n’était plus que le cadet de leurs soucis dès l’instant où Deborah avait affirmé craquer pour les charmes de Camil et où elle sous entendait soudainement avoir envie de lui ici et maintenant. Le rire de la brune fendait l’air à la réaction de son partenaire qui se dirigeait instantanément vers la berge. Quelques instants où elle pouvait profiter de sa peau, jouer encore de son absence de patience, juste avant que le jeu ne devienne réel, qu’ils partagent un véritable baiser transpirant un désir qui n’était plus à prouver depuis longtemps. Cette promiscuité attendue depuis des mois en devenait naturelle tant leur complicité était évidente. Deux amis avant d’être deux amants en devenir, le match était parfait. Ils ne prenaient que le meilleur des deux statuts et s’accordaient à cette idée à la perfection. A tel point qu’il affirmait être capable de tout avant de plaisanter sur d’hypothétiques épousailles. De quoi la faire rire de nouveau et rétorquer aussitôt. « Chiche. » Leur bêtise n’était jamais loin parce que c’était ce qui faisait l’authenticité de leur duo. Ils n’avaient pas besoin de faire semblant sur ce terrain-là. Ils s’entendaient naturellement bien, se charrier d’un amour vache et se poussait toujours l’un et l’autre vers leurs propres limites. Mais leur jeu, en avait-il réellement une de limite ? Pour l’amour du défi et de leur connerie, il serait bien capable d’au moins la fiancer tant que ça n’engageait en rien.
Mais l’heure n’était plus au questionnement tandis que Camil se retrouvait au sol, surplombé de sa nymphe toujours plus quémandeuse de lui et ses mains cajolantes. Il se faisait gardien de sa quasi nudité autant par le choix de l’endroit à l’abris des regards que par son corps collé au sien, comme s’il était et resterait l’unique bénéficiaire de son plus simple appareil. C’était un peu vrai. A cet instant, elle n’appartenait qu’à lui et la réciproque se vérifiait sans mal. « Les meilleurs se font toujours attendre. » Un rapide sourire malicieux avant un énième baiser toujours plus langoureux, démonstratif du chemin qu’ils s’apprêtaient à prendre si seulement le peu de lucidité qu’il restait à Deborah ne faisait pas surface de nouveau. Les traits de son visage laissaient savoir combien elle était désolée mais elle se devait d’être raisonnable pour deux pour cette fois. « Je ne cherche pas à me défiler, ce n’est que partie remise, promis. » Le pédalo n’était pas le souci, c’était ce qui se trouvait à bord qui l’était. Non seulement il serait aisé de remonter à eux et de les épingler pour avoir emprunté un pédalo sans autorisation mais surtout c’était l’un des outils de travail de Camil qui risquait de se retrouver dans la nature et de, potentiellement, se retrouver entre de mauvaises mains. Il ne fallait pas se leurrer, il était un politicien et tous les coups sont permis entre eux, même les plus bas. Elle en était la preuve vivante d’ailleurs.
Bien que peu motivé à abandonner leurs ébats, Camil finissait par se résigner, grommelant et soufflant sa frustration aux oreilles de Brody. Amusée, elle n’en restait pas moins tout autant frustrée que lui quand bien même elle avait la chance que cela se voit moins que lui physiquement parlant. Un dernier baiser, une dernière caresse et il s’échappait de nouveau vers l’eau. Elle ne relevait pas sa demande… Elle ne serait pas capable de l’attendre à la voiture sans en avoir les clés. Il n’avait plus les idées claires, la faute à sa tête en manque de sang sûrement. Néanmoins, elle ne se démontait pas. Poussée par sa connerie toujours plus grande, elle quittait la berge à son tour pour retrouver les chemins principaux du parc. Heureusement pour elle, non seulement le parking n’était pas très loin mais il était surtout très tard, peu de chance de croiser quelqu’un dans cette tenue. Peu de chance mais pas impossible… L’oreille tendue et l’œil à l’affût, tout de même attentive à ne pas se faire prendre, elle se précipitait dans un buisson dès lors qu’elle cru entendre des pas venir vers elle. « Aïe, aïe, aïe, aïe. » Sa tenue d’Eve rendait le buisson bien plus épineux que prévu mais elle se résignait à rester là, peu consciente qu’en réalité, les pas qu’elle avait entendu étaient ceux d’un chat courant après une proie. Ce n’était qu’après une paire de minutes de silence qu’elle osait écarter les branches du buisson pour avoir un aperçu du chemin.
Chemin sur lequel apparaissait la silhouette de Camil quelques moments plus tard, instant opportun pour elle de sortir la tête du buisson. « Tu aurais pas pris ma tenue avec toi par hasard ? » Ridicule, elle se trouvait ridicule mais persuadée que ça pouvait aussi faire son charme. « Il va falloir que tu joues les infirmiers une fois à la maison, ma peau de bébé en a pris un coup à me réfugier là-dedans. » La joie des branches fines contre une peau nue, c’était la garantie de quelques égratignures plus ou moins profondes et pas franchement agréables. Si elle avait osé rêver de quelques marques, elle aurait préféré qu’elles soient provoquées par la fougue de son amant et pas par une cachette improvisée dans un buisson au bord d’un chemin. Au moins ça leur faisait une bonne anecdote à se rappeler pour en rigoler. « Je voulais t’attendre littéralement allongée sur le capot de ta voiture pour t’inviter à la baptiser mais j’ai cru entendre quelqu’un et j’ai pas osé aller jusqu’au parking depuis. » Si l’avortement de leurs ébats était l’un des plus grands échecs de Camil, ce fail de séduction était l’un des plus grands de Deborah. 1-1, honte au centre.
« Au risque de te décevoir, je n’espère pas. » Avoua Camil en faisant la moue. Son contrat avec Deborah n’était pas à durée illimitée ; ils devraient, tôt ou tard, prendre des chemins séparés. Pour le moment, ils avaient encore de longs mois devant eux, et des dizaines d’événements à venir. Avec un esprit aussi occupé, l’Américain n’avait guère le temps de se projeter sur l’inévitable, sur l’après. « Parce que je ne sais pas quelle excuse je pourrais trouver pour te forcer à rester. » Dit-il en souriant, faisant explicitement référence aux raisons pour lesquelles Deborah avait été employée. « Et surtout, parce que tu me coûtes suffisamment cher comme ça. » Ajouta-t-il en riant, volant un baiser furtif à la brune. Il savait qu’elle s’offusquerait, et qu’elle n’hésiterait pas à me remettre à sa place — mais c’était exactement ce qu’il cherchait. À la titiller, à l’embêter, à la faire sortir de ses gonds. Il adorait jouer, Camil, et Deborah était une adversaire-partenaire particulièrement intéressante. Ils avançaient d’un pas pressé et décidé en direction de la berge, plus que prêts à consommer le désir qui les avait embrasés. Les mains de Camil effleuraient, touchaient, malaxaient, découvraient avec avidité la peau satinée de l’Irlandaise. Il ricana en l’entendant marcher dans son jeu, et ne se sépara de ses lèvres qu’une seconde pour lui répondre : « J’imagine que tu n’as rien contre les diamants ? » Allongé sur le sol, il laissa Deborah le surplomber et venir se coller à lui, comme pour l’envelopper de sa chaleur naturelle. Il lui semblait que rien ne pouvait venir troubler ce moment sacré — et certainement pas un brin de jugeote. Il pesta, tenta de minimiser la perte d’importantes données, et se résigna finalement. Il grommela et, le temps de rejoindre le pédalo, eut le temps de méditer à ce qui avait failli se produire — une évidence, pour l’un comme pour l’autre.
Après avoir regagné la berge et rattaché le pédalo, il se dirigeait désormais vers sa voiture. Mais au détour d’un chemin, il s’arrêta devant la vision d’une nymphe sortant d’on-ne-sait-ou. Ses lèvres vinrent mordre sa lèvre inférieure, alors qu’il se retenait d’éclater de rire. « Il se pourrait que certains de ces bouts de tissu t’appartiennent. » Admit-il en désignant du menton la boule de vêtements qu’il tenait entre ses mains. Mais ça pouvait attendre un peu, non ? Puisqu’il n’avait pas réellement eu droit à sa part de dessert, Camil pouvait bien s’octroyer le droit de lorgner encore quelques précieuses minutes sur le corps dévêtu de sa presque conquête. « Quelle idée, en même temps ! » S’exclama-t-il, avant de reprendre son chemin. Il contourna Deborah, et scanda : « Une chance pour toi que je sois expert en bisous magiques ! » Il entendit l’Irlandaise se rapprocher de lui, alors qu’ils avançaient vers la voiture du blond. Par chance, le chemin n’était plus très long et les risques de se faire surprendre, quasi nuls. « Debbie chérie, il faut vraiment que tu arrêtes de dire des trucs pareils. » Commença Camil, après avoir soupiré profondément. En d’autres circonstances, il se serait probablement réjoui d’une telle information, et aurait volontiers surfé sur la vague pour conforter son égo. Mais à cet instant précis, la seule chose qui lui venait en tête, c’était leur perpétuel manque de chance. Leurs tentatives infructueuses, leurs échecs en cascade, et leur frustration de plus en plus grande. « Au cas où tu ne t’en serais pas rendue compte, je suis un homme tout à fait normal. » Précisa-t-il, alors qu’il appuyait sur l’un des boutons de sa clé de voiture pour la déverrouiller. Il fit quelques pas, contourna l’habitacle et ouvrit finalement le coffre. Il s’assit sur le rebord, dénoua la boule de fringues qu’il tenait encore dans ses mains, et en ressortit finalement le soutien-gorge de sa prétendue petite-amie. Bon gré mal gré, il le lui tendit pour qu’elle puisse se vêtir un minimum — et tant pis si la dentelle masquait la peau laiteuse de Deborah. « Donc clairement, t’entendre me dire que tu as eu l’idée de baptiser le capot de ma voiture, ça me fait vriller. » Forcément ; c’était de Camil dont on parlait. Pas d’un saint, loin de là. Il enfila son haut et son pantalon, alors qu’il poursuivait sa démonstration presque mathématique. « Et entendre finalement que non, ça ne se produira pas pour des raisons obscures… » La voyant sur le point de protester, il leva une main pour lui intimer le silence. « Ça, ça me fait encore plus vriller. » Admit-il en faisant la moue, alors qu’il observait l’Irlandaise enfiler sa robe. Il la préférait sans, et ne manquerait pas de le lui faire savoir un jour au l’autre — mais pour le moment, il préférait surfer sur la carte de l’amant déçu et désappointé. Il enfila ses chaussures, attendit que Deborah en fasse de même, et alla s’installer derrière le volant. Il démarra, quitta les lieux interdits où ils avaient été plus proches que jamais, et s’engagea sur l’autoroute. « Du coup, j’aimerais bien que tu me prépares à la suite… Parce que tôt ou tard, je t’assure que mon coeur va lâcher. » S’il en faisait trop ? Evidemment ; il avait tout l’air d’une drama Queen, à cet instant précis. Mais il adorait ça, Camil ; il adorait en faire des tonnes. « Quel autre tourment me réserves-tu, Deborah Brody ? » Demanda-t-il en tournant la tête vers sa passagère. Il reporta son attention sur la route, et doubla un camion. Sa main droite se posa sur le genou de la brune, tandis qu’il suggérait : « L’envoi de photos dénudées avant un discours important ? » Son index et son majeur dessinaient des motifs inconnus sur sa peau claire, avant de disparaître sous les tissus de sa tenue, remontant jusqu’au milieu de sa cuisse. Est-ce qu’il jouait avec le feu, et tentait le diable ? Absolument. « Un lapdance alors que je suis en plein milieu d’un coup de téléphone essentiel pour ma campagne ? » Proposa-t-il, alors qu’il s’amusait à imaginer toutes les idées farfelues de la brune pour lui faire tourner la tête. Il quitta l’autoroute, s’engagea dans la ville, et s’arrêta à un feu rouge. Il se pencha vers elle, déposa ses lèvres sur son épaule, et remonta jusqu’à son cou, puis son oreille. « Tu sais quoi ? Peu importe ce que tu feras, je suis sûr que ça me rendra dingue. » Déclara-t-il en soupirant, faussement résigné. Mais s’il était tout à fait honnête avec lui-même, il devait bien reconnaître que ça ne le gênait pas des masses. Voire même pas du tout, d’ailleurs.
Si Deborah n’avait pas relevé et s’était contentée de le pousser en signe de désapprobation, elle espérait qu’après ce soir Camil comprendrait par lui-même que ni l’argent ni aucune excuse ne serait nécessaire pour la faire rester s’il avait besoin d’elle. Elle le considérait comme un ami au-delà de tout et même si elle ne serait plus capable de se montrer autant disponible que maintenant – bien qu’elle se doutait qu’il n’en aurait plus autant besoin de toute façon – elle se montrerait présente s’il hurlait au secours à l’avenir. Elle était ainsi avec ses amis, quitte parfois à se mettre au second plan. Pour sûr qu’elle aurait l’occasion de lui prouver plus tard, elle en était intimement persuadée. Tout comme elle était persuadée d’avoir entendu une personne approchée, la poussant à se refugier dans un buisson, quitte à s’égratigner un peu la peau. Quelle idée elle avait eu d’écouter le Camil déboussolé par leur commencement d’aventure qui l’avait sommé de l’attendre à la voiture. La connerie de Deborah finirait un jour par la perdre, d’autant plus lorsque son partenaire de crime en profitait encore en s’échappant avec ses fringues entre les mains, obligeant la brune à sortir de sa cachette pour le suivre et utiliser ses mains en pseudo cache poitrine tandis qu’elle notait dans son esprit son expertise en bisous magiques.
La curiosité piquée, elle ne pipait pas un mot de plus quand le blond recommençait à parler dès lors qu’elle lui avait partagé son projet avorté. D’abord silencieuse, elle n’avait pas su retenir un rire quand elle comprenait où il voulait en venir en parlant de constitution normale d’un homme pour finalement arriver sur deux définitions bien différentes du mot vriller. Ce n’était pas difficile de comprendre que dans un premier temps ça l’avait rendu fou de désir et dans un second temps ça l’avait rendu amer de déception. Finalement amusée et rhabillée, Brody ne lâchait pourtant l’affaire, lui lançant un regard plein de sous-entendus tandis qu’elle essorait au maximum ses cheveux pour ne pas en foutre partout dans la voiture. « Tu sais, quand j’ai promis que ce n’était que partie remise sur la berge… ça peut aussi être valable pour le capot de ta voiture. » lançait-elle avant de prendre place à son tour dans l’habitacle, s’amusant d’avance que, justement, il était bien là le problème, tout n’était que partie remise lorsqu’ils s’agissait de sexe entre eux et l’un comme l’autre n’en pouvait plus – bien qu’ils s’en amusaient tout autant.
Néanmoins, Camil n’était pas en reste, bien déterminé à lui faire ressentir la même frustration qu’il subissait, s’attardant sur sa peau pendant sa conduite, dessinant des arabesques invisibles jusqu’au milieu de sa cuisse. Incapable de retenir ses lèvres de se pincer ainsi qu’un frisson le long de son échine, il savait très bien ce qu’il était en train de faire : rallumer un brasier à peine éteint et Deborah n’avait à cœur de faire semblant. « Tu as déjà eu la photo dénudée, même si c’était pas avant un discours mais je note la danse, c’est pas une mauvaise idée. » disait-elle non sans un rire, rapidement suivi d’un discret soupir quand les lèvres de Smith semblaient marquer leur territoire sur son épaule puis dans son cou. Profitant allégrement du feu rouge, elle l’empêchait de s’éloigner en glissant délicatement une main dans sa nuque, ses lèvres se déposant sur les siennes, juste un instant, le temps pour elle de faire entendre le cliquetis de sa ceinture de sécurité à présent détachée. « Et si la suite c’était maintenant ? Je m’en voudrais que ton cœur lâche à te faire trop patienter. » Faux, c’était l’occasion de le rendre encore plus fou puisque qui disait feu rouge, disait aussi feu vert dans les secondes à venir et l’impossibilité pour lui de se concentrer sur autre chose que la conduite jusqu’au parking de chez lui, ou presque.
Un coup de klaxon derrière eux les rappelait d’ailleurs à l’ordre mais c’était mal connaître Deborah que de penser que ça allait l’empêcher de faire quoi que soit. Bien au contraire et pour sûr que Camil le savait et devait sûrement s’attendre à tout. « Tu veux que je te dise ? » disait-elle à son oreille, tel un secret, avant de déposer un baiser dans son cou à son tour. « Ça serait dommage d’avoir une voiture familial pour ne profiter que de son capot. » des mots ponctués d’une caresse furtive à l’encontre de l’objet de ses désirs avant qu’elle ne s’échappe. Stratégiquement, elle avait reculé au maximum son siège lui permettant d’avoir un espace plus grand entre leurs sièges pour se glisser sur la banquette arrière et plus précisément derrière Camil. Sans attendre, elle retirait la tête du siège, s’octroyant un libre accès à la nuque de son amant, ses lèvres s’y glissant sans même s’annoncer, ses dents accrochant parfois sa peau fine pour le faire vriller, dans le bon sens du terme. « Je te laisse choisir, Smith. Continue de conduire jusqu’au parking de chez toi ou gare-toi maintenant où tu peux. De mon côté… » Un court instant de silence, juste le temps pour elle de glisser sa main gauche au-dessus de son épaule et laisser choir son string à l’entrejambe du blond, tandis que son autre main déréglait son rétroviseur intérieur pour le braquer sur elle. « … il n’est plus question d’attendre. » Un dernier baiser sous son oreille, une derrière caresse contre son torse et dorénavant ses mains n’allaient être consacrées qu’à son propre plaisir jusqu’à ce que Camil soit capable d’en prendre le relai.
Spoiler:
@Camil Smith j'ai pas réussi à écourter autant que je le voulais mais j'ai coupé un peu quand même, c'est déjà bien, non ?